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L'éducation c'est l'affaire de tous
Contribution à la réflexion sur l'identité professionnelle des éducateurs
spécialisés |
Eric Stern nous a quitté en Novembre 2008 Vous pouvez donc simplement découvrir ici les informations qu'il avait désiré mettre en ligne sur ses réflexions dans le domaines de l'éducation et de la philosophie.
Titres et Chapitres L'éducation c'est l'affaire de tous
Contribution à la réflexion sur l'identité professionnelle des éducateurs
spécialisés Educateur spécialisé, Directeur d’institution sociale, je suis formé à la supervision et a l’intervention au sein des équipes je suis analyste thérapeute bio-énergéticien et psychodramaticien. De manière générale je réfléchi à partir du champ d’observation de ma pratique et recherche à partir de là les prémisses de ce qui pourrait devenir un conceptualisation dynamique du développement d’un point de vue éducatif Intéressé par l’éthique la philosophie l’histoire la psychanalyse et l’herméneutique je suis passionné et en recherche constante autour de la relation sous toute ses formes. Plus spécifiquement je cherche à créer et à développer dans les équipes ou avec d’autres groupes d’adultes et d’enfants des espaces relationnels conçu comme des matrices suffisamment contenantes pour permettre l’expérimentation et l’apprentissage dialogique.
L'éducation c'est l'affaire de tous
Contribution à la réflexion sur l'identité professionnelle des éducateurs
spécialisés L'éducation c'est l'affaire de tous L’éducation c’est l’affaire des adultes, c’est l’affaire de tous ! Pas uniquement l’affaire des parents, des enseignants, des psychologues, des pédiatres, des autorités ou des éducateurs. Ne croyez pas, écrivant cela, que je veuille me mêler des affaires des autres mais comme adulte et comme citoyen je suis concerné, comme chacun, par la société dans laquelle nous vivons. N’en n’a-t-il d’ailleurs pas toujours et partout été ainsi ? A chaque époque, sur tous les continents, au-delà des cultures, des religions et des formes de gouvernements ce sont toujours les adultes qui ont élevé les enfants, leur indiquant comment être en rapport avec soi même et avec les autres. Toujours et partout des formes permettant de marquer des différences entre les sexes, les âges et les dignités ont fait partie de l’apprentissage des petits humains. Puisque que la nature ne nous enferme plus, à l’exemples des autres mammifères dans des comportements sociaux prédéfini, l’éducation via les adultes à pris le relais pour indiquer les manières acceptables d’entrer et d’être en relation. Bien sûr si toujours et partout on a appris à dire bonjour les multiples manières de la faire on changer et continuerons de changer. Par exemple la révérence n’est pas comparable au frottement de nez des esquimaux. N’empêche que si la forme change le fond reste le même.Il s’agit toujours de se saluer. Tout change parce que rien ne change ce constat s’applique autant aux époques qu’aux cultures qu’elles engendrent. Dans cette perspective les humains ont sans cesse dû imaginer les formes à donner à l’éducation, c’est au fil des générations le travail de tous et de chacun. Notre époque, ni pire ni meilleure que d’autres d’ailleurs, n’échappe pas à la règle, qui veut que l’éducation, réinventant sans cesse, fasse toujours la même chose mais autrement ! Comment faire pour bien faire et pour que des enfants deviennent des adultes matures ? Les enfants pour grandir ont besoin de notre attention plus précisément ils ont besoin que tous les adultes prennent garde a eux. Parce en définitive, l’éducation ce n’est pas non plus, malgré l’importance du fait importance le seul fait que les enfants préparent leur avenir en apprenant un métier. C’est aussi qu’ils se préparent à l’avenir en apprenant des adultes comment ont devient responsables et comment ont assume les relations que l’on entretien avec soi même, avec les autres et avec l’environnement. C’est qu’ils apprennent à juger par eux même, qu’ils comprennent que leur indépendance dépend du soin qu’ils apporteront à notre interdépendance. De cet apprentissage là, celui de la civilité de base, celui de la prise de conscience qui passe aussi par l’exemple, nous sommes tous responsable même si ce n’est pas de la même manière ni avec la même intensité. Vous savez il passe aussi par les petites choses de la vie quotidienne, un regard, un sourire, même un froncement de sourcil à l’occasion et pourquoi pas un bonjour même si la politesse voudrait qu’ils saluent les premiers ! Si le mot exemple à toujours un sens c’est bien dans ces petits riens qu’il le prend. Ne nous y trompons pas malgré la télé, les consoles et le portable, les enfants ont encore et toujours besoin de notre soutien. La loi, et c’est tant mieux, ne peut pas forcé la sollicitude c’est pourquoi le souci partagé de l’éducation de tous les enfants relève de la conscience autant personnelle que civique. Les enfants ne sont pas responsables du monde dans lequel ils grandissent. Ce monde c’est le notre, ils ne font que chercher, maladroitement parfois, à s’y adapter. Offrons leur au-delà des clivages, culturels, ethniques, confessionnels, générationnels et politique une place dans notre réflexion. Manifestons leur concrètement notre attention. C’est à nous adulte que revient l’initiative, La balle est dans notre camp, en ces temps de coupe d’Europe voilà qui devrait nous motiver à engager la partie et pourquoi pas à la gagné ? Etes-vous d’accord ? Sommes-nous d’accord ? Plus de sévérité ? Plus de liberté ? L’honneur revient à la ville de Lausanne d’avoir, par le biais de sa campagne conjointe avec la plate forme adolescente amené ce débats au coeur de la cité. Cette affaire nous concerne ! Parlons en ; entre amis, entre voisins, avec les associations présentent au stand du marché, dans les différentes manifestations qui agrémenterons la campagne mais aussi pourquoi pas avec des inconnus, avec ceux qui sont pour vous des étrangers, qui sait peut-être ne pensent-ils pas si différemment ? |
FORMATION EDUCATION
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Contribution à la réflexion sur l’identité professionnelle des éducateurs spécialisés.
Il est plus facile de construire des murs que des ponts !
Isaac Newton
Préambule
Cet article est né des interrogations et de la remise en question qu’engendre nécessairement toute pratique éducative ainsi que de mon désir, pour ne pas dire besoin, de les partager avec d’autres.
J’ai essayé de repérer dans mes actes, attitudes et interventions quotidiennes, ce que je ressentais comme marquant mon identité professionnelle et au-delà, comme pouvant être commun à l’identité professionnelle des éducateurs spécialisés.
Cela n’aurait eu que peu de valeur à mes yeux si je ne m’étais pas attaché à repérer aussi ce qui sous-tendait chez moi et partant, dans ma pratique, les attitudes et les actes professionnels.
Cette réflexion s’est enrichie des échanges nombreux que j’ai eu le privilège d’avoir, soit avec des professionnels du secteur social, soit avec des étudiants, et bien sûr, du formidable stimulant que m’est la lecture.
Parcours
A l’heure ou je reprend ce texte je dirige depuis cinq ans un foyer mixte pour enfants d’age scolaire.
Auparavant j’ai travaillé plusieurs années dans une institution englobant un internat et une structure scolaire dépendant elle-même du service d’enseignement spécialisé.
Tout au long de mon parcours j’ai remplis la fonction d’éducateur spécialisé* dans différents foyers pour enfants, ainsi qu’auprès d’ handicapés mentaux, sans oublier un passage assez long dans un centre de thérapie pour adolescents.
Les réflexions qui vont suivrent s’enracinent donc dans ce tissu professionnel les exemples ou comparaison que je me permettrai de faire, sont pour la plupart tirés de mon expérience .
J’espère malgré cela, que des éducateurs spécialisé travaillant dans d’autres secteurs se retrouveront, si ce n’est dans ces lignes, du moins entre elles.
* (Le titre d’éducateur spécialisé en globe aussi les éducatrices spécialisées.)
But
Ceci étant dit, j’essayerai au long de ces pages de garder présent à l’esprit la diversité des interventions des éducateurs spécialisés et la différence pratique, voire conceptuelle qu’il y a à travailler avec des handicapés profonds adultes, des toxicomanes, des enfants psychotiques ou des prisonniers.
Mon but cependant, n’est pas d’essayer de répertorier les différents terrains de travail de l’éducateur spécialisé, ni d’entrer dans le détail de ses interventions, que ce soit dans un centre de jour, un foyer, un hôpital ou la rue.
Il est d’une part de rechercher en amont des dites interventions, si quelque chose fait leur unité malgré leur diversité apparente.
Effort de rechercher , au-delà des différences, le tronc commun, les ressemblances qui seules peuvent fonder une identité professionnelle qui nous soit propre.
D’autre part j’essayerai de cerné au plus près ce qu’est à mes yeux le métier d’éducateur spécialisé d’internat spécificité que je connais le mieux.
Précision
Avant d’aller plus avant il me parait nécessaire de préciser ce que j’entends par éducateur .
Depuis l’aube de l’humanité les différentes société humaines on été confronté au problème de l’éducation des enfants. Beaucoup d’entre elle on choisi de s’en remettre au parents pour accomplir cette tâche.
C’ est le cas de notre société. Ce fait est tellement patent que l’on peut considérer, a juste titre, les parents voir le cercle familial comme des éducateurs naturels.
Relativement vite une partie importante de l’éducation concernant l’acquisition de connaissances à été confiée à des tiers, les éducateurs professionnels.
Il s’agit d’enseignants, de formateurs, d’ecclésiastiques, de maîtres d’apprentissage, de professeurs la liste n’ étant pas exhaustive .
Tous forment, enseignent, transmettent , cherchant au travers de leur discipline a éduquer l’enfant, à lui donner des moyens de s’intégrer à la société.
C’est à cette large catégorie d’éducateurs professionnels que ce rattache le métier d’éducateur spécialisé.
Ce dernier à pour mission de s’occuper de l’éducation d’enfants difficiles ou dans une situation particulière ne permettant plus aux éducateurs naturels ou professionnels autre de mener leur mission à bien.
Par extension les éducateurs spécialisés se sont occupé de bien d’autres personnes en difficulté.
Pour ce qui me concerne mon expérience professionnel ce concentre encore plus précisement sur le mode d’intervention propre à l’éducateur spécialisé d’internat.
Dans la suite du texte je différencierai donc quand cela est nécessaire à la clarté.
Educateur, éducateur naturel, éducateur professionnel, éducateur spécialisé et éducateur spécialisé d’internat.
Education, adaptation , apprentissage.
Entre le regret d’ un Eden perdu et l’aspiration à un paradis futur les individus et partant la société des hommes n’a pas fini d’ hésiter. N’est ce pas entre ces deux illusions que s’inscrit continuellement notre hypotétique présent?
L’ éducation des enfants se fait toujours en fonction d’une historicité sociale. Il n’ y a jamais de système éducatif définitif.
Les priorités que véhicule l’ éducation aujourd’hui, même si elles sont prises dans la même dynamique que celle de l’ éducatioin d’hier, à savoir préparer l’avenir et conservé le passé, n’en divergent pas moins par certains aspects. Ces apects peuvent étres classé en trois catégories concernant les buts les moyens et les méthodes employées.
Au cours del’histoire et au sein de l ’ambivalence des tendances innéherente à l’action éducative les hommes ont pensé qu’il fallait préparer les enfants de manière différentes à l’ âge adulte.
Dans une société à évolution plus lente que la notre la conservation des valeurs passées à été le fer de lance de l’éducation .
Aux moments de périodes à évolution sociale plus rapide, par exemple recemment la période post soixante huit, la tendance s’inverse et l’on accentue la préparation à l’avenir.
Dans les deux cas la priorité quand au but justifiant les moyens et les méthodes employées.
Pour caricaturer.Cadre, repression, rigidité dans le premier. Absence de structure, permissivité, laxisme dans le second.
Il existe bien sur entre ces deux tendances repère toutes la gamme possible des variations.
A y regarder de près il n’y a pas de jugement a porter sur le bien fondé de ces différentes manières d’agir, chacune ayant rechercher ce qui paraissait le plus adéquate en matière d’ éducation en conformité avec la réalité historico sociale.
Ce dont nous pouvons cependant être sur c’est de la constante nécessité de réajustement que doit, de par la nature évolutive du monde, prendre en compte l’éducation. Il depend des éducateurs et de leur attitude, d’ y participer pleinement en acceptant d’ inventer et de réinventer sans cesse.
Evolution
De “Libres enfants de Summerhill” aux thérapies comportementalistes, en passant par la théorie systémique, sans oublier bien sûr la psycho-éducation canadienne ou tel et tel programme venu en droite ligne des U.S.A., que de modèles ont traversé et inspiré le monde de l’éducation et moi avec !
Chaque fois la révolution attendue a laissé la place à des réformes plus ou moins importantes qui ont modifié et complexifié la prise en charge, sans vraiment que les positions fondamentales régissant les rapports entre les différents partenaires, ne changent en profondeur.
Il est interessant, à ce sujet, de constater qu’à de très rares exceptions près, jamais une vision théorique nouvelle n’a évincé complétement les précédentes et ce, encore moins au niveau des croyances que les précédentes avaient générés.
D’une certaine manière tout a changé, mais rien n’est vraiment différent ou si vous préférez, tout est différent alors que rien n’a vraiment changé ! Je renvoie le lecteur désireux d’en savoir plus à ce sujet, à l’étude qu’en a faite J.F. Khan dans son livre “ Tout change parce que rien ne change”.(1)
(Les chiffres renvoient à la bibliographie en fin de cet article).
C’est la forme qui se modifie sans cesse créant ainsi l’évolution mais permettant aussi la conservation des tendances de fond. Les tensions entre les polarités telles que, idéal ou réalité, progressisme ou conservatisme, société ou individu, si elles se cristallisent autour de sujets actuels, n’en restent pas moins fondamentalement les mêmes que celles d’hier ou d’avant- hier, exprimant toujours les tendances qui, en profondeur, ont agité de tout temps l’homme.
Positionnement
“Ce que nous nommons l’énergie est la tension nécessaire au mouvement créé et entretenu par deux forces opposées, l’une résistant à l’autre. La tension est le principe de la vie”. (2)
L’éducateur, accompagnant privilégié de l’individu mais aussi agent social, n’échappe bien sûr pas à ces forces “antinomiques” et ne peut donc trouver un équilibre (comme d’ailleurs un véritable funambule) que dans une oscillation dynamique entre des pôles et jamais dans une rigidité statique.
Sa voie est donc une voie médiatrice. En la suivant il est confronté, au niveau de son action, à la gageure de remplacer le “ou” disjonctif par le “et” coordinatif, cherchant à concilier idéal et réalité, progressisme et conservatisme, société et individu.
En cela l’éducateur est appelé à être autant un bâtisseur de ponts qu’un constructeur de murs. (Voie médiatrice est à distinguer de voie médiane, la première supportant les écarts dûs à l’oscillation, la seconde figeant dans un “équitable entre deux”.)
Faute d’être attentif aux enjeux de sa fonction et préférant la simplification d’un positionnement unilatéral aux risques de la réflexion, l’éducateur est en danger de n’être que l’agent d’un conditionnement social normatif !
Constat
Sans me permettre de juger des modèles de pensée déductif ou inductif (Déductif ; qui va de propositions prisent pour prémisses, à une proposition qui en résulte, en vertu de règle logique. Inductif ; qui remonte des faits à la loi, de l’observation de cas donnés à une proposition plus générale) et me bornant à les considérer comme complémentaires, je suis néanmoins sensible au fait qu’en matière d’éducation la pratique occupe la position centrale.
L’éducation spécialisée n’est pas le lieu pour refaire le monde. Il ne s’agit pas dans le cadre de son travail d’ essayer de changer la société mais de faire en sorte que des enfants en difficulté puisse s’y intégrer.
Changer la société si il y a lieu reste du ressort du citoyen quelqu’il soit et pas plus del’éducateur spécialisé que d’un autre.L’idéalisme qui à fleuri autour de notre profession et nous a confiner dans un registre vocationnel n’est plus de mise. L’éducation spécialisée est un travail très pragmatique ou le seul idéalisme professionnellement possible est celui qui tendrait à en améliorer la pratique..
C’est donc, pour moi, cette pratique qui doit engendrer la théorie et s’y ressourcer. J’aimerai, partant, souligner la différence essentielle qu’il y a entre théoriser à partir de la pratique ou pratiquer à partir d’une théorie.
La première direction ouvrant des possibles, mais laissant aussi place au doute, la seconde enfermant et excluant le plus souvent ce qui est différent et ce, quelle que soit la véracité de la théorie défendue “... car je crois n’arriver véritablement à comprendre un être humain que lorsque j’entends et que je ressens ce qu’il me dit sans avoir besoin de recourir à des théories pour me protéger contre lui, ni même de me retrancher derrière ces théories”. (3)
En matière d’éducation je ne suis pas loin de faire mienne cette pensée de Goethe : “Au commencement était l’action”.
C’est en tout cas ce qui ressort de mes vingt sept années de vie institutionnelle.
Il n’en reste pas moins que la référence à la théorie est à mon sens absolument nécessaire pour conceptualiser et comprendre la complexité du monde. Je reste persuadé ”qu’il faut des règles pour voir, pour donner forme au monde et mieux le percevoir“.(4)
Les courants de pensées auxquels je me réfère pour connaître, expliquer et comprendre ou qui m’interrogent et pénètrent ma pratique, sont éclectiques.
Ce qui ne veut pas dire que je n’aie pas de sources privilégiées, ni que je ne sois attentif à ce que mes rapports aux différents référentiels soient aussi rigoureux que possible.
A ce sujet je tiens à préciser la place privilégiée que je fais au mode de pensée de personnage tel que J.Lacan,D.W. Winicott , M.Jones,E. H. Erikson.
Pour ce dernier, la tendance “de toujours partir d’observations empiriques pour arriver à formuler ses concepts cliniques par voies de généralisations inductives offre un intérêt tout particulier à l’éducateur clinicien.
En effet, la méthode d’observation engagée est celle qui lui est le plus accessible ; c’est celle qu’il emploie de préférence pour approfondir l’étude des phénomènes observés.” (5)
Je reste bien entendu conscient de ma part de subjectivité et ne prétend pas décrire dans ces lignes la réalité mais, plus modestement, rendre compte de l’observation et de l’analyse que j’en fais, avec les moyens que j’ai.
Je constate qu’ en définitive pour ce qui concerne mon travail qu’il vaut mieux savoir élaborer hypotèses plutôt que de croire en des certitudes.
Mise au point
Quand je considére la complexité des données sociales actuelles, la diversité des interventions qu’elles ont suscitées, interventions qui se sont développées et partagées de plus en plus ces deux dernières décennies entre différents intervenants, j’éprouve le besoin de redéfinir clairement et d’affirmer ce qui fait la particularité des éducateurs spécialisés.
Dans ce sens cet article est une tentative de rappeler, en quoi et comment, l’éducation spécialisée est un métier.
Ceci dit, ces lignes ne se veulent pas corporatistes dans le sens tâtillon du terme. Si elles font émerger des différences et prennent position par rapport aux autres professionnels c’est qu’elles sont recherche, voire affirmation d’identité professionnelle mais en aucun cas rejet !
Interrogations
Depuis les années cinquante qui marquent les débuts de ce qui allait évoluer vers l’éducation spécialisée telle que nous la connaissons aujourd’hui, les éducateurs ont toujours été intrigués par leur identité.
Sujet inépuisable puisqu’il est, bien que parfois sous des formes larvées, aujourd’hui encore au centre du débat quand il s’agit d’éducation spécialisée. Les interrogations que l’on entend venant du monde extra-professionnel ou alors de professions voisines, quand ce n’est pas d’une direction voire des éducateurs eux-mêmes et que je pourrai résumer par, “à quoi servent ces éducateurs ?” expriment bien le doute ressenti face à notre identité professionnelle.
Questions heureusement sans réponse définitive, ai-je pensé longtemps, à la suite d’auteurs comme M. Lemay (6), puisque cette interrogation continuelle est un moteur du renouvellement professionnel. Celle-ci devrait permettre de mieux cerner les demandes et les besoins et d’imaginer des réponses adaptées, tant aux individus qu’à l’époque.
Je partage d’ailleurs aujourd’hui encore cette opinion que notre métier nécessite un questionnement constant. Cependant je crois aussi que ce renouvellement ne peut se produire et, c’est là une condition indispensable, que si des pistes de réflexions, voire des amorces de réponses naissent des éducateurs eux- mêmes.
Il ne s’agit pas qu’elles soient définitives, mais qu’elles engagent dans un processus et qu’elles créent une dynamique de recherche qui soit propre à notre profession et ce, au delà des clivages institutionnels.
Dans une perspective pluridisciplinaire, les éducateurs ont autant que d’autres à se servir d’outils d’observation et de moyens d’analyse.
Ceux-ci peuvent leur permettre d’être les concepteurs et les organisateurs d’un milieu de vie évolutif tenant compte des pathologies, des besoins et des possibilités des usagés et ce, d’autant plus qu’ils ont à en être les principaux animateurs.
“L’organisation d’un milieu, pensé en fonction des possibilités du jeune, relève essentiellement de la profession d’éducateurs spécialisés et de psycho-éducateurs”. (7) Je sais que, bien souvent dans la pratique, nous sommes encore loin de cet idéal. Notre problème actuel semblant être, plus prosaïquement, de faire admettre qu’il n’est pas normal, par exemple, qu’un éducateur travaille seul avec cinq enfants pendant quatre jours, comme cela se pratique dans certains foyers.
De même, à mon avis, on ne peut pas travailler seul le soir avec sept enfants sans qu’il y ait une baisse dans la qualité de la prise en charge. J’invite n’importe quel décideur qui penserait le contraire à tenter l’expérience et à expliquer ensuite en quoi son action a été bénéfique aux usagés.
Sérieusement, je pense qu’il est du devoir des éducateurs de définir et de rappeler à quelles conditions minimums, leur travail peut s’exercer dans des conditions satisfaisantes pour les bénéficiaires.
On peut sans doute économiser sur bien de choses. Cela, je n’en disconviens pas, peut être nécessaire. Je doute cependant qu’à long terme, il soit bon de le faire sur la qualité de la présence auprès des usagés !
Etonnement
J’ai toujours été surpris de constater que, le plus souvent, ce sont des personnes d’autres professions ou alors d’ex-éducateurs, qui tentent de définir notre identité professionnelle.( Force m’est de constatr que cela est aussi mon cas aujour’ hui)
Loin de négliger les apports pertinents d’auteurs comme Lemay déjà nommé ou Fustier (pour ne citer que les plus connus), dont je nourris par ailleurs ma réflexion, je ne peux cependant faire l’économie d’un questionnement face à ce constat.
Pendant longtemps j’ai cru, ou fait semblant de croire, que les éducateurs eux, n’avaient pas de temps à consacrer à des réflexions globales concernant leur métier, occupés qu’ils étaient par la confrontation à la réalité du terrain. Je nous suis excusés au nom d’un individualisme que j’entends encore brandir comme l’étendard d’une pseudo-identité. S’il s’agit là, comme on feint de l’admettre, d’un marquage d’appartenance, il ne marque à mon avis, bien souvent que des places vides.
Aujourd’hui, ces explications ne me satisfont plus qu’à moitié et force m’est de remarquer, au travers de mes différents contacts professionnels que les éducateurs n’ont que peu de capacités ou d’envies pour conceptualiser leur métier. Chaque éducateur, ou presque, identifiant quasi exclusivement sa profession à la pratique qu’il a dans son lieu de travail.
Identités
Cette identification de son identité professionnelle à sa pratique dans l’institution, si elle est partiellement normale quand elle dénote un désir de perfectionnement en vue d’une adaptabilité à des conditions et à une clientèle particulière, devient préjudiciable si elle n’est pas contre-balancée par, mais confondue avec l’identité professionnelle.
Cette dernière pouvant être définie comme ce qui, sensément, appartient en commun et en propre à tous les éducateurs.
Le perfectionnement, si nécessaire soit-il, ne doit pas non plus être confondu avec la formation qui lui est antérieure et qui, étant commune, devrait en premier lieu être un ferment constitutif de l’identité professionnelle.
L’identification à la pratique institutionnelle peut être, je n’en disconviens pas, enrichissante mais elle est, aussi et surtout, très sécurisante voire valorisante pour l’éducateur spécialisé. Particulièrement, quand paradoxalement, elle le “spécialise” en lui donnant accès à des connaissances ou à des techniques d’interventions qui sont le propre de l’institution, ou d’autres intervenants.
Encore une fois, la chose n’est pas condamnable en soi, mais reste à mes yeux suspecte lorsque cette “spécialisation” vient uniquement de ce que l’éducateur reçoit de l’institution et non de ce que l’éducateur apporte à l’institution de sa spécificité. C’est-à-dire, une manière d’observer, de concevoir, de conceptualiser et d’agir qui soit propre à sa profession. L’éducateur se trouve ainsi redevable à d’autres, de la reconnaissance de ses compétences et capacités en tant qu’appartenant à un corps professionnel qui n’est pas vraiment reconnu d’emblée comme tel.
Je pourrais tenter de faire saisir la différence qu’il y a entre identification de l’éducateur à sa pratique ou identité professionnelle comme suit: l’identification à sa pratique institutionnelle dans ce qu’elle a de pervers, se manifeste quand c’est l’institution qui définit, de manière unilatérale, le rôle de l’éducateur auprès des usagés. S’il accepte de travailler ainsi sans recul ni références professionnelles extérieures, l’éducateur se situe alors davantage en agent de l’institution que comme accompagnant des usagés ce qui devrait pourtant être sa fonction première.
Sans recul nécessaire et ce, quel que soit le bien-fondé, apparent ou réel, des tâches qu’on lui demande d’accomplir, il court le risque de passer à côté de sa tâche principale.
La position prenant en compte l’identité professionnelle demande qu’un éducateur participe à la reflexion et à l’élaboration du projet d’accompagnement du client. Dans ce sens, il fait benéficier l’institution de ses connaissance, de son éthique et de sa réflexion. Il amène, ce faisant, une spécificité “éducateur spécialisé” dans l’institution.
Les références extérieures servant de miroir à nos pratiques respectives, doivent être recherchées dans une identité professionnelle indépendante de l’institution et seule garante, en dernier ressort, de l’éthique et de la prise de distance nécessaire à l’accomplissement de notre travail.
Cette confusion entre identité institutionnelle et identité professionnelle isole les éducateurs et tend à leur faire croire qu’il y a entre eux une sorte de hiérarchie, les éducateurs travaillant dans l’une ou l’autre institution ou avec une clientèle plutôt qu’une autre regardant parfois leurs collègues avec une certaine condescendance.
Je comprends qu’il soit rassurant d’inscrire son action en référence à une ligne pédagogique émanant “d’instances supérieures” et ce, d’autant plus, si cela donne un sentiment d’appartenance qui manque bien souvent. Que l’on ne s’étonne pas dans ce cas d’être considéré la plupart du temps comme de simples exécutants.
“Le métier d’éducateur place les agents qui l’assument dans une position de soumission et de concurrence face aux titulaires des positions dominantes dans le champ. L’éducateur est considéré comme celui qui exécute les tâches du bas de l’échelle et qui mérite respect, dans la mesure où il participe à cette oeuvre pénible, mais valorisante, qui requiert de la générosité. Les éducateurs sont classés à partir des caractéristiques de vocation, de don, de qualités extraordinaires, etc.” (8)
Loin de moi, cependant, l’idée de vouloir des éducateurs tous pareils. Je pense simplement que nos particularités s’inscrivent déjà naturellement dans nos identités personnelles, en deçà et au delà du métier que nous exerçons. Je pense aussi que, s’il est toujours primordial pour exercer cette profession de s’interroger sur son identité personnelle, nous ne devons pas rester, en ce qui concerne nos références professionnelles, face à nous-mêmes et face à l’extérieur, un simple décompte d’individualité. A l’inverse, ces lignes se voudraient tentative de rassembler ce qui est épars.
Ne nous interrogons-nous pas depuis assez longtemps sur l’identité de l’ éducateur pour pouvoir nous interroger maintenant sur l’identité des éducateurs ?
Incertitudes
Ne nous y trompons pas, c’est nous qui devons amener l’identité “éducateur spécialisé” (pour peu que nous nous en reconaissions une) dans nos pratiques respectives et non des employeurs qui doivent nous donner une identité, en fonction de leur vision et de leurs besoins sinon...!
Que change l’employeur et change l’identité et, avec elle, la façon de travailler. De même, la différence des clientèles avec lesquelles nous travaillons, n’est pas constitutive de notre identité professionnelle, elle n’est constitutive que de l’identité de l’organisme ou de l’institution qui nous emploie.
Ma perception est que les éducateurs ont du mal à se reconnaître entre eux comme des pairs et ce, parce qu’ils ne sont sûrs ni de leurs compétences ni de leur spécificité. Ils agissent comme s’ils n’étaient pas convaincus du bien-fondé de leur rôle ou comme s’ils usurpaient une place et n’étaient donc pas certain de la légitimité de leur action en tant que corps professionnel, quand bien même ils la justifient dans leurs actions ponctuelles !
Comment expliquer, sinon la facilité avec laquelle ils laissent généralement à d’autres le soin de réfléchir et de définir leur métier, ou pire, de leur dicter leurs actes professionnels, ce qui d’ailleurs ne déplait pas aux dits-autres. Déjà bien contents, dirait-on, qu’on les juge aptes à exécuter les directives, quasi mythiques, édictées par des spécialistes, détenteurs à leurs yeux de je ne sais quel savoir extraordinaire et qui attendent plus des éducateurs une observance des consignes qu’une véritable réflexion.
Combien de fois ai-je entendu par exemple des éducateurs demander conseil à des “psys” sur la manière de s’y prendre concrètement avec un enfant dans un groupe ? Ils semblent oublier que ces spécialistes n’ont pas à répondre à ce genre d’interrogations.
En effet leur apport doit se situer, selon moi, au niveau explicatif, par exemple d’un comportement compris dans la perspective de leur discipline. La réflexion sur la manière d’être dans la pratique appartient en dernier ressort aux éducateurs et non aux ” psys” qui n’ayant pas la charge d’assumer la vie quotidienne ne sont que peu confrontés à cette réalité.
Il faut dire que souvent l’éducateur n’est reconnu par les autres que dans la mesure ou on le fige dans des motivations vocationnelles. Il peut être, dans ce cas, celui qui arrange, parce que son “dévouement” est sa récompense et qu’ainsi, il accepte les tâches que la compétence des autres leur interdisent d’accomplir.
J’ai bien le sentiment que c’est dans ce rôle unique que l’on voudrait nous cantonner, faisant l’économie des autres dimensions de notre action.
“Les experts se plaignent autant de l’éducateur trop informé, que de celui qui ne l’est pas assez. Ils ont en effet tendance à exiger des éducateurs une connaissance minimale de la psychiatrie, de la psychologie, voire de la législation, cette connaissance devant permettre une utilisation rationnelle de ces savoirs. Mais en même temps, ils s’inquiètent de voir l’éducateur s’approprier ce savoir, car ce qu’ils attendent de lui, c’est précisément qu’il forme et reste conforme”.(9)
Je crois que notre fonction, si peu définie et qu’il convient à tant de personnes de garder en l’état, commence à prendre un sens si nous profitons justement de cette absence de définition pour caractériser notre action et partant, notre profession par nous-mêmes.
Les “généralistes” que nous sommes et que l’on nous demande en coulisse de rester, effraient dans un monde où l’on spécialise, donc où l’on fragmente à l’extrême toutes les interventions.
Filiation.
L’être humain dépend d’une histoire familiale et sociale, avant que d’avoir son histoire propre. Cette histoire propre devra, bon gré mal gré, s’insérer dans cette autre histoire, l’influençant et étant influencé par elle. C’est ainsi qu’il cherchera consciemment, ou non, sa place !
L’éducation spécialisée instituée en tant que métier reconnu, a elle aussi son histoire propre qui dépend d’une histoire plus ancienne et plus générale, avec laquelle elle est en interdépendance.
Dans notre société, c’est le repérage et l’appropriation de ce processus qui légitimise la filiation et permet l’évolution. “C’est dans la mesure où une société, un groupe social, un individu a une histoire, qu’il est porteur d’identité”.(10)
C’est l’acceptation de cet héritage avec ses zones d’ombre qui permet de connaître et, partant, de comprendre le présent et ses enjeux. En cela, l’aventure des sociétés, des institutions et celle des hommes, n’est guère différente.
“L’opposition entre la psychologie individuelle et la psychologie sociale, ou la psychologie des foules qui peut bien à première vue nous paraître très importante perd beaucoup de son acuité lorsque on l’examine de plus près”.
(11) (Ce qui ne veut pas dire, qu’une position comme celle de l’éducateur qui doit prendre en compte des données individuelles et des données sociales est simple. La suite de ce texte rendra, je l’espère, cette précision superflue.)
Si l’éducation spécialisée peut, d’une part, se réclamer de précurseurs tels que Pestalozzi, Rousseau, Tolstoï et bien d’autres qui furent pédagogues dans le sens large du terme. Si ces pionniers, qu’ils aient été praticiens ou théoriciens, géniaux ou non, sont, en quelque sorte, des pères fondateurs de notre métier et de quelques autres, il ne faudrait pas oublier cependant que c’est la charité chrétienne d’abord, puis publique, laïcité oblige, avec tout son cortège d’âmes bien pensantes, de vocations et d’hospices, sans parler des prisons, qui a porté notre profession sur les fonds baptismaux.
Ce rappel me parait un préambule nécessaire à toute recherche d’identité concernant les éducateurs, car c’est là que sont nos vraies origines.
Pionniers
Les premiers éducateurs modernes, juste après la guerre, souvent inspirés par le scoutisme, étaient animés du feu sacré. Ils croyaient à leur mission, ils avaient la vocation.
Souvenons-nous du succès de “Chien perdu sans collier” le roman de Gilbert Cesbron.
Loin de moi l’idée de rire ou même de sourire de ces précurseurs qui ont dû inventer dans des circonstances parfois tragiques, des moyens d’accueillir et d’accompagner ceux que les mouvements de l’histoire, ou d’une histoire, avaient laissés sur le bord des routes.
Bien sûr, avec le recul, des zones plus sombres apparaissent et il serait facile de se tenir à l’écart en se bornand à de juger. Pour ma part, ce n’est pas cet esprit qui m’anime, j’essaye simplement de me remémorer, de décrire, d’éprouver et d’accepter ce que réveille en moi ce que je considère comme la genèse de ma profession.
Héritage
La philosophie, la vertu, la charité, le dévouement, mais aussi la fermeté, l’intransigence, l’injustice et le dressage des mauvais sujets, sont antérieurs à la compréhension psychologique.
Dans cette optique l’on comprendra que c’est de l’âge du sujet qu’il dépendait que l’action envisagée pour lui, soit, il y a peu de temps encore, de l’ordre du dressage ou du redressage. La différence se situant souvent au niveau de la sévérité nécessaire à déployer pour empêcher toutes velléités de désobéissance, donc d’indépendance, chez des sujets dont les tendances naturelles ne pouvaient être que vicieuses.
La répression, de ce que l’on appelait alors des mauvais instincts, s’exerçait en toute bonne conscience. L’éducation consistait à faire respecter, de gré ou de force, les règles et la tradition.
“L’autre principe, c’est celui de la carotte et du bâton, la manipulation. C’est sur ces deux fondements que repose la machine répressive-éducative, elle fonctionne toujours, transformant de temps à autre de vrais révoltés en laquais soumis.
Il y a quelques années, on disait au “jeune délinquant” ou “cas social” : “ tu es une merde, tu finiras au pénitencier”. Aujourd’hui, avec le progrès, l’emballage a changé, les gifles se font rares, le ton paternaliste, “tu as fait des bêtises, mais si tu nous écoutes un peu, ça s’arrangera, commences un bel apprentissage, etc..”.
Les moyens ont changé mais le but reste le même. Il s’agit de récupérer à tout prix les déviants, de les réinsérer tant bien que mal en leur expliquant bien qu’ils ne bénéficient que de faveurs et non de droits”.(12)
Ne nous y trompons pas, c’est encore cette mission que nous sommes sensés, le plus souvent, remplir aux yeux du public, lequel nous ressent, au mieux comme des substituts parentaux, au pire comme des gardiens protégeant la société de toutes espèces de déviants.
Dernièrement encore dans une soirée, un gardien de prison, fort sympathique au demeurant, ne me disait-il pas que dans le fond, nous exercions le même métier ! Au risque de choquer, n’est-il parfois pas légitime de se demander jusqu’à quel point il n’a pas raison ? Ou en tout cas, d’être au clair sur ce pourquoi il a tort ! Pour ma part, je ne me suis pas senti le droit de lui contester une éventuelle action éducative envers ses pensionnaires. Pas plus d’ailleurs, que je ne pensais pouvoir me dédouaner en ce qui concerne des aspects plus punitifs de certaines interventions éducatives.
Comme je le rappelais plus haut, nous sommes aussi les héritiers des associations charitables qui s’occupaient d’enfants trouvés, que l’on pensait perdus et qu’il s’agissait, en bonne logique, de remettre sur le droit chemin.
Voilà, en résumé, comment la bonne société maintenait une bonne société bien cloisonnée, bien patriarcale. Cela avait le mérite d’être simple et appliquable, tant dans la famille par les parents, que dans les institutions par des personnes qui se sentaient la vocation de s’occuper de ces petits malheureux qui, pensait-on souvent, devaient expier sans doute les péchés de leurs géniteurs.
Le temps passant et les mentalités (du moins en surface) évoluant, la tension, quand elle existe, se focalise aujourd’hui encore dans le public et parfois même chez les professionnels entre éduquer ou rééduquer, l’aspect menaçant du deuxième terme ne laissant généralement rien augurer de bon. Malgré les euphémismes, l’éternel dilemne entre aider ou punir est toujours d’actualité dans pratiquement toute les sphères d’activités des éducateurs.
Fantômes
Quand on parle d’éducateur, de nos jours encore pour certains, le spectre de la maison de correction chère à nos parents, n’est pas si loin.
Etait-il si mauvais, pensent d’aucuns, le temps où l’on corrigeait, dans tous les sens du terme, pour obtenir des enfants empreints justement de cette correction qui les faisait se tenir sagement et humblement à leur place ?
Personne n’imaginait, ou alors quelques précurseurs passant, je pense, pour des illuminés, que plus tard, les traces de certaines de ces corrections s’appelleraient des preuves de sévices et pourraient mener leurs auteurs devant les tribunaux !
Ceci étant dit, on aurait tort de penser que nous soyons, la connaissance psychologique aidant et la raclée tendant à disparaître, délivrés de tout problème déontologique touchant à l’exercice de la profession.
Bien au contraire, le savoir et la connaissance nous ayant éloignés de la position confortable, inhérent d’habitude à la position dualiste, nous ne sommes que plus livrés à nous-mêmes pour penser l’éthique qui doit régir notre action professionnelle.
Notre profession n’est pas neutre, elle nous engage, que nous le voulions ou non, souvent même au delà de ce que nous pensons.
Que l’on y réfléchisse bien, sauf à perdre son identité professionnelle, jamais un éducateur ne pourra être excusé, dès lors qu’il s’agit de rapports humains par ces mots chers aux fonctionnaires de tout poils, “j’ai obéi aux ordres venu d’en haut”.
Charité, répression, c’est donc dans les forces et les faiblesses de cette double filiation qu’il faut chercher les prémisses d’une identité professionnelle.
Si Freud et ses successeurs de toutes tendances ont ouvert des perspectives nouvelles aux continuateurs des penseurs de la pédagogie et de l’action sociale, nous ne devons pas oublier que l’analyse moderne du cas et la distance éducative et thérapeutique ne nous protège pas de l’invariance des sentiments et des motivations. Ainsi l’ombre des soeurs de charité, si cher à Saint-Vincent-de-Paul, n’est jamais très loin, pas plus d’ailleurs que celle des maisons de redressement. Le tout se mélangeant dans l’histoire de nos origines.
Ne serait-ce pas, pour une part, ces ombres qui planeraient sur la profession d’éducateurs spécialisés et qui nous feraient tellement nous interroger sur notre identité ? Donc nos origines et, partant, sur notre légitimité ! L’inconscient “collectif ” des éducateurs leur jouerait-il des tours ?
Pourquoi n’existerait-il pas dans les professions et plus particulièrement dans celle-là, à l’exemple de ce que l’on trouve dans les familles, des fantômes transgénérationnels qui réclameraient du présent les comptes du passé ? (13)
Est-il permis de postuler que, faute de se pencher sérieusement sur son passé et de rendre à chacun, selon son dû, l’éducation spécialisée en tant que profession est condamnée à ne pouvoir dépasser l’ambivalence qu’elle ressent face à ses origines ?
Tout éducateur ne se doit-il pas à un moment ou l’ autre de son parcour professionnel de répondre à ces questions?
En s’éloignant de l’appel, de la mission, du dévouement, ceux qui se sont voulu techniciens de l’éducation ont perdu la foi et ne se sont plus senti protégés et justifiés à leurs propres yeux par cette aura charismatique qui les persuadait qu’ils étaient détenteurs de la vérité, même la main levée et les clés du cachot à la ceinture. Alors, la légitimité de la position d’autorité justifiée par un ordre supérieur s’effondrant, sont apparues les questions et les remises en question.
Il n’y a plus le malheur s’incarnant dans les êtres comme une espèce d’entité intemporelle traversant les siècles d’un univers aussi dualiste qu’immuable, auquel répondrait la charité se servant des hommes de bonne volonté. Ces derniers se dévouant généreusement, les autres recevant modestement et disant merci ! Mais tous restant acteurs, presque spectateurs, d’une pièce dont le metteur en scène plus ou moins inconnu était sensé connaître la fin et assumer en définitive la responsabilité. Croyant ou laïc, la différence n’est ici que de pure forme.
Voilà qu’en lieu et place du théâtre classique apparaît une sorte de théâtre de l’improvisation où l’action devient interaction et où il faut tenir compte de l’autre autant qu’il est important que l’autre tienne compte de moi.
Ce n’est plus au malheur majuscule qu’il faut faire face, mais plus modestement à une personne malheureuse dans un contexte social et à une époque donnée. La différence est énorme dans la forme et c’est ce qui m’intéresse ici, parce que dans le fond... Mais ceci c’est une autre histoire....!
Paradoxe
D’emblée, quand on parle d’éducateur (en latin educare, de ducere : conduire), la confusion n’est pas loin tant cette appellation peut convenir à un grand nombre de personnes. Les parents naturellement, mais aussi les enseignants, les maîtres, les professeurs sont des éducateurs.
La différences réside dans le fait que, si les autres professionnels exercent une action éducative, c’est au travers d’une médiation, elle-même définie comme plus ou moins scientifique, affichée comme première justification de la rencontre.
Les éducateurs, comme les parents, sont privés de cette justification de leur action. Mais si les parents n’ont pas à chercher une raison d’être avec leur enfant (les liens du sang justifiant, à tort ou à raison dans notre société, leur relation), il n’en va pas de même pour les éducateurs.Ces derniers sont dans la situation de rencontrer des enfants, ou d’ailleurs d’autres usagés, dans un but si général et défini de manière si floue, qu’il paraît impossible de le conceptualiser de manière à asseoir une science qui leur soit propre. Science étant ici entendue autant comme une connaissance exacte et approfondie, que comme le savoir-faire que donne cette connaissance.
L’incapacité pathétique dans laquelle se trouvent les éducateurs de conceptualiser et de systématiser (hors travail particulier) leurs actes professionnels, ainsi que d’en mesurer les effets, les coupe encore plus de la possibilité de s’auto-reconnaître.
Education
En plus du sens étymologique donné plus haut, je voudrai avant d’aller plus loin, définir de manière un peu plus précise le terme éducation. Quand on parle d’éducation on entend, en général, l’ensemble des moyens et des méthodes mis en oeuvre de tout temps et dans toutes les sociétés par des adultes pour transmettre aux enfants, leurs croyances, leurs coutumes et leurs savoirs. Il s’agit souvent, pour parler concrètement, d’actions exercées par des adultes dans le but de former, enseigner et développer l’enfant. La finalité de ces démarche étant de permettre le plus rapidement possible une intégration du sujet à la société.
On peut d’emblée discerner deux tendances générale de l’éducation. La première, qui a été largement répandu tant au fil des siècles que sur la planète consiste à imposer, le plus souvent de force, de l’extérieur et au non du bon droit ce que l’adulte pense “être juste”. C’est évidemment pour “le bien de l’enfant” que ce genre d’éducation, souvent punitive, vise avant tout à le rendre conforme.
Dans cette optique, l’enfant apprend à reproduire, il doit se plier à la volonté de l’adulte qui se remet généralement peu en question. A l’heure actuelle cette éducation existe, encore un peu partout, ouvertement ou sous des formes larvées. Elle aurait, la dureté des temps aidant, tendance à gagner à nouveau du terrain et ce, même, en occident où il n’y a du reste pas si longtemps que la correction ne fait plus partie officiellement des moyens éducatifs.
La seconde vision essaie de favoriser l’épanouissement de la personne entière, elle cherche à aider la personnalité de chacun à se construire. Pour cela, elle donne une place à la spontanéité et à la créativité personnelle. Elle s’appuie sur les tendances naturelles d’un sujet à grandir et à se développer faisant alliance premièrement avec les aspects positifs du sujet pour se pencher ensuite sur les zones plus sombre. Elle se préoccupe de la globalité de l’être et des aspects tant affectifs, sociaux que cognitifs. Elle présuppose un partenariat qui tient compte de la différence. Son but est de préparer l’enfant afin qu’il puisse faire face à l’imprévisible de la vie.
Ce dernier objectif va dans le sens de la Déclaration universel des Droits de l’Homme adoptée par les Nations Unies. Je donne ici un extrait de l’art. 26 qui nous intéresse tout spécialement : ”L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.”
(Oscillant constament quelque part entre ces deux tendances éducatives, il me faut admettre la vérité suivante : bien que privilégiant et me reconnaissant plutôt du côté du second modèle, je ne peux pas dire que je sois complètement “libéré” des modes d’agir et des croyances du premier. A ce propos, je suis obligé de constater combien ma propre éducation m’a marquée et la facilité avec laquelle je pourrais, si je n’y prenais garde, reproduire ces modes d’intervention. Les contacts que j’ai avec d’autres professionnels m’inclinent à penser que je ne suis pas le seul dans mon cas. Voilà pour ma part une observation qui m’incline à la prudence et m’ incite à la modestie !)
Potentialités
Que cela me plaise ou non, il me faut bien reconnaître que ce métier si nouveau dit-on, n’est nouveau qu’en tant que métier justement.
En effet historiquement, c’est le 3 mai 1954 que débutait la première formation d’éducateurs vaudoise à Lausanne.(14) Tous les humains, ou presque, ont été, sont ou seront éducateurs. En somme, l’éducation est une des plus vieilles nécessités humaines et, à y regarder superficiellement, l’on serait tenté d’affirmer que rien n’est plus “naturel”, ce qui dans un certain sens est vrai. Il faut pourtant ici se garder de faire un amalgame entre naturel et facile.
Si une potentialité à éduquer, comme d’ailleurs à profiter de l’éducation, est inhérente aux mammifères aussi bien qu’à l’humain, l’acquis a pris, dans l’espèce humaine, une telle importance dans les processus de développement par rapport à l’inné, que ce dernier, dépassé en quelque sorte par les événements, ne sait plus vraiment donner des réponses adaptées à la complexité des problèmes soulevés par l’éducation d’un petit d’homme. Là où l’impulsion de l’inné chez le petit animal l’ouvre à un éventail de réponses en somme réduites, de la part d’un adulte limité lui aussi par le peu de possibilités différentes potentiellement mobilisables chez lui, il n’en va pas de même chez l’homme.
Un temps d’imprégnation très long, une maturation lente, un éventail de possibles ouverts par l’inné très large, une extrême sensibilité au milieu et, ce qui ne semble au départ qu’un rapport de quantité, se révèle être un rapport de qualité. (Ces deux termes,quantitatif et qualitatif, bien qu’on les opposent souvent, ne sont pas forcément antinomiques. “Comme l’a dit Héraclite, comme l’on dit aussi les pythagoriciens, comme le répètent et le confirment les physiciens d’aujourd’hui, rien ne sépare, au niveau de l’essentiel, ce que nous nommons quantité de ce que nous nommons qualité. La différence d’ordre qualitatif entre un atome de carbone et un atome d’helium est énorme. Or cette différence qualitative est générée par la différence exclusivement quantitative qui a été perçue intuitivement par les anciens évoqués plus haut”.(15))
Ce “glissement” qui a permis pour les uns ce qu’il est convenu d’appeler un saut évolutif, marque, pour les autres une différence sacrée voulue par un créateur.
Dans les deux cas il y a une donnée qui est fondamentalement constitutive de l’espèce humaine puisqu’à partir de là l’éducation du petit d’homme dépend en grande partie de l’apprentissage. Dès ce moment le problème de l’éducation se pose par le simple fait qu’elle s’assigne des buts et que se faisant, contrarie le vouloir du sujet.
Parce qu’elle est toujours “préparation de l’enfant à...” la position éducative n’est que difficilement séparable de considérations d’ordre philosophique sur le sens et les buts de la vie.
Rupture
En cela qu’elle représente toujours un fait social, on comprendra que l’éducation ne soit généralement pas une action simple et aisée. Elle se complique même d’autant plus que d’une certaine manière, dans le même temps que l’être humain adulte doit apprendre à devenir père et mère, donc éducateur, l’enfant, pour que l’opération réussisse, doit accepter de se laisser éduquer.
Si donc d’un côté les parents éduquent leurs enfants, d’un autre, les enfants façonnent leurs parents. Cette harmonisation entre les différents partenaires, pour être adéquate, devant bien sûr s’inscrire dans une société et dans une époque donnée. Il arrive que ces ajustements s’opèrent, en tout cas en surface, sans même que les acteurs en aient conscience, c’est peut-être pour cela que d’aucuns considèrent la tâche éducative comme naturelle et ne demandant pas tant de réflexion. Mais il suffit de penser aux problèmes que nous pose actuellement l’acculturation pour démontrer que, hélas, le “naturel” des uns, s’il ne s’inscrit pas dans les règles sociales qui marquent le “naturel” des autres, est une source de problèmes d’une grande complexité.
D’autre part, il est évident que parfois et, sans qu’il soit besoin d’évoquer l’acculturation pour bien des raisons qu’il serait trop long d’énumérer ici, les choses ne sont pas si simples.
La rencontre nécessaire entre parents et enfants ne se fait pas, ou mal, ou trop tard. Qui est responsable ? Le père, la mère, l’enfant, le milieu, un handicap ? Là n’est pas pour l’instant notre propos. Je ne puis cependant résister à l’envie de souligner l’importance fondamentale que le milieu joue sur le devenir des petits d’hommes.
Je trouve étonnant la facilité avec laquelle on rit du mythe du bon sauvage cher à Rousseau alors que l’on croit encore si fort à la “graine” bonne ou mauvaise. C’est elle qui donnerait, au départ, un être humain doué ou non de qualité qui feront, irrémédiablement, sa réussite ou son échec.
Moyen commode de justifier, en citant l’exemple de la nature, l’injustuce sociale.
Ne trouve-t-on pas curieux que les mauvaises graines se fassent de plus en plus rares dès lors que l’on est né dans une famille plus haut placé dans l’échelle sociale ?
“L’éducation est ainsi, non seulement une formation, mais une condition nécessaire du développement naturel lui-même. Dire que toute personne humaine a droit à l’éducation, ce n’est pas uniquement suggérer, comme le suppose la psychologie individualiste tributaire du sens commun, que tout individu, assuré par sa nature psychologique d’atteindre un niveau déjà élevé de développement, possède par surcroît le droit de recevoir de la société l’initiation aux traditions culturelles et morales ; c’est, au contraire et beaucoup plus profondément, affirmer que l’individu ne saurait acquérir ses structures mentales les plus essentielles sans un apport extérieur exigeant un certain milieu social de formation et que, à tous les niveaux (à partir des plus élémentaires jusqu’aux plus élevés), le facteur éducatif constitue une condition du développement.” (16)
En somme ce qui est sûr à la lumière de ce texte, c’est que, chez l’homme, est inné la nécessité de passer par l’acquis pour grandir, avec en corrolaire tout ce que cela suppose de relationnel.
Ceci précisé, il n’en reste pas moins que certains enfants et certains parents ne trouvent pas l’harmonie nécessaire à un épanouissement tenant suffisamment compte des besoins de chacun et des données du réel.
Quand cela se produit, des troubles apparaissent plus ou moins tôt, plus ou moins tard, attendant parfois l’âge adulte mais toujours créant une rupture d’équilibre soit entre sujets, soit à l’intérieur des sujets. Suivant la gravité de cette rupture, toute une suite de mesures vont se mettre en place, de la consultation psychologique au traitement ambulatoire, de la logopédie à la classe de développement, en passant par l’atelier protégé, le placement institutionnel, voire la prison si la rupture survient à l’âge adulte et prend la forme de la délinquance.
C’est à partir de là, quand il y a rupture, incompréhension, inacceptation, incommunicabilité, impossibilité et toujours à la suite de quelque chose de douloureux qui ressemble à une crise, que des éducateurs spécialisés interviennent.
Précisions
S’il me paraît important de rappeler cela, ainsi que de préciser que notre action commence au moment ou d’autres se sont avoués ou ont été déclarés impuissants, c’est afin de bien montrer à quel point il est abusif, voire dangereux, de vouloir nous attribuer dans certains cas, le rôle de simples substituts parentaux et de faire semblant, que cela suffira.
Si une situation est si sérieuse qu’elle justifie notre intervention, ce n’est pas pour que nous reproduisions ce qui existait déjà ni que nous nous y substituions mais pour imaginer, mettre en place et animer des conditions de vie et d’échanges thérapeutiques favorisant soit le changement soit la reprise évolutive ou, plus modestement, l’acceptation de ce qui est, mais visant toujours à un mieux-être, acceptable par les partenaires en présence.
La grande erreur serait de penser que l’on peut faire fi du passé et repartir à zéro avec un client.
Je sais qu’il n’y a que peu de professionnels qui préconiseraient ouvertement de telles idées. Je reste cependant surpris de constater combien, inconsciemment en tout cas, elle reste vivante dans les analyse que d’aucuns font des enfants et ce, surtout dans leurs rôles d’élèves.
Pour se faire dans les meilleures conditions possibles, l’intervention devrait être pensée par une équipe de travail libre qui puisse tenir compte de la totalité des besoins de l’usagé et ne pas se laisser fasciner par certains axes de travail seulement.
L’éducation s’ élabore aux carrefour de plusieurs disciplines, psychologie, sociologie, antropologie pour ne sité que celle là. Elle est une approche multi-modale complexe et demande une méfiance toute particulière vis a vis du “gros bon sens “ cher à certain qui devrait perme ttre à les en croire de trouvé des solutions simples aux problèmes là ou il faut plutôt tenté d’ apporter des réponses le plus adéquat possible aux situations.
Dans ce sens l’élaboration et la mise en pratique du travail devraient pouvoir se faire au-delà des clivages corporatistes qui fragmentent et morcellent à l’excès la prise en charge et surtout, à l’abri des directives administratives rigides, internes ou externes.
Ces dernières ne tenant pas toujours compte de la réalité du terrain et décidant à distance, non en fonction des besoins et de la qualité, mais d’une idée directrice générale devant s’appliquer au nom de la rentabilité.
“La mesure de travail est devenue la mesure horaire, la mesure budget, la mesure animation, ce qui signifie que le coté administratif finit par déteindre sur une profession, dont la base vivante reste et doit rester le charisme et la chaleur humaine, l’affectivité. Peut-on déterminer la juste rétribution d’une attache affective? Les horaires, les moments de besoins affectif ne sont pas échelonnables par une idée administrative. Par contre les règlements normatifs, les statuts administratifs, ne peuvent que répondre à ce qui est objectif, c’est-à-dire, salaires, horaires, coûts de la vie, coûts du bâtiment, coûts des installations. Ces mêmes règlements incitent l’institution à de nouvelles justifications qui ont pour base la problématique de l’enfant.
C’est ainsi que le contrôle de l’état est devenu à juste titre un encouragement aux formations de personnes travaillant avec les enfants, un encouragement matériel qui, en même temps, a créé un effet pervers d’uniformisation, de nivellement de ce qui est communément appelé la prise en charge. Cela a laissé la porte ouverte à des notions de réussite, de performance, de rentabilité. Il ne faut pas oublier que, même si les échelles de rétribution l’annulent, l’enfant n’est justement pas un objet et a besoin de moment d’écoute, de confiance, au moment même peut-être où la réglementation ne prévoit pas la présence de son éducateur de référence”.(17)
C’est justement pour tenir compte de l’importance de ces remarques que les institutions ont besoin de souplesse, d’adaptabilité, d’imagination et de créativité. En un mot, elles ont besoin que puissent s’exprimer un professionnalisme permettant de répondre au mieux aux besoins réels des usagés, même si cela demande une certaine polyvalence, bouscule un peu les rôles traditionnellement établis et n’entre pas obligatoirement dans les vues que l’on voudrait nous impose de l’extérieur !
Cette liberté, si elle n’est pas respectée, tend, sous couvert de droit à l’égalité, à uniformiser les prestations que les institutions peuvent offrir, uniformisation préjudiciable en premier lieu aux usagés puisqu’ “uniformisation” est le plus souvent synonyme de nivellement par le bas.
A ce propos, j’aimerai suggérer ici que la véritable égalité, loin de gommer les différences pour ne pas les voir, doit en tenir compte !
On croirait, à entendre parler certains, que c’est l’usagé qui doit être fait pour l’institution et non l’inverse.
C’est dans ce même esprit que l’institution a de plus en plus tendance à être comparée à une entreprise et à être gérée, à tort, comme telle.
Bien sûr, être éducateur ne veut pas dire qu’il ne faille pas tenir compte des données économiques. La conscience de leurs existences et leur prise en compte dans la modélisation de la prise en charge, donne l’échelle de notre conscience du monde environnant.
Le monde social (comme d’ailleurs le reste de la société) doit remettre en question ses rapports avec l’argent. Peut-on le croire assez adulte pour imaginer qu’il puisse le faire de l’intérieur et à la base sans qu’on pense devoir lui imposer des “solutions” préjudiciables, encore une fois en premier chef, aux usagés ?
Particularités
Curieusement l’éducateur n’a pas, si on y regarde d’un peu près, de domaine d’intervention réservé, ses temps de travail ainsi que d’activités dépendant de l’endroit où il travaille.
Ici, on dira que son champ d’activités et son temps de travail sont la vie quotidienne hors heures de classe et d’atelier, le temps libre en somme, ou en tout cas le moment où, s’il n’était pas là, toute une tranche d’usagés serait libre.
Il pourra cependant, le cas échéant assumer un enfant, insupportable en classe, ou remplacer au pied levé tel enseignant malade.
Là, il a un horaire de fonctionnaire, là il assume des nuits et des week-ends.
Dans cet autre endroit, il s’occupe en priorité de réfugiés et des problèmes liés à leur statut.
En quoi un éducateur travaillant dans une prison, a-t-il pour temps d’activités la vie quotidienne comme entendue plus haut ? Son travail n’est-il pas plus près de celui de l’assistant social ou de l’animateur ?
Où situer celui qui essaye de stimuler des handicapés mentaux, presque grabataires, sans parler de l’éducateur de rue aux prises avec la délinquance, la prostitution et la drogue.
Si l’on voulait malgré tout circonscrire nos interventions dans le temps laissé à ce que l’on appelle traditionnellement vie quotidienne, les éducateurs n’auraient, à brève échéance, que peu de temps d’intervention. Ce qui est, avouez-le, un paradoxe, pour eux, à qui l’on est encore en droit de demander cinquante-deux heures de travail hebdomadaire.
Je plaisante bien sûr, sauf pour les cinquante-deux heures, mais songez cependant au nombre d’intervenants et de spécialistes qui, fort de leur savoir, restreignent sans le vouloir, au nom de leur bon droit, le temps d’intervention éducative.
L’atelier aux maîtres socio-professionnel, la classe aux enseignants, les familles aux thérapeutes, les entretiens signifiants aux psychothérapeutes, les nuits aux veilleurs, les week-end aux familles d’accueil, les vacances aux animateurs de colonie et puis: les psychologues, les psychomotriciens, les art-thérapeutes, les animateurs de loisirs, sans compter les surveillants de repas, de leçons et les jeunes filles suisses allemandes qui donnent un coup de main dans les foyers.
A l’ heure ou la liste des intervenant s’allonge et où il faut de plus en plus compter avec l’action bénévole il est temps me semble t’il de nommer, d’expliquer, de définir et de circonscrire notre travail.
Entre le grand fourre tout du tronc commun des professions sociale et le morcellement corporatise il s’agit de se situer avec rigeur certe mais sans rigidité.
Il appatient bien sur à chaque dommaine spécifique ou exerce les éducateurs spécialiser de systématiser un travail de conceptualisation de leur action. L’idée de Gohete “ Limitons-nous pour être illimité “ reflète parfaitement l’esprit dans lequel un tel travail devrait être executé.
Il n’en reste pas moins la nécessité qu’ en préambule à cette réflexion il est important, si on veut garder une identité professioonelle de souligné cequi est le tronc commun de notre profession.
Cette dernière consiste tant dans l’ intervention qu’ au niveau du temps d’intervention, à être présents et agissant quand les autres n’ y sont plus.
C’est là une constante de la profession. L’éducateur ne vient jamais d’abord, mais seulement quand tous les autres, professionnels ou non, sont passés ou dépassés.
Définition
En général on considère que notre connaissance emprunte au savoir que d’autres revendiquent comme leur. Les actions qui en découlent sont teintées par les théories véhiculées par ceux qui sont sensés détenir un savoir, lui-même peu remis en cause par les éducateurs.
Ce fait est largement décrit dans la littérature concernant la profession et souvent vécu comme humiliant par les éducateurs.
Pour ma part, je trouve normal que l’éducation spécialisée, qui n’est pas en soi une théorie mais une pratique, concrétisée par des actions auprès d’un sujet, se pense et conceptualise ses interventions en s’appuyant sur des sciences, telles que la psychologie, la pédagogie et la sociologie pour ne citer que les principales. Nepréferetons pas anotre époque parler des sciences de l’éducation et non de la science de l’éducation comme on le faisait autrefois ?
Les savoirs qui constituent ces sciences appartiennent à tout le monde et les praticiens que nous sommes sont en droit de leur faire les emprunts nécessaires à la compréhension et à l’accomplissement de leur travail. D’autant plus que notre position nous place dans une difficile perspective de réflexion et d’action relevant de visions psycho-sociales.
A partir de sa pratique et riche d’une expérience concrète, l’éducateur ne doit pas craindre de se servir du savoir plutôt que de se laisser asservir par lui.
Je suis bien conscient qu'il y a loin de la coupe aux lèvres et que, dans les faits, les éducateurs ont du mal à se reconnaître ce droit. Il n’est que de voir comme est peu prise en compte, de manière générale, la parole de l’éducateur face à celle des autres spécialistes qui sont censés s’appuyer sur des données “scientifiques” spécifiques à leur profession pour parler.
Face à cela, les éducateurs semblent faire un complexe de leur statut de praticien.
Il faut rappeler encore une fois que souvent l’éducateur est celui “qui exécute les tâches au bas de l’échelle et qui mérite respect, dans la mesure où il participe à cette oeuvre pénible, mais valorisante, qui requiert de la générosité ; encore faut-il qu’il ne se prenne pas trop au sérieux, qu’il reste à sa place et n’ait pas de prétention qui le conduirait à contester la hiérarchie”.(18)
Le charisme individuel mis à part, la parole de l’éducateur passe, même pou r les pairs parfois, après celle des autres intervenants. Il suffit d’assister aux colloques pour s’en rendre compte. Si l’éducateur semble avoir ça et là du poids intra-muros, il n’en n’est pas de même à l’extérieur où ce sont les autres corps professionnels qui, en définitive, détiennent le pouvoir.
La vision courrante de l’éducateur spécialisé dans le publique repressenter comme “ celui qui est avec des enfants hors temps scolaire uniquement ”, si elle est la réalité concrète de plusieurs maisons d’enfants, me paraît trop étriquée pour englober. Premièrement le contenu de l’action mise en place durant ce temps. Deuxièmement les autres lieux de travail, ainsi que la diversité des tâches assumées par des éducateurs.
Je me propose pour l’instant, de lui substituer celle-ci qui me semble couvrir la globalité de l’action des éducateurs spécialisé, tant dans la forme que dans le fond :
l’éducateur est celui qui accompagne le bénéficiaire dans une perspective de globalité . Il assume ce que d’autres spécialistes ne prennent pas en charge de manière spécifique. Il intervient toujours en cas de manque !
Et ceci n’est de loin pas qu’une histoire d’horaire de travail. Je propose cette définition sans provocation aucune mais parce qu’ elle cerne, à mon avis au plus près l’attente que l’on peut avoir des éducateurs spécialisés et le travail qu’ils effectuent réellement.
Educateur spécialisé d’internat
Entre “ses” enfants qu’on élève et “ces” enfants qu’on éduque, il y a la différence qui fonde en partie l’ éducation spécialisée en tant que métier.
Les verbes, élever et éduquer employer à juste titre comme des synonymes dans leur acception courrante n’en sont pas moins porteur au deuxième degré d’une signification ne recouvrant pas forcément la même représentation.
Bien qu’il ne soient pas anthonymes au sens d’une finalité maturative de l’enfant ils n’en sont pas moins différent dans les rapports qu’ils crèent et les dynamiques qui les soutendent.
Elever du latin levare mettre plus haut et éduquer du latin educare conduire recouvrent de par leur éthymologie, deux mouvements directionnels qui peuvent être pris par qui a en charge la conduite d’enfants.
La complémentarité de ces directions nécessaire l’une est l’autre au développement de l’enfant ne fait pas de doute.
La distinction entre ces termes vise ici, premièrement à inscrire l’éducateur spécialisé d’internat hors de la perspective substitutive qui lui est encore attribuée et deuxièment à lui permettre d’assumer sa tâche de manière efficace.
Pour prétende atteindre ce but, ou du moins essayer de s’en approcher le plus possible, il s’agit de clarifier dans laquelle ou lesquelles des directions indiquée son mandat et son action trouvent leur justification et leur crédibilité.
Qui ne souhaite voir perpétuer sa lignée?
Qui ne désire s’ assurer une descendance pour lui transmettre ses valeurs et ses croyances?
Désirs légitimes au demeurant; moyen de se survivre, tant matériellement, spirituellement que sentimentalement.
Pour réaliser ces désirs, quoi de plus naturel pour l’être l’humain que de fonder une famille afin d’ y élever ses enfants ?
Nous ne sommes pas les seuls en temps qu’espèce en tout cas , bien qu’a des degrés différent, à nous trouvé tout à la foi dans le désir et la nécessité d’élevé nos rejetons. Les petits des mamifères en général et des êtres humains en particulier ont ceci en commun que l’acquis joue un rôle important dans leur développement.
Les possibilités offertent par l’ inné lier à la nécessité de faire des apprentissages pour accedé à l’état d’adulte fondent pour une bonne partie au sein des espèces respectives les rapports existant entre les générations. Les différents possibilités d’ acquisition de connaissances ainsi que les phénomènes de maturation psychique, qu’ ils prennent leur source dans la temporalité ou dans des évenements expérienciels, donne à notre espèce même si il ne sont vu que comme une différence quantitative, des singularités non négligables dans ses rapports transgénérationnels.
Les processus primaires d’accroissement de la taille que nous partagons quand à eux, bien au delà des mamifères, avec la presque totalité du vivant, fondent de manière archaïque nos rapports à notre progéniture. Ils nous inscrivent prioritairement à son endroit dans une dynamique de croissance compris comme un accroissement allant logiquement de bas en haut.
Ces constations si elles s’avèrent pertinnentent corroborent parfaitement l’action du parent qui consiste à élever ses enfants dans une perspective de transmission de valeurs, de perpétuation de la famille.
L’enfant porteur potentiel idéal de tous les possibles et de bien des espoirs, grandit avec en toile de fond un imaginaire parental, espérant tant pour lui que pour eux, le dépassement de l’individu par sa descendance.
Il y a naturellement dans le fait d’élever ses enfants, une idée de les faire accéder à une position élevée ressentie comme la meilleure possible. Dans l’échelle de nos valeurs, étroitement liée avec l’échelle sociale, il vaut mieux monter. Dès lors, le fait d’élever ses enfants en tant que parent, s’articule autour d’un axe vertical. L’aspiration à un plus haut, ressenti comme un meilleur, étant une des donnée constitutive de l’humain il est donc normal de la retrouvé aussi comme une des base constitutive des rapports parents enfants.
Par là-même qu’il n’est pas parent des enfants dont il a professionnellement la charge, l’éducateur spécialisé ne les élève pas dans ce sens parental du terme!
Il doit dans cette optique veiller à ne pas tomber dans le piège de la substitution, qui consisterait à se comporté avec les enfants d’autres comme s’ il s’agissait des siens.
Si potentiellement tout adulte peut être amené à devenir substitut parental pour un enfant l’ éducateur, par la nature même de sa tâche, n’a pas à remplir ce rôle dans l’exercice de son métier. Quelle que puisse être son attachement à un enfant à moins de redevenir une personne privée qui n’ a plus de relation professionnel avec l’enfant il doit veillé à ne pas remplacer cette partie de la fonction parentale.
Simplement parce qu’ il n’inscrit pas les enfants qui lui sont confier dans sa lignée il doit veillé à ne pas les chargés de ses aspirations ni d’ailleurs de ses valeurs familliale. N’ ayant pas à assumer les devoirs liés au statut des géniteurs ou des substituts ses aspirations quand à l’enfant ne peuvent prendre la place de celle des ayant droit! Cette donnée première fonde à mes yeux l’ éthique de l’intervention éducative
L’éducateur spécialisé s’interesse aux enfants qui lui sont confiés, non comme à ses propres enfants, mais en tant qu’ils sont des enfants qui resteront quoi qu’il fasse “ces” enfants. Le démonstratif ne péjorant pas ici la qualité de la relation mais clarifiant sa nature.
Ils ne s’agit pas d’une mise à distance technique, mais d’un positionnement nécessaire, à qui veut occuper professionnellement le rôle assigné par la fonction d’éducateur spécialisé.
Ce dernier va chercher par son action, non plus à élever des enfants dans le sens donné à ce terme plus haut, ce qui reste le rôle de leurs parents, mais à les éduquer dans le sens de les conduire hors. Il n’ a pas à oeuvrer dans le sens de la verticalité des aspirations parentalles mais dans le pragmatisme des possibles offert par la conscience de l’horizontalité. Sa démarche est avant tout celle du autrement. C’est cet autrement, ce conduire hors qui représente concrètement le possible encore ouvert permettant le changement .
L’éducateur n’ a pas à attendre des enfants qu’ ils deviennent pour sa fierté plus que lui- même, mais qu’ils deviennent pour leur équilibe, leur adaptation au monde et leur liberté autres que lui- même.
Parallèlement à la légimtimité effective du modéle parental permanent et à ses attentes,l’éducateur spécialisé se doit, sauf à entré en conflit grave avec les parents, d’agir à partir de la position acceptée de référence momemtanée .
Son action se situant non dans la transmission de normes familliales ce qui reste dans tout les cas l’affaire des parents mais dans un espace ou se joue l’ ajustage entre l’enfant placé et ... en dernier ressort la société ressentie le plus souvent au travers de ses contraintes et de ses régles.
Les enfants qui sont placé en institution ne le sont pas parce il y a eu un manque dans l’aspiration à les élevé , en cette matière le symbolique vaut le réel, mais parce que la manière n’ a pas reussi. Entender par là que l’action éducative n’ a pas permis une harmonisation satisfaisante des rapports inter et transgénérationnels dans un contexte aussi bien intra qu’extra famillial.
C’est pour cela que certain enfant ont besoin d’une éducation spécialisée.
Dans le cadre professionnel qui nous interesse ici, a savoir la tâche de l’ éducateur spécialisé d’internat, il s’agit de travailler à l’éducation d’enfants à la problématique spécifique guetté par, ou faisant déja l’expérience d’une marginalisation péjorante.
Le but del’intervention de l’éducateur spécialisé d’ internat étant de permettre à l’enfant , dans le présent et pour le futur, de réaliser un équilibre intérieur suffisant et de parvenir à une intégration sociale acceptable.
Toutes les actions entreprisent durant le temps du placement doivent tendre à ce but.
Il n’ est dès lors pas question d’ élaborer un accompagnement à partir de valeurs issuent des propre normes familliales des éducateurs si respectable soit ’ elles.
La pratique nous enseigne qu’un accompagnement de cette sorte simplement parce qu’il place constament l’éducateur dans une dynamique de de supstitution voir de supercherie engendre tot ou tard de la déception chez ce dernier et a toutes les chances d’être voué à l’ échec.
Professionnel
Comme je l’ai dit dans un précédent article, l’action de l’ éducation spécialisé englobe, par le fait même des usagés auxquels elle s’adresse, une composante thérapeutique. (19)
(En résumé, il y a deux sens possibles à thérapeutique : donner des soins ou prendre soin ; c’est dans de cette deuxième définition qu’il faut à mon avis enraciner l’action de l’éducateur spécialisé.)
Faute d’être attentifs à ce fait, les éducateurs risquent de courir pas mal de temps encore après leur identité. On nous a assez mis en garde, à juste titre, contre la tentation de jouer aux psychothérapeutes, pour que je me permette de nous mettre aussi en garde, afin que nous ne nous cantonnions pas dans un rôle activiste d’animateurs subalternes.
A observer d’un peu plus près, on constate que la plupart des intervenants jouent auprès des usagés, surtout s’il s’agit d’enfants, un rôle éducatif dans le sens le plus commun du terme, le plus fréquemment en indiquant ce qui se fait ou non, bref en mettant des limites, en dressant un cadre, transmettant de la sorte un code de conduite reconnu comme civilisé, dans ce lieu, à cette époque et par cette culture.
L’éducateur spécialisé participe aussi de ce mouvement. Il se singularise et spécifie cependant son action, lorsqu’il se sert de ces situations réelles non seulement pour rappeller une norme mais qu’il tient compte des difficultés du sujet par rapport à cette norme. Agissant en ce cas comme un médiateur entre l’enfant et la contrainte dans le but d’exercer une action visant une meilleur intégration du réel par le sujet.
Si l’on accepte la composante thérapeutique de notre action, il faut alors considérer que ce n’est pas, par exemple, l’activité dont est responsable l’éducateur spécialisé en elle-même qui, d’une certaine manière, est, spécifiquement parlant propre à l’éducation spécialisée mais” l’exploitation” qui est faite de ce qui se passe durant l’activité.
(Bien évidement, je ne dénie pas l’effet bénéfique en soi de telle ou telle activité, c’est à un autre niveau d’intervention que je voudrai, si ce n’est déjà fait, sensibiliser le lecteur.)
Cette “exploitation” dépend prioritairement de la dynamique née de la rencontre entre le sujet, l’éducateur spécialisé, la situation , c’est entre ces trois pôles que se joue la relation éducative thérapeutique.
Elle se concrétise au travers des opportunités que l’éducateur spécialisé sait y déceler, de favoriser des potentialité évolutives chez l’usagéen fonction des objectifs qu’il pense devoir atteindre, d’où l’importance d’une garantie éthique à son action.
L’attitude de l’éducateur et la relation qu’il établit avec l’usagé sont les outils de base permettant “l’exploitation” de telles situations.
On pense souvent que l’éducateur spécialisé, à la différence d’autre professionnels, n’a pas d’objet ternaire dans la relation entre lui et le sujet ceci n’est que partiellement vrai dans le sens où il peut se fixer comme objectif de sensibiliser l’autre à ses résonnances internes voir de “l’exercer“ aux processus relationnels.
Il intervient dans ce cas dans un territoire qui lui appartient en propre ; pas dans le sens que d’autres n’y oeuvrent pas mais parce que le faisant en situation réelle et le considérant comme objectif premier de la relation.
Là où pour d’autres professions, un triangle se crée dans la relation entre l’intervenant, le sujet et un savoir à transmettre ou une tâche à accomplir donc un contenu.
Pour l’éducateur spécialisé d’internat, le triangle se forme entre le sujet, la situation et lui-même.
La relation éducative spécialisé d’internat n’ ayant pas forcément pour finalité première la transmission du savoir ou l’accomplissement de la tâche mais la prise en compte de la rencontre entre, le sujet et savoir ou la tâche et la gestion évolutive des conséquencs de cette rencontre.Son action se situant plus au niveau du contenant.
C’est le travail de distanciation de l’éducateur spécialisé d’internat par rapport à ce contenant l’englobant qui crée une rupture dans la situation et lui permet de travailler le contenant comme représentatif d’un lien évolutif entre lui et le sujet.
Il faut préciser que ce que je viens d’expliquer ne s’inscrit pas de manière prévisible dans un temps ou une activité prévue à cet effet mais peut s’inscrire à tout moment et dans différentes activités planifiées ou non.
Cette imprévisibilité fait del’éducation spécialisée d’internant une profession transversalle par le fait même qu’elle ne fait que gréffer ses actions sur des champs existant justement en dehors d’elle même .
En cela elle est bien une profession ou il s’agit de faire le même mais autrement.
Souvent l’opportunité permettant ce genre d’intervention est à saisir au sein de la relation non formalisée. Chaque fois qu’un intervenant priorise de la sorte “l’exploitation d’une situation” à des fins évolutives pour l’usagé, il agit dans l’esprit de l’éducation spécialisée d’internat , quels que soient son activité ou son statut professionnel.
Nous n’avons, en tant qu’éducateurs spécialisé d’internat, rien à enseigner contrairement à un instituteur, pas plus que nous n’avons à former à l’instar d’un maître socio-professionnel ou à investiguer dans le sens où le fait un psychologue.
(ce qui ne veut pas dire que nous ne remplissions pas ces rôles à l’occasion).
Aucune justification à la rencontre, hormis remplir les vides laissés par d’autres, ce qui fait parfois penser que nous sommes des bouche-trous.
Et bien soit, boucher des trous, remplir des vides, c’est encore une manière de bâtir des ponts, c’est faire oeuvre de passeur et c’est bien là un des buts de notre travail, accompagner un voyageur parmi des voyageurs.
Cet accompagnement demande à l’éducateur spécialisé d’internat un grande disponibilité et situe parfois l’échange à un autre niveau. Je ne sais mieux faire pour illustrer cela que de citer B. Bettheleim :
“Les parents, comme elle le disait, vous aiment, vous embrassent et vous posent par terre - et l’on pourrait ajouter, en fonction d’autres remarques faites par Emily, que ce n’est jamais au moment où l’enfant le souhaite mais lorsque cela convient aux parents. Les éducateurs à l’Institution prennent soin de l’enfant quand l’enfant exprime un besoin et sans qu’il ait à donner quelque chose en retour. C’est ce que voulait dire Emily en parlant de “prendre soin” d’une enfant.”(20)
Tantôt devant, parfois à côté, quelques fois derrière mais présents, comme un témoin, quand les autres n’y sont plus et comme les autres ne le sont pas.
Je n’entends pas cette non-présence des autres uniquement comme une absence physique ponctuelle, mais comme une impossibilité d’entrer et de s’impliquer au quotidien dans ce que la relation a d’affectif et d’inconscient.
Ce fait est compréhensible puisqu’il s’agit là d’un champ couvert en propre par l’éducateur spécialisé.
Encore une fois il ne s’agit pas dejuger surtout des parents qui vivent d’autre enjeu que nous par rapport à leurs enfants pas plus que d’autre éducateur dont le mandat n’est pas le même.
Cette envie mais surtout cette capacité naturelle d’abord, cultivée ensuite, de laisser l’autre établir une relation avec soi sans but immédiatement préconçu mais en fonction cependant d’une finalité est le terrain par excellence de l’éducateur spécialisé .
(par devoir j’entends la raison justificatrice de la présence de l’adulte; tests à passer, enseignement à reçevoir, en un mot obligation)
S’intéresser à l’autre, accepter le risque de la relation non formalisée et “gratuite” comme point de départ et matrice d’un processus mélioratif touchant le client, demande d’avoir présent à l’esprit les paramètres fournis par son passé et son milieu...
”L’éducation a ceci de propre : elle est toujours le produit de toutes les influences qui s’exercent ou se sont exercées ; l’éducation spécialisée est donc bien obligée de les reprendre, pour amener l’individu à réutiliser ces éléments dans une perspective nouvelle, autre que celle qui le fait souffrir et fait souffrir son entourage. Et l’éducation spécialisée a toujours cette signification, quel que soit le traumatisme initial. Quand on fait appel à des éducateurs pour les enfants qui sont des malades chroniques ou des handicapés physiques sensoriels ou moteurs, ou des déficients de l’intelligence, ce n’est pas pour soigner la maladie chronique, le handicap physique, etc.. C’est pour en comprendre les effets sur la manière dont la personnalité se forme et pour aider l’enfant à s’accomoder de cette situation, voire pour faire évoluer le trouble et rendre ainsi la situation plus facile à assumer. L’éducateur spécialisé n’agit pas sur les membres, les organes, il agit seulement sur le caractère. Il peut bien s’appuyer sur certaines actions rééducatives particulières, voire les pratiquer lui-même, ceci n’est pas l’essentiel de sa mission. Avec des aveugles comme avec des abandonnés, avec des “amputés” comme avec des “mongoliens”, ce qui l’intéresse c’est l’homme, sa manière de vivre cette différence et la manière dont la vivent ceux qui constituent son milieu”.(21)
La différence, le handicap, la déviance, s’inscrivant toujours dans la relation à l’environnement dont l’éducateur spécialisé fait partie, il lui revient de se servir de l’espace relationnel créé entre l’usagé et lui, tant pour comprendre que pour agir.
Repérer la relation non formalisée comme servant de matrice à tout changement, parce que le lieu où prennent sens dans la réalité toutes les activités qu’elles soient thérapeutiques, pédagogiques ou récréatives, voilà bien à mon avis le propre de l’éducateur spécialisé d’internat et ce qui peut faire tant sa faiblesse que sa force, mais qui de toute façon n’est pas gratuit.
Partant de là, chercher et donner du sens à la relation individuelle, en tête-à-tête ou dans un groupe, peut être considéré comme une des tâches essentielles de l’éducateur spécialisé d’internat.
Je postule le pari de penser que l’efficacité de mon action dépend autant de ma personnalité que de mes capacités techniques et de mes connaissances dans plusieurs domaines. Je pense que la relation (dont on s’est tellement gargarisé) n’est cependant pas un mot qui ne recouvre rien de plus qu’un discours vide mais l’outil essentiel de mon action comme je tenterai de le montrer par la suite.
Intervenir là où il y a faille, là où il y a brisure, rechercher l’ouverture, garder le contact...
Comme cette place personne ne nous la conteste (en tout cas pas dans le continuum du journalier ! ) Je l’ai acceptée d’abord, revendiquée ensuite comme étant le champ d’intervention de l’éducateur spécialisé et c’est de cette position qu’aujourd’hui j’ai la prétention de réfléchir tant à ma pratique que sur ma pratique.
C’est l’occupation de cette place comme professionnel qui me distingue et fonde l’éducation spécialisée d’internat en tant qu’ action thérapeutique spécifique.
Incompréhension
En tant que profession, l’éducation spécialisée se comprend le mieux comme une qualité de la présence faite d’attitudes, de questions, de réponses, d’actes tenant compte du mal-être de l’autre et “qui s’adressent souvent au contenu latent”.(22)
Pour cette raison, mon action se spécifie plus dans le “comment je suis” et “comment je fais”, que dans le “ce que je fais”. Le “ce que je fais” n’étant que le support du comment, il s’agit essentiellement d’un travail, où, comme je l’ai noté, le quantitatif ne fait qu’un avec le qualitatif.
Je ne veux pas dire bien entendu que je ferais sans discernement n’importe quelle activité avec des usagés.
De même, loin de moi l’idée qu’il n’est pas important d’apprendre les mathématiques aux enfants.
J’essaye ici de cerner des priorités, de définir des directions, de faire saisir ce qui, à mon avis, est le plus du ressort de l’éducateur spécialisé d’internat et le différencie des autres professionnels.
Il ne semble pas, hélas, que cela soit toujours compris et ce même par ceux-là qui devraient en être les plus informés. Témoin, ce directeur de maison qui dernièrement discutait le bien-fondé pour les enfants de regarder la télévision dans l’institution.
Son principal souci n’était pas d’ordre pédagogique mais il ne voulait pas, disait-il, payer des éducateurs à ne rien faire ! Comment aller faire comprendre à ce directeur ou à certains comités que ce n’est pas regarder la télévision qui est vraiment important mais ce qui se passe pendant ce moment?
Pour ma part, il m’est arrivé d’”exploiter” bien souvent de tels moment à partir des réactions déclenchées chez les enfants ou les adolescents. Ou alors, c’est l’adolescent, comme cela c’est produit il y a quelques jours, qui a profité d’une situation dans un film à la télévision et de la pénombre propice, pour se rapprocher de moi et me faire part de ses angoisses face à la sexualité.
Engagement
Généraliste et polyvalent quant aux lieux, aux temps et aux activités dans lesquelles il intervient, l’éducateur ne peut être spécialisé que par rapport à son mode d’être en relation.
Au risque de paraître dater un peu, je continue à penser que mon action se comprend et s’appréhende dans les trois axes que sont, le savoir, le savoir-être et le savoir-faire et qu’aucun n’est à négliger si l’on veut que soit inégrer un réel savoir vivre qui ne se limiterait pas à la politesse mais donnerait au mots leur sens premier.
Ce qui professionnalise et spécifie à mes yeux l’action éducative, c’est l’intérêt premier et systématiquement apporté par l’éducateur à la qualité de sa présence et à la relation qui en découle.
( Relation, lien de dépendance ou d’influence réciproque. La relation peut se penser aussi en terme de rapport de force entre des groupes ou des individus, la vision est dans ce cas antagoniste. Visant à maintenir ou à modifié des liens de dépendances. Ce genre de relation règle par exemple la distance sociale. Généralement cela sous tend un vainqueur et un vaincu. D’un autre point de vue la relation peut se définir de manière plus fonctionnelle comme une interaction, entre des groupes ou des individus, en raison de buts à atteindre. Cette deuxième définition sous tend elle une composante participative, c’est l’influence réciproque en cela que les personnes en présence doivent s’entendrent pour atteindrent les buts fixé par chacuns.De part sa pratique nous verrons que l’éducateurs a à faire à ces deux types de relation et que partant il est important qu’il les repère et se situe par rapport à elles. )
L’action de l’éducateur spécialisé, dans le même qu’elle assure le continuum du quotidien, consiste aussi à partir de là, à essayer d’ouvrir des possibles. Elle tend à créer des champs d’expérience et d’expression à la portée de la clientèle.
De manière généralel’action éducative se concrétise au travers d’activités différentes et dans des temps partagés avec les usagés, elle s’inscrit dans un processus et demande donc une stabilité minimum de la part de l’éducateur.
A priori, n’importe quelle activité peut être susceptible d’une “exploitation” éducative et ce à tout moment. Ce devrait donc être là une faculté de l’éducateur spécialisé de saisir les opportunités offertes par des situations de vie et d’intervenir plus spécifiquement par le geste, la parole ou même parfois l’ignorance dans le sens de permettre au bénéficiaire de supporter, de progresser ou de différer.
J’aurai aussi tendance à penser que, dans une certaine mesure, “cette faculté ne s’apprend pas”(23), mais n’est-ce pas là le propre de bien des professions, de compter sur des qualités particulières antérieures à la formation, qui pourront, au mieux, être améliorées par la suite?
C’est donc la relation qui s’établit entre le sujet et moi en situation et le sujet et le milieu, qui est à la fois mon objet d’étude et mon moyen d’action. Se servir de la relation comme moyen d’action auprès sujet demande un réel engagement.
C’est à dessein que j’emploie ce terme d’engagement car, en tant qu’éducateur travaillant en situation, je peux garder la distance mais en aucun cas mettre à distance. Dans ce sens, notre métier ne permet pas la position de neutralité !
Possible
Si l’éducateur spécialisé que je suis se doit de bien connaître la problématique du sujet, il se doit aussi d’étudier, d’observer, d’analyser pour comprendre de quoi est faite leur relation, de quoi elle est porteuse.
La compréhension de ce qui se passe dans la relation entre l’autre et moi est une nécessité fondamentale tant pour la compréhension que j’ai de l’autre que pour la mienne propre. Là où d’autres ont une action ciblée du type formation ou investigation, mon travail sera plus du type accompagnement : vivre avec, faire avec, être avec et ce, quelle que soit l’activité.
A l’inverse de ce qui se passe d’habitude, le “comment est vécu l’activité” prime le “pourquoi de l’activité”. C’est pour cette raison que mon action n’est pas aussi quantifiable, pesable et mesurable que bien des autres.
C’est parce que je sais combien le regard porté sur l’autre le construit ou l’enferme que j’accorde de l’importance au fait de pouvoir changer le regard que l’on promène parfois sur les usagés et leur permettre ainsi d’évoluer.
S’il est capable de celà, alors l’éducateur est un possible “encore” ouvert. Je dis cela en pesant mes mots et sans sentiment d’abnégation ou de dévouement quelconque, mais en pensant à des enfants dont je m’occupe et pour lesquels je suis une sorte d’espace relationnel intermédiaire.
Pont entre eux et le monde extérieur, ainsi que lien quotidien entre eux et la réalité, l’éducateur spécialisé d’internat est aussi celui, par rapport à qui est rejoué, dans la quotidienneté, tant la répétition des automatismes du passé, que celui vers qui on espère vivre ce que le passé ou le présent n’ont pas offerts.
Cette position de l’éducateur spécialisé d’internat demande, dès le départ, un maximum de clarté dans ses rapports à l’usagé et la famille de ce dernier. Elle le force à la rigeur.
C’est à lui de définir et d’être le garant des règles relationnelles qui constitueront les assises de son action, ainsi qu’elles en fonderont la référence éthique. Par exemple, pour ce qui est du travail avec des enfants ou des adolescents je pourrais définir les règles qui, dans la mesure du possible, me semble indispensable comme suit :
1) Vérifier le bien fondé du placement de tel enfant dans cette institution, de sorte à le préserver de tout placement inadéquat.
2) Vérifier que l’usagé, sa famille et l’éducateur soient bien au clair sur les raisons et les buts du placement.
3) Ecouter ce que l’usagé a à dire sur ces raisons ; entendre ses raisons à lui.
Vérifier la congruence entre ses buts et nos buts ; fixer avec l’usagé la manière de tendre vers des buts communs. Le seul fait de choisir des buts de concert avec l’usagé et pas unilatéralement place ce dernier dans la position de “forger” son destin et non de le subir.
4) Prévoir avec l’usagé des temps d’ajustement et d’appréciation réciproque.
En somme l^éducateur est un porteur de cadre dans la relation et surtout pas un poseur de cadre : le cadre qu’il porte il l’offre pour que l’autre se l’approprie et l’intègre. IL ne lelui posepas autour pourl’enfermeé. Poser des cadres c’est crèer des crustacé à la carapace à l’exterieur porterun cadre c’est proposerà l’autre une armature un squelette cequi convient bien mieux à des mamifère,.
A elles seules ces quelques mesures, si elles sont appliquées, représentent déjà tout un travail qui favorisent grandement, par la suite, le développement de relations potentiellement évolutives pour le client.
Dans la pratique, je constate que ces prémices de la relation éducative sont, bien souvent, purement et simplement ignorées. On est en droit de penser qu’il appartient aux éducateurs spécialisé d’internat de les instaurer ou de les rappeller et ce d’autant plus, qu’après le client, c’est eux qui devront en subir le plus directement les conséquences puisque d’entrée de jeu “l’outil de travail” est fragilisé !
C’est pourquoi conscient de la particularité de sa position,l’éducateur spécialisé d’internat se doit de rechercher l’adhésion du client à l’élaboration du projet éducatif ainsi que sa participation à sa réalisation. Il faut que il soit, là encore, conscient des terrains sur lesquels il se trouve.
Si d’une part, dans une perspective d’accompagnement global, l’éducateur spécialisé, sensibilisé au travail avec les familles, recherche avec elles une véritable alliance de travail, il doit se garder de parvenir à ce but en ne devenant qu’un agent de la famille auprès de l’usagé.
Certaines décisions concernant l’enfant sont à prendre avec l’enfant, l’adolescent et sa famille, d’autres avec l’enfant ou l’adolescent seulement, parce que relevant de la sphère de compétence de ce dernier et favorisant les processus d’autonomisation.
Il ne s’agit bien évidemnt pas d’évincé des parents ou de leur caché quoi que ce soit mais d’aller vers une organisation des relation qui permette une évolution dela situation.
Ce terrain reste cependant très sensible et demande réel une adhésion des parents qui ne peut étre obtenue qu’au prix d’un travaille explicatif et clarificateur des rôles et fonctions de tout les acteurs.
Symptômes
Confronté au symptôme qu’il doit supporter quotidiennement et qu’il ne sert à rien, dans le long terme, de simplement vouloir juguler par des mesures disciplinaires, l’éducateur spécialisé d’internat, de par sa position charnière, peut se considérer comme un thérapeute agissant dans le quotidien, plus précisément, au moyen de l’inter-relation dans le quotidien.
Dans un premier temps l’équipe éducative se devrait d’imaginer face au symptome des réponses qui ne dépendent ni de la personne ni de son humeur. La circonscription du symptôme devrait leur permette de libérer leur énergie en vue d’une compréhension de fond plutôt que d’ être gaspillée à trouvé des solutions au coup par coup.
La réponse cohérente prévisible parce qu’attendue permet dans le temps de limité l’effet du symptome. Elle rassure tant l’enfant que l’adulte et offre une base évaluative que l’action ponctuelle trop personnalisée n’ offre pas. C’est une manière de ne pas sur-investire des actes qui s’inscrivent si l’on n’y prend pas garde avant tout dans une percpective relationnelle.
En amont l’annonce et l’ explication des réponses données à actes symptomatique tendent vers une forme d’interaction participative avec l’enfant. En aval Il ne s’agit plus simplement de menaces punitives proférer par un adulte exéder mais d’appliquation de mesures conséquentes à tel ou tel comportements. Cette manière de procéder instaure un réel partenariat contractuel évolutif plate forme continuelle de redéfinition des attentes.
Identités
Si je regarde plus spécifiquement ma pratique pour la comparer à d’autres, je dirai que la tâche éducative est constante alors que l’enseignement par exemple, est, quoique continu, ponctuel.
(dans ce sens, avec des enfants en tout cas, elle est oeuvre commune à laquelle participe, le voulant ou non, consciemment ou non, tout le personnel d’une institution, de la lingère si importante, au directeur)
C’est pour cela que l’enseignement, surtout s’il est spécialisé, doit être compris comme une partie spécifique de l’éducation et non l’inverse.
L’éducation ne se résume pas à l’acquisition de connaissances. Il faut chercher à voir d’ abord l’enfant et non l’élève (ou si vous préférez l’humain et non le patient), même si la deuxième solution semble la plus simple parce que la plus évaluable.
On pourra saisir la différence, si l’on veut bien distinguer entre “enseigner” compris comme un acte de formation, qui serait la tâche de l’enseignant ou du maître socio-professionnel et “développer” qui serait la tâche éducative.
Ces deux voies sont complémentaires pour peu que l’on prenne garde à ne pas les rendre antinomiques.
Dans ce sens, voir en premier pour ce qui concerne les enfants placés en institution les impératifs de la formation et en faire la pierre de touche de l’éducation spécialisée serait une erreur.
Erreur qui de plus renforcerait la croyance selon laquelle les problèmes de l’enfant ne sont dûs qu’à des troubles touchant principalement des difficultés liées à l’apprentissage.
Cette idée si commode et tellement répandue, malgré les apparences, a l’avantage de faire reposer les difficultés uniquement sur l’enfant en épargnant le milieu. (Appellation qui englobe, à mes yeux, aussi bien la famille, l’environnement social que les professionnels.)
Penser de la sorte peut certes justifier un morcellement de la tâche, il n’empêche que sur le terrain les consécences seraient graves pour certains enfants qui ne commencent à faire des progrès que parce qu’il y a continuité des personnes entre les temps de classe et de vie de groupe.
La construction d’une identité personnelle prime, quel que soit l’âge de l’enfant ou l’anxiété des intervenants sur les acquisitions scolaires et la formation professionnelle.
C’est à partir de ce postulat qu’il faut imaginer et construire un milieu d’accueil et organiser des activités qui tiennent réellement compte des besoins des enfants ainsi que de leur niveau. Cette démarche ne peut être menée par des instances extérieures mais doit être pensée de l’intérieur des structures par les intervenants qui sont au plus près de la clientèle.
S’il existe une pédagogie institutionnelle au niveau groupal, il faut que rien, dans sa conception, ne soit rigide au point de ne pas permettre une adaptation en fonction des besoins d’un individu.
Il est illusoire de vouloir faire entrer, même avec la meilleure bonne foi du monde, un enfant dans une structure qui ne tienne pas compte de ses difficultés, simplement parce qu’il devrait à son âge pouvoir le faire ! Il faut prendre, pardonnez-moi l’expression, l’ascenseur là où il est si l’on veut faire alliance de travail et garder une chance de mobiliser les parties potentiellement évolutives.
Conscient des points développés ci-dessus, l’éducateur spécialisé d’internat aurait tort de se penser au dessus de la mêlée, alors même qu’il est en plein dedans. Il se trouve en tension de part sa fonction entre son rôle de thérapeute dans le quotidien et son rôle d’agent social, mandaté par la société auprès de gens ne répondant pas d’une manière ou d’une autre, à la norme. Son action le situant avant tout entre l’individu et la société
En conclusion à ce paragraphe et en introduction au suivant je voudrais attirer l’attention sur un point qui me tient particulièrement à coeur parce qu’il me semble qu’il en est passablement passé sous silence par les temps qui courent.
Je désire donc souligner que malgré tout le soin que l’éducateur spécialisé d’internat peut apporter à l’accompagnement d’un individu, il ne peut s’épargner une interrogation à propos des facteurs sociaux qui on ammené cet individu à devoir être pris en charge. J’irai même plus loin en disant qu’il doit, le cas échant, se mobiliser pour dévoiler les disfonctionnements sociaux péjorants pour tel ou tel individu ou groupe d’individu. Cela aussi, à mon sens, fait partie de notre rôle d’agent social !
Je parle bien ici d’une compréhension sociologique du phénomène et pas uniquement d’une compréhension d’un problème au niveau de la famille du sujet.
Cette dernière démarche pour précieuse qu’elle soit ne considérant qu’une partie du champ et n’en recouvrant, quoiqu’on en pense, pas la totalité.
Société
“ Rendons nous bien compte de ce qu’est la première tâche de l’éducation. l’enfant doit apprendre à maîtriser ses pulsions... ... Il faut donc que l’éducation inhibe, interdise, réprime et elle y a d’ailleurs largement veillé en tout temps mais l’analyse nous a appris que c’est précisément cette répression des pulsions qui entraîne le danger d’une maladie névrotique... ... L’éducation doit donc chercher son chemin entre le Scylla du laisser-faire et le Charybe de la frustration... ... Il s’agira de décider jusqu’où on peut interdire, à quels moments et par quel moyens. D’autres part, il faut encore prendre en considération le fait que les objets de l’influence éducatrice apportent avec eux des dispositions constitutionnelles très différentes, de sorte qu’il est impossible que le même procédé éducatif soit également bon pour tous les enfants.”(24)
Je reste chaque fois admiratif de la richesse de ces quelques lignes de Freud, des perspectives de réflexion qu’elles ouvrent, ainsi que de leur modernité. Pari sans cesse répété de l’éducation qui doit respecter mais façonner la croissance naturelle de l’enfant pour qu’il devienne ce qu’il n’est pas fondamentalement par nature !
Le sage ne nous disait-t-il pas que si l’on naît homme on ne devient humain que petit à petit.
Celui qui remplit un rôle d’éducateur est donc tiraillé entre l’enfant et la société dont la fonction principale semble être, au travers de la loi, la répression du désir, sa réorientation et en définitive son deuil raisonnable. J’ai dit “semble” parce que la société peut être appréhendée autrement qu’au travers de son aspect répressif, elle est aussi l’espace potentiel dans lequel peut se développer et s’inscrire la créativité humaine.
C’est dans, par et souvent pour la société, qu’il compose d’ailleurs, que l’individu agit et se développe. “Son problème, (à l’homme) c’est de trouver un nouvel équilibre, une nouvelle forme d’union au monde, mais spécifiquement humaine, c’est-à-dire qui sauve sa liberté individuelle, qui lui permette de se sentir séparé du monde en tant qu’individu conscient, tout en étant relié à ses semblables et à lui-même en tant qu’individu créateur. L’homme doit pouvoir prendre seul ses décisions, tout en se reliant affectivement au monde”.(25)
Solution idéale à ce conflit terriblement humain que je résume de la sorte : “
Appartenir à un groupe me rassure mais me fais perdre une part de ma liberté, être seul me rend mon indépendance mais m’inquiète ! ”
Le travail de l’éducateur consiste, non seulement, à favoriser, voire à permettre les ajustements, entre l’usagé et la société mais il devrait, le cas échéant, inciter l’éducateur à remettre en cause les structures sociales injustes ou oppresantes pour l’individu.
Le rôle d’agent social ne se conçoit pas à sens unique. Le repèrer dans une seule de ces dimensions et une manière de faire peser sur l’individu seul le poid de ses échecs. Ce côté non négligeable de notre travail peut nous mettre dans la position de devoir nous “engager” (j’emploie ce mot sans références à quelques formes que ce soit de militantisme politique. La seule politique qui m’interesse en ce cas étant la politique sociale.) ; en cela notre action comme éducateur à des prolongements et rejoint notre rôle de citoyen.
Équilibre à trouver aussi entre le fait de préparer l’avenir et la transmission de valeurs conservatrices. Dans cette perspective dialectique, une partie de l’énergie devrait servir à conserver, une autre partie être investie dans le changement.
L’éducateur spécialisé est donc sans cesse amené à se situer vis-à-vis du client, pour lequel il est lieu de double représentation, donc de conflit, représentant tour à tour l’allié ou l’ennemi. Dans ce dernier cas il représente souvent la société généralement vécue comme mauvaise.
Il est intéressant de constater que c’est aux éducateurs spécialisé, souvent perçus comme marginaux, qu’incombe la tâche de faciliter l’intégration de plus marginaux qu’eux. Peut-être faut-il s’en réjouir dans le sens où il est permis de penser que si les éducateurs ont dû eux aussi trouver, plus que d’autres, un aménagement entre leur “marginalité” et la réalité, ils seront plus à même de comprendre et de respecter le cheminement des usagés.
Encore faut-il que l’adulte éducateur spécialisé ait réussi cette gageure de s’intégrer lui-même et que sa profession ne soit pas le paravent occultant sa propre inadaptation !
La société doit être représentée d’abord par l’aménagement que le personnel de l’institution a mis en place en tenant compte des difficultés de l’usagé. C’est dans ce cadre que l’éducateur spécialisé doit tendre à ce que le client supporte de mieux en mieux les règles sociales. Ce travail doit se faire en tenant réellement compte des difficultés de l’usagé.
Si j’insiste sur ce point, c’est que j’ai vu parfois, au nom de l’adaptation sociale des enfants ou des adultes mis dans des situations ou face à des exigences insupportables pour eux, s’entendre dire que c’était pour leur bien.
La frontière entre éducation ou dressage, autorité ou abus de pouvoir est parfois bien mince et demande de la vigilance.
Dans ce sens, la réflexion et l’aménagement, voire l’adaptation du cadre de vie de l’institution est une tâche de la première importance qui ne peut être accomplie que par des professionnels proche des usagés. Cela est d’autant plus vrai que l’éducateur spécialisé doit dans sa pratique tenir compte non seulement de sa relation au client mais de la relation entre les clients.
Son action se concrétisant le plus souvent au sein d’un groupe, il ne peut ignorer la dynamique qui se crée entre ses membres. Il devrait au contraire pouvoir comprendre, mobiliser et se servir de cette dynamique comme agent éducatif.
L’art et la difficulté résidant dans le fait de tenir compte, à la fois, de tous et de chacun.
Dans ce sens, favoriser la circulation de la communication entre pairs, soit par l’instauration de rituels d’interactions participatives soit par la réalisation de projets communs, permet d’utiliser à des fins évolutives individuelles les potentialités d’un groupe. (J’entends par là des activités s’étendant de la dynamique de groupe aux jeux symboliques, aussi bien que de la réalisation de travaux artisanaux ou artistiques commun.)
Ces pratiques peuvent constituer tant une sensibilisation à la vie interieure qu’un premier pallier d’apprentissage social. Pour qu’elles soient réalisables et opérantes, ces dernières doivent tenir compte des différents besoins de la clientèle et leur être adaptées. C’est ainsi qu’une certaine hétérogénéité de la clientèle, si elle est supportable voire souhaitable, peut être péjorante voire stérilisante si elle est excessive.
Les éducateurs spécialisé doivent être soucieux de cela s’ils ne veulent pas que, la conjoncture aidant, le mélange de population au sein des institutions limite dangereusement la mobilisation de ressources d’un groupe.
Nous devons veiller à ce que les usagés ne soient pas des obstacles les uns pour les autres. “Dans tout les groupes d’enfants, il y a ceux dont les foyers sont satisfaisants et ceux dont les foyers ne le sont pas. Les premiers font, pour leur développement affectif, un usage naturel de leur foyer. Dans leur cas, le plus important de la mise à l’épreuve et du passage à l’acte se fait à la maison, les parents étant capables et désireux de prendre leur résponsabillités. Les enfants vienent à l’école pour ajouter quelque chose à leur vie, ils veulent apprendre... ...Au contraire, les autres enfants vont à l’école dans un autre but. Ils y vont avec l’idée que l’école pourrait leur fournir ce que leur foyer ne leur a pas offert. Ils ne vont pas à l’école pour apprendre, mais pour y trouver un foyer hors du foyer. Cela signifie qu’ils recherchent une situation affective stable dans laquelle ils pourront faire usage de leur labilité affective, un groupe dont ils pourront peu à peu faire partie, un groupe qui pourra être mis à l’épreuve pour résister à l’agressivité et supporter les idées agressives. Comme il est curieux que ces deux types d’enfants se trouvent dans la même classe !(26)
Cet étonnement de D. W. Winicoott qui fait écho à l’ “impossible que le même procédé éducatif soit également bon pour tous les enfants “ de S. Freud (cité plus haut réf. 24) peut être le nôtre aujourd’hui encore et pas seulement au sujet du mélange de population dans une classe.
Ne plus prendre garde aux différences de difficultés des usagés sous couvert d’une plus grande “intégration” ou mélanger à l’excès les populations ne relève sûrement pas d’une vision objective des nécessités de la tâche éducative ! Comme quoi il est des situations où élever des murs et marquer des territoires prime le fait de construire des ponts.
C’est en se servant de la qualité de la relation, de sa permanence, que l’éducateur, petit à petit, favorise par exemple, l’acceptation de la frustration chez le client, en lui permettant de se créer des moyens de la rendre acceptable.
La qualité de la relation peut être définie comme l’acceptation des fluctuations, justement dans la relation, sans que pour autant il y ait risque que la relation cesse du côté de l’éducateur spécialisé.
Cela passe souvent par une pédagogie qui supporte mais essaie de limiter le conflit, alors qu’elle permet, voire encourage la confrontation.
Cette dernière pouvant être vécue dans la stabilité devient petit à petit une tentative d’adaptation au réel de la part de l’usagé. “Qualité de la relation” ne veut pas dire que l’éducateur spécialisé ne doive pas assumer et comprendre l’importance de son rôle de mauvais objet.
La relation peut être vue comme une recherche d’harmonisation entre deux êtres et leurs désirs et ce, tant au niveau du pensé, du senti que du ressenti, puisque notre travail nous engage également au niveau des affects, des sentiments et des émotions.
C’est dans la relation que nous avons à donner du sens à un comportement et surtout, quand cela est possible, à favoriser la recherche de sens par l’usagé lui-même. La relation devrait permettre l’émergence de l’être sociable (capable de relations humaines authentiques), avant que de vouloir façonner l’être social (qui tient une place dans la société) !
Ceci me semble être le processus menant l’usagé vers le développement d’une véritable compétence sociale. J’entends par compétence sociale, la faculté qu’a l’individu d’assumer un rôle social optimal (dans la famille, dans la communauté et au travail) pour lui et pour les autres, dans la mesure de ses capacités et de ses potentialités.
L’action éducative prise dans un sens large englobe toutes les mesures qui visent à développer les aptitudes nécessaires à l’être humain pour assumer ce rôle. La-dite éducation envisage le développement entier de la personne dans une perspective d’interdépendance et d’interaction avec l’environnement.
Pour souligner, si besoin est, l’importance que j’accorde à un travail visant la compétence sociale, j’aimerai indiquer les différentes positions, que selon moi, l’individu peut occuper par rapport à la société.
Ce sont des repères que j’ai imaginé sans prétention, est à ce jour à mon usage privé afin de situer les usagés dans leur dynamique interne en parrallèle avec leur position au sein de la société. J’ai observé des comportements que j’ai ensuite compris et classifier comme appartenant aux quatre positions de base suivante ; asociale, antisociale, sociale, sociable. (Bien évidement la même personne est suceptible de comportements la faisant participer de plusieurs catégories.)
Asociale, au sens ou je l’entends, regroupe des personnalités trop pulsionelles qui manquent totalement ou partiellement de contrôle sur elles-mêmes.
Antisociale, s’applique dans ce cas à des personnes centrées uniquement sur elles-mêmes ou leur univers, ne voyant que leur intêret propre, très individualistes, se réalisant la plupart du temps sur le mode de l’avoir et de la possession.
Sociale, à entendre ici comme suradaptée, se conformant parfaitement aux règles établies, très sensible aux formes extérieures.
Sociable, se comprend comme capable d’avoir des relations humaines aimables avec ses semblables, la personne peut tenir compte des autres sans s’oublier pour autant. Le sens que je lui donne ici s’applique à des personnes que je conçois comme étant dans une dynamique d’individation. (Je ne veux pas charger ici ce terme de toute la richesse de sens que lui donne C.G. Jung. Je l’emploie surtout en opposition à individualisme et pour souligner un processus de maturation.)
Cette manière, non scientifique bien sûr, de classifier des comportements, m’a aidé à ne pas oublier de considérer la personne dans sa dimension sociale. En même temps, elle me permet une observation plus pointue et, partant, une lecture plus fine de ses comportements en société.
J’ai essayé de surcroit de schématiser la compréhension que j’ai de ces phénomènes en les considérant dans les polarités suivantes : Naturelle - Humaine / Personne - Société. Je donne ici la représentation graphique que j’en ai faite.
Ce schéma est à comprendre dans une perspective dynamique, il représente les axes de tension nécessaire entre la tendance naturelle instinctuelle et la potentialité à s’humaniser en tant que dynamique de croissance d’une part, et les forces en jeux entre la personne et la société d’autre part.
C’est sur ce dernier axe que se joue nos besoins d’appartenance et de différenciation.
Pour moi, l’être humain a, de par son histoire personnelle et de par son milieu, des tendances à se mouvoir quelque part sur une fraction plus ou moins étendue de la circonférence. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne puisse pas, le cas échéant, se déplacer sur la totalité de la circonférance.
Selon ma lecture de ce schéma, je pourrais expliquer que celui chez qui, par exemple, des tendances naturelles prennent trop de place, surtout si elles ne sont pas mises en tension par leur contraire, peut se situer dans les arcs de cercle appelés pulsionnels ou individualistes pour ce qui concerne sa dynamique interne. De plus, s’il se situe sur l’axe social près de la tendance personnelle, (ce qui veut dire qu’il a peu de moyens de s’intégrer socialement) on pourra le repérer plus précisément dans l’arc de cercle pulsionel pour ce qui est de la dynamique interne (arc de cercle interieur), et asocial pour la lecture que l’extérieur fait de cette dynamique quand elle la comprend en terme de comportement (arc de cercle exterieur).
Dans l’exemple précédent, si la personne avait les moyens de se “servir de” la société à son profit (elle se situerait sur l’axe social près de l’extrémité société) elle serait à comprendre, dans ce cas, comme individualiste et antisociale.
Je laisse libre le lecteur de continuer à jouer avec ce petit dessin qui représente une tentative, bien imparfaite, de prendre en compte, d’une part la composante psychologique du sujet, et d’autre part, la résonnance sociale de cette composante autant que le décodage que la société fait du comportement.
Bien évidement on est en droit de se demander dans quelle mesure le regard que la société pose sur un sujet influence sa réalité interne et, partant, ses comportements. La société modèle-t-elle les hommes pour ses besoins, ou les hommes créent-ils la société pour leurs besoins ?
Faute d’une “sagesse” qui permette de dépasser la position dualiste, nous sommes, plus modestement dans notre métier, forcés de composer avec ces deux tendances. (“Composer avec” s’entend ici dans le sens d’alternance. En effet à mes yeux la pire solution consisterait à imaginer une solution de compromis se résumant à tenir une position médiane statique.)
Sens
Tout travail éducatif qui a pour but l’augmentation de la compétence sociale, tendra à rendre conscient chez le sujet la composante psychique et émotionnelle de sa personne, sans quoi il risque de laisser l’individu se construire un faux-self.
Cette démarche passe par des processus d’individuation qui sont ouverture à... et non par le repli dans l’individualisme qui est fermeture sur....
Dans cette perspective la partie la plus importante de la tâche consiste à encadrer la pulsion tant que l’enfant n’arrive pas à l’encadrer lui même.
A donner en somme un encadrement cohérent à un comportement qui est pour les enfants acceuillis socialement innaceptable même si il est compréhensible.
Les enfants par exemple ne changent pas, simplement parce qu’ils sont placer en institution mais parce qu’un processus de normalisation des échanges sociaux se met en place, un foyer n’est pas un hôpital où l’ on guérit une maladie mais un lieu d’ apprentissage relationnel, lequel apprentissage devra se poursuivre tant que l’éducation des enfants ne sera pas terminée. Il faut faire en sorte d’aider l’enfant à renforcer son moi pour faire face aux pulsions afin qu’il puisse se maitriser plus tard sans aide exterieur.
Situer l’éducateur spécialisé dans cette perspective, c’est pour moi le voir dans son vrai rôle, premièrement comme accompagnateur d’un processus, souvent mais pas exclusivement, d’autonomie ; deuxièmement, de transmetteur et de décodeur des normes et du code social.
Parce que “nous habitons un monde interprété par d’autres où il nous faut prendre place. Le monde interhumain est un monde des sens autant qu’un monde de sens, un monde où nos sens prennent sens, un monde où notre sensorialité se charge d’histoire, elle qui gouverne nos émotions autant que nos perceptions”.(27 )
Nous ne pouvons nous contenter d’émettre des messages, fussent-ils l’expression d’un mal-être, de manière anarchique et ce, d’autant plus, si l’émission est répétitive mais nous devons les inscrire dans une manière qui puisse être repérée, acceptée et comprise de nous-mêmes d’abord, de l’interlocuteur mais aussi de la société dans laquelle nous vivons, sans quoi le risque de rejet est grand.
Ces lignes ne veulent pas dire que l’expression des émotions soit interdite ou tellement ritualisée qu’elle est vide de sens, voire impossible ni que les manières d’exprimer ne soient fluctuantes au niveau de la société : ce qui était interdit hier est permis aujourd’hui et vice versa. Cependant nous devons être attentifs à ne pas laisser se marginaliser tel ou tel usagé, sous prétexte que notre tolérance professionnelle est plus grande que la tolérance sociale. De plus, une attitude qui ne serait faite que de tolérance ne serait, à mon avis, qu’une pseudo-tolérance frôlant le “je m’en-foutisme” déguisé. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit : encore une fois une attitude, quelle qu’elle soit, qui ne permette pas à l’autre de ressentir ses émotions de les communiquer et de leur donner du sens, n’a que peu de valeur. “Sans émotions pas de communication et sans communication pas de civilisation.”(28) La piste éthologique ouvre des perspectives de réflexion, compréhension et d’action pour l’éducateur. (Selon l’auteur de la référence 28, l’éthologie peut être définie comme “l’étude objective des comportements naturels, c’est-à-dire des comportements spontanés (par opposition à des comportements provoqués expérimentalement), observés sur le terrain... Je renvoie aussi à la définition que B. Cyrulnik donne de l’éthologie humaine dans son livre ”De la parole comme d’une molécule” p.128 éditions Eshel 1995.)
Simplement tolérer peut être nécessaire dans certains cas mais chaque fois que cela est faisable, nous devons prendre garde à rendre l’ajustement entre l’usagé et la société possible.
Bien sûr l’idéal est élevé il ne dépend d’ailleurs, et de loin pas uniquement d’un éducateur, que d’aucuns l’atteignent. Encore une fois, ce qui importe c’est la direction indiquée, qui permet de se situer et le chemin parcouru qui permet de se réaliser. Je dis cela en somme pour les deux acteurs de la rencontre, tant il est vrai que l’éducateur, bien qu’il puisse incarner la stabilité, n’est de loin pas un point “ fixe” mais qu’il est lui aussi en évolution. Accepter que nous sommes irrémédiablement dans le provisoire et se servir de cela comme d’un élément dynamique est une position de force pour l’exercice de notre profession. Cela est me semble-t-il de la première importance et n’est pas aussi simple à gérer. Il suffit de “vieillir “ dans ce métier pour constater, très simplement, que l’on travaille aussi, en plus d’être homme ou femme, avec son look, son physique et son âge. L’éducateur n’est, généralement, pas l’objet des mêmes investissements de la part des usagés en fonction aussi de ces différents critères. Repérer et accepter véritablement ses propres changements n’est, je le répète pas si aisé, puisqu’il faut pour y parvenir, que l’éducateur soit en réflexion à propos de ses désirs de ressemblance et de différenciation par rapport à la clientèle. Qu’il tende, pour lui-même déjà, à devenir producteur de sens concernant son histoire et sa temporalité, et non consommateur de sens. Il faut qu’il vise petit à petit à sortir du besoin de modèle et accepte, personnellement, l’aléatoire de la référence pour “qu’il ait conscience d’être celui qui produit dans une institution qui reproduit”.(29)
La spécificité de l’éducateur est donc de se servir de ses connaissances et de son savoir, non pour transmettre un savoir, ce qui est la tâche particulière du pédagogue dans le sens scolaire, mais pour favoriser le développement. (Ce terme peut être compris ici dans différentes acceptions : enlever ce qui enveloppe ; étendre ce quiest plié ; faire croître, donner de l’ampleur ; exposer des détails.) Lorsque je parle de développement, j’entends donc ce mot dans tous ces sens du terme et dans toutes les dimensions de l’humain et ce, quel que soit le handicap, l’âge, le sexe ou la déviance de l’usagé. Favoriser le développement ne veut pas dire que forcément l’autre deviendra tel que nous pensons qu’il doive devenir. En effet l’éducateur doit prendre garde à ne pas avoir des attentes étouffantes qui enferment l’autre. “La passion de l’altérité impliquant le non-besoin pour soi de l’altérité de l’autre et, par conséquent, la possibilité pour l’autre de se séparer véritablement”.(30) Dans ce genre de relation où la quotidienneté est espace de travail et pas seulement effort pour supporter la déviance, je rappelle que les interventions de l’éducateur peuvent se situer en principe à tous les instants de la vie journalière ; à lui de saisir les opportunités qui se présentent, pour en faire des situations thérapeutiques ou évolutives.
Pour se faire, il devrait connaître assez de l’histoire de l’usagé, non pour savoir simplement, mais pour comprendre. Le professionnalisme, tel que je le conçois, met en adéquation le quand et le comment de l’interaction ou de l’intervention avec la compréhension de l’histoire du sujet. Cela demande de la part de l’éducateur une certaine lucidité concernant son histoire personnelle. Ce dernier devant pouvoir repérer des rapports de similitude et de différence entre ces deux histoires et ne pas les confondres. Il y a là, me semble-t-il, matière suffisante et assez spécifique pour pousser les éducateurs à se forger des outils de réflexion, d’intervention et d’évaluation qui rendent leur savoir de plus en plus objectivable.
Spécificité
Les relations concrètes entre individus dans le quotidien se situent entre les pôles que je définirai comme étant ceux de l’ordre (pôle plus masculin) et de la chaleur (pôle plus feminin). Il ne s’agit pas ici d’hommes ou de femmes mais bien de rôles ou de figures entre lesquels l’humain peut dans l’idéal osciller. Si j’admets cette vision, l’éducateur devrait idéalement pouvoir s’adapter et être capable d’une gamme allant de l’interdiction au maternage, de la récompense à la sanction. Dans ce sens, plutôt que de se vouloir spécialisée, notre intervention se doit d’être spécifique, tenant compte de la situation particulière. La gamme des réponses possibles, ainsi que les possibilités de supporter d’un seul n’étant pas totales, le travail éducatif s’accomplit généralement à plusieurs, ce qui est un gage de sécurité, tant pour les usagés que pour l’éducateur. Dans ce sens le travail d’équipe est un impératif. Sans lui il serait utopique d’imaginer se servir des interactions dans le quotidien pour les exploiter dans le cadre d’un groupe et l’éducateur serait ramené à une simple fonction de gardiennage. “Il y a une fonction éducative qui s’exerce au sein d’une équipe qui pratique l’éducation, mais il n’y a pas d’éducateur spécialisé au sens strict du terme.(31) Je parle bien d’une équipe que je différencie clairement d’un groupe, la première se constituant autour de la tâche à accomplir et d’un projet par rapport à sa vision de la tâche, alors que le groupe peut être n’importe quel rassemblement de personnes. Le travail éducatif nécessite d’apprendre à travailler sous le regard d’autres collègues et en interactions avec eux. Ceci est bien différent de ce que l’on considère généralement comme un travail d’équipe et qui se résume souvent à échanger avec d’autres durant les temps de colloques. Cette nécessité de travailler en équipe nous différencie par exemple des psychologues qui travaillent le plus souvent seuls face à un usagé ainsi que des enseignants spécialisés et maîtres socio-professionnels seuls maîtres à bord face à leurs élèves durant les heures de classe ou d’atelier.
Communication
J’ai dit plus haut que l’éducateur n’avait rien à enseigner dans un temps donné ; cependant, cela ne veut pas dire que l’éducateur n’ait rien à apprendre à l’autre ni de l’autre d’ailleurs. Cet apprentissage réciproque, je le conçois comme étant la relation elle-même par le truchement de ce qui en fait sa substance c’est-à-dire la communication. Communication tant digitale (verbale) qu’analogique (non verbale) qui est à la fois objet et but de la relation selon qu’elle est comprise par un auteur comme P. Waslawick.(32) Mais aussi, selon moi, dans le sens d’un langage à la fois significatif (qui exprime clairement se que l’on pense) et signifiant (qui est potentiellement plein de sens pour le sujet). Sans communication pas de rencontre et pas de relation, donc peu ou pas de possibilités de changement, “c’est à travers l’autre que l’on se connait” (je crois me rappeler que la formule est de Gregory Beateson). Je pourrai dire qu’en règle générale tous les usagés auxquels des éducateurs ont à faire souffrent soit premièrement, soit comme conséquence, mais d’une manière ou d’une autre, de troubles de la communication. Soit qu’ils communiquent mal ou pas, soit qu’on comprenne mal ou pas leur message et ce faisant, leur comportement. Que tout comportement soit une communication consciente ou non de la part du sujet, voilà me semble-t-il une évidence qui n’est que difficilement niable aujourd’hui ! Une présence éducative qui se veut de qualité ne peut, à mon sens, méconnaître cette évidence. La restauration d’une communication déficiente ou l’instauration de communication là où elle paraît ou semble inexistante, est une des premières tâches de l’éducateur. Les éducateurs, de par leur position d’intervenants concrètement impliqués, ont la possibilité, là encore, de saisir les occasions dans le contexte quotidien, d’offrir des expériences de communication. Si je disais que l’éducateur avait autant à apprendre de l’autre, qu’à apprendre à l’autre, c’est qu’il lui faut d’abord faire l’effort de comprendre le plus possible les modèles communicationnels de l’autre avant que de vouloir en proposer de nouveaux. Je rappelle que “communication” ne veut pas et, loin s’en faut, dire exclusivement “parole”.
“Le corps participe toujours à la langue. On ne peut l’en séparer. Le langage oral fonctionne avec des gestes intégrés au verbe. D’une certaine façon le corps régule, pilote l’interaction dans ses éléments verbaux, objectifs et subjectifs, mais ces informations ne sont révélatrices qu’une fois saisies, traitées, interprétées, transmises”.(33)
Souvent, plus la relation est intense, moins elle emploie le langage verbal : il n’est que de songer aux relations avec des tout-petits ou à des amoureux les yeux dans les yeux. Apprendre à décrypter de manière consciente ces gestes, attitudes, regards, intonations qui forment les codes ritualisés par lesquels nous marquons, d’une part, notre appartenance à une civilisation donnée et, qui d’autre part sont révélateurs d’un état intérieur, devraient mériter toute l’attention des éducateurs. Nous enregistrons et nous répondons le plus fréquemment automatiquement à ces messages, en émettant nous-même, tout aussi automatiquement, des messages complémentaires qui ne concourent pas forcément à l’action que nous aurions voulu avoir auprès d’un usagé. Avoir conscience de ces phénomènes est d’autant plus important, que chacun à son niveau a besoin de ces repères s’il veut voir ses émotions et sentiments pris en compte, ou même être reçus par ses semblables. Le terrain de cet apprentissage, né de la rencontre, ne peut être que l’inter-relation, j’emploie ce mot pour souligner le fait qu’il faut réellement deux acteurs à part entière, inter-dépendants l’un de l’autre dans des situations vraies pour que, la nécessité aidant, un tel processus puisse naître et évoluer. Le but de l’éducateur étant d’amener l’usagé, dans la mesure de ses moyens, à une qualité de communication, la meilleure possible, tant dans leur relation, que dans les relations sociales. Dans la mesure où cela est réaliste avec les usagés, la mobilisation des possibilités métacomunicationnelles est une absolue nécessité de toute forme d’apprentissage à la communication.
Je ne peux ici qu’insister pour que les éducateurs, conscients de leurs rôles et de leurs positions, se donnent les moyens d’être ceux qui favorisent et développent une communication réelle, tenant compte aussi des aspects non-verbaux.
J’espère, avec d’autres, que l’on prendra en compte la nécessité de tels apprentissages.(34) On a en effet le tort de croire que “bien communiquer” est naturel et ne nécessite pas d’apprentissage. En réalité, cela n’est pas si aisé. Sans approfondir davantage, je dirai simplement qu’une sensibilisation à ce sujet serait bénéfique bien au de-là d’une population méritant une intervention éducative professionnelle. La formule de cours, ou plutôt d’ateliers de communication, à l’école, ne serait peut-être pas si bête et mériterait d’être sérieusement réfléchie.
Connaissance
Je postulerais donc que, s’il y a au sein des sciences de l’éducation une branche qui nous est propre, elle doit avoir pour objet d’étude principal, la relation, ou plus précisément, l’inter-relation en situation réelle entre le sujet et le milieu ainsi qu’entre le sujet et l’éducateur. Voilà ce qui devrait être commun à tous les éducateurs au delà de leurs différents domaines d’intervention et qui pourrait être constitutif prioritairement d’une identité professionnelle supra-institutionnelle.
Ceci n’est pas antinomique avec l’acquisition des savoir-faire spécifiques que demande la prise en charge de clientèles différentes. Ces diciplines qui touche de près notre métier ne constituent pas, malgré les connaissances actuelles, pas une science exacte et personne ne peut donc se prévaloir en cette matière, quel que soit son bagage et son statut, de détenir la Vérité avec un grand V.
Puisqu’à ce jour l’homme n’est pas réductible aux connaissances que l’on a de lui, notre action doit garder assez de souplesse pour toujours tenir compte de l’imprévisible qui, à tout moment, peut nous forcer à imaginer des réponses ou des solutions différentes.
Savoir, connaître, comprendre (Comme entendu ici : savoir connaître théoriquement. Connaître savoir concrètement. Comprendre connaître affectivement) me paraissent définir les voies conjointes permettant d’appréhender une situation, en même temps qu’ils résument les paliers d’acquisitions obligatoires à l’exercice d’un métier qui comme le nôtre reste un métier ouvert. (Ouvert est entendu dans le sens de : qui s’occupe de différentes clientèle mais aussi, qui n’est pas rigide et tient compte des différences entre client.)
Sans cette esprit d’ouverture garant des possibilités adaptatives tous les échafaudages, théoriques ou concrets, que nous pourrons faire ne seront que des squelettes, armatures rigides parce que mortes, empêchant toute perspective thérapeutique à notre action... Que l’on ne s’y trompe pas, la science, connaissance abstraite, n’a d’impact auprès des usagés, que si elle devient un art, connaissance appliquée.
Polyvalence
En temps que corps professionnel, les éducateurs n’ont pas à être considérés comme d’emblée subordonnés à d’autres professions (voir par exemple le rapport infirmières / médecins) mais à être reconnus comme des partenaires. Ils le seront si, de leur côté, ils se donnent les moyens d’être les organisateurs et animateurs d’un cadre de vie total afin d’en faire un milieu d’accueil mais aussi d’accompagnement thérapeutique et évolutif. De la même manière que des enseignants spécialisés sont responsables de la quantité et de la qualité des heures d’enseignement, les éducateurs sont responsables de la qualité de l’outil relationnel et de son utilisation à des fins évolutives, justement dans la globalité de la prise en charge. Responsables aussi du fait que la prise en charge s’adresse bien à la globalité du sujet, corps, sentiment et pensée, à eux de trouver et de développer des modèles de réflexion et d’interventions qui tiennent compte de l’équilibre entre ces différents aspects. Comme je l’ai dit plus haut, les éducateurs ont, de par leur fonction, à être des spécialistes d’une certaine manière d’être en relation à la clientèle, en même temps que des généralistes pragmatiques et polyvalents. Ils sont garants de la qualité d’une prise en charge qu’ils vivent au plus près des usagés puisque, bien que n’étant pas aux “ordres de...”, ils ont la souplesse et la polyvalence, autant d’accompagner l’usagé tant dans des temps qui leurs sont traditionnellement dévolus, que de prolonger le travail d’autres professionnels, sans toutefois perdre de vue leurs objectifs propres.
Je connais le débat que soulève aujourd’hui la question de la polyvalence. “De mon point de vue, nous avons besoin de clarifier, aujourd’hui encore, ce que nous souhaitons introduire par le biais de la polyvalence et avant tout à quelles “entités” elle doit s’appliquer. Si la polyvalence dont on parle n’est sûrement pas à entendre dans le sens de disposer de personnels polyvalents, mais de services polyvalents, il n’en reste pas moins que la formule prête bien souvent à équivoque et que le glissement entre service polyvalent, équipe polyvalente et personnel polyvalent est rapidement réalisé. Cela peut par ailleurs se comprendre. En effet, le pivot du débat ayant été pendant des années celui des identités professionnelles, nous risquons, ne serait-ce que par habitude, de centrer à nouveau l’essentiel du débat de la collaboration interdisciplinaire autour du rôle professionnel et parler ainsi du nouveau rôle, cette fois polyvalent, du travailleur social, plutôt que de polyvalence de service et d’approche polyvalente des problèmes. La capacité d’approcher d’une façon globale un problème, d’en saisir les diverses facettes et mettre en oeuvre une concertation des diverses compétences professionnelles pour le résoudre, ne coïncide pas avec la recherche d’un professionnel polyvalent”.(35) Je ne peux pour ma part souscrire que partiellement à cette vision théorique. Je voudrai rendre attentif au fait que, sur le terrain et dans la pratique, une certaine polyvalence de l’éducateur est absolument nécessaire à l’exercice de sa tâche. Elle contrebalance le morcellement de la prise en charge qui pourrait se borner, si l’on y prend garde, à ce que l’usagé passe d’un spécialiste à l’autre sans qu’aucun généraliste ne s’inquiète des liens possibles ou d’une continuité quelconque. La polyvalence n’est pas à confondre avec la croyance que l’éducateur peut et doit tout faire, remplaçant à lui seul tous les corps de métier. La polyvalence pratique n’est pas non plus, à mes yeux, synonyme de confusion théorique. Elle est dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire, une compétence normale à pratiquer une certaine interdisciplinarité. Dans une profession qui, comme la nôtre, est au carrefour de plusieurs autres, cette compétence m’apparait comme indispensable. D’ailleurs si je reprends l’idée d’une “profession-carrefour” je la ressens autant comme le point où convergent d’autres professions (dans ce cas, l’éducation emprunte aux autres) que comme le point de divergence des autres professions (dans ce cas se sont les autres professions qui spécialisent des aspects de l’éducation).
L’éducateur qui soigne un refroidissement bénin ne prend pas la place du médecin, pas plus que celui qui parle avec un enfant de ses problèmes n’usurpe la place d’un psychothérapeute. Le fait de balayer une chambre avec un enfant ou de préparer un repas met-il en péril le travail d’un cuisinier ou d’une femme de ménage ? L’éducateur peut-il faire la toilette d’un handicapé profond sans voler le travail d’un infirmier ? Toutes les familles que les éducateurs voient ne demandent pas la mise en place d’une thérapie de famille ! J’ai même vu des enfants apprendre à lire et à écrire avec des éducateurs. Le métier d’enseignant en a t-il souffert ? Je pense que non, en tout cas les usagés eux en ont bénéficié concrètement.
Fort heureusement, toutes les actions ne nécessitent pas l’intervention d’un spécialiste. Si tel était le cas, l’éducation des enfants par les parents serait impossible, pensez seulement une minute à la polyvalence que le rôle de parent exige.
“-...
- Et que faites-vous dans la vie ?
- Je suis éducatrice.
- Ah ! De la petite enfance ? !
- Euh, je l’ai été, mais maintenant le plus âgé entre en adolescence et les autres sont en phase de latence.
- De latence ?
- Oui, ils en sont au stade prépubertaire.
- Vous travaillez dans une institution pour enfants...difficiles ?
- Pas du tout, je m’intéresse seulement de très près à l’évolution de l’enfant ; je m’émerveille de son besoin de savoir, de sa curiosité et je m’efforce de le soutenir, le plus discrètement possible, dans ses expériences. Je suis à l’écoute et à la recherche de la réalité psychique et physique de l’enfant.
- Ca c’est passionnant, moi aussi j’aurais toujours voulu étudier la psychologie ou la psychiatrie. Il y a tant de gens mal dans leur peau qu’il faudrait aider !
- C’est vrai. Pouvoir offrir une oreille attentive à un enfant est toujours enrichissant, encore faut-il être disponible et réceptif.
- Oui, mais vous les psychologues, vous avez le temps d’écouter les autres, c’est votre métier ! Moi, quand j’ai fini les courses et préparé les repas, il me reste juste le temps de corriger les devoirs de mon fils. Quant à ma fille ! J’ai essayé de discuter avec elle l’autre jour ! Elle ne veut pas comprendre qu’à quatorze ans elle ferait mieux de penser à ses études plutôt qu’aux garçons !
- C’est qu’au moment de la puberté et de l’adolescence, il ne nous est plus possible d’ignorer la vie sexuelle de l’enfant. Pour lui comme pour nous, parents, cette période est difficile. C’est pourquoi je fais de l’information et de l’éducation avec les tout-petits déjà.
- Ah, vous êtes spécialiste d’édication sexuelle dans les écoles ?
- Je vous l’ai dit, j’accomplis mon travail du mieux que je peux, mais je n’ai pas beaucoup de mérite à cela puisque mon métier est aussi un acte d’amour!
- ...vous êtes une femme pasteur ?
- Mois non, je n’aurais pas eu le courage d’entreprendre de si longues études!
- Mais alors, quelle est votre spécialité ?
- Je suis mère de famille, généraliste quoi ! “. (36)
Professionnaliser ses diverses interventions par la réflexion ajoutée à la capacité à prendre du recul, devrait permettre à l’éducateur de se définir de manière non péjorative en tant que généraliste.
C’est dans ce sens qu’il peut agir dans plusieurs secteurs de la prise en charge avec une certaine marge de manoeuvres (dont le bon sens et la collégialité d’une équipe fixe les limites) si l’intervention plus ciblée d’un autre spécialiste n’est pas nécessaire. Ceci n’exclut pas bien évidemment la collaboration concomitante. Si d’un côté je pense que l’on n’a pas à former de supers-intervenants “psycho-pédago-éducateurs”, je constate après des années de pratique dans différents modèles organisationnels que l’on n’a pas non plus, sur le terrain, à trop rigidifier et cloisonner les champs d’action des professions qui gravitent autour de l’éducation et cela au nom du statut professionnel. Cette manière de faire empêche, par trop, une équipe pluridisciplinaire de trouver la solution la meilleure à la prise en charge, je dis cela en pensant aussi au niveau financier. En ce qui me concerne, je reste convaincu que mon identité professionnelle dépend autant, sinon plus, d’une attitude intérieure et d’un questionnement rigoureux de mes actes, que d’une identification à une tache précise, exécutée dans un moment donné. Mon cursus professionnel m’a amené plusieurs fois à prendre en charge sur des périodes longues des activités scolaires, sans pour autant que j’y perde mon identité professionnelle ni que les enfants dont j’ai eu la charge n’aient à en souffrir. Au contraire, ce travail s’étant développé dans le cadre d’une prise en charge faite par une équipe pluridisciplinaire, était la meilleure solution qu’une équipe ait trouvé pour répondre aux besoins des enfants qui lui étaient confiés. Dans les cas dont je parle, c’est bel et bien la polyvalence des membres de la dite-équipe qui a permis à nombre d’usagés de faire des progrès considérables. Serait-il possible que de telles constatations faites au niveau de la pratique la plus concrète, soient prises en compte et permettent de moduler un peu la croyance, selon laquelle, par exemple, un éducateur n’a pas à intervenir dans une classe ni un enseignant dans un groupe ? La connaissance empirique à telle une quelconque valeur et peut-elle contrebalancer quelque peu des croyances véhiculées souvent par des personnes n’ayant expérimenté qu’un modèle de fonctionnement ?
Quand une équipe mobilise les énergies de ses membres pour qu’elles deviennent une véritable synergie, alors c’est réellement l’équipe qui devient instrument de travail et c’est bien de sa polyvalence qu’il s’agit, au contraire de ce que je signalais à la page 22. Je ne saurais assez dire, combien c’est cette souplesse qui permet à une institution de s’adapter aux bénéficiaires le plus individuellement possible plutôt que d’attendre l’inverse. Qui à notre époque reste encore convaincu qu’il s’agit seulement d’instruire et qu’instruction recouvre éducation ?
Au reste, l’exemple que je pourrais donner est celui de l’enseignant primaire qui d’une part enseigne plusieurs branches mais dont on attend qu’il se situe à la fois comme pédagogue et comme éducateur, sans que personne n’y trouve à redire ou ne lui fasse grief de sa polyvalence ! Si l’on comprend et que l’on accepte l’intrication de ses deux fonctions dans l’enseignement primaire, comment se fait-il qu’il soit tellement difficile de le concevoir dans le milieu spécialisé ? N’ y a-t-il pas là un paradoxe ou ne faut-il y voir, hélas qu’une défense corporatiste de territoire ?
Dans une équipe, la mission spécifique de chacun dans l’institution lui est confiée par l’équipe et c’est elle qui devrait décider de ce qu’il est opportun de faire pour chaque usagé. Cette manière de faire donne la garantie que nul ne peut revendiquer, en fonction de son statut, une ou des plages de temps durant lesquelles il fait ce que bon lui semble avec des enfants, sauf accord de l’équipe. Le travail de chacun doit être en harmonie avec celui de l’ensemble. “Le travail éducatif et pédagogique est une oeuvre collective, il est nécessaire de comprendre qu’un enfant ne va pas mieux quand il fait une chose ou une autre avec telle ou telle personne, mais quand le milieu lui permet d’intégrer un ensemble d’expériences aussi bien positives que négatives et ceci dans tous les domaines”.(37) Ces lignes, je le pense, sont facilement transposables à des éducateurs qui ne s’occupent pas d’enfants.
C’est l’équipe interdisciplinaire dans son entier qui est la garante des lignes éducatives pédagogiques et thérapeutiques de la maison. Mais dans cette perspective, c’est mon identité professionnelle qui est garante de la qualité des moyens que je mets en oeuvre pour accomplir la tâche qui m’est confiée.
La position de l’éducateur réclamant à tous les niveaux une grande ouverture, je serais tenté de dire, au risque de choquer, qu’il doit éviter une trop grande spécialisation. Sa situation l’empêche de courir le risque de voir, de comprendre et d’agir à la lumière d’une seule grille théorique (les spécialistes ne sont-ils pas là pour ça), ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas besoin de rigueur. Au contraire, il en faut pour aller chercher et comparer différents schémas théoriques et vérifier s’ils aident à la compréhension ou à la résolution de situations concrètes.
En fait, dans ce métier, comme dans les espèces animales et la société humaine d’ailleurs, trop de spécialisation risque d’empêcher l’évolution et l’adaptation pragmatique dont nous avons si grand besoin. Bien évidement il est naturel que d’aucuns soient plus attirés par un courant que par un autre et qu’il désire en connaître plus. Je ne trouve rien à y redire. Simplement il ne faut pas que l’on croie pouvoir remplacer par un intérêt ciblé pour tel ou tel domaine ce que nécessite d’ouverture notre métier. La formation de l’éducateur devrait le rendre capable de discerner de quel spécialiste ou de quel approche l’un ou l’autre de ses clients à besoin plutôt que de le sensibilisé a une seule approche hypothétiquement appliquable à tous ! Dans le cadre de sa pratique (et dans ce cadre seulement ) l’éducateur n’a, à mes yeux, pas à se spécialiser prioritairement dans l’un ou l’autre domaine. S’il le fait ce ne sera que dans le sens d’un plus et pas en remplacement d’une formation générale favorisant l’ouverture d’esprit et le goût du questionnement: “Etre éducateur, c’est croire avec passion à ce que l’on fait, c’est croire à l’impossible, c’est être capable dans le quotidien de questionnr avec rigueur sa propre pratique, en un mot, c’est être un praticien chercheur ”. Ce texte est tiré du libélé de mon diplôme d’éducateur spécialisé de l’EESF, 4ème volée. Si je le cite ici c’est que je voudrai y relever cette phrase : “C’est être capable dans le quotidien de questionner avec rigueur sa propre pratique”.
Formation
Parce que nous devons pouvoir nous adapter et inscrire notre action dans une époque et dans une culture donnée, avec un recul suffisant pour accepter que ce qui nous semble la vérité d’aujourd’hui soit peut-être l’erreur de demain, nous devons encore et toujours nous questionner. Ceci est très important, surtout si l’on travaille avec des enfants qui habiteront un monde que nous ne connaîtrons pas. Il suffit de voir à quel point l’organisation de notre société autour du travail, prônée pendant tant d’années comme valeur ultime permettant d’exister sur le mode de l’avoir, est chancelante, pour devenir circonspect en matière de prévision du futur. “Le rôle de l’adulte est de susciter et d’aider l’enfant à s’insérer dans la société dont il est un élément vivant nécessaire, durant le temps qu’il est encore dans sa famille. Pour soutenir son développement, il faut le considérer dans son avenir et faire confiance à l’adulte qu'il vise à devenir”.(38)
L’éducateur n’est pas celui qui transmet les valeurs figées d’une société immuable, mais des moyens de s’adapter aux changements, inhérents à cette société. Cela sous-tend chez celui qui exerce ce métier, une capacité à supporter l’incertitude. Il se doit d’être conscient de la relativité des choses, conscient que la réalité qu’il perçoit et décrit, c’est avant tout sa réalité du moment et pas forcément la réalité. De manière générale, et m’appliquant bien sur ce que je viens d’écrire, je dirais que les éducateurs que je suis amené à rencontrer me semble avoir davantage besoin de s’ouvrir et d’élargir leur vision, dans le sens d’une culture humaniste, que de chercher à tout prix à se former dans une direction unique. Je conçois cependant fort bien, que l’on ne souscrive pas à cette vision des choses. Je sais même que la tendance irait à l’inverse. Fort heureusement, comme je l’ai souligné plus haut, les éducateurs travaillent rarement seuls, ce qui réduit, à mes yeux, le risque d’une vision unique.Ce fait constitue une garantie de la qualité de la prise en charge pour l’usagé puisque la diversité des regards constitue une richesse permettant d’envisagé une plus grande variété des réponses concrètes. Pour que mon argument ait une quelconque valeur, il faut bien évidement que les divergences théoriques soient supportées et n’empêchent pas la cohésion pragmatique des membres d’une équipe. Pour ce faire, il faut bien évidement qu’elles ne soient pas diamétralement opposées
Quoi qu’il en soit et quelle que soit la sensibilité des éducateurs autour de ces problèmes, je pense, pour ma part, que le complément absolument indispensable à toute action éducative et thérapeutique n’en reste pas moins la capacité de questionner et d’approfondir sa pratique. L’approfondissement pouvant être défini comme “une compréhension de son fonctionnement dans la pratique considéré à la lumière du savoir et des connaissances”. Dans cette perspective il ne suffit pas seulement d’augmenter le savoir, les connaissances ou même la compréhension que j’ai de l’autre mais de m’appliquer à me décentrer, pour me considérer aussi sous ces différents angles en train d’être praticien.
Dans ce sens, les processus de supervision sont d’une importance capitale pour les éducateurs, tant durant la période de formation, que tout au long de la carrière professionnelle. Toute approche qui se veut relationnelle, doit s’interesser à tous les acteurs de la relation et pas seulement à l’un d’entre eux. Elle a à prendre en compte les acteurs et à faire une lecture de leur comportement, manifesté ici et maintenant, non seulement comme provenant de la dynamique de la rencontre dans le présent; mais aussi dans la percpective d’une activation d’éléments anciens provenant de l’histoire des acteurs. En fait, toute approche relationnelle est avant tout à considérer sous un angle inter-relationnelle.
Questionnement
Bien que je ne partage pas entièrement l’avis d’un auteur comme Alice Miller sur l’éducation, je ne peux m’empêcher d’être interrogé profondément en tant qu’éducateur par les idées qu’elle développe. Il s’agit en tous les cas pour moi, d’une sérieuse mise en garde à l’envie de bâtir une pratique éducative reposant seulement sur le savoir ou des techniques d’intervention coupées des interrogations nécessaires sur les motivations profondes de l’intervenant. “Ma conviction de la nocivité de l’éducation repose sur les constatations suivantes : tous les conseils pour l’éducation des enfants trahissent plus ou moins nettement des besoins de l’adulte nombreux et divers, dont la satisfaction n’est pas nécessaire au développement de l’enfant et de ce qu’il y a de vivant en lui et, par surcroît, l’entrave, cela vaut même pour les cas où l’adulte est sincèrement persuadé d’agir dans les intérêts de l’enfant”.(39)
Pour éviter de sombrer dans ce que A. Miller appelle la “pédagogie noire”, il me semble plus que nécessaire que les éducateurs, quelle que soit la clientèle avec laquelle ils travaillent, s’appliquent à ce questionnement.
“Pourquoi ai-je fait avec cet enfant ou ce patient et dans cette situation, ceci ou cela ?” devrait avoir autant d’importance que “Qu’est-ce-qu’il (l’enfant ou le client) a pour réagir comme ça ?” .
Le questionnement doit être constant. Le “qu’est ce que je fais?” devrait être une seconde nature de l’éducateur.
C’est d’abord l’action, l’attitude, qui doit impérativement être interrogée. Ce questionnement, ouvert sur la résonance intérieure, s’étend au niveau du savoir et des affects, il englobe prioritairement la composante émotionnelle. “Mais tôt ou tard, on doit admettre que, ce qui se passe entre les sujets ne peut être interprété que par ce qui se passe dans les sujets, qui constitue un élément contextuel incontournable. Ce moment est arrivé et je crois que l’émotion est une bonne façon d’aborder le problème. L’homo est sapiens mais aussi senti et communicant”.(40) C’est dans cette optique que je pense devoir approfondir le sens de ma pratique. Cette interrogation de mon rapport à la tâche, en même temps qu’elle est constitutive de mon identité professionnelle, est une garantie éthique de mon travail. Je souhaite que ce processus puisse aussi se dérouler avec l’appui une personne extérieure à l’institution. Ceci est de la première importance, en ce sens que s’ouvre ainsi dans la vie institutionnelle un espace de réflexion appartenant à l’éducateur et à sa profession. Le bénéfice qu’il retire de cet exercice, s’il a des retombées à cours terme dans la pratique spécifique, se révèle formateur à moyen et à long terme par la faculté d’auto-questionnement qu’il développe chez l’éducateur.
Supervision
Bien évidement, c’est de supervision professionnelle que je parle et pas de toutes autres démarches qui sont généralement englobées dans cette appellation. Démarches qui, si elles ont chacune leur valeur, ne recouvrent pas le processus propre à la démarche de supervision à laquelle je me réfère ici. J’insiste pour dire que l’analyse institutionnelle, le groupe Balint, l’étude de cas, la dynamique de groupe, l’apport pédagogique sont des démarches spécifiques et sont à ne pas confondre avec la supervision professionnelle. Combien de fois ai-je entendu, et pour cause, à la fin de brillantes explications théoriques faites par un intervenant sous l’appelation supervision, des éducateurs dire avec un air entendu; “C’est bien joli tout ça, mais qu’est-ce que je vais en faire pratiquement ?” Ce genre de résultat, partiellement prévisible est la réaction caractéristique à un mode d’intervention qui, sous couvert de supervision, cachait, en réalité ce que je pense être une demande piège. En fait un éducateur ou une équipe au prise avec tel ou tel problème fait appel à l’extérieur dans l’espoir que ce dernier légitime, rassure et donne la clé permettant de solutionner à coup sûr ce qui survient dans la pratique. La réaction de scepticisme entendu, marquant la déconvenue devant l’impossibilité dans laquelle l’extérieur est de répondre aux questions soulevées par notre activité. Il y a dans cette démarche confusion quant à la demande, la connaissance théorique si juste et pertinente soit-elle, ne permet pas de faire l’économie de la compréhension de ce qui se passe concrètement entre les acteurs de la relation. C’est en priorité ce champ avec tout ce que cela implique, que la supervision professionnelle, comprise comme un processus actif impliquant chacun se propose de couvrir. Dans cette optique-là, supervision professionnelle pourrait se définir comme un processus permettant aux bénéficiaires de se regarder dans leur rapport à l’exercice de la tâche.
La définition que donne D. Zeller de ce processus me paraît serrer au plus près, tant l’expérience que j’en ai, que la représentation que je m’en fait : “...la supervision comme processus d’apprentissage consistant en une prise de conscience et une réflexion sur les expériences faites par le supervisé dans son champ professionnel. Ce processus d’apprentissage intègre toutes les dimensions de la personne : cognitive, affective, agissante. Ainsi la prise de conscience et la réflexion portent sur les processus sensoriels, cognitifs et affectifs ayant abouti à une action donnée, ainsi que sur les motivations, valeurs et normes qui sont à la base de l’action”.(41)
Ce genre de questionnement, pour avoir un tant soit peu de valeur, demande l’humilité d’accepter comme préalable le postulat suivant : l’intervenant n’a pas toujours raison (même face à un enfant), par le simple fait qu’il est l’intervenant. Malgré sa simplicité apparente, cette “vérité” n’est pas si facile à accepter et demande un effort continu pour être suivi d’effet sur le terrain. Mais elle est à mon avis une discipline incontournable pour qui veut s’occuper d’éducation. Pour moi, le lieu privilégié du questionnement est la supervision professionnelle. Je pense qu’il est impératif, pour l’éducateur, d’avoir un lieu qui favorise la prise de recul par rapport à l’action, un lieu qui permette, tant la résonance affective, que le raisonnement intellectuel. Un espace où il puisse, avec l’aide d’un tiers, comprendre et mesurer l’impact de ses interventions et de ses attitudes, ainsi que réfléchir à la nature de son engagement, devrait impérativement accompagner l’éducateur tout au long de sa carrière. Il est malheureux de penser que bien souvent il faille attendre que le “feu soit à la maison” pour que l’on fasse appel, individuellement ou en équipe, à la ressource qu’est la supervision.
Tous les intervenants dans le champ trouvent normal qu’un psychothérapeute soit supervisé par un pair pour son travail. Mais il est encore des personnes qui défende l’idée que l’éducateur, journellement en contact avec des personnes en difficulté pourrait faire l’économie de lieu clarificateur. Serions-nous donc épargnés par les mécanismes transférentiels ? Ce qui serait bien incompréhensible ! Ou alors nous croyons nous protégés, simplement parce que nous fermons les yeux et ignorons superbement de tels phénomènes ! C’est, pour ma part, être bien présomptueux ou alors bien peu pénétré de l’importance de notre action, que de le croire !
Comprendre pourquoi l’intervenant comprend tel situation comme ceci, plutôt que comme cela est aussi important pour lui et, partant, pour le client, que ce qu’il a compris de la situation. Cette interrogation le renverra souvent à son histoire, c’est peut-être pour cela qu’elle fait peur. “Le souvenir est la structure de la conscience qui autorise l’adulte à la compréhension phénoménologique de l’enfance et de l’adolescence. Par là, l’identité adulte cesse d’être menacée ; je sais mon enfance et mon adolescence derrière moi, dans le passé dépassé et je peux ainsi garder du recul par rapport à elles. Ce qui me permet de désamorcer cette anxiété que provoquerait en moi l’enfance des autres, c’est la confrontation avec ma propre enfance.”(42)
Faute de se soumettre à ce genre de “discipline” de manière rigoureuse, je veux dire en tenant compte de la nécessité et pas seulement au gré de ses envies, j’ai peur que l’éducateur ne se prive de moyens de comprendre les moteurs de son action de l’intérieur. Il se fermerait, ce faisant, le chemin qui mène de sa pratique à la construction d’une compréhension réelle incluant les données théoriques comme des apports vivifiant. Toute la richesse de son empirisme resterait alors lettre morte et ne le mettrait pas en position d’interroger, au-delà même de sa pratique, la structure institutionnelle et sociale de manière pertinente. Je suis bien conscient, terminant ce paragraphe, des limites que doit impérativement s’assigner la supervision en cela qu’elle n’est pas une thérapie. Parfois cependant elle est un pallier permettant une prise de conscience amenant l’un ou l’autre supervisé à entreprendre ailleurs une démarche de thérapie ou d’analyse.Qu’un superviser repère des empêchements à l’accomplissement de sa tâche et qu’il se donnent les moyens d’y remédié valorise à mon sens le processus de supervision. Pour ma part je ne pourrais que m’en félicité, pas que je pense qu’un éducateur non analysé soit automatiquement un mauvais éducateur mais parce que je crois que plus un éducateur est suceptible de questionnement sur lui- même plus il est potentiellement professionnel. C’est dans ce sens que je comprends cette phrase de Freud “l’analyse des maîtres et des éducateurs semble une mesure prophylactique plus efficace que celle des enfants eux- même et, en outre, il y a moins d’obstacles qui s’opposent à son exécution.”(43)
Intégration
Inscrire dans notre réflexion et dans nos pratiques des méthodologies et des moyens qui nous soient propre dans le sens de constituer un fond identitaire commun à la profession est de la première importance pour notre avenir.
La route vers cet avenir n’est pas, premièrement une restauration exterieure, mais prioritairement une réforme intérieure. En cela, le processus est le même que celui dans lequel doivent s’engager bon nombre d’usagés pour évoluer. Pour ma part, je ne crois pas qu’il appartienne à des spécialistes, des formateurs ou à qui que ce soit d’autre de définir l’éducation spécialisée. En réalité, ce sont les éducateurs qui peuvent sinon arriver, du moins tendre à ce résultat. Par un processus de maturation intérieure qui les construit en leurs permettant de s’approprier et d’intégrer des données théoriques en rapport avec leurs questionnements sur leur pratique, les éducateurs peuvent, petit à petit, se forger les réponses qui donneront une assise à leur action.
Que l’on y prenne garde, les interventions mal ciblées par rapport aux besoins, peuvent être vécues comme une violence théorique et partant, rejetée sur un mode défensif par les éducateurs.
Ces derniers, si ces situations se répètent, courent le risque de confondre et de repousser en bloc, faute d’avoir su les différencier, des apports qui, chacun à leurs manières et à leurs niveaux, leur sont indispensables.
Exercé au quotidien notre tâche nous place dans la nécessité “d’ être dans le faire pour faire avec l’ être”, cette position d’équilibre inscrit la formation d’éducateur quelque par entre les études et l’apprentissage. L’exercice de cette profession relève d’une veritable praxis
On peut donc concevoir que notre métier a ceci de particulier par rapport à d’autre, qu’il n’a pas un savoir qui lui soit propre, mais des savoirs venant de différentes disciplines. Pour normal que cela soit, au vu même de ce qu’est notre profession, nous ne devons pas perdre de vue que c’est à nous de trouver les moyens qui nous permettent d’intégrer, d’adapter ou de développer à partir de ces savoirs pour les inscrire dans nos pratiques.
En tendant à cela, les éducateurs instituent, à partir de leurs réflexions, un savoir appliqué qui est propre et spécifique à leur corps professionnel, au delà des différences institutionnelles et qui constitue réellement leur identité professionnelle.
Conclusion
Plus j’avançais dans la rédaction de cet article, plus je me rendais compte à quel point sont nombreux et divers les paramètres qu’il me fallait prendre en considération pour témoigner de ma pratique. Chaque pas en avant élargissant d’autant le champ qu’il me semblait devoir couvrir et ce malgré les aspects que j’ai laissé de côté.
Si j’ai choisi, malgré tout, de continuer dans cette voie plutôt que de resserrer l’horizon, c’est qu’il me paraissait, en poursuivant de la sorte, contribuer à dresser, pour moi-même d’abord et je l’espère ensuite pour d’hypothétiques lecteurs, une sorte d’état des lieux de mon action éducative et des idées qui la sous-tendent. Il s’agissait à la fois de dresser un bilan, de faire un arrêt sur image qui me serve de référence, mais aussi de marquer un point de départ qui devrait me permettre d’investiguer plus particulièrement tel ou tel aspect dans l’avenir.
La diversité des visions avec lesquelles nous avons appris à décrypter et à répondre aux demandes en même temps qu’elles étendaient le champ de nos connaissances, ont complexifié nos pratiques. Il s’agit là d’une donnée effective sur laquelle il ne sert à rien de revenir dans le sens de regretter un quelconque “bon vieux temps” mais de nous efforcer à partir de ce fait, de constituer un savoir-faire qui autorise la double gageure de permettre à l’usagé d’inscrire sa réalité dans la réalité du monde.
Encore une fois, il s’agit, pour garder ces possibles ouverts, d’être vigilants et de s’intéresser dans tous les domaines et dans toutes les directions, autant à ce qui différencie qu’à ce qui uni ; ces deux mouvements renfermant ce qui est peut-être le plus fondamentalement constitutif de la nature humaine.
C’est, je l’espère sincèrement, dans cette perspective que ces lignes auront été perçues comme une tentative de jeter des ponts entre... et pas seulement d’ériger des murs autour... !
Eric Stern Chevilly octobre 1994
Lausanne mai 1998
Bibliographie
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43. idem 24 p. 201
Pourquoi l’éducation, pourquoi les adultes doivent –ils éduquer les enfants? Pour apprendre aux cadets à composer avec leur désir.c’est cela la grande Loi.
Quelle que soit la structure et le profil des accueillis les objectifs de l’action éducative restent les mêmes ! C’est la clinique qui indique au cas par cas les moyens à emprunter pour tendre à ces objectifs.
Selon notre conception les différents objectifs assignés à l’action éducative convergent tous vers une même finalité qui serait de parvenir à la maturité la plus grande possible du sujet en situation.
Tenant compte de l’âge, du sexe du contexte et des possibilités, l’éducation vise toujours la maturité la plus aboutie possible du sujet. Considérée à la fois comme une progression, et une finalité elle tend à développer et à actualiser les possibilités les ressources et les compétences du sujet S’assumer soi même et assumer sa responsabilité vis a vie de l’extérieur représente les des aboutissements de la maturité
Cette progression s’inscrivant dans le temps prend en compte le fait que pour le sujet une qualité de vie, la plus grande possible, au jour le jour est un objectif parfaitement légitime.
Le but poursuivit par les professionnels éducateurs spécialisés au quotidien sur le terrain peut se définir comme suit :
Partant et prenant en compte la globalité psychosomatique du sujet et visant à son l’unité psychosociale, nous travaillons à ce qu’individuellement des enfants et des adolescents atteignent ou s’approchent le plus possible d’un équilibre interne satisfaisant et d’une intégration sociale acceptable.
Nous sommes pleinement conscients que pour la société le baromètre de l’évolution du sujet reste en définitive le comportement de ce dernier vis à vis de lui même et de son environnement
L’intervention éducative relève de la clinique en ce sens qu’elle s’adresse comme action d’accompagnement et d’intervention à une personne en situation particulière.
Elle vise à développer les facultés d’adaptation du sujet à son environnement interne et externe.
La progression qu’elle propose et de passer de plus de structures externes à moins et de moins de structures internes à plus tout en suggérant l’ouverture de l’éventail des réponses possibles du sujet vis-à-vis de l’environnement interne et externe.
Ce qui est recherché c’est l’émergence de la prise de conscience et la responsabilisation de la personne. Dans ce but nous favorisons les réponses différencies
Les éducateurs spécialisés d’internat sont des intervenants qui inscrivent leur action dans la capacité qu’ils ont à partager du quotidien, de la proximité avec les résidents tout en gardant une distanciation professionnelle.C’est parce qu’il incarne le cadre que l’éducateur dans une relation « transitionnel » il contient le désir et lui permet de se dire.
Concrètement et pour actualiser la terminologie : savoir, savoir-faire et savoir être, on peut dire que les connaissances théoriques autant que les connaissances sur sa propre personne devaient permettre une harmonisation de l’action au niveau de la technicité et la capacité à gérer les éléments transférentiels de manière professionnelle.
C’est cette double capacité sur le terrain qui offre une possibilité évolutive pour les bénéficiaires.
L’accompagnement s’occcupe des besoins l’intervention s’occupe du désir.
Ils sont confrontés au fait de commencer des actions sans qu’il y ait une réelle demande de leur intervention de la part des bénéficiaires premiers.
Ils se trouvent dans la situation de partager ce quotidien et cette proximité avec des résidents avec lesquels biens souvent personne ne souhaite partager ce genre d’intimité.
Leur action s’inscrit continuellement dans les champs du contrat/social et du réciproque/individuel.
Amené l’enfant vers le meilleur de lui-même passe d’abord par ce que je pense être le meilleur pour lui-même. Il y a échange et passage d’une position à l’autre je dois petit à petit me retirer pour que la maturité puisse advenir.
Travailler comme professionnelle. C'est utiliser ses savoir-faire à partir de savoir tout en acceptant de prendre en compte ses affects dans le but de les utiliser dans la relation à des fins éducatives et thérapeutiques.En fait c’est faire la même chose autrement.
L’éducation c’est rendre l’enfant capable d’autoréguler petit à petit ce qui rentre et ce qui sort comment a rentre et comment ça sort. Ce n’est pas se servir de l’enfant même dans le but de préparer une société meilleures mais lui transmettre les règles et codes ayant valeur dans cette société avec les questions que cela soulève et lui donner les moyens de décider ce qui sera conservé modifier ou abandonner dans la société de demain.
C’est la prestation la tâche qui est au entre de préoccupation et pas l’enfant.
La dynamique de groupe qui vise habituellement la découverte de soi vise dans une équipe la tâche et
Projet pédagogique
Éducation : c ‘est un droit pour tout enfant au-delà de toutes considérations de quelques ordres qu’elles soient
Spécialisée : dans le sens de spécifique, de différenciée, en rapport avec les personnes auxquelles elle est destinée, d’adaptée à leurs potentiels.
Thérapeutique : dans le sens de curatif, du comment, selon quelles méthodes elle s’adresse à tel individu en vue de quelle finalité
d’Internat : dans le sens des moyens à disposition, permettant en tout temps en même temps que l’accueil et l’hébergement la réponse aux besoins vitaux.
Difficultés sociales et troubles de la personnalité et du comportement. (Doc. A.V.O.P.)
Si difficultés sociales peuvent renvoyer, quoi que non exclusivement, à des considérations d’ordre conjoncturelles. Troubles de la personnalité et troubles du comportement ramène nettement à de difficultés d’ordre structurelles
Troubles de la personnalité englobant aussi bien les troubles du comportement qu’un fonctionnement dysharmonique de la personnalité quand ils ne renvoient pas une personne relevant du concept d’état limite. (Manuel de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent Robert Pelsser getän morin éditeur p. 401-427 ; 481- 499 )
Troubles du comportement relevant du domaine de la psychopathologie et renvoyant soi a un type d’organisation névrotique soit à de comportements délinquants. (Manuel de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent Robert Pelsser getän morin éditeur p.151-173)
Le regard certes sans complaisance que nous portons sur les adolescents peut choquer.
Il nous paraît cependant nécessaire de le porter, si nous voulons éviter une banalisation de ce que nous considérons comme des troubles sévères, méritant toute notre attention parce que péjorant la vie des individus, de leur entourage voir de la société.
La terminologie officielle qui parle de protection de l’enfance pourrait induire en erreur en laissant penser que puisque nous n’avons à faire qu’à des enfants victimes de mauvais traitement et de carence éducative le simple bon sens et l’attention serait capable de « réparer » les dégâts. Cette croyance ne tiendrait simplement pas compte du fait que les adolescents maltraités d’une manière ou d’une autre sont le plus souvent devenu à leur tour maltraitant.
Conformément aux lois notamment celles relevant de la protection de l’enfance du 29 novembre.1978 et art 307 et 308 CC
La FJF à pour but d’accompagner, d’accueillir et d’éduquer les enfants et adolescents qui lui sont confiés et de soutenir leurs familles, dans le cadre des structures socio-éducatives d’accueil et d’accompagnement en milieu ouvert. (Statuts de la FJF article 2)
Notre intervention s’adresse à dix enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans présentant des troubles du comportement et des conduites.
A notre sens plus les problématiques sont sévères plus l’éventail d’accueil dans la même institution au niveau des âges voir du sexe et restreint.
Selon les principes de la protection de droit civil de l’enfant.
Écarter tout danger pour le bien de l’enfant
Selon le principe de subsidiarité
Selon le principe de complémentarité
Selon le principe de proportionnalité ( Doc. SPJ )
L’équipe et le responsable d’unité et le directeur sont la plus haute instance pédagogique de la maison. Ceci veut dire que la différence des avis et l’éclectisme des théories sont acceptées pour autant qu’ils ne mettent pas en péril la cohésion pragmatique de l’action.
Au-delà des déclarations d’intentions et de leurs présupposés théoriques l’action que nous développons est influencée par les moyens mis à disposition. Cette action ne peut se développer en ignorant la pénibilité du travail d’internat et partant la difficulté croissante qu’il y à recruter et fidéliser du personnel former et compétant capable de travaillé dans et avec les tentions inhérentes à la vie d’internat notamment la faculté de répondre à la fois à tous et à chacun. !
De manière générale il est à relever que des foyers conçus et dotés de manière à accueillir des populations fréquentant régulièrement, qui l’école qui la place d’apprentissage ont à faire face de manière massive à de l’absentéisme nécessitant une présence éducative et augmentant d’autant les plages horaires !
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Le but poursuivit par les professionnels éducateurs spécialisés sur le terrain et au quotidien se concrétise comme suit :
Partant de la globalité psychosomatique du sujet et visant à son l’unité psychosociale, nous travaillions à ce qu’individuellement des enfants et des adolescents atteignent ou s’approchent le plus possible d’un équilibre interne satisfaisant (maturité interne) et d’une intégration sociale acceptable (maturité externe).
Nous préférons maturité à autonomie ce dernier terme étant plus restrictif. On peut être autonome sans être mature et mature sans être autonome. De plus la maturité est constamment en développement tout au log de la vie.
Au-delà de toute considération idéologique et des querelles d’école il ne reste pas moins que le comportement d’une personne représente le facteur de jugement. La maîtrise qu’a l’individu de lui même est dans ce sens la meilleure garantie autant de sa liberté que de sont intégration.
Le Foyer offre une prestation qui s’apparente à du « soin social »et qui est adaptée à certains types de population. L’expérience nous à montrer le côté illusoire qu’il y a à vouloir mélanger à l’excès des âges et des problématiques par trop différentes.
Afin qu’ils puissent réaliser leur mandat, il est de la première importance pour les professionnels de vérifier l’adéquation du placement en tenant compte de l’âge, du sexe, de la sévérité des troubles.
L’action vise à dénoncer la dépendance et à suggérer via la maturation du sujet son l’autonomisation. Elle cherche toujours à actualiser prioritairement les ressources personnelles et vise ainsi à faire alliance avec les forces mobilisable du moi comme alternative à un envahissement du sujet par des forces pulsionnelles ou une domination de ce dernier par un surmoi tyrannique. Partant l’action auprès de la personne et la mobilisation de cette dernière comme actrice de sa vie reste primordiale.
Il s’agit d’une réelle action dans le sens clinique du terme c’est adire d’une relation modulée au cas par cas.
La relation professionnelle entre l’éducateur et la personne comme vecteur de changement est au centre de l’action. Elle se concrétise dans les notions d’accompagnement (prendre soin de manière générale et bienveillante) et d’intervention (donner un soin relationnel particulier et ponctuel)
La relation éducative veut offrir un contenant : la notion de contenant recouvrant tant la capacité d’une enveloppe, à se mouler aux plus près des contenus, en leur offrant cependant une résistance adaptée.
L’éducateur spécialisé incarne une référence relationnelle adulte et, dans ce but, apporte des réponses adéquates à des comportements qui ne le sont pas.
Dans ce but il accepte de débuter une relation professionnelle évolutive à partir de la réalité vécue par le sujet en situation.
Il cherche amené de l’indifférencié à la différenciation, de l’informe à la mise en forme.
Il prend en compte la polarité inconscient/conscient sans rechercher forcément l’émergence du premier mais favorise l’organisation et la prise en compte du matériel conscient dans une perspective dynamique entre l’inconscience de… la conscience de…
Si le champ d’action des éducateurs est le groupe, ce dernier n’est toutes fois qu’un moyen, car c’est bien l’individu qui est visé par l’action ! Le groupe institutionnel est un espace artificiellement constitué servant à mettre en tension les aspects communautaires qui tendant à faire vivre ensemble le pareil et les aspects micro sociaux tentant eux faire cohabiter les différences.
C’est dans cette tension dynamique entre ses extrêmes que se construit petit à petit un rapport plus équilibré à la réalité externe du sujet.
Cette conception et cet emploi des ressources de l’établissement nous situent à la fois dans la ligne de la pédagogie institutionnelle et de la thérapie communautaire.
Dans la même direction la compréhension que nous avons du fonctionnement d’un système, fut-il familial,et l’action entreprise le concernant continue à visé les individus qui le composes personnes et plus particulièrement le développement de la personne qui nous est confiée et non prioritairement le fonctionnement global du système.
Si notre action dans son engagement au niveau de la répétition de tâches quotidiennes peut apparaître comme une substitution de rôles, dévolus habituellement aux parents elle ne vise aucunement pour les populations qui nous occupent à leurs remplacements !
Si nous faisons souvent la même chose que des parents nous le faisons, professionnalisme oblige, autrement et dans des perspectives différentes!
Dans les faits les éducateurs spécialisés, qui selon notre conception agissent en tant que tel tant qu’il y a possibilité d’augmenter la maturité des sujets, interviennent dans la réalité quand les autres professionnels sont passés ou dépassés. Parallèlement au gardien de prison il y a un éducateur de la même manière il y a un éducateur entre les séances de thérapie ou si elles n’ont pas lieu.Toujours c’est l’éducateur qui devra apporté un réponse adéquat au comportement du sujet en situation quel que soit ce comportement et surtout quand ce il n’est pas adéquat.