Date de création : 31 août 2004
Si l’éducation d’un enfant en bonne santé peut être parfois stressante,
élever un enfant lourdement handicapé relève toujours du parcours du
combattant. Très peu de travaux sont pourtant consacrés à la santé
mentale et physique des parents de handicapés. Le plus souvent nos
connaissances dans ce domaine important, ne serait-ce que pour le
bien-être des enfants, se limitent à des impressions ou à des
observations anecdotiques.
Des épidémiologistes de l’Ontario (Canada) ont pris le problème à bras
le corps et ont entrepris une étude cas témoins de grande ampleur. 468
parents d’enfant souffrant d’une paralysie cérébrale recrutés à partir
des centres de rééducation de la province ont été comparés à un groupe
témoin constitué de près de 7000 parents d’enfants non handicapés
habitant l’Ontario.
Sur le plan démographique, malgré un niveau d’éducation identique, les
parents d’handicapés avaient des revenus significativement inférieurs,et
avaient moins souvent une activité rémunérée (66 % contre 81,2 %). Ceci
ne fait que confirmer la charge financière que peut constituer une telle
situation.
L’évaluation de la santé mentale des deux groupes à l’aide de diverses
échelles auto-administrées et d’entretiens en face à face a également
retrouvé des différences significatives prévisibles : plus de signes de
détresse psychologique et plus de problèmes émotionnels (25,3 % contre
13,7 %) chez les cas que chez les témoins.
L’élément relativement nouveau de cette étude est la confirmation «
scientifique » d’impressions souvent ressenties par les praticiens en
contact avec ces sujets. Les parents de ces grands handicapés ont en
effet plus souvent que dans la population générale des troubles
cognitifs (38,8 % contre 14,3 %) et semblent souffrir plus souvent de
problèmes de santé comme des migraines (24,2 % versus 11,2 %), des
ulcères gastro-duodénaux (8,4 % contre 1,7 %), un asthme (15,8 % contre
6,3 %), des pathologies articulaires (17,3 % versus 7,3 %) et plus
généralement ont une santé plus précaire (24,1 % des sujets ne
rapportent aucune pathologie chronique contre 55,2 % dans la population
générale).
L’ensemble de ces éléments font évoquer la survenue de diverses
pathologies dites de stress chez ces parents. On ne peut bien sûr
exclure l’existence d’un biais lié au fait que ces parents, confrontés
quotidiennement à la maladie et en contact constant avec des
professionnels de santé, peuvent être plus focalisés sur leurs propres
problèmes physiques ou psychiques et plus enclins à consulter.
Quoi qu’il en soit, ce travail a le mérite de pointer du doigt les
relations étroites qui se nouent entre l’état des enfants handicapés et
la santé de leurs parents. Une politique de prise en charge
psycho-sociale des familles d’handicapés pourrait à cet égard avoir des
retombées positives à la fois pour les parents et indirectement pour
l’handicapé lui-même.
Dr Nicolas Chabert