Sous ce terme, on désigne des troubles pour lesquels les manifestations
somatiques (ou "expression somatique") sont au premier plan du
tableau clinique et qui comportent, dans leur déterminisme des troubles de la
relation enfant entourage.
Nous étudierons successivement :
- Les troubles
fonctionnels du nourrisson : coliques du premier trimestre, insomnie,
anorexie, vomissements, mérycisme ;
- Quelques symptômes
observés fréquemment chez l'enfant plus grand : énurésie, encoprésie,
douleurs abdominales.
1 Troubles fonctionnels du nourrisson
Ces troubles ne sont pas superposables à la catégorie troubles fonctionnels
de l'adulte, en effet :
- l'enfant (et plus encore
le bébé) traduit volontiers les troubles de son psychisme et de sa relation
à autrui par des dysfonctionnements au niveau du corps ;
- l'enfant est un être en
plein développement, constituant sa future personnalité, selon des étapes
dans sa maturation psychique : ainsi faut-il toujours faire référence à l'âge
du bébé, de l'enfant en ce qui concerne les troubles fonctionnels ("à
chaque âge sa pathologie"), l'apparition (et la disparition) des
troubles est en relation avec le stade naturatif. Une insomnie du premier
semestre n'est, par exemple, pas comparable à une insomnie de la deuxième
année ; l'anorexie "nerveuse" commune survient après 6 mois et une
anorexie très précoce doit être considérée différemment ;
- les troubles dans la
relation enfant-entourage sont des troubles de l'interrelation, chacun des
protagonistes est à la fois agissant et réagissant ; le bébé, l'enfant
n'est pas passif, il induit des conduites qui peuvent paraitre distordues chez
les parents et notamment la mère ; l'accent avait surtout été mis sur le
poids de facteurs désorganisants pour l'évolution de l'enfant chez la mère
et les parents, il faut, dans cette perspective, s'intéresser aux représentations
que les parents se font de l'enfant, représentations imaginaires en grande
partie, qui ont fait parler d'interrelations fantasmatiques entre parents,
surtout la mère et le nourrisson.
1.1 Pathologie des trois premiers mois
1.1.1 Les coliques du premier trimestre ou cris paroxystiques ou
coliques idiopathiques
Cette affection débute 8 ou 15 jours après la naissance, par des cris
survenant peu après le repas, durant plus ou moins longtemps. L'enfant parait
souffrir du ventre, aussi parle-t-on volontiers de "coliques".
L'examen clinique est nécessaire et montre souvent un discret météorisme.
Le bébé est en bonne santé, mais décrit par les parents comme
"nerveux".
SPITZ avait déjà noté la conjonction de deux facteurs, la rencontre
d'une mère anxieuse ("sollicitude excessive et anxieuse de mère")
et d'un "bébé hyperactif" comme conditions favorables, sur le plan
psychique et relationnel, de survenue des coliques du premier trimestre. L'évolution
spontanée vers la guérison se fait aux alentours de trois mois.
1.1.1.1 L'examen clinique
Ce syndrome débute habituellement entre le huitième et le quinzième jour,
quelquefois dès le retour de la maternité. Il est caractérisé par
l'existence de cris survenant peu après le repas et qui vont durer plus ou
moins longtemps, quelquefois jusqu'au repas suivant. Ils surviennent plus
volontiers à la fin de l'après-midi et dans la soirée ; ils ne durent pas,
en général, au-delà de la première partie de la nuit. Pendant qu'il crie
l'enfant paraît souffrir du ventre et il est remarquable que les mères,
presque toujours, parlent spontanément de "coliques". D'ailleurs,
il existe souvent une symptomatologie à ce niveau : l'abdomen est un peu
tendu, météorisé, l'émission de gaz intestinaux fréquente. Les cris sont
calmés par l'alimentation mais pour une courte durée et, bientôt, les cris
reprennent. Ce fait aboutit généralement à une suralimentation.
Ce nourrisson, par ailleurs, est en bonne santé, se développe normalement
et même, quelquefois, prend du poids de façon excessive. Il est volontiers décrit
comme "nerveux" car il est effectivement hypertonique. Ce qui est
frappant et conduit au diagnostic est précisément ce contraste entre un
enfant apparemment en bonne santé et l'anxiété flagrante de la mère et de
l'entourage avec, parfois, une succession spectaculaire de changements
intempestifs... Le plus souvent, le transit intestinal est normal ; il peut
exister des épisodes de diarrhée ou de constipation modérées (mais, dans
ce contexte ils inquiètent beaucoup).
1.1.1.2 Conditions de survenue
Un certain nombre de constatations ont conduit à proposer une compréhension
"psychologique" de ce syndrome : d'une part, il survient entre une mère
manifestement anxieuse (sollicitude "excessive et anxieuse" de
SPITZ) et un nourrisson considéré comme "hypertonique" ; d'autre
part, le bercement, la sucette, font disparaître les cris, de même que la séparation
de la mère et de l'enfant. Ce syndrome ne serait jamais observé dans les
collectivités d'enfants. Enfin, la prise en charge médico-psychologique
permet souvent de voir diminuer ou disparaître les troubles du jour au
lendemain sans autre intervention thérapeutique.
Il est habituel d'observer que la "colique" survient dans une
relation particulière marquée par la difficulté maternelle à gérer son
anxiété et son agressivité par rapport au bébé. Cependant, d'autres études
n'ont pas retrouvé ces facteurs émotionnels maternels, et concluent à des
difficultés transitoires du développement, somme toute banales ou à des
perturbations qui s'originent chez l'enfant.
1.1.1.3 Attitude pratique
L'attitude du médecin est le premier élément thérapeutique. Le
"traitement" commence vraiment quand les parents, plus ou moins désemparés,
ayant en général consulté déjà plusieurs médecins, rencontrent une
personne qui paraît bien connaître la symptomatologie de leur enfant et
montre de la disponibilité. La deuxième étape consiste à rassurer les
parents sur l'absence de maladie grave, ce qu'ils redoutent toujours si on
leur permet de l'exprimer (hernie, occlusion, malformation, intolérance,
etc...). Cela suppose une bonne connaissance du syndrome, afin de n'être pas
soi-même dominé par l'arrière-pensée d'une atteinte organique. Un examen
clinique soigneux est évidemment indispensable.
Dans ces conditions, on peut faire une prescription modeste, comportant un
produit susceptible de diminuer le météorisme intestinal, ou parfois un sédatif
à faibles doses.
1.1.2 L'insomnie précoce
L'insomnie est un symptôme répandu dont la fréquence croit actuellement.
Selon DEMENT, l'insomnie correspond, en tant que trouble du sommeil à des
difficultés d'installation et de maintien du sommeil. La labilité du sommeil
et de son organisation chez le jeune enfant fait que le sommeil est un
indicateur très sensible du développement psychique de l'enfant et de son aménagement
relationnel.
Le nouveau-né dort environ 19 H par jour, sortant du sommeil pour les
repas, les phases de veille et de sommeil sont réparties sur les 24 H. Le
rythme nycthéméral ne s'établit que progressivement, le sommeil, réparti
en sommeil calme et agité (à peu près de durée équivalente au début), va
s'organiser peu à peu. Il y a donc quelques mois d'instabilité, qui peuvent
désorienter les parents et le médecin qui a pour rôle de dédramatiser la
situation et de surveiller l'évolution. Cependant, il ne doit pas
sous-estimer la valeur d'un trouble du sommeil très persistant : si
l'insomnie peut être en rapport avec de mauvaises conditions entourant le
sommeil du bébé (bruit, horaires irréguliers,...) avec des erreurs de puériculture
(suppression prématurée du repas de nuit, horaires, durée et rations ne
tenant pas suffisamment compte des besoins personnels du bébé) il faut
savoir que l'insomnie peut exprimer les difficultés relationnelles
entourage-bébé, (discontinuité dans les soins, multiplicité des personnes
qui s'occupent du bébé, trop grande rigidité ou, à l'opposé, laxisme dans
les horaires du coucher) et qu'il sera important d'aborder l'ensemble de la
relation mère-bébé et de ne pas hésiter à transmettre le problème au spécialiste.
L'insomnie est le plus souvent agitée, donnant l'impression d'une lutte
contre le sommeil, avec parfois, des balancements rythmiques ou des conduites
qui semblent auto-agressives (l'enfant se cogne contre les barreaux du lit par
exemple), l'insomnie calme ou "silencieuse" est plus insolite, le bébé
restant de longues heures les yeux ouverts sans crier. On a pu retrouver cette
insomnie dans les antécédents de psychose infantile.
1.2 Pathologie dite "du deuxième semestre"
(3-12 mois)
1.2.1 L'anorexie
Symptôme qui reste fréquent bien que l'information l'ait diminué en prônant
l'attitude de ne jamais forcer un enfant à manger, elle survient en règle générale
à partir de 5-6 mois ; S'installant plus ou moins rapidement c'est une
conduite d'opposition entre l'enfant qui refuse et l'entourage qui force et
qui utilise les moyens les plus divers pour alimenter l'enfant (jeux,
contrainte, distraction, surprise,...).
A noter que :
- la courbe pondérale
progresse, malgré l'apparente faible quantité de nourriture acceptée, la
soif est conservée ;
- l'enfant est décrit comme
en avance sur le plan du développement et "sans problème" s'il n'y
avait pas la corvée des repas, l'enfant est décrit comme plutôt gai, c'est
un bon critère distinctif.
Cette anorexie simple "réactionnelle" (outre qu'elle
apparait souvent lors du sevrage ou de la diversification de l'alimentation,
ou encore à l'occasion d'un épisode fébrile intercurrent) doit être abordée
avec tact : il s'agit, pour le médecin, de rassurer les parents, notamment la
mère, quant au pronostic somatique, de les amener à cesser de se focaliser
sur l'alimentation et donc d'entrer dans la conduite d'opposition de l'enfant.
De toute autre gravité est l'anorexie complexe (qui peut
s'installer plus précocément, dès le premier mois) intense, résistante aux
méthodes usuelles d'abord, véritable désintérêt vis-à-vis de la
nourriture, la retation mère-enfant est particulièrement distordue et cette
anorexie relève d'un abord pédo-psychiatrique.
1.2.2 Les vomissements
Après avoir éliminé une béance hiatale ou une autre maladie digestive, ils
ont des relations étroites avec l'anorexie, l'enfant se laissant gaver en
quelques sorte, puis vomissant tout ou partie du repas. D'abord épisodiques,
à la fin d'un repas qui a pu demander des efforts de l'entourage, ils peuvent
devenir quotidiens ou pluri-quotidiens. Même si l'enfant parait bien manger,
pour vomir ensuite, une enquête soigneuse retrouve souvent une phase
d'anorexie qui précède les vomissements.
Parfois les vomissements revêtent un caractère intense, qui peut menacer la
vie de l'enfant (ce qui rejoint le problème de l'anorexie complexe).
1.2.3 Le mérycisme
Ce symptôme peut s'observer à tous les âges. Il est plus fréquent au cours
du 2ème semestre, et chez le garçon.
Il s'agit d'un vomissement provoqué par une série d'activités complexes
du pharynx, de la musculature thoraco-abdominale et diaphragmatique. Une
partie plus ou moins importante des aliments est rejetée, "vomie",
mais l'enfant en garde une fraction dans la bouche et la mâchonne
interminablement pour la ravaler : "il rumine". Si une grande
quantité d'aliments est vomie, une dénutrition s'installe et peut aboutir à
une déshydratation. Ces enfants, considérés comme vomisseurs, sont souvent
hospitalisés, parfois en urgence. A l'examen, il n'existe pas d'anomalie
digestive, notamment pas de béance hiatale. L'appétit est d'ailleurs conservé.
Cinq points sont à souligner :
- Le comportement du nourrisson est particulier au moment ou il
"rumine" il est entièrement absorbé dans son excercice, le regard
vide, comme "abîmé dans la satisfaction".
- Cette attitude cesse dès qu'on s'approche de lui. On peut remarquer
d'ailleurs chez ces enfants une particulière avidité du contact avec
l'adulte : le regard est mobile, perçant, une bonne relation semble s'établir
avec tous les adultes indifféremment.
- Le mérycisme peut échapper longtemps à l'observation, même en milieu
hospitalier, ce symptôme n'apparaissant que lorsque l'enfant est seul ou se
croit seul.
- On retrouve souvent à l'anamnèse des régurgitations précoces, dès la
naissance : c'est cette expérience de régurgitation que l'enfant apprend
ensuite à reproduire et qu'il perfectionne.
- Le mérycisme peut alterner avec d'autres activités répétitives (succion
du pouce, manipulation d'une partie du corps : cheveux, oreilles, organes génitaux).
Ces attitudes étant considérées comme des moyens déviés de
"satisfaction auto-érotique".
L'évolution est généralement favorable. Elle n'entrave ni le développement
moteur, ni le développement psychique de l'enfant. Quelquefois le symptôme
est observé chez des enfants ayant par ailleurs les signes d'une pathologie
plus grave.
2 Le grand enfant
2.1 Enurésie
2.1.1 Définition
L'énurésie est une miction active, complète, de caractère involontaire,
qui se manifeste ou persiste au-delà de l'âge où le contrôle physiologique
du sphincter vésical est normalement acquis. On ne parle pas d'énurésie
avant l'âge de 3-4 ans.
C'est un trouble du comportement mictionnel, par défaillance du contrôle
central de la contention des urines.
2.1.2 Les aspects cliniques
Ils sont variés ; c'est un motif fréquent de consultation au sein d'une
population enfantine (10 à 15 % des enfants dont 65 % de garçons).
1 - Elle peut être :
- soit primaire, c'est un retard du contrôle sphinctérien,
- soit secondaire, elle réapparaît après un intervalle de
propreté, l'énurésie primaire est la plus fréquente, 75 à 85 % selon
les auteurs.
2 - Suivant le rythme, on différencie :
- l'énurésie diurne, isolée, la plus rare : 3 % des cas.
- l'énurésie nocturne, isolée, la plus fréquente : 65 % des
cas.
- l'association énurésie nocture + diurne étant retrouvée dans 1/3 des
cas.
3 - Suivant la fréquence des mictions et d'après SOULE, on distingue :
- l'énurésie totale : l'enfant mouille chaque nuit,
- l'énurésie clairsemée : surtout après 8 ans, il existe
parfois des corrélations entre les nuits humides et les évènements de
la journée.
- l'énurésie intermittente où les accidents ne surviennent qu'à
certaines périodes.
- l'énurésie épisodique et occasionnelle.
2.1.3 L'examen clinique de l'enfant énurétique
1 - précise le type de l'énurésie et ses circonstances de survenue,
2 - recherche les antécédents familiaux (fréquemment retrouvés, surtout en
cas d'énurésie primaire).
3 - fait préciser :
- le mode d'éducation sphinctérienne,
- les réactions de l'enfant à son énurésie,
- l'attitude de la famille,
- les troubles associés éventuels chez l'enfant.
4 - contrôle l'absence d'atteinte somatique.
2.1.4 Le diagnostic différentiel
C'est celui des principaux dysfonctionnement mictionnels : incontrôle des pollakiuries
(infection urinaire, lithiase) d'autant qu'elles reconnaissent des
facteurs émotionnels,
- polyurie :
- du diabète,
- des syndromes polyuro-polydipsiques neuro hypophysaires, ou rénaux.
- de la potomanie.
- incontinence véritable
: trois catégories de malades peuvent faire hésiter :
- les obstacles du bas appareil (valvules, sténoses de l'urètre postérieur,
maladie du col) ; ils provoquent une rétention chronique d'urine avec
miction par regorgement. Le diagnostic repose sur l'U.I.V suivie, au
besoin, de cystographie.
- l'épispadias facilement reconnu chez le petit garçon peut être ignoré
chez la petite fille en l'absence d'un examen attentif de la vulve.
- l'abouchement ectopique de l'uretère, rare chez le garçon, se fait
soit à la vulve, soit dans le vagin, et se signale par l'association de
mictions d'apparence normale et d'accidents de culotte.
- miction automatique des
vessies neurologiques et autres dysfonctionnements nerveux, identifiés sur
l'association de troubles sensitifs objectifs, du tonus et des réflexes de
sphincter anal, un syndrome de la queue de cheval.
L'exclusion d'une maladie organique comporte trois étapes :
- l'interrogatoire minutieux pour explorer la miction : sa qualité, son
rythme nycthéméral et la défécation.
- l'examen physique complet avec exploration attentive des organes génitaux
externes, recherche d'une anesthésie en selle, du réflexe anal (toucher
rectal).
- l'examen cytobactériologique et chimique des urines peut être pratiqué
systématiquement s'il s'agit du premier examen.
C'est sur ces bases cliniques précises que sera décidée (rarement)
l'opportunité d'exploration radiologique et urologique spécialisée.
2.1.5 Facteurs étiologiques
Les facteurs psychologiques sont parmi les plus évidents dans la génèse de
l'énurésie, sans que l'on puisse rejeter l'existence de facteurs
constitutionnels favorisants.
Les "traumatismes psychiques", les discordes du milieu jouent un rôle
au moins en tant que facteur aggravant ou déclenchant l'énurésie :
- une déception (la plus fréquente est l'arrivée d'un puiné),
- une séparation,
- l'éveil des intérêts sexuels,
- les découvertes sexuelles mal acceptées,
- les difficultés dans le milieu familial et scolaire.
Chez les parents, on retrouve parfois des habitudes inadéquates dans l'établissement
de la propreté :
- attitude trop permissive empêchant l'organisation du contrôle
mictionnel : eux-mêmes ont souvent été énurétiques,
- ailleurs, des exigences beaucoup trop précoces qui mettent l'enfant
devant un obstacle insurmontable.
L'enfant : il est illusoire de vouloir tracé un profil de l'énurétique. Le
plus souvent, il s'agit d'énurésie commune. Dans de nombreux cas, on
retrouve une anxiété, des cauchemars, des terreurs nocturnes. Les garçons
sont souvent passifs, en retrait, ayant un grand besoin de réassurance. Les
filles ont un comportement plus proche de la normale ; elles se caractérisent
par un besoin d'indépendance en compétition vis à vis des garçons.
Ailleurs, l'énurésie peut être un élément secondaire dans un tableau
prévalent de troubles psychiques majeurs (déficience intellectuelle,
psychose,...).
2.1.6 Le traitement
Il est variable suivant le contexte psychologique : cependant il n'est jamais
négligeable d'obtenir une disparition du symptôme source de conflits
secondaires et maintenant l'enfant dans une attitude régressive, à condition
de ne pas méconnaître et négliger les difficultés psychopathologiques
sous-jacentes.
L'arsenal thérapeutique comporte :
1 - La prophylaxie, à savoir : éviter un apprentissage trop précoce
de la propreté avant l'âge de la marche.
2 - Des règles pratiques : éviter l'absorption de diurétiques (thé,
café, chocolat), la restriction liquidienne, prescrite le soir, est souvent
contournée par l'enfant, plus ou moins consciemment ; par contre, il faut (et
ce n'est pas facile, car c'est souvent caché par l'enfant comme par les
parents) obtenir de l'entourage la surppression des mesures
"anti-fuites" qui maintiennent l'enfant dans des positions régressives
(couches, banbinette, etc...).
3 - Les thérapeutiques médicamenteuses : beaucoup ont été préconisées,
seuls méritent d'être cités les antidépresseurs de la série des
imipramines, qui ont un effet inhibiteur sur les muscles lisses, mais pas
avant l'âge de 6 ans.
4 - L'information anatomique et physiologique : il est nécessaire
de démystifier le symptôme de l'enfant et de lui faire abandonner l'idée
qu'il est victime de quelque chose contre laquelle il ne peut rien faire. Pour
cela, une information anatomique et physiologique sur le fonctionnement de son
appareil urinaire est nécessaire. Il faut aussi rassurer l'enfant et ses
parents sur l'absence d'anomalie organique toujours plus ou moins redoutée.
5 - Le conditionnement : on utilise des appareils placés entre le
matelas et le drap : "pipi-stop", comportant un circuit électrique
qui, en cas de miction, déclenche une sonnerie. Dès les premières gouttes,
le contact est mis, une sonnerie provoque le réveil de l'enfant.
6 - Dans certains cas, une psychothérapie peut être proposée,
sous diverses modalités, indication qui relève du spécialiste en
psychiatrie infanto- juvénile.
2.2 Encoprésie
C'est le fait pour un enfant ayant dépassé l'âge habituel d'acquisition de
la propreté (2-3 ans) de déféquer dans sa culotte. L'encoprésie doit être
distinguée des incontinences du sphincter anal comme on peut en voir dans les
syndromes neurologiques et dans certaines encéphalopathies.
Elle est moins fréquente que l'énurésie et plus souvent observée chez le
garçon ; elle est presque toujours secondaire et diurne. Elle peut être
flagrante (selle moulée), réaliser une fausse "diarrhée", ou être
limitée à une souillure du slip. Elle peut s'accompagner de constipation
ou même de rétention très importante ("mégacolon fonctionnel").
Il semble que l'enfant prend l'habitude de retenir ses matières, (avec
des "ratés"). L'examen clinique du sphincter anal (neurologique et
musculaire) est par définition normal, ce qui doit bien sûr être vérifié.
L'encoprésie a une réputation de gravité plus grande pour l'avenir que l'énurésie
; il est sûr qu'on observe souvent des troubles psychiques plus marqués, et
le traitement bien plus difficile ne peut être symptomatique et relève, dans
la plupart des cas, de consultations spécialisées en psychiatrie de
l'enfant.
2.3 Douleurs abdominales
Le mal au ventre (ou "à l'estomac") est l'une des plaintes les plus
fréquentes des enfants qui ont des troubles émotionnels. Ce peut être une réaction
à un "forcing" alimentaire, l'expression d'une anxiété vive, un
élément habituel chez un enfant ayant une tendance aux plaintes somatiques.
Il peut survenir dans toutes les circonstances dans lesquelles d'autres
enfants auraient des vomissements et il est souvent associé avec (ou remplacé
par) des nausées et des vomissements. Une éventualité caractéristique est
la survenue des douleurs le matin au moment de partir à l'école.
Le problème est de le distinguer des douleurs d'origine organique ; beaucoup
d'appendicites sont enlevées à tort du fait d'un diagnostic insuffisant. A
l'inverse, des appendicites véritables sont quelquefois méconnues, spécialement
chez les enfants qui ont l'habitude de se plaindre de douleurs abdominales
et/ou de nausées et vomissements.
Quelquefois des crises douloureuses abdominales ont pu être reconnues comme
des équivalents épileptiques. C'est un diagnostic rare et difficile.
2.4 L'insomnie
L'insomnie apparait souvent à partir de la deuxième année, pouvant être en
rapport avec de mauvaises conditions de sommeil (horaires anarchiques du
coucher, suppression de la sieste pour que l'enfant dorme mieux la nuit,
etc...) et aussi avec ce qui se déroule au cours de la journée (l'enfant est
stimulé d'une façon intempestive, inadéquate et spécialement le soir,
l'enfant est balloté d'un milieu de vie à un autre,...).
Trois sortes d'insomnies ont été décrites (HOUZEL) :
- d'endormissement :
opposition au coucher le plus souvent ;
- anxieuse : avec souvent
des terrreurs nocturnes, des cauchemars ou encore des réveils anxieux,
- d'excitation ou joyeuse :
éveil prolongé nocturne, avec une attitude volontiers tapageuse de l'enfant
; il semble que ce soit l'expression d'une lutte contre un vécu dépressif
chez l'enfant.
Hélène Stork
Chapitre 1 de Enfances indiennes, étude de psychologie
transculturelle et comparée du jeune enfant. Paris: Païdos/Bayard, 1986,
p. 17-45. [Achat
"en ligne"]
Docteur en médecine et docteur ès Lettres et Sciences
humaines, ancien chef de clinique de Psychiatrie à la faculté de Médecine
de Paris, Hélène Stork a une triple formation en psychologie, en études
indiennes classiques (sanskrit) et en cinématographie anthropologique. Elle
est professeur de Psychologie clinique et transculturelle à l'Université René
Descartes (Paris V), où elle a créé le Centre d'Études et de Recherches
Interculturelles sur la Petite Enfance (C.E.R.I.P.E.). Elle effectue chaque
année, depuis 1974, une mission d'étude en Inde du Sud où elle a réalisé
plusieurs films. Elle est membre de la Société asiatique de Paris et de la
Société française de Psychologie.
Dans ce premier chapitre, j'aborderai certains aspects de ma pratique pédo-psychiatrique.
Il s'en dégage une conception de la santé mentale et de la prévention
psychologique précoce qui a inspiré mon intérêt pour l'étude comparative
des pratiques de maternage dans différentes cultures.
Lorsqu'il me fut demandé, en 1969, d'ouvrir une consultation médico-psychologique
au sein d'un Centre de Protection Maternelle Infantile de la banlieue
parisienne <1>, j'ai été frappée de constater, parmi le tout-venant
des consultants examinés par les pédiatres à l'occasion de la surveillance
de routine des premières années de la vie prévue par la législation, le
grand nombre d'enfants et même de bébés qui manifestaient, en dépit de
leur jeune âge, des symptômes somatiques ou fonctionnels révélant une
souffrance ou des difficultés psychologiques naissantes. Bien des parents,
des mères surtout, se montraient dépressives ou insécurisées dans leur
attitude et leur savoir-faire vis-à-vis du bébé.
Les taux élevés d'échecs scolaires (environ 30 %) et de délinquance
<2> qui atteignaient les enfants plus grands et les adolescents
constituaient un autre indice du malaise de la population considérée.
Certes, la population à laquelle je fais référence appartenait en
majorité aux catégories socio-économiques défavorisées <3> et
comportait un fort pourcentage de familles immigrées (50 % parmi les
consultants de P.M.I.), mais la situation que j'évoque n'est hélas pas isolée
mais comparable, sous plusieurs aspects, à celle rencontrée dans bien des
villes ou des zones suburbaines françaises et européennes <4>.
Ces constatations m'ont donc incitée à réfléchir, avec des enseignants,
des travailleurs sociaux et des professionnels de la petite enfance implantés
dans la même aire géographique, sur les conditions de vie des jeunes enfants
dans notre société.
L'expérience clinique permet, dans un grand nombre de cas, d'établir un
lien entre les difficultés psychologiques présentées par des enfants (et même
par des adultes) et le vécu perturbé de ceux-ci durant la petite enfance.
Les enquêtes épidémiologiques sur la délinquance, par exemple, ont depuis
longtemps montré le rôle favorisant des discontinuités relationnelles et
des carences précoces sur les conduites antisociales des adolescents (J.
Bowlby, 1950, 1952; K. Friedlander, 1951; H. Flavigny, 1977).
De manière beaucoup plus courante, et sans que les conséquences en soient
aussi bruyantes, il apparaît que bien des troubles du développement du jeune
enfant remontent aux premières interrelations qui se tissent entre celui-ci
et sa famille durant la période périnatale et les premiers mois de la vie.
Lorsqu'un grand nombre de bébés ou de jeunes enfants présentent des
troubles du développement ou des signes de souffrance émotionnelle, il paraît
difficile d'en rechercher exclusivement l'origine dans des crises familiales
graves ou des attitudes parentales pathogènes liées à une psychopathologie
personnelle.
Certains symptômes précoces ne relèveraient-ils pas plutôt d'attitudes
collectives vis-à-vis de l'enfance ou de pratiques de puériculture,
culturellement déterminées, mais insuffisamment éprouvées scientifiquement
et se révélant dommageables?
Ce sont certaines de ces attitudes ou de ces coutumes propres à notre société
que j'essaierai d'interroger à l'aide d'observations cliniques, car il apparaît
qu'un grand nombre de problèmes posés par la prime enfance et l'adolescence
pourraient être évités par une meilleure prise en compte de la vie émotionnelle
des tout-petits et une adaptation plus sensible de la famille et de la société
à leurs besoins.
J'aurai recours aussi à la comparaison interculturelle ainsi qu'à
l'histoire, de manière à élargir le champ d'étude des variations possibles
des comportements lors des soins donnés aux jeunes enfants.
1 - La première séparation
Les recherches d'inspiration éthologique conduites par Marshall Klaus et
John Kennel (1976) sur la période sensible du post-partum <5> ont montré
de manière explicite les bienfaits du contact entre la mère et le bébé
dans les heures qui suivent la naissance. En dépit de l'importance de cette découverte
sur les modalités d'établissement du premier lien entre le nouveau-né et sa
mère, l'usage a prévalu, dans bien des maternités européennes, de séparer,
dès la mise au monde, la mère et l'enfant.
Souci d'hygiène, préoccupation pour le repos de la mère, commodité du
service hospitalier, et surtout méconnaissance de la psychologie de la
parturiente et de celle du bébé conditionnent la persistance de cette
pratique.
D'autres travaux modernes (T.B. Brazelton, 1975, 1982; D. Stern, 1976) fondés
sur la micro-analyse des échanges comportementaux entre les mères et les bébés
ont montré que des schèmes d'interactions spécifiques se créaient dans les
heures qui suivent la naissance. Le rythme et la forme de ces interactions
sont certes fonction de la personnalité de chaque mère, mais aussi des
tendances propres de chaque bébé, ceux-ci étant loin de rester inactifs au
sein de la relation comme on l'avait longtemps pensé.
Bien entendu pour apprendre à se connaître et à s'accorder <6>, la
mère et le nouveau-né ont besoin de proximité et de temps passé ensemble.
Les échanges précoces évoluent par cycle, comme on a pu le mettre en évidence
par la méthode de l'enregistrement cinématographique, et la synchronie
posturale et mimique de la mère et du bébé ne s'acquiert que grâce à la
concordance affective qui s'établit entre eux (D. Stern, 1983).
Afin que chaque couple mère-bébé puisse trouver ses propres rythmes
d'interaction, il est donc nécessaire que les règles de soins, durant le séjour
à la maternité, ne soient pas appliquées de manière uniforme par le
personnel soignant, mais modulées en fonction des particularités de chaque
couple mère-nouveau né. Lorsque des contretemps sont introduits dans la
satisfaction des besoins du bébé, celui-ci réagit rapidement par des
pleurs, des difficultés à téter, des refus alimentaires ou des troubles du
sommeil. Ces manifestations inquiètent la mère qui commence à douter de ses
propres capacités à satisfaire le bébé et un cercle vicieux d'insécurité
réciproque risque de s'installer, compromettant, dès les premiers échanges,
le bien-être de la mère et de l'enfant.
L'observation suivante est un exemple de troubles du sommeil survenus chez
un nouveau-né, en dehors de tout contexte pathologique préalable, mais
induits par la fâcheuse coutume d'isoler la mère et le bébé dès les premières
heures de la vie.
OBSERVATION No 1
Laurent est un beau bébé né à terme et pesant 3,5 kg. Ses parents
sont jeunes et bien portants, sans problème particulier apparent. Dès le
retour à la maison, l'enfant a présenté des troubles du sommeil irréductibles,
il pleurait très souvent, se réveillait et s'endormait de manière imprévisible.
Tous les efforts faits par la famille pour apaiser l'enfant et pour essayer
de découvrir son rythme propre restèrent vains. Au bout de quelques
semaines, les parents épuisés finirent, par moments, par ne plus supporter
l'enfant; la mère du bébé, surtout, se déprimait et se demandait « si
elle était bien faite pour avoir des enfants ». En fait, l'origine des
cris et des troubles du rythme nycthéméral de ce bébé fut aisément décelable
lorsqu'on apprit les circonstances du séjour à la maternité. Laurent et
sa mère avaient été placés chacun dans une chambre, séparés par une
paroi vitrée. Après les tétées, Laurent s'endormait quelques minutes
puis se réveillait et criait intensément. Mais il avait été recommandé
à la mère, lorsque l'enfant pleurait, de ne pas le prendre à nouveau dans
ses bras pour que celui-ci « se règle » et s'habitue « à être seul ».
Il arrivait que le bébé pleurait et s'agitait durant de longues périodes,
tandis que sa mère le voyait et l'entendait à travers la vitre, sans oser
enfreindre la consigne donnée pour consoler et calmer son bébé. Elle
reconnut « en avoir été malade », mais elle avait fini par se persuader
qu'il en était sans doute mieux ainsi puisque quelques semaines plus tard
elle devait mettre son enfant à la crèche et reprendre son travail. « Il
ne faut pas qu'il s'habitue trop à moi, disait-elle, car je vais devoir
bientôt m'en séparer. »
Quelques semaines après le retour à la maison, au cours de
consultations médico-psychologiques qui permirent de mettre au jour
l'origine du cycle d'interactions pathogènes qui s'était installé entre
la mère, le père et le bébé, la jeune femme retrouva peu à peu
confiance dans ses capacités maternelles et elle sut trouver d'elle-même
les meilleures façons de conforter son bébé. Dès lors, le rythme nycthéméral
de celui-ci se régularisa sans autre intervention thérapeutique.
Si, dans cet exemple, le personnel hospitalier avait su comprendre les
pleurs du bébé comme une demande de contact au lieu d'y répondre par le
seul ajustement de sa ration alimentaire, il est probable que les troubles ne
se seraient pas développés.
Après les efforts de la mise au monde, la présence du bébé constitue
pour la jeune accouchée l'un des plus grands réconforts, tandis que la
proximité maternelle et l'allaitement à la demande assurent au nouveau-né
la forme de transition la plus douce avec les apports continus de la vie
intra-utérine. Le plaisir réciproque qui naît du contact entre les deux
partenaires est aussi une composante importante des premiers échanges qui
conditionnent bien des modalités relationnelles ultérieures ainsi que la
confiance que le tout-petit peut accorder à son environnement.
Depuis les dernières décennies, les progrès de la technique obstétricale
-- dont on ne saurait que se féliciter puisqu'ils ont considérablement
diminué la mortalité maternelle et infantile -- ont abouti indiscutablement
à la médicalisation de la grossesse et de la naissance. Il est malgré tout
possible, comme le font certaines équipes obstétricales, d'allier une haute
technicité à la prise en compte du vécu émotionnel de la famille et du bébé.
Tous les efforts devraient donc être faits pour que l'amélioration du
fonctionnement institutionnel et la formation psychologique du personnel des
maternités ne restent pas l'apanage de quelques services de pointe mais
gagnent l'ensemble des structures de soins.
En cas de naissance difficile ou prématurée, chaque fois que le nouveau-né
doit être hospitalisé dans un service spécialisé, une attention encore
plus grande mérite d'être accordée à ce qui se joue pour les parents dans
l'investissement qu'ils font de l'enfant. Au moment même où la sensibilité
de la femme est exacerbée par la naissance, elle se trouve brusquement séparée
du bébé. Il résulte de cette rupture un sentiment de privation et d'incomplétude
que la jeune mère majore le plus souvent sous l'effet de la culpabilité
d'avoir mis au monde un être inachevé, « pas comme les autres », « étranger
». La distorsion précoce des premiers échanges qui s'instaure ainsi risque
de devenir pathogène à long terme.
Le pourcentage élevé des mauvais traitements dont sont victimes les
enfants jumeaux ou anciens prématurés (18 % selon les statistiques de P.
Straus, 30 % selon les statistiques américaines <7>), ainsi que la fréquence
des conduites maltraitantes durant les six premiers mois de la vie de l'enfant
confirment pleinement la notion de « vulnérabilité » psychologique définie
récemment par E.J. Anthony, C. Chiland, C. Koupernik <8>.
Aussi, les parents qui ont vécu la blessure narcissique et l'angoisse
d'une naissance difficile ou pathologique devraient pouvoir bénéficier d'un
soutien au maternage, voire d'un accompagnement psychologique les aidant à
surmonter les difficultés qu'ils peuvent rencontrer au retour de l'enfant
dans la famille.
2 - Autres ruptures
Dans l'observation qui précède, il est clair que les doutes qu'éprouvait
la mère sur ses capacités à bien s'occuper de son bébé étaient d'autant
plus forts que celle-ci était habitée par la pensée de devoir bientôt se séparer
de lui pour le donner à garder. De tels cas sont fréquents.
Des remaniements psychologiques importants s'effectuent durant la grossesse
et le post-partum au cours desquels la future mère désinvestit
transitoirement le monde extérieur pour reporter ses intérêts sur l'enfant.
Une qualité très spécifique de sensibilité et d'attention se développe
alors en elle, favorisant l'empathie à l'égard du bébé et la justesse de
ses réponses aux besoins de celui-ci <9>. La perspective d'une
prochaine séparation ne peut évidemment que troubler le travail psychique en
cours. Pour les mères qui travaillent, la brièveté du congé de maternité
<10> et la difficulté à trouver un mode de garde constituent
incontestablement un facteur d'anxiété qui retentit sur l'investissement de
l'enfant.
On a surtout étudié jusqu'ici les effets sur les nourrissons des séparations
survenant lors des crises familiales graves ou dans des contextes de carences
de soins parentaux (R.A. Spitz, 1965; J. Bowlby, 1952; J. Aubry, 1965). On
s'est intéressé aussi aux conséquences nutritionnelles et psychiques du
sevrage dans les pays en voie de développement (M. Geber, J. Rabain, M.
Ainsworth, en Afrique; D.B. Jeliffe en Inde). Mais les évaluations manquent
sur les réactions des bébés aux séparations courantes, lors de la mise en
garde dans une collectivité ou du placement chez une nourrice, par exemple.
On ne sait aujourd'hui déterminer avec précision le moment auquel il serait
le moins défavorable pour un bébé d'être séparé de sa famille. Aussi l'âge
auquel il est convenu, dans notre société, d'imposer au tout-petit la première
séparation et de le sevrer est-il dicté davantage par les exigences du monde
du travail ou par l'état de santé de la mère que par une véritable
connaissance scientifique des besoins du petit enfant.
Ce sont généralement les cliniciens, médecins et psychologues, qui
observent chez les jeunes bébés les infections à répétition d'origine
rhino-pharyngée ou bronchitique, les troubles fonctionnels ou
psychosomatiques (anorexies, diarrhées, troubles du sommeil, eczéma) coïncidant
avec un placement précoce en nourrice ou en crèche. L'expérience montre que
ces troubles sont d'autant plus marqués que le bébé est plus jeune, alors
que leur fréquence diminue lors de placements plus tardifs.
Cependant, pour différentes raisons, l'adulte n'est pas toujours prêt à
reconnaître la souffrance ou l'insécurité affective du tout-petit. Il a
depuis longtemps refoulé profondément dans sa mémoire le souvenir des expériences
traumatiques qu'il a pu lui-même éprouver dans sa prime enfance. Remettre en
cause des pratiques sociales largement institutionnalisées et commodes pour
lui dérange ses habitudes de pensée et de vie. Comme le fonctionnement
psychique des premières semaines de la vie reste relativement mal connu, les
parents comme les professionnels de l'enfance hésitent à prendre en compte
la vie affective des jeunes bébés avec le même sérieux que leur santé
physique. Peut-être faut-il rappeler à ce propos, à la lumière des travaux
des historiens sur les coutumes d'éducation précoce, qu'en France jusqu'à
la fin du XVIIIe siècle environ et dans les pays européens, l'usage voulait
qu'on plaçât le petit enfant chez une nourrice jusqu'à l'âge du sevrage au
moins (P. Ariès, 1960; Shorter, 1975) <11>.
La pratique courante, dans l'Europe contemporaine, de faire garder les
jeunes bébés en dehors de la famille, lorsque la mère travaille, peut dès
lors apparaître comme la résurgence d'une ancienne tradition -- une
tradition pratiquement inconnue dans les cultures non européennes où
subsiste le système de la famille étendue.
Mon propos n'est certes pas de dramatiser la vie quotidienne dans les pays
occidentaux. Les progrès qui ont été réalisés sur le plan du confort matériel,
de l'organisation sanitaire et de l'éducation sont considérables. Le «
sentiment de l'enfance » qui n'a cessé de se développer en France et en
Europe au cours des siècles (P. Ariès, 1960) s'exprime aujourd'hui dans les
attitudes individuelles mais aussi dans un riche corpus de lois sociales
<12> qui protègent l'enfant et la famille.
Cependant, si les valeurs et les objectifs d'une société conditionnent
les attitudes collectives et individuelles des adultes vis-à-vis de
l'enfance, il reste urgent de réviser un certain nombre d'idées qui
circulent actuellement dans les milieux de la puériculture. Ces idées ne résistent
pas toutes à un examen approfondi et se révèlent parfois peu propices au
bien-être de la population enfantine. J'en donnerai deux exemples.
On préfère généralement les admissions précoces en crèche (dès l'âge
de huit à dix semaines) aux admissions tardives parce que le bébé très
jeune est supposé réagir moins fortement lors de la séparation. Sans doute
convient-il de se pencher sur le sens de cette apparente absence de réaction.
Lorsque l'enfant plus grand proteste, c'est précisément parce qu'il a
commencé d'intérioriser l'image et la présence maternelle, alors que le bébé
très jeune qui n'a pas bénéficié du temps nécessaire pour effectuer ce
travail psychique se trouve démuni et particulièrement vulnérable.
Au contraire, l'admission plus tardive à la crèche, telle qu'elle se
pratique d'ailleurs couramment dans les pays de l'Est, ne semble pas comporter
de difficultés d'adaptation majeures, même lorsqu'elle survient aux
alentours de la période critique des sixième-huitième mois décrite par
R.A. Spitz, pour peu qu'elle soit aménagée de manière progressive. A cet âge,
l'enfant a d'ailleurs franchi plusieurs étapes importantes de son développement
et il se trouve mieux préparé pour affronter l'épreuve de la séparation.
Une autre idée répandue consiste à considérer l'admission précoce en
crèche comme une mesure profitable parce qu'elle permettrait de « socialiser
» plus tôt l'enfant et de le rendre autonome. C'est évidemment méconnaître
que le processus de socialisation ne peut précéder celui de
personnalisation. Il suffit d'observer des bébés pour s'en persuader.
Dès les premiers jours de la vie, principalement à l'occasion de la tétée,
le nourrisson semble fasciné par le visage de sa mère, puis par les yeux de
celle-ci qu'il découvre au fur et à mesure des progrès de sa propre acuité
visuelle. La mère de son côté recherche activement le regard du bébé
tourné vers elle et le moment de cette découverte est marqué d'une grande
intensité émotionnelle qui renforce les sentiments tendres qu'elle commence
d'éprouver à son égard (K.S. Robson, 1967; M. Robin, 1978). A la faveur de
l'échange des regards et de la relation intersubjective qui s'élabore entre
les deux partenaires, le bébé accède graduellement à la conscience de soi,
tandis que le visage et les yeux de sa mère constituent pour lui, par les
sentiments qu'ils expriment, le premier miroir (D.W. Winnicott,
1971)<11>. En se sentant aimé l'enfant prend peu à peu conscience de
la valeur qu'il a pour autrui.
De toute évidence, à ce stade de leur évolution psychique, les bébés
se montrent davantage intéressés par la relation originelle avec leur mère
(ou avec une figure maternante privilégiée) que par celle qu'ils pourraient
entretenir avec d'autres bébés.
Il convient sans doute de rappeler aussi que c'est grâce au caractère répétitif
des moments de soins et des expériences relationnelles satisfaisantes qui s'y
rattachent que le nourrisson découvre progressivement des repères
structurants parmi les sensations discontinues qu'il ressent. La permanence et
la cohérence de l'environnement sont donc nécessaires pour permettre au
tout-petit d'acquérir le « sentiment continu d'exister » dans un univers
qui prenne sens pour lui.
Au contraire, les discontinuités répétées dans l'image des adultes qui
prennent soin de lui, la tension ou l'incohérence dans les gestes de
maternage introduisent chez le bébé un sentiment de mal-être et d'insécurité
émotionnelle qui s'exprime, comme on l'a vu, par des cris, des difficultés
de l'alimentation ou du sommeil, voire même par de véritables maladies
psychosomatiques si une désorganisation trop profonde touche les mécanismes
biologiques.
A ce stade d'immaturité le psychisme du bébé n'est qu'une ébauche. Il
est un âge pour la dépendance et un autre âge pour l'indépendance.
Si on ne dispose pas actuellement d'études quantitatives permettant d'évaluer
les conséquences sur les bébés des séparations précoces survenant dans
des situations courantes, l'appréciation qualitative des effets de telles séparations
est cependant possible grâce à l'analyse d'enregistrements filmiques pris
sur le vif d'une première séparation <14 >. La sidération posturale
du bébé, de même que les mimiques de désolation qui se lisent sur son
visage expriment mieux que ne le feraient des études statistiques extensives
la détresse qui saisit le tout-petit lorsque celui-ci se trouve brusquement
« perdu » dans un espace étranger, aux mains d'adultes qu'il voit pour la
première fois et dont il ne peut attendre l'attention sans partage dont il
aurait besoin en ce moment difficile <15>.
L'âge auquel on envisage la première séparation dans d'autres cultures
appartenant aux pays industrialisés et l'agencement de cette première séparation
appellent la comparaison. Je donnerai deux exemples de situations extrêmes.
On invoque souvent l'expérience des kibboutzim d'Israël dans lesquels les
enfants sont élevés de manière collective dès leur naissance pour
souligner le fait que, devenus plus grands, les enfants ainsi élevés ne présentent
pas davantage de troubles psychologiques que d'autres. On oublie que, dans ce
contexte culturel, la vie matérielle est justement organisée de manière à
favoriser les premiers échanges entre la famille et le nouveau-né. Le
sevrage du bébé n'intervient guère avant le sixième-huitième mois de la
vie. Lorsque la mère s'occupe de son bébé, elle est libérée de toute
autre tâche matérielle et complètement disponible pour la relation avec
celui-ci. Fait exceptionnel, le père dispose aussi de temps durant la journée
pour s' occuper de son enfant. La mère ne reprend son travail à plein temps
qu'à la fin des douze mois qui suivent la naissance et c'est seulement durant
le dernier tiers de cette période qu'elle confie de plus en plus les soins du
bébé à la « metapelet », selon la formule du « maternage concomitant »
(Rabin, 1958) <16>.
Cependant, même dans ces conditions, au moment du sevrage du bébé et de
son transfert dans le groupe des plus grands, vers dix-douze mois, on observe
généralement une chute transitoire du développement, coïncidant avec un
contact moindre de la mère (Kohen-Raz, 1967, 1968) <17>.
De toute manière, on ne saurait valablement comparer le temps consacré
par la mère à son bébé dans le kibboutz à la situation de celle qui, dans
notre société, doit simultanément mener à bien son travail extérieur,
assurer les tâches domestiques, sans être aidée le plus souvent, et se
montrer suffisamment disponible pour son conjoint, son bébé et ses autres
enfants.
En Hongrie, où, pour d'autres raisons, l'idéologie collectiviste est également
dominante, c'est une formule complètement différente qui a été adoptée.
La femme qui travaille bénéficie d'un congé postnatal de douze mois durant
lequel elle touche les trois quarts de son salaire (ou de six mois à plein
salaire). Elle a la garantie de garder son emploi durant cette période et
cette garantie peut s'étendre à deux années supplémentaires si elle décide
d'arrêter provisoirement son travail pour élever son enfant. Elle continue
alors de toucher une allocation durant ces deux ans, mais la somme en reste
modique.
Si la mère n'est pas dépressive, si elle ne souffre pas de la « maladie
des quatre murs », une telle formule présente incontestablement des
avantages puisqu'elle laisse au bébé le temps de développer spontanément
un début d'autonomie sans que celle-ci lui soit imposée prématurément.
C'est en effet autour de son premier anniversaire que l'enfant acquiert la
station verticale et la marche. Il aime alors s'exercer à un mouvement de
va-et-vient par rapport à sa mère et explorer son environnement immédiat.
Il joue volontiers à faire tomber et ramasser un jouet car il a commencé
d'acquérir le sens de la permanence de l'objet (Piaget, 1953,1959)
<18>. Il sait se reconnaître de manière explicite comme une personne
et il apprend à nommer les figures de son cercle familial immédiat. Il est
donc probable qu'à ce stade l'enfant ait acquis un degré de développement
suffisant pour bénéficier d'un élargissement graduel de l'univers
circonscrit de sa famille. Mais il ne profitera véritablement de relations
plus larges que si les bases du processus de personnalisation et de
l'attachement aux figures parentales ont été préalablement posées. Car, si
l'attachement a bien une origine biologique et phylogénique comme l'a montré
John Bowlby (1958)<19>, chez l'homme, ce qui n'était que comportement
inné d'attachement dans les premières heures de la vie se transforme en une
interaction, puis en une relation d'amour nourrie par les sentiments. Ainsi se
forment les couches profondes de l'affectivité qui constituent le socle sur
lequel se tisseront plus tard les liens entre les partenaires d'un couple, les
membres d'une famille, les individus d'une même société.
La résurgence actuelle de la violence et des comportements antisociaux
dans les pays industrialisés, de même que l'augmentation du nombre des
divorces ne sont peut-être pas sans relation avec l'affaiblissement des liens
d'attachement qu'entraîne, dans certains milieux, la coutume de soumettre
l'enfant à des ruptures prématurées susceptibles de coïncider avec des périodes
sensibles dans l'ontogenèse de l'attachement <20>.
Dans les sociétés occidentales, il apparaît qu'un grand nombre des décisions
qui sont prises à l'égard de l'enfance correspondent davantage aux demandes
des adultes qu'elles ne visent à assurer le confort de l'enfant.
J'illustrerai ce point par un phénomène récemment apparu dans notre société
concernant l'âge d'entrée à l'école maternelle.
Il semble que les difficultés à trouver pour l'enfant un placement qui
satisfasse la famille et surtout le coût des placements nourriciers ou du
prix de journée en crèche contraignent des parents à utiliser l'école
comme un mode de garde, dès que l'enfant a atteint l'âge de deux ans. Ainsi
de nombreux petits doivent passer, dans certains cas, plus de dix heures par
jour à l'école, et ce sont ceux-là mêmes, bien sûr, qui retrouvent le
soir des parents tendus, fatigués, et n'ayant guère de loisirs pour des échanges
mutuels de langage et de jeu. Cependant, si l'école ouvre de plus en plus tôt
ses portes aux tout-petits dont les deux parents travaillent, dans le souci de
faciliter la tâche des familles, on ne peut malgré tout considérer cette
mesure comme généreuse, du moins pour les enfants, car les structures de l'école
ne sont pas prêtes aujourd'hui pour cet accueil et les effectifs sont
beaucoup trop chargés, notamment dans les sections de petits.
Les conséquences des rythmes de vie durs, imposés trop tôt dans la vie,
de même que les frustrations répétées de besoins affectifs essentiels,
sont déjà perceptibles dans le fait qu'un grand nombre d'enfants très
jeunes sont décrits comme agités et agressifs, ainsi que dans le nombre de
ceux qui présentent de sérieux troubles du langage ou, du moins, un langage
pauvre, sans qu'il y ait lieu d'invoquer pour autant le bilinguisme ou le
sous-prolétariat.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'indisponibilité qu'on
constate dans certaines familles à l'égard des jeunes enfants n'est pas
l'apanage, dans notre société, des couches sociales les plus défavorisées,
elle touche tout autant la classe moyenne <21>. Plutôt que d'interpréter
ces faits comme la résultante de seuls facteurs économiques, on peut se
demander s'il n'y a pas lieu d'y reconnaître un phénomène de civilisation.
L'optique de vie centrée sur des exigences d'ordre matériel toujours plus
poussées, la fascination exercée par le monde des objets ne
correspondraient-elles pas chez l'adulte au déplacement de frustrations précoces,
de frustrations engendrées précisément par les carences de relations
maternelles et paternelles subies dans la prime enfance. Ces carences, non
comblées pour autant par des apports d'ordre matériel, engendreraient à
leur tour d'autres carences chez les descendants de ceux qui les auraient
subies.
Confier l'enfant en garde mérite des précautions et il serait souhaitable
que ce moment puisse être différé jusqu'à ce que l'enfant ait atteint un
degré d'intégration psychique suffisant pour assumer la séparation sans
dommage.
3 - Longtemps seul dans son berceau
Les recherches comparatives faites par M. Konner (1976) ont montré qu'un bébé
! kung <22>, âgé de quinze semaines passait 70 % de son temps au
contact de sa mère, contre 20 % pour l'enfant américain du même âge élevé
dans sa famille, et moins de 10 % pour son homologue élevé en institution.
Dans la majorité des pays du monde, le petit enfant jouit d'une grande
proximité avec sa mère, durant les premiers mois de sa vie, de jour comme de
nuit. Dans les pays européens, il semble que la coutume d'isoler le bébé de
l'adulte se soit imposée dès le haut moyen âge. L'usage du berceau serait
apparu, en Occident, sous l'effet des recommandations de l'Église, dans le
but d'interdire entre les adultes (parents ou nourrices) et les enfants le
contact charnel assimilé au péché, et par souci aussi de diminuer la
mortalité infantile -- les morts de nourrissons par étouffement n'étant pas
rares à l'époque <23>.
Les modes de couchage des bébés varient considérablement selon les
cultures. Le bébé américain a sa chambre à part, il passe la plus grande
partie du jour seul, en position horizontale; le bébé français a son
berceau ou son lit, mais il dort souvent dans la chambre de ses parents; il
passe aussi de longues périodes seul dans la journée en position
horizontale. Au Japon, le groupe familial, dont le bébé n'est pas exclu,
dort collectivement sur un tatami posé au sol; même mode de couchage
collectif, sous une peau de bête, dans l'igloo de l'Antarctique. En Inde, le
bébé repose au côté de sa mère, par terre sur une natte, ou sur un lit;
durant le jour, il est très souvent en position verticale, porté sur la
hanche d'un adulte ou d'un enfant plus grand, parfois, dans un hamac suspendu
au plafond; le bébé africain dort la nuit sur une couche à côté de sa mère;
il passe une grande partie de la journée en position verticale porté sur le
dos; quant au bébé amérindien, il passe la nuit dans un hamac à côté de
sa mère et durant le jour il est porté sur le dos ou sur la hanche de
celle-ci, etc.
Le contact physique entre la mère et le bébé offre à ce dernier des
avantages incontestables. Il favorise l'allaitement maternel; il sécurise le
bébé et permet à celui-ci de profiter d'un grand nombre de stimulations
sensori-motrices qui activent son éveil psychomoteur. Il est d'ailleurs intéressant
de remarquer que ce sont les nourrissons élevés de manière traditionnelle
dans le monde rural des pays non industrialisés qui présentent, durant la
première année de la vie, la plus grande avance de développement
psychomoteur (E. Werner, 1972)<24> . Les bébés africains viennent en tête,
suivis par les bébés d'Asie et d'Amérique latine. Mais une chute du développement
s'observe généralement à partir du sevrage -- celui-ci s'accompagnant d'une
prise de distance de la mère et d'une diminution concomitante des
stimulations sensori-motrices et affectives, à l'occasion le plus souvent de
la naissance d'un autre enfant.
Il est évidemment tentant d'établir une relation entre le style des
pratiques de maternage et le rythme de développement des bébés. Par
exemple, il est très probable que les stimulations vestibulaires fortes qui
abondent dans le maternage africain, comme j'aurai l'occasion de le montrer
plus loin, jouent un rôle déterminant sur l'avance psychomotrice des bébés
appartenant à cette culture.
Il n'est nullement dans mon intention de désapprouver l'usage du berceau
qui se révèle au contraire profitable au tout-petit dans la mesure où il
offre à celui-ci un espace à sa mesure, enveloppant et sécurisant. Il
assure de surcroît une fonction calorifère adaptable selon le climat. Je
voudrai seulement souligner que, dès sa venue au monde, le bébé manifeste,
en dehors des périodes de sommeil, un grand intérêt pour le contact avec
l'adulte et que ce contact, riche de stimulations sensorielles et motrices
variées, est nécessaire à son éveil psychomoteur et social. La
psychopathologie offre a contrario la preuve de l'importance des
apports du milieu sur le développement. Il n'est pas rare en effet d'observer
chez les bébés qui restent longtemps seuls, avec pour horizon principal le
plafond d'une chambre, une hypotonie musculaire, un retard moteur ou un
comportement apathique, des symptômes qui, lorsqu'ils apparaissent en dehors
de toute lésion neurologique, régressent dès que le bébé reçoit les
stimulations appropriées.
La réactivité des bébés aux stimulations sensori-motrices et sociales
est illustrée de manière exemplaire par les observations de B.M. Lester et
T.B. Brazelton (1982).
Ces auteurs comparèrent un groupe de nouveau-nés zambiens avec un groupe
de nouveau-nés américains à l'échelle d'évaluation de Brazelton
<25>, du premier au dixième jour de la vie. Le score des Américains
est resté stable durant toute la période d'observation. Au début, les bébés
zambiens étaient peu actifs et ne réagissaient guère; ils ne suivaient des
yeux ni le visage humain ni la balle qui leur était présentée; ils étaient
hypotoniques et dépourvus de contrôle de la tête lorsqu'on les tirait vers
la position assise. Leur poids et leur taille étaient inférieurs à ceux des
bébés américains en raison d'un état de dénutrition et de déshydratation
constaté à la naissance. Parmi les facteurs de restauration retenus par les
auteurs, figuraient bien sûr la réhydratation et l'alimentation, mais aussi
la richesse des stimulations offertes aux bébés par leurs mères. Celles-ci
rentraient dans leur famille dès le premier jour après l'accouchement et
allaitaient le nouveau-né fréquemment et à la demande. Elles jouaient
beaucoup avec leurs bébés et leur appliquaient les soins coutumiers de
massage et de mobilisation active. Les bébés étaient de surcroît fréquemment
pris dans les bras et manipulés par les différents membres de la famille.
Au bout de dix jours de ce régime, les performances atteintes par les bébés
zambiens se révélèrent supérieures à celles des bébés américains, en
particulier dans les domaines de l'éveil et de l'intérêt social. Leur poids
augmenta rapidement (environ d'une livre durant la première semaine passée
à la maison). Les bébés américains et leurs mères, en revanche, restaient
trois jours à l'hôpital. De retour à la maison, celles-ci nourrissaient
leur enfant toutes les trois ou quatre heures, ne jouant avec eux qu'à cette
occasion. Les bébés étaient isolés dans une chambre en dehors des tétées,
parce que leurs mères craignaient les infections et pensaient que les bébés
avaient besoin d'un long repos.
De telles observations sont parfaitement corroborées par les découvertes
psychophysiologiques modernes qui montrent le rôle considérable que joue la
motilité active sur les coordinations sensori-motrices des bébés (J.
Paillard, 1976).
Dans le domaine sensoriel, comme dans celui de la motricité, il apparaît
en effet que des structures cérébrales génétiquement préformées
n'atteignent leurs pleins développement et fonctionnement que si elles sont
actualisées par l'exercice, c'est-à-dire si elles reçoivent les
stimulations voulues en temps voulu (D. Hübel et T. Wiesel, 1979)<26>.
Or, il se révèle que la nature et la quantité des stimulations que les
adultes offrent aux bébés sont en étroite relation avec les croyances ou
les opinions qui prennent racine dans la culture ambiante.
4 - Les théories populaires ou « naïves » du développement
De nombreux facteurs conditionnent la variété des pratiques de soins
infantiles selon les cultures. Parmi ceux-ci, les théories « naïves » ou
indigènes que les différents groupes humains se font du développement et de
la santé de l'enfant jouent un rôle très important. Plusieurs recherches
ont été effectuées dans cette direction au cours de la dernière décennie
(M. Konner, 1976; A. Ninio, 1979; H. Keller, D. Miranda, G. Gauda,
1984)<27>. Explorant la société des ! Kung, M. Konner remarqua qu'une
proportion non négligeable de bébés étaient capables de tenir assis sans
appui dès l'âge de cinquante jours. Les femmes de cette ethnie pensaient que
si elles n'apprenaient pas à leurs enfants à s'asseoir, ramper, se tenir
debout ou marcher, ceux-ci ne seraient jamais capables de faire ces
acquisitions seuls parce que les os de leur dos resteraient mous et non
articulés entre eux. Du fait de cette conception du développement, les bébés
! kung étaient rarement couchés sur le dos durant la journée; ils étaient
presque constamment portés par un lien sur la hanche de leur mère,
participant à l'univers social de celle-ci. De surcroît, ils étaient soumis
à un entraînement actif à certaines postures ou activités telles que la
position assise ou la marche. Plusieurs fois par jour, les mères s'efforçaient
d'asseoir leurs bébés sur le sol, en calant leurs dos par de petits
monticules de sable, et elles jouaient avec eux.
Les coutumes et les croyances qui concernent l'enfance ont surtout été étudiées
jusqu'ici dans les cultures exotiques.
Toutefois, les pays européens et l'Amérique ne sont pas dépourvus de théories
« naïves » du développement. Celles-ci ont subi bien des changements au
cours de l'histoire et la période contemporaine est riche de controverses en
ce domaine (F.A. Montagu, 1971; G. Delaisi de Parseval, S. Lallemand, 1980).
Dans la France traditionnelle, on croyait que les os des bébés
resteraient mous s'ils n'étaient solidement maintenus. Cette idée a donné
naissance à la coutume de l'emmaillotement. Le maillot était constitué de
langes et de bandelettes très serrées de manière à ce que le bébé ne
puisse pas bouger et que ses membres ne se déforment pas <28>. Lorsque,
vers le huitième mois, l'enfant quittait le maillot, il ne gagnait pas pour
autant en liberté, car c'était pour l'échanger contre une robe rigide montée
sur des baleines. Ce costume avait pour but de maintenir bien droite la
colonne vertébrale, d'affiner la taille de l'enfant, et surtout, d'empêcher
celui-ci de marcher à quatre pattes, symbole d'animalité.
Il semble que le maillot ait commencé d'être abandonné à partir du
XVIIIe siècle. Voici ce qu'exprimait Jean-Jacques Rousseau à propos du bébé
libéré de ce carcan : « Placez-le dans un grand berceau bien rembourré où
il puisse se mouvoir à l'aise et sans danger. Quand il commence à se
fortifier, laissez-le ramper par la chambre; laissez-lui développer, étendre
ses petits membres, vous les verrez se renforcer de jour en jour. Comparez-le
avec un enfant bien emmailloté du même âge, vous serez étonné de la différence
de leurs progrès » (Émile, Livre 1, 1762).
Au XIXe siècle, les préoccupations de la médecine et de la morale
convergèrent pour rendre la prime éducation particulièrement rigide. On
isola le bébé de l'adulte par souci d'hygiène. On le nourrit à heures
fixes et on le mit sur le pot dès les premiers mois. On évitait aussi de
trop l'entourer de tendresse par crainte de le « gâter ». L'influence de la
doctrine chrétienne du péché originel est aisément perceptible en arrière-plan
du souci de discipliner l'enfant. Puisque celui-ci naît corrompu par le péché,
l'éducation se doit en premier lieu de combattre ses instincts <29>.
On retrouve aujourd'hui les vestiges de ces croyances et attitudes du passé
dans certains principes de prime éducation qui sont véhiculés par les
traditions familiales, voire même par les détenteurs du savoir officiel de
la puériculture, comme on l'a vu plus haut.
OBSERVATION No 2
« Si on donne aux bébés l'habitude d'être portés, ils deviennent
capricieux et demandent tout le temps les bras », dit la mère de Frédéric...
« Dès qu'il a fini son biberon, je m'en débarrasse et je le pose dans son
lit », ajoute-t-elle. Sa mère et sa belle-soeur lui ont recommandé de ne
pas « gâter » son fils pour qu'il ne prenne pas de « mauvaises habitudes
».
A l'âge de quatre mois, Frédéric ne tient pas sa tête et développe
un eczéma sur tout le corps. A sept mois, il est très hypotonique, ne
manifeste aucun intérêt pour les stimulations motrices; il se laisse «
glisser » sur le dos dès que sa mère tente de l'asseoir; celle-ci considère
que son fils est « paresseux ». Je remarque, lors d'une consultation, que
l'hypotonie de Frédéric n'est que relative. Quand sa mère tente de le
prendre dans ses bras, il se raidit brusquement en opisthotonos et rejette
vigoureusement son corps en arrière, en prenant le minimum d'appui sur le
buste de sa mère, comme pour s'écarter d'elle. Durant l'entretien que j'ai
avec sa mère, Frédéric posé sur un tapis dispose de différents petits
jouets placés devant lui à son intention. Il n'y touche pas, mais il les dévore
littéralement des yeux. Il affectionne particulièrement une petite girafe
qu'il finit par attraper à pleine bouche. S'il est posé sur le ventre, il
se roule aussitôt sur le dos puis il cherche, par le regard et des bruits
de bouche, à attirer l'attention de sa mère. En dépit de son retard
moteur, Frédéric se montre très éveillé. Lorsqu'il est un peu plus
grand, sa mère remarque qu'il « couine » beaucoup, puis elle précise
aussitôt : « J'évite de le regarder, car dès que je le regarde, il vient
vers moi, il veut que je le prenne. » Durant l'entretien, Frédéric
pleurniche en rampant vers sa mère; celle-ci lui propose aussitôt la
sucette qu'il laisse tomber à plusieurs reprises. Sa mère finit par
remarquer que ce n'est pas la sucette qu'il veut et elle aura cette prise de
conscience : « Oh! pour lui, c'est le toucher qui compte. » Elle précisera
d'ailleurs un peu plus tard : « A cause de sa peau, j'ai dû m'occuper
beaucoup plus de lui que de sa soeur. »
Il n'est pas de mon propos de développer ici la problématique névrotique
de la mère de Frédéric, pas plus que les facteurs d'ordre relationnel
sous-jacents à la maladie psychosomatique du bébé. Je n'en retiendrai que
la solitude affective de cette femme qui avait souffert elle-même dans son
enfance d'un manque de contact avec sa mère et d'une éducation stricte. Elle
retrouva dans sa relation de couple une situation de solitude affective auprès
d'un mari qu'elle décrivait comme « bon père pour ses enfants » mais peu
communicatif. Des entretiens thérapeutiques aidèrent peu à peu cette mère
à assouplir son attitude vis-à-vis du bébé, ce qui entraîna chez lui une
amélioration concomitante de ses troubles sans adjonction d'autre traitement.
Si cette observation est infiltrée d'une tonalité dépressive, liée à
des facteurs personnels, la distance et la rigidité de la mère vis-à-vis de
son fils ne représentent néanmoins que l'exagération poussée à l'extrême
des principes d'éducation qui circulaient dans le milieu ambiant. La crainte
que le fait de porter l'enfant ne le gâte fait partie du répertoire des idées
naïves en faveur dans de nombreuses familles. De fait, la distance par
rapport à l'enfant, la pauvreté relative des contacts physiques qui lui sont
donnés, les rythmes de vie prédéterminés par l'adulte qui lui sont imposés
apparaissent à des degrés divers comme des caractéristiques du maternage
occidental -- des caractéristiques d'autant plus frappantes si on les compare
à la richesse des stimulations kinesthésiques et tactiles ainsi qu'à la
permissivité dont jouit le petit enfant dans d'autres cultures, notamment en
Inde.
L'éducation de la propreté est un autre domaine dans lequel s'exercent
les exigences familiales.
Certains parents pensent que l'enfant sera propre d'autant plus vite qu'on
aura commencé plus tôt à le mettre sur le pot. Cette croyance n'est bien sûr
pas fondée puisque la maturation neuromusculaire ne permet guère le contrôle
de la fonction sphinctérienne avant l'âge de dix-huit mois. Par contre, tout
apprentissage forcé risque d'avoir des effets inverses sur la propreté et
surtout de modifier le comportement de l'enfant, celui-ci réagissant selon
les cas par la passivité et la soumission ou au contraire par l'opposition et
l'entêtement. L'observation suivante est un exemple caricatural du forçage
familial auquel donnait lieu l'apprentissage de la propreté et des conséquences
pathologiques qui en résultèrent.
OBSERVATION No 3
Claude a quatre ans lorsque sa famille consulte pour lui en raison d'une
encoprésie. Voici quelles ont été les conditions d'apparition du symptôme.
Le bébé naquit prématurément avec un poids de 1,550 kg et il passa
deux mois en couveuse. Ses parents eurent « l'impression d'avoir un enfant
étranger » lorsque celui-ci fut de retour à la maison. Claude pleurait
beaucoup entre ses biberons mais la mère respectait scrupuleusement le
rythme des repas qui lui avait été indiqué. Le bébé se mit à vomir, on
le força à manger, une anorexie s'installa suivie plus tard d'une attitude
capricieuse vis-à-vis de la nourriture. Le bébé dormait mal. Dès six
mois, on le mit sur le pot. La mère s'exprimait ainsi : « Encore
maintenant, on peut le laisser des heures sur le pot sans qu'il fasse, mais
il se salit tout de suite après. » L'un des nombreux médecins consultés
pour la constipation rebelle qui s'était installée parla « d'intestin
trop étroit » et conseilla de ne pas laisser l'enfant plus de deux jours
sans aller à la selle et de lui donner un lavement pour faciliter l'évacuation.
Un cycle infernal de suppositoires et de lavements s'installa. La grand-mère
paternelle qui gardait son petit-fils dans la journée s'était organisée
pour lui donner un lavement à midi après son repas, mais elle devait
chercher Claude partout car « il se cachait derrière les rideaux », précisa-t-elle.
« Tout s'est gâté depuis qu'il a eu un an; jusque-là il était parfait,
on ne l'entendait pas. J'en ai élevé cinq, s'ils avaient tous été comme
lui, je serais devenue folle. »
Parmi les symptômes présentés par Claude lors de la première
consultation il faut encore ajouter une importante instabilité psychomotrice
et un retard de langage.
Dans ce cas particulier, il apparaît que les symptômes présentés par
l'enfant ont pris une acuité particulière. De fait, ils ont été surdéterminés
par plusieurs des facteurs que j'ai évoqués dans les pages qui précèdent.
La blessure narcissique de la prématurité, la longue séparation imposée
par les conditions de la naissance, le fait que les parents se soient sentis dépossédés
de ce nouveau-né nécessitant des soins d'une haute technicité sont sans
doute responsables, dans un premier temps, des difficultés que semble avoir
eu la famille à investir le bébé, celui-ci ayant été vécu comme « étranger
». L'anxiété maternelle s'est alors cristallisée successivement sur
l'alimentation puis sur la fonction sphinctérienne. La psychothérapie qui
fut entreprise pour l'enfant révéla la profondeur de l'angoisse qu'avaient
entraînée chez lui les multiples intrusions qu'il avait subies dans son
corps depuis sa naissance. Si la dimension psychopathologique est évidente
ici, on voit néanmoins comment des attitudes parentales pathogènes peuvent
s'inscrire sur un fond de principes éducatifs contraignants largement répandus
et susceptibles de trouver un écho dans le savoir officiel.
5 - La prévention psychologique précoce
Dans les pages qui précèdent, j'ai établi un lien entre certains désordres
émotionnels observés chez les nourrissons ou les très jeunes enfants avec
des expériences relationnelles précoces traumatisantes ou insatisfaisantes.
C'est la démarche habituelle en clinique psychologique infantile que
d'essayer de comprendre le sens des symptômes présentés par un sujet en
remontant le cours de son histoire et de son vécu dans le contexte des
interrelations familiales. Cependant, à ne voir que la dimension
intersubjective des troubles, on passe généralement sous silence le rôle
des facteurs culturels. C'est le cas de la plupart des études de
psychopathologie qui ont été effectuées dans la société européenne ou américaine,
à l'exception de quelques travaux portant sur les enfants de migrants. Je me
suis donc efforcée de montrer comment, dans notre société, comme dans
d'autres groupes humains, la dimension culturelle était présente à l'arrière-plan
des gestes les plus quotidiens du maternage et des conceptions concernant la
santé et le développement de l'enfant.
Cette perspective a l'avantage de ne pas faire porter toute la
responsabilité des troubles de l'enfant à la seule famille et surtout à la
seule mère, ce qu'on a trop souvent l'habitude de faire dans la littérature
spécialisée, mais d'impliquer aussi des attitudes collectives justiciables
de progrès.
La prise en compte de facteurs culturels dans la genèse des troubles
psychologiques de l'enfance rejoint donc, à mes yeux, un objectif pratique de
prévention.
L'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) décrit deux formes d'activité
préventive qu'en termes de santé mentale infantile on peut définir ainsi :
- l'une consiste à reconnaître et à traiter les troubles avant que la
personnalité ne se structure sur le mode pathologique et que les seuils
de tolérance de la famille et de l'école ne soient dépassés. C'est la prévention
secondaire,
- l'autre se situe avant l'éclosion des troubles et porte sur l'amélioration
du milieu de vie de l'enfant. C'est la prévention primaire.
Dans une première étape de mon travail médico-psychologique auprès
d'une population enfantine de la banlieue parisienne qu'on pouvait considérer
comme « vulnérable » en raison du degré élevé de morbidité
psychologique qu'on y rencontrait, j'ai d'abord privilégié la première
approche, en me basant sur trois principes :
- Aborder la santé psychologique des nourrissons et des jeunes enfants
dans les lieux et les temps réservés habituellement à la surveillance
de leur santé physique. Cette approche me paraissait d'autant plus
logique que les aspects psychiques et corporels du développement sont
indissociablement liés dans les premières années de la vie.
- Médiatiser la prévention psychologique par un personnel de santé
pluridisciplinaire (pédiatres, puéricultrices et sages-femmes) puisque
ce personnel a pour tâche de veiller au développement harmonieux des
enfants, dès leur entrée dans la vie.
- Coordonner les actions entreprises avec toutes les personnes et les
institutions qui sont les premières à être en contact avec les jeunes
enfants et leur famille (maternités, crèches, nourrices, P.M.I., médecins
de pratique libérale, travailleurs sociaux, enseignants, etc.), dans le
souci d'améliorer les conditions de vie des tout-petits grâce à une
action concertée.
Le dispensaire de Protection Maternelle Infantile, auquel furent adjoints
successivement un Centre de Guidance Infantile et une consultation de
Planification familiale, constitua la base des activités de soins et de prévention
<30>.
En 1978, l'équipe concernée entreprit un travail d'évaluation des résultats
obtenus quatre à neuf ans après la fin du traitement d'enfants qui avaient
été suivis dans le Centre de Guidance Infantile pour des difficultés
psychologiques. Le devenir de ceux ci fut apprécié grâce à une enquête
conduite en milieu familial et scolaire.
Pour ne prendre que l'évolution des résultats scolaires -- qui
constituent un élément relativement objectif d'appréciation -- l'enquête
se révéla probante puisque les résultats en cycle primaire du groupe des
enfants « suivis » rejoignaient ceux du groupe témoin (80 % de bons et
moyens résultats dans le premier cas, contre 86 % dans le second cas) tandis
que le taux d'échecs scolaires dans le groupe des enfants ayant présenté le
même type de difficultés psychologiques mais qui n'avaient pu être suivis
était trois fois plus élevé que dans le groupe des enfants « suivis » (57
% contre 20 %) <31>.
Un autre point important que fit ressortir l'enquête concernait l'âge de
l'enfant au début du traitement. Il apparut clairement que les troubles se
mobilisaient d'autant plus vite qu'on les abordait plus tôt, c'est-à-dire près
du moment où ils apparaissaient.
Mais il faut sans doute évoquer à ce propos une difficulté. Il semble
que plus un enfant est jeune, plus il est difficile de faire prendre
conscience à ses parents, et même parfois aux professionnels de l'enfance,
que les symptômes que celui-ci manifeste relèvent de la sphère
psychologique, et qu'une aide appropriée est nécessaire. Le mythe de la «
psychiatrisation » trop souvent utilisé pour justifier la méconnaissance
qu'on a des troubles fonctionnels de la prime enfance et de la façon de les
aborder entraîne l'absence de prévention psychologique précoce; et c'est précisément
cette abstention qui conduit certains sujets chez le psychiatre pour des
traitements qui se révèlent ultérieurement beaucoup plus longs.
Il est au contraire frappant de remarquer combien, chez le petit enfant,
une intervention compétente auprès de la famille, proche du moment où sont
apparus les troubles, donne des résultats spectaculaires en mobilisant des
interactions entre familles et enfants qui se seraient révélées pathogènes
à long terme.
Les craintes que suscitent les traitements psychologiques ne sont le plus
souvent guère fondées objectivement. Elles relèvent essentiellement d'une
information insuffisante des familles et du personnel soignant. De plus, il
existe chez de nombreux adultes des attitudes défensives vis-à-vis de
l'approche psychologique précoce du fait que les questions qui concernent la
maternité et la petite enfance entrent en résonance émotionnelle dans les
couches les plus profondes du psychisme de chacun.
Il n'en reste pas moins vrai que toute approche psychologique précoce doit
être menée avec beaucoup de prudence, de nuance et de tact. Il convient d'être
vigilant pour que soient évités l'intrusion dans les familles, les attitudes
interventionnistes qui se situeraient au niveau du « conseil », les actions
autoritaires, ou le plaquage de méthodes éducatives correspondant au modèle
occidental dans des familles issues d'autres cultures.
Si je reste aujourd'hui persuadée du bien-fondé d'une approche thérapeutique
individualisée des troubles psychologiques de la petite enfance, chaque fois
que cette indication s'impose, je pense néanmoins que les actions qui se révèlent
le plus efficaces en matière de prévention sont celles qui touchent le plus
grand nombre et qui se situent en deçà de l'apparition de manifestations
psychopathologiques. Ces actions relèvent de la prévention primaire.
J'ai fait allusion dans ce chapitre à plusieurs secteurs qui me
paraissaient prioritaires en la matière : la formation psychologique des
professionnels de la petite enfance; l'information des familles sur les
besoins primordiaux des jeunes enfants; la modification de certaines pratiques
hospitalières; l'aménagement des modes de garde; et même, au risque d'être
téméraire, l'amélioration des lois qui concernent le travail et la durée
des congés postnataux.
Il est sans doute peu de domaines qui aient subi autant l'influence des idéologies
ambiantes (capitalisme, marxisme, féminisme, natalisme, etc.) que celui qui
concerne la petite enfance et la famille. Il paraît évident, à mes yeux,
que les mesures d'action sanitaire et sociale ne seront véritablement adaptées
et profitables à l'enfant que lorsqu'elles seront fondées sur des données
scientifiques. Le développement de la recherche clinique dans le domaine de
la psychologie du bébé me paraît donc correspondre à une véritable mesure
de prévention primaire. Il reste à développer des méthodes adaptées à ce
champ spécifique de la recherche qui tiennent compte de la dimension
subjective et affective dont on ne peut faire l'économie en ce domaine, tout
en objectivant suffisamment les phénomènes à explorer.
L'étude de la psychologie transculturelle est à cet égard d'un grand intérêt
par la variété des solutions de réponses aux besoins des jeunes enfants
qu'elle propose, selon les différents environnements. C'est à préciser
l'histoire et les méthodes de cette jeune discipline que sera consacré le
chapitre suivant.
Notes et références
1. Le Centre, dénommé Centre Intégré de la Petite Enfance et de la
Famille (C.I.P.E.F.), fait partie des équipements d'action sanitaire et
sociale de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne. Il dessert
une population d'environ quarante mille habitants. Par discrétion à l'égard
des cas relatés, toute autre précision de lieu a été évitée.
2. Le taux de délinquance juvénile était de 7,5 pour mille dans le
Val-de-Marne, en 1978, alors qu'il était de 4 pour mille dans l'ensemble de
la France à la même époque.
3. Les familles de niveau socio-culturel défavorisé représentaient 44 %
de la population, d'après les statistiques de l'I.N.S.E.E. A l'école, les
pourcentages d'enfants de migrants atteignaient de 30 à 50 % selon les
classes, alors que la moyenne nationale était de 8 % et la moyenne départementale
de 16 %.
4. C'est du moins la conclusion qui se dégage des visites effectuées par
plusieurs équipes venues de diverses régions de France pour s'informer sur
le type de travail accompli dans le Centre avant d'envisager eux-mêmes la création
d'un Centre d'Action médico-sociale précoce. Bien qu'avec des variantes
socio-culturelles locales, la situation que ces équipes exposaient n'était généralement
guère plus favorable. Voir à ce sujet l'analyse de M. HALLEZ-POTTIER sur la
prévention mentale dans la banlieue ouvrière de Lille (Travail d'un
psychiatre en P.M.I., Mémoire pour le C.E.S. de psychiatrie, Faculté de médecine
de Lille, 1977).
5. Ces auteurs ont observé deux groupes de mères et de bébés dans une
maternité du Guatemala dans les heures qui suivent la naissance. Puis ils ont
comparé, durant plusieurs mois, le développement et la santé des bébés
ainsi que l'évolution de la relation entre la mère et l'enfant dans ces deux
groupes : les enfants du premier groupe avaient été séparés de leurs mères
après l'accouchement selon l'usage de la maternité hospitalière où fut
pratiquée la recherche; les enfants du deuxième groupe avaient été mis au
contact de leur mère, peau contre peau aussitôt après la naissance. La
qualité de la relation mère-enfant apparut nettement meilleure dans le deuxième
groupe. Les enfants se développaient mieux et présentaient moins de
maladies. Leur mère les allaitait deux fois plus longtemps. Les contacts
entre la mère et le bébé étaient plus nombreux dans le deuxième échantillon.
La durée de la « période sensitive du post-partum » est assez brève; elle
est évaluée à moins de douze heures chez l'être humain.
Cf. SOSA, R., KENNELL, J.H., KLAUS, M., URRUTIA, J.J., « The effect of
early mother-infant contact on breast-feeding, infection and growth », in Breast-feeding
and the mother, Ciba Foundation Symposium 45, Elsevier - Excerpta Medica,
North-Holland, 1976, 179-193.
6. STERN, Daniel (U.S.A.), a développé le concept d'« accord », attunement,
entre la mère et le bébé, au Deuxième Congrès mondial de psychiatrie du
nourrisson présidé par Serge Lebovici (Cannes, 1983).
7. Cf. STRAUS, P., WOLF, A., « Un sujet d'actualité: les enfants maltraités
», La Psychiatrie de l'enfant, XII, 2, 1969, 577-628.
8. Cf. ANTHONY, E.J., CHILAND, C., KOUPERNIK, C., L'Enfant vulnérable,
coll. Le fil rouge, P.U.F., Paris, 1982.
9. Le pédiatre et psychanalyste Donald W. Winnicott a décrit sous le nom
de « préoccupation maternelle primaire » (1956) un aspect essentiel du
travail psychique qui s'effectue durant la grossesse. Cf. l'article consacré
à ce sujet dans De la pédiatrie à la psychanalyse, T.F., Payot,
Paris, 1969.
10. La durée du congé de maternité est actuellement de seize semaines
pour le premier et le deuxième enfant, de vingt-six semaines à partir du
troisième enfant (loi du 17 juillet 1980). Les mères salariées dans une
entreprise de plus de cent personnes ont aussi la possibilité de prendre un
congé parental d'éducation pour une durée maximum de deux ans, mais il
s'agit dans ce cas d'un congé sans solde.
11. Cette pratique a tendance à nous choquer aujourd'hui. Cependant, parmi
les raisons qui la motivent, il faut sans doute prendre en compte une réaction
défensive de la famille par rapport au taux très élevé de mortalité
infantile à l'époque. On évitait ainsi de s'attacher à des enfants dont
beaucoup devaient mourir en bas âge. De surcroît, en raison de la dépréciation
de l'allaitement maternel dans les milieux bourgeois (dépréciation liée à
des soucis d'esthétique féminine), le placement des nourrissons chez des
nourrices de campagne constituait pour ceux-ci une véritable forme de
protection contre les nombreuses maladies susceptibles d'être contractées à
partir du lait de vache transporté à la ville à une époque antérieure aux
découvertes de Pasteur sur la contamination par les germes et l'asepsie
(1878).
12. Rappelons que la France connaît sans doute un des meilleurs régimes
de couverture sociale par rapport a d'autres pays occidentaux depuis la création
de la Sécurité Sociale, en 1945. Cette même période a vu se développer un
régime de consultations prénatales et postnatales publiques connues sous le
nom de Protection Maternelle et Infantile (P.M.I.) et régies par les
directions départementales d'action sanitaire et sociale (D.D.A.S.S.).
13. Voir à ce sujet la réponse de D.W. Winnicott (« Le rôle de miroir
de la mère et de la famille dans le développement de l'enfant », in Jeu
et réalité, trad. fr. Gallimard, Paris 1971) à l'article de J. Lacan
(1949) (« Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je, telle
qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique », in Ecrits,
Seuil, 1966). On doit à Henri Wallon le travail inaugural en ce domaine, «
L'enfant devant sa propre image spéculaire. Du symbolisme progressif des
images et de leur réduction au réel. Apparition de l'espace suprasensoriel
», Les origines du caractère chez l'enfant, P.U.F., Paris 1949, 7e éd.,
1980.
14. On peut consulter à ce sujet le film de James Robertson (1952), Un
enfant de deux ans va à l'hôpital, ainsi que la riche documentation vidéographique
du Centre de Puériculture et de Pédagogie Appliquées (94 Sucy-en-Brie).
15. Une habitude trop fréquente veut que l'adulte s'échappe rapidement,
à l'insu de l'enfant, pensant éviter ainsi les pleurs de celui-ci. Mais ce
comportement correspond surtout à une solution d'évitement de la culpabilité
qu'éprouve chacun à laisser un tout-petit dans le désarroi. Il convient
donc de souligner que pour sécuriser un enfant lors d'une séparation, il est
préférable au contraire d'aménager celle-ci graduellement afin que l'enfant
puisse se familiariser de manière progressive avec le nouvel environnement
dans lequel il doit s'insérer, même si cette adaptation nécessite davantage
de temps et d'efforts de la part des adultes. La « semaine d'adaptation »
que préconisent aujourd'hui les responsables des crèches constitue un progrès
important à cet égard. L'admission du bébé s'effectue, dans ce cas,
progressivement et en présence de l'un ou l'autre parent.
16. Cf. RABIN, A.I., Growing up in the Kibbutz, Springer, New York,
1965.
17. Cf. KOHEN-RAz, R., « Mental and motor development of kibbutz,
institutionalized and home-reared infants », in Israel, Child Development,
39, 1968, 489-504.
18. C'est entre quatre et neuf mois que Jean Piaget situe les débuts
d'acquisition par l'enfant de la notion de permanence de l'objet. Entre neuf
et douze mois, le nourrisson est capable de rechercher l'objet disparu; mais
ce n'est qu'entre dix-huit et vingt-quatre mois qu'il est véritablement en
mesure de maîtriser la permanence de l'objet grâce à un début d'intériorisation
des schèmes d'action et à la représentation des déplacements invisibles de
l'objet (cf. La Naissance de l'intelligence chez l'enfant, Delachaux et
Niestlé, Neuchâtel (Suisse), 1959).
19. Cf. l'article princeps de John BOWLBY sur la notion d'attachement; «
L'éthologie et l'évolution des relations objectales », Revue française
de psychanalyse, XXV, 4-5-6, 1961.
20. Préserver le processus d'attachement dans les premiers mois de la vie
de l'enfant n'implique pas nécessairement que la mère en constitue le pôle
exclusif. Le père y participe bien entendu. D'autres figures maternantes
peuvent également faire fonction de supports concomitants des premiers liens
affectifs, comme on le voit dans les sociétés traditionnelles, en Inde
notamment, où la densité familiale favorise la coopération d'autres membres
de la famille aux soins de l'enfant. Malgré tout, même dans ce cas, la mère
reste la référence de base pour le tout-petit grâce à l'allaitement et à
la relation de corps à corps qu'elle entretient avec lui.
Pour une discussion de la notion d'attachement exclusif à la mère, voir
Nancy CHODOROW, The reproduction of mothering : psychoanalysis and the
sociology of gender, University of California press. U.S.A., 1978.
21. Cf. FORTIN, Jacques, « La fréquentation de l'école maternelle », in
L'Enfant de trois à six ans, dir. H. STORK, Éditions Sociales Françaises,
Paris, 1982.
22. Les ! Kung constituent une tribu de chasseurs-cueilleurs vivant en
Afrique australe, près du désert de Kalahari, dans l'Etat du Botswana.
23. Au sujet des coutumes en usage dans la France traditionnelle, voir
l'ouvrage très documenté de GELIS, J., LAGET, M., MORFL, M.F., Entrer
dans la vie. Naissances et enfances dans la France traditionnelle, coll.
Archives, Gallimard/Julliard, Paris, 1978.
24. WERNER, Emmy E., a fait une revue critique de cinquante études
transculturelles consacrées au développement psychomoteur de l'enfant dans
cinq continents. Cf. Journal of Cross-cultural psychology, III, 2,
1972, 111-134.
25. Cf. BRAZELTON, T.B., « Neonatal behavioral assessment scale », Clinics
in developmental medicine, Heinemann medical books, London, 1973.
26. La notion de plasticité cérébrale a été développée dans les
travaux de GOLDMAN, P.S., « Functional development of the prefrontal cortex
in early life and the problem of neuronal plasticity », Exper. Neurol.,
32, 1971, 366-387; Recovery of function after CNS lesions in infant monkeys, Neurosci.
Res. Prog. Bull, 12, 1974, 217-22; HUBFL, D., WIESEL, T., « Les mécanismes
cérébraux de la vision », Pour la Science, 25, 1979, 79-111;
PAILLARD, J., « Tonus, posture et mouvement », in KAYSER, C., éd., Traité
de physiologie, t. III, 6, 3e éd. Flammarion, Paris, 1976.
27. Cf. KONNER, M.J., « Maternal care, infant behaviour and development
among the! Kung », in R. Lee and I. De Vote, eds. Kalahari
hunter-gatherers. Cambridge Mass. Harvard University Press, 1976; NINIO,
A., « The naive theory of the infant and other maternal attitudes in two
subgroups in Israel », Child development, 50, 1979, 976-980; KELLER,
H., MIRANDA D., GAUDA, G., « The naive theory of the infant and some maternal
attitudes. A two-country study », Journal of Cross-cultural psychology,
15, 2, 1984, 165-179.
28. « Les membres de l'enfant sont moult tendres et prennent, de légier,
diverses figures. Et, pour ce, le doit-on lier de plusieurs liens, afin qu'ils
ne se tordent », Barthélemy L'Anglais, cité par A. Franklin, La vie privée
d'autrefois: l'enfant, la layette, la nourrice, la vie de famille, Paris,
1896; cité par GELIS, J., LAGFT, M., MOREL, M.F., op. cit.
29. « J'ai été conçu dans l'iniquité.... c'est dans le péché que ma
mère m'a porté... où donc, Seigneur, où et quand ai-je été innocent? »
ainsi s'exprimait saint Augustin, Confessions, Ed. Les Belles Lettres,
Paris, 1925; cité par J. GÉLIS, M. LAGET, M.F. MOREL, op. cit., p.
28.
30. Cf. STORK, H., FOUCHER, A., « Psychopathologie du jeune enfant, et
perspectives de prévention », Psychiatrie de l'enfant, XXII, 1, 1979.
31. Certes la réussite scolaire n'est pas nécessairement gage de santé
mentale, mais l'échec scolaire apparaît souvent malgré tout comme une conséquence
(ou une cause) de perturbations psychologiques. L'importance du taux d'échecs
scolaires dans la population enfantine considérée (environ 30 %) a renforcé
l'équipe dans l'idée de choisir le devenir scolaire des enfants comme critère
d'évaluation.
Du bon usage de l'hypnose en Médecine
praticienne.
Docteur Victor SIMON
Institut de Médecine Psychosomatique,
d'Hypnose clinique et de Thérapie brève
26 Parvis Saint Michel . 59000. Lille. France
Texte publié dans le Journal de
Formation Médicale Continue .
NORFORMEDIA N° 2 . Juillet 1997.
Régulièrement, la "une" des revues hebdomadaires
affiche "HYPNOSE", avec en second plan un regard mystérieux et
quelques cercles concentriques symbolisant l'Hypnose et ses mystères.
Il y est souvent fait un amalgame grossier entre la suggestion utilisée dans
les spectacles, et l'Hypnose thérapeutique telle qu'elle fut toujours utilisée
en Médecine.
Déjà au XVIII ème et XIX ème siècle, Messmer et Braid,
puis plus près de nous, Bernheim et l'Ecole de Nancy, Charcot à La
Salpêtrière,
avaient mis au point des modes d'intervention thérapeutique en Médecine et en
Chirurgie.
Souvenons-nous que l'Hypnose était alors la seule psychothérapie,
et que Freud utilisait, comme ses contemporains, l'Hypnose. Ce fut un échec thérapeutique
avec une célèbre patiente qui le conduisit à inventer la psychanalyse, tandis
que ses collègues et amis, Ferenczi notamment, conservèrent l'utilisation de
l'Hypnose, en psychothérapie notamment.
L'Hypnose est-elle une psychothérapie seulement ? Est-ce un
état modifié de conscience ? Que se passe-t-il au cours d'une séance
d'Hypnose ? Dans quel but, et comment obtenir un résultat définitif et quelles
en sont les indications ?
Il est important de savoir que l'état hypnotique est un état
banal dans lequel nous entrons et évoluons plusieurs fois par jour spontanément.
Il peut s'agir d'un état de rêverie : lecture passionnante, émission de télévision,
voyage dans un train, film. Le sujet se déconnecte de la réalité
environnante, tout en étant présent ici, mais aussi ailleurs, là-bas !
Ne réprimandez donc plus vos enfants quand ils regardent un
feuilleton à la télévision, et que vous les appelez trois fois de suite pour
dîner : ils sont tout à fait bien élevés, ils vous entendent parfaitement,
mais ils sont "en transe hypnotique" spontanée. Leur temps de réaction
dépend de leur état de concentration à ce moment-là.
Ce phénomène est très utile, il permet au Médecin
d'utiliser chez le patient cette faculté spontanée à entrer en Hypnose .
C'est cette modification de l'état de conscience que l'on appelle "état
hypnotique", le terme "transe hypnotique" étant celui qui fut
utilisé en premier, tout comme l'angine de poitrine définissait en fait une
coronarite. A la différence de celle-ci, l'état hypnotique est un phénomène
physiologique spontané et normal. Le but du Médecin est de cultiver et
entretenir ce phénomène naturel, à la demande du patient, dans un but thérapeutique.
C'est ce qui rend cette nouvelle hypnose tout à fait éthique.
Il s'agit, sans suggestion intrusive, et en respectant intégralement
son écologie psychique, d'aider un sujet à trouver des solutions à un niveau
inconscient, et d'accéder à ses ressources profondes. Ce faisant, il peut
alors résoudre le ou les problèmes qui le bloquent.
Ce travail peut se faire pendant une session, au cours de
laquelle, par le biais d'une conversation banale, ou l'évocation d'un souvenir
agréable, le sujet peut accéder à cet état hypnotique.
Au cours de ce travail, il se fait un réaménagement
psychique qui permet au patient de trouver une solution à son problème.
Cette nouvelle Hypnose, dont , Milton ercickson psychiatre américain
fut l'initiateur, permet aussi d'aborder une multitude de troubles en médecine,
en chirurgie, et d' agir sur la composante psychosomatique de bon nombre
d'affections.
De multiples expériences en laboratoire de physiologie ont
montré que de très nombreuses fonctions étaient modifiées dans le sens de la
régulation lors d'une séance d'Hypnose : rythme respiratoire et cardiaque,
tension artérielle, spasmes bronchiques, tonus sympathique et parasympathique,
tonus musculaire, sécrétion acide gastrique, sensibilité viscérale
digestive, vasodilatation, vasoconstriction. Il a même été constaté de façon
régulière une diminution du temps de saignement, et les médecins et
chirurgiens qui utilisent l'analgésie hypnotique, sont toujours impressionnés
par l'absence de saignement du champ opératoire.
Chez les grands brûlés, il est constaté que l'Hypnose
permet non seulement l'analgésie et la mobilisation précoce du sujet, mais
surtout diminue de façon constante les fuites hydro-électrolytiques et la déperdition
plasmatique. Elle est largement utilisée dans les services de brûlés des
Hopitaux militaires français.
Les indications de l'Hypnose en pratique quotidienne:
- En obstétrique , on utilise l'effet analgésique sur les
douleurs de l'accouchement, ainsi que sur le rythme des contractions utérines.
- En stomatologie et chirurgie dentaire, elle facilite les
soins dentaires en permettant un meilleur contrôle de la douleur, du
saignement, de la salivation et permet de mieux lutter contre l'anxiété, les réflexes
nauséeux, le bruxisme...
- En Anesthésie , il est possible de diminuer l'anxiété pré-opératoire,
et même de pratiquer certaines interventions sans recourir à l'anesthésie générale,
comme cela est pratiqué couramment, pour thyroïdectomie, au C.H.U de Liège.
- En Rhumatologie et Traumatologie , l'Hypnose est un appoint
précieux, augmentant le confort des patients sur la douleur et la mobilité.
Dans les algodystrophies, des résultats spectaculaires ont été observés
permettant une reprise de l'activité.
- Pour les brûlés , la suggestion de froid, au début, va
bloquer les réactions réflexes associées, permettre une analgésie pendant
les soins, et éviter de nombreuses anesthésies générales.
- En pathologie vasculaire : certaines hypertensions artérielles,
Maladie de Raynaud.
- En Pneumologie : l'asthme plus particulièrement.
- En Dermatologie: eczéma, psoriasis, verrues, prurit et
toutes les affections psychosomatiques.
- En Sexologie : tous les dysfonctionnements sexuels.
- En O.R.L. : acouphènes, vertiges, dysphonies, laryngospasme.
- En Neurologie : migraines, insomnies, tics, stress, anxiété,
peur, phobies, agressivité, le traitement de la douleur.
- En Psychiatrie , toutes les névroses, les troubles du
comportement : alimentaire, anorexie, boulimie, alcoolisme, toxicomanie, phobies
sociales, dépressions, névrose post-traumatique.
- En Psychothérapie : manque de confiance, timidité, préparations
aux examens et concours, problèmes scolaires, professionnels, problèmes
relationnels de couple mais aussi de la famille,
- En gastro-entérologie : dyskinésies oesophagiennes, côlon
irritable, troubles somatiques et fonctionnels digestifs , toutes les
composantes psychiques des affections psychosomatiques que sont la Recto-colite
hémorragique, la Maladie de Crohn, l'ulcère gastro-duodénal.
- En Médecine du sport : la visualisation et anticipation en
hypnose sont utilisées pour améliorer les performances.
- En Nutrition : pour la thérapie de l'obésité ou de la
maigreur.
- Chez le malade cancéreux : utilisation de la visualisation
en hypnose pour augmenter l'action de la chimiothérapie ou des greffes de
moelle osseuse. Il est reconnu que l'hypnose permet d'augmenter les réactions
de défenses immunitaires et modifie de taux d'Interleukine 2.
- En psychothérapie ericksonienne : la perspective qui
sous-tend l'oeuvre d'Erickson consiste à aider l'intégration personnelle et le
développement des patients, en facilitant les mécanismes inconscients qui
travaillent en permanence à notre équilibre.
Cette liste non exhaustive pourrait paraître, aux yeux de
certains, un catalogue relevant d'une approche "touche à tout".
Il faut avoir vu s'opérer ces changements dans la vie de nos
patients, pour comprendre que l'Hypnose est un puissant outil thérapeutique,
qui, manié avec un grand respect de l'Autre, et l'éthique qui est la nôtre,
peut être utilisé par chacun d'entre nous dans de nombreuses indications.
Les médecins qui l'utilisent au cours de leur pratique
quotidienne, constatent combien l'Hypnose leur est utile en consultation, en
visite et même en urgence.
L'action au niveau somatique est reconnue par de nombreux
travaux. Elle permet une approche psychosomatique de la maladie, et apprend au
patient à mieux contrôler ses symptômes et leurs conséquences par
l'apprentissage de l'auto-hypnose, notamment.
SITES SANTE PHYSIQUE DE L'ENFANT ET
ADOS
|
http://www.chu-rouen.fr/ssf/pedfr.html
Excellente page qui contient un nombre important de liens en rapport
avec la santé des enfants vraiment fabuleux
|
Sites
Médicaux Francophones - Classement par spécialités:
Excellente porte d'entrée pour une recherche dans le
domaine Médical.
|
http://www.medisite.fr/enfants/
Magnifique interface pour les questions de santé des enfants pour les
adolescents cliquez ici http://www.medisite.fr/adolescents/
|
http://www.kidshealth.org/
Un site de référence pour la santé des enfants en anglais
|
http://www.sciencepresse.qc.ca/kiosquehan/kiosquehan2.html#portails
Pour en connaître davantage
sur l'univers des personnes vivant avec un handicap,Le
cyberespace regorge de sites pertinents pour ceux qui désirent
être mieux informés. Voici une sélection de sites à voir
que vous offre l'Agence Science-Presse. Un site avec
d'excellentes références.
|
UMSA
Cadres: Consultations: Unité multidisciplinaire de
santé des adolescents à Lausanne en Suisse.
|
Virlanie
Foundation, Inc.: Association ayant pour but la
protection des enfants
|
Enfants
souffrant de trouble auditif: le site d'un établissement public accueillant
des déficients auditifs.
|
Guide
pour parents d'enfants hyperactifs Un
site d'information sur l'hyperactivité, une formule de
conseil aux parents, un site utile et bien présenté..
|
Meilleurs
sites CISE - Hôpital Sainte-Justine:Sélection
des meilleurs sites en santé, Centre d'information sur
la santé de l'enfant , une liste impréssionante de site
sur la pédiatrie. A consommer avec modération
|
Le
coin de la Psychomotricité:Voici un site où vous pourrez
trouver des informations concernant l'éducation
psychomotrice des enfants, mais également la
rééducation et la thérapie psychomotrices. Des
conseils pour les parents et tous les éducateurs au sens
large du terme, des informations, des sujets de
discussion, etc.
|
index
kinesiologie:
comment gerer son stress présentation de la kinesiologie
|
IFKA FEDERATION
FRANCAISE DE KINESILIOGIE très bonne description de la
kinesiologie
|
http://www.eliminer-le-begaiement.net/
Un site consacré au bégaiement
|
- Ces liens sont emprunté a la page http://www.chu-rouen.fr/ssf/anthrop/protectionenfance.html
-
- ABSE
Association Burkinabé pour la Survie de l'Enfance. Organisation
Non Gouvernementale travaillant à améliorer les conditions de
vie des femmes et des enfants au Burkina Faso [présentation de
l'ONG et de ses réalisations ; langue : français ; format : html
(fichier pages Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non
parrainé ; visité le 06/06/2001]. Ouagadougou-Bf
mots clés : Burkina
Faso ; mission
médicale officielle ; *protection
enfance
type : association
- AMIE Aide Médicale
Internationale à l'Enfance. Association "vouée enfants des
pays en voie de développement en favorisant des projets
individuels ou communautaires d'éducation, de santé,
d'environnement" [missions, services, projets, activités, débats,
revue ; langue : français ; format : html (fichier pages
Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non parrainé ; visité
le 11/10/2000]. Sainte-Foy-Ca
mots clés : mission
médicale officielle ; *pays
en développement ; *protection
enfance
type : association
- Association
Humanitaire 'Montluçon - Saigon' orphelinat "Hoa
Mai". Gestion de l'orphelinat 'Hoa Mai' de Long Thanh au
Vietnam [présentation de l'orphelinat ; informations pratiques
sur l'adhésion ; informations sur les stages en milieu
hospitalier ; langue : français ; format : html (fichier pages
Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non parrainé ; visité
le 04/02/2000]. Premilhat-Fr
mots clés : mission
médicale officielle ; *protection
enfance ; Vietnam
type : association
- Enfants
avant tout (Les) association d'aide à l'enfance [présentation
de l'association et de ses actions en Inde, au Rwanda, au Congo,
à Madagascar ; langue : anglais, français ; format : html
(fichier pages Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non
parrainé ; visité le 06/06/2001]. Dol-de-Bretagne-Fr
mots clés : mission
médicale officielle ; *protection
enfance
type : association
- Enfants du
Sourire Khmer (Les) association pour l'aide à l'enfance khmère.
Aider les enfants cambodgiens [présentation des actions, compte
rendu de voyages ; langue : anglais, français ; format : html
(fichier pages Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non
parrainé ; visité le 07/06/2001]. Paris-Fr
mots clés : Cambodge
; mission
médicale officielle ; *protection
enfance
type : association
- EPAB
Echange et Partage avec le Bénin. Aider le service de protection
maternelle et infantile du centre médical St-Luc à Cotonou [présentation
du Bénin, présentation de l'association, de ses buts et de son
fonctionnement, rapport financier ; courriel du maître-toile ;
langue : français ; format : html (fichier pages Internet) ; accès
: gratuit et libre ; site non parrainé ; visité le 07/06/2001].
Amance-Fr
mots clés : Bénin
; mission
médicale officielle ; *protection
enfance
type : association
- Mission
Enfance organisation humanitaire de solidarité
internationale. Porter secours, dans le monde, aux enfants en détresse
[présentation, structure, liste des interventions
internationales, partenaires, bibliographie, publications ; langue
: anglais, français ; format : html (fichier pages Internet) ;
accès : gratuit et libre ; site non parrainé ; visité le
07/06/2001]. Monaco-Mc
mots clés : mission
médicale officielle ; *protection
enfance
type : association
- Projet
Linus [présentation et historique du projet, annuaire des
points de contact, statistiques, informations pratiques pour
fabriquer les dons ; langue : français ; format : html (fichier
pages Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non parrainé ;
visité le 09/09/1999]. Saguenay, Lac Saint Jean-Ca
mots clés : mission
médicale officielle ; *protection
enfance
type : association
association patients
- ACSEA
Association Calvadosienne pour la Sauvegarde de l'Enfance et de
l'Adolescence. L'A.C.S.E.A. a pour but la sauvegarde de l'enfance
et de l'adolescence inadaptées sous quelque forme que ce soit
[historique, activités, statuts ; langue : français ; format :
html (fichier pages Internet) ; accès : gratuit et partiellement
réservé ; site non parrainé ; visité le 12/06/2001]. Caen-Fr
mots clés : *enfants
handicapés ; personnes
handicapées ; *protection
enfance
type : association
patients
- AED
Assistance aux enfants en Difficulté. projet d’intervention
auprès des enfants en difficulté de 0 à 14 ans [présentation,
missions, objectifs, activités, présentation des publications,
informations sur le projet de développement local en santé pour
les enfants et leurs familles en milieu appauvri, dans le quartier
Hochelaga-Maisonneuve de Montréal ; langue : anglais, français ;
format : html (fichier pages Internet) ; accès : gratuit et libre
; site non parrainé ; visité le 05/02/2001]. -Fr
mots clés : adolescence
; enfant
; enfant
âge pré-scolaire ; famille
; *protection
enfance
type : association
patients
- Comité
National de l'Enfance [présentation de l'association ;
publications dont les comptes rendus des conférences médicales
sur l'enfance peuvent être commandés ; langue : français ;
format : html (fichier pages Internet) ; accès : gratuit et libre
; site non parrainé ; visité le 12/06/2001]. -Fr
mots clés : enfant
; France
; *protection
enfance
type : association
patients
enseignement et éducation
- Activités
de protection maternelle et infantile (Les) par M. Morellec J.
(CHU de Rennes, Institut Mère-Enfant, annexe pédiatrique, Hôpital
sud), M. Roussey M. (CHU de Rennes, Institut Mère-Enfant, annexe
pédiatrique, Hôpital sud) [site éditeur Site
médical à l'usage des étudiants de la Faculté de médecine de
Rennes Réseau pédagogique de la Faculté de Médecine de
Rennes ; protection des futurs parents, protection des enfants,
examens des 9ème et 24ème mois ; langue : français ; format :
html (fichier pages Internet) ; accès : gratuit et libre ; site
non parrainé ; mis à jour le 02/03/2000 ; visité le
13/03/2000]. -Fr
mots clés : enfant
; enfant
âge pré-scolaire ; nourrisson
; nouveau-né
; pédiatrie
/ enseignement et éducation ; *protection
enfance ; *protection
maternelle
type : cours
- Protection
Maternelle et Infantile par M. Bost M. ; Corpus médical de la
Faculté de Médecine de Grenoble [site éditeur Université
Joseph Fourier de Grenoble (UJF), Faculté de Médecine ;
historique, organisation, missions et actions ; langue : français
; format : html (fichier pages Internet) ; accès : gratuit et
libre ; site non parrainé ; daté de 1995 ; visité le
30/04/1999]. Grenoble-Fr
mots clés : enfant
; enfant
âge pré-scolaire ; nourrisson
; nouveau-né
; pédiatrie
/ enseignement et éducation ; *protection
enfance ; *protection
maternelle
type : cours
- Protection
maternelle et infantile (La) par M. Morellec J. (CHU de
Rennes, Institut Mère-Enfant, annexe pédiatrique, Hôpital sud),
M. Roussey M. (CHU de Rennes, Institut Mère-Enfant, annexe pédiatrique,
Hôpital sud) [site éditeur Site
médical à l'usage des étudiants de la Faculté de médecine de
Rennes Réseau pédagogique de la Faculté de Médecine de
Rennes ; objectifs de la PMI, historique, mesures actuelles,
structure ; langue : français ; format : html (fichier pages
Internet) ; accès : gratuit et libre ; site non parrainé ; mis
à jour le 02/03/2000 ; visité le 13/03/2000]. -Fr
mots clés : enfant
; enfant
âge pré-scolaire ; nourrisson
; nouveau-né
; pédiatrie
/ enseignement et éducation ; *protection
enfance ; *protection
maternelle
type : cours
ligne directrice pratique médicale
rapport technique
- Droits
de l'enfant (Les) rapport n°110 de la Commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement
et d'administration générale. Par M. Larché J. [site éditeur Sénat
(Le) ; diverses interventions de professionnels ; langue :
français ; format : html (fichier pages Internet) ; accès :
gratuit et libre ; site non parrainé ; daté du 27/07/1997 ;
visité le 05/07/2000]. -Fr
mots clés : enfant
; *protection
enfance
type : rapport
technique
répertoire
|