© Ghislaine Dufour Octobre 1999
L’enfant est intelligent, curieux, travailleur, mais il ne retient pas. Sa lecture est hésitante, ses dictées affichent une faute par mot, il aime les maths mais se fait toujours rattraper par une erreur de chiffre, de signe, de lecture d’énoncé... Au début il a soif d’apprendre, il aime aller à l’école, mais au fil des mois la motivation fait place à l’angoisse et au sentiment d’incompétence. Un trouble de l’apprentissage du langage écrit est identifié, trop tard le plus souvent, et l’enfant reçoit un support pédagogique ou psychologique, une rééducation orthophonique est entreprise. Pour certains, le relais offert leur permettra d’accéder à une scolarité normale, pour les autres, ils apprendront à déchiffrer mais la lecture restera ânonnante, la compréhension limitée et les automatismes lexicaux-grammaticaux ne se mettront pas en place. Certains arriveront à l’âge adulte encore alexiques. Beaucoup continueront à souffrir d’une disorthographie persistante.
Et si la dyslexie, avant d’être une condition sévèrement handicapante, était l’une des manifestations d’un don particulier ? Einstein, Léonard de Vinci, Thomas Edison, Winston Churchill ne sont-ils pas en effet de célèbres dyslexiques ? C’est la thèse de Ron Davis élaborée à partir de son expérience personnelle. Etiqueté débile profond jusqu’à ce qu’on réalise qu’il avait une intelligence de génie, souffrant d’un syndrome autistique jusqu’à ce qu’il découvre l’usage de la parole vers douze ans et alexique jusqu’à l’âge de 37 ans, c’est la combinaison de ces trois dimensions qui lui a permis d’expérimenter de l’intérieur une clé d’accès au contrôle de la dyslexie.
La définition officielle internationale de la dyslexie décrit “une difficulté spécifique et durable d’appprentissage du langage écrit, rencontrée chez des personnes d’intelligence égale ou supérieure à la moyenne et dépourvues de déficit sensoriel ou moteur, comme de troubles affectifs graves ou de dénutrition intellectuelle”. Ron Davis, plus précisément, la décrit comme ”un produit de la pensée et une manière particulière et naturelle de réagir au sentiment de confusion éprouvé face à des symboles abstraits, tels que les chiffres et les lettres.”
“Le don de dyslexie” pour Ron Davis, c’est une pensée intuitive, synthétique, multi-dimensionnelle, beaucoup plus rapide que la pensée linéaire et analytique, une curiosité, une créativité et une acuité sensorielle particulières, des aptitudes supérieures dans des domaines tels que l’informatique, la mécanique, l’architecture et le domaine artistique en général.
En accord avec les découvertes neuro-biologiques des dix dernières années et poursuivant ses propres recherches au sein du Reading Research Council en Californie, Ron Davis identifie dans le fonctionnement cérébral du dyslexique deux particularités: Une pensée en image et un réflexe de désorientation face au langage écrit. En effet, à la différence de la pensée verbale qui se construit à partir des sons et épouse la structure du langage, la pensée du dyslexique est non verbale, se construit à partir d’images mentales, souvent subliminales, de concepts et d’idées. Ce qui explique la déficience au niveau de la conscience phonologique. Les graphies complexes, les mots abstraits, les petits mots grammaticaux et les marqueurs syntaxiques, tels que les accords, n’éveillent aucune évocation mentale visuelle chez le dyslexique, provoquant des blancs à la lecture et parasitant la compréhension et la mémorisation.
Cette aptitude à traiter l’information sur le mode visuel et intuitif, particulièrement performante pour certaines opérations mentales, est en même temps à l’origine de la difficulté à décoder les symboles de base du langage. Einstein, élaborant ses théories mathématiques, disait: “Je me suis vu voyager sur un rayon de lumière.” Ce “don” qui lui a permis de découvrir la théorie de la relativité lui barrait l’accès à la lecture. Dès son plus jeune âge, le futur dyslexique, faisant l’économie du langage, a accès de façon précoce à la conceptualisation. Déjà dans son berceau, il entre en relation avec son environnement en analysant intuitivement la réalité et en la recomposant à la lumière de ses images mentales. C’est comme si, par un processus de visualisation interne, il se promenait autour de l’objet perçu. C’est ce que Ron Davis appelle “la désorientation”. Stratégie efficace pour l’expérience concrête de la réalité extérieure, mais inopérante face au langage écrit. Car lorsqu’il rencontre un mot ou une graphie pour lequel ne lui vient pas spontanément une représentation mentale, il entre dans la confusion. La confusion provoque alors la désorientation qui entraîne les distortions perceptives (confusions de sons, inversions, assimilations...) bloquant ainsi l’accès à la reconnaisssance, la compréhension et la mémorisation.
La pensée intuitive et visuelle et le mode de traitement de l’information qu’elle induit se retrouvent souvent chez des élèves doués d’un potentiel intellectuel supérieur et dont les performances scolaires sont hétérogènes. Un syndrome de dyslexie légère et sournoise vient souvent expliquer le décalage constaté, contribuant à provoquer les difficultés scolaires rencontrées.
La rééducation proposée s’articule autour de deux volets: L’orientation” et “la maîtrise des symboles”. Le “conseil d’orientation” vise à redonner à la personne dyslexique le contrôle de ses perceptions, lui permettant d’interrompre le phénomène de désorientation. Par des exercices de visualisation interne, particulièrement aisés pour 90% des dyslexiques, on induit chez l’enfant un repère mental, appelé point d’orientation, qui, contribuant à stabiliser l’activité perceptive, permet à l’enfant de reprendre le contrôle de son attention.
Ce n’est qu’une fois “orienté” que la rééducation phonologique et lexicale est entreprise. L’originalité de Ron Davis se situe au niveau de la maîtrise des symboles écrits. Le thérapeute, s’appuyant sur le processus de traitement de l’information privilégié du dyslexique, l’évocation multi-sensorielle et plus particulièrement visuelle, va l’inviter à concevoir et réaliser, en pâte à modeler, des représentations en trois dimensions des symboles abstraits et difficiles à décoder. Les repères phonologiques et graphiques y sont associés, réalisés eux aussi en pâte à modeler et la mémorisation en évocation mentale est ensuite induite. Sont donc ainsi mobilisées les modalités tactiles et kinesthésiques, en sus des modalités visuelles et auditives, mais aussi le cerveau limbique par l’intervention de la créativité, partenaire indissociable de la mémoire. Tour à tour sont ainsi repris toutes les graphies déclencheuses de confusion chez un sujet donné, à commencer par les lettres de l’alphabet, en progressant vers les sons complexes et les mots abstraits. C’est en effet en modelant en argile, dans le jardin familial, les constituants du langage qu’il ne comprenait pas verbalement, que Ron Davis a découvert ce mode de traitement de l’information.
Les exercices de lecture, visant à activer l’accès au sens, portent sur le déchiffrage associé à l’évocation imagée précise et à l’entraînement à la capacité à anticiper. Le travail sur la discrimination auditive des sons ne diffère pas sensiblement de l’approche orthophonique traditionnelle si ce n’est qu’il est associé à des exercices psycho-moteurs visant à maintenir constant l’état “orienté”. Les concepts de base tels que conséquence, temps, espace, ordre, sont dicutés et représentés en pâte à modeler, précèdant le travail sur les mathématiques, lui aussi abordé de façon multi-sensorielle. Le travail sur la grammaire, l’étude des constituants syntaxiques et des liens fonctionnels au sein de la phrase sont redécouverts avec une approche globale et dynamique, s’appuyant sur l’évocation visuelle, et modélisés en pâte à modeler. Un travail sur l’énergie et la relaxation est intégré. Des exercices de latéralisation et de renforcement de l’intégration inter-hémisphérique sont proposés. Conscient du fait que, au bout de quelques années d’un parcours douloureux, la dimension affective du dyslexique, caractérisée par une piètre estime de soi et un enfermement dans un complexe d’échec, en vient à représenter la moitié du syndrome, le thérapeute va introduire les concepts de responsabilité, autonomie, motivation, réussite etc. en ... pâte à modeler. Ils servent de support à des échanges thérapeutiques, partie intégrante du programme.
Il s’agit donc d’une approche neuro-pédagogique qui a pour points d’appui les dons particuliers comme facteurs de réussite. Ron Davis apprend au dyslexique à construire les représentations nécessaires au décodage du langage écrit à partir de leur sensorialité. C’est un processus qui, facilité par l’intervention des différentes modalités sensorielles aide le dyslexique à “passer de la perception à l’identification à la compréhension intégrée ... Les circuits vision <> audition <> langage <> motricité <> vision” sont ainsi ouverts ou renforcés.
Cette approche de la rééducation de la dyslexie, loin d’être une cure magique, vise à libérer une pensée riche de potentialités, à permettre le déblocage de toutes les ressources perceptives et évocatives et de ce fait, l’accès au traitement du langage écrit. La méthode Davis n’est pas incompatible avec d’autres méthodes de rééducation, à condition que les cures ne soient pas suivies simultanément. Elle est tout à fait complémentaire avec la Gestion Mentale d’Antoine de La Garanderie, le conseil en PNL, l’APL ou autres techniques pédagogiques. Le programme de base s’articule autour d’une prise en charge d’une trentaine d’heures, en modules plus ou moins intensifs. Le programme recommandé prévoit un stage de quatre journées consécutives, suivi, à un mois de distance, de deux autres journées. Un suivi périodique, étalé sur environ une année est ensuite proposé. Le caractère intensif de la formule est justifié par le projet de: 1) mettre en place des outils d’apprentissage nouveaux 2) déconditionner du syndrome d’échec et 3) entraîner à de nouveaux automatismes. Loin de se limiter aux enfants, la méthode est particulièrement adaptée pour les dyslexiques adultes. Ron Davis lui-même n’en a t’il pas été le premier bénéficiaire à l’âge de 37 ans ? Les praticiens proposant ce programme sont des psycho-thérapeutes, psycho-pédagogues, orthophonistes, éducateurs spécialisés et autres praticiens formés à la méthode Davis. La formation est dispensée à Paris, par Ron Davis lui-même et son équipe, par l’intermédiaire de Davis Dyslexia Association
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