©1999 par Abigail Marshall
Davis Dyslexia Association Webmaster
La théorie Davis
Ron Davis, sévèrement dyslexique encore à l'âge adulte, trouva le moyen de "corriger" sa propre dyslexie avant même d'avoir élaboré la moindre théorie sur le sujet. Jusqu'à l'âge de 38 ans, il n'avait jamais remis en question le verdict officiel des experts qui l'avait diagnostiqué retardé mental. Bien qu'il ait un QI confirmé de 160, il avait accepté le fait qu'il ne pourrait jamais lire ou écrire sans un combat de Titan, parce-qu'il avait un problème sérieux avec son cerveau.
C'est alors qu'il remarqua que, par moments, sa dyslexie était pire qu'à d'autres moments. L'ingénieur qu'il était devenu sur le tas en vint à imaginer que, s'il pouvait arriver à identifier ce qui aggravait sa dyslexie, il parviendrait peut-être à mettre le doigt sur la clé qui lui permettrait de la réduire. Son premier indice, alors qu'il s'adonnait à la sculpture, son hobby, fut que plus il était créatif dans son activité artistique, plus il était dyslexique.
C’est alors qu’il s’enferma dans une chambre d’hôtel et s’entraîna à accentuer sa dyslexie. Puis il s’efforça de la réduire. Au bout de trois jours, il arriva un moment où, tout à coup, les lettres figurant sur l’affichette placardé sur la porte de sa chambre devinrent lisibles. Abasourdi par le fait que les lettres étaient devenues de la même taille et qu’il y avait des espaces entre les mots, il alla à la bibliothèque municipale, prit sur les rayonnages « l’Ile aux trésors », s’installa et, à l’heure de fermeture, avait lu le livre de la première à la dernière page.
Ce n’était pas encore la réponse à la dyslexie mais c’était le début d’une grande aventure. Davis partagea avec d’autres ses idées, découvrant à sa grande surprise que la plupart de ses amis artistes étaient aussi dyslexiques. C’est ainsi que, par une approche d’essai-erreur, il mit au point une méthode sûre pour aider d’autres personnes à contrôler leur propre dyslexie. Une année plus tard, il ouvrait son premier institut de rééducation de la lecture.
La théorie Davis est le produit d’une approche essai-erreur, et vise à expliquer pourquoi les méthodes Davis marchent. On peut résumer cette théorie de la façon suivante :
Tous les dyslexiques pensent de façon prépondérante en images : ils pensent avec le support d’images mentales ou sensorielles plutôt qu’avec le support de mots, de phrases ou de dialogue interne. Ce mode de pensée est subliminal, c’est à dire trop rapide pour que la personne puisse en être consciente, et de ce fait la plupart des dyslexiques ne savent pas que c’est ainsi qu’ils pensent. Dans la mesure où les dyslexiques pensent en images ou en représentations mentales, ils ont tendance à utiliser des stratégies de raisonnement et de logique globales, prêtant attention à l’image générale pour comprendre le monde autour d’eux. Ils sont généralement particulièrement à l’aise avec les activités impliquant la stratégie, la créativité, le manuel, de même que la résolution de problèmes pratiques. Par contre, ils ne sont pas performants pour le raisonnement séquentiel, linéaire, basé sur le langage. Lorsque vous regardez la photo d’un chien, vous ne déplacez pas votre attention de la queue, à la croupe, aux pattes, aux épaules, à la tête, aux oreilles et au nez pour reconnaître que c’est un chien. Vous voyez toutes les parties de l’animal en même temps et arrivez à la conclusion « chien ». Si votre mode de pensée est de façon prépondérante en images, vous avez pris l’habitude de reconnaître les choses ou les situations en les englobant d’un seul regard. Avec ce mode de pensée, les dyslexiques ont généralement développé une forte imagination et utilisent, pour résoudre les problèmes, un mode de raisonnement basé sur les images et le ressenti plutôt qu’une logique verbale. S’ils se trouvent initialement dans l’incertitude ou la confusion, ils feront tourner mentalement l’objet dans leur tête afin de le voir sous différents angles et différentes perspectives. Grâce à cette façon de penser, ils ont pu développer de nombreuses capacités et de nombreux talents particuliers.
Cette aptitude particulière peut toutefois être aussi cause de problèmes. Lorsqu’elles sont désorientées, ces personnes substituent leur propre pensée à la réalité. Tout le monde peut faire l’expérience d’un état de désorientation face à une illusion d’optique ou lorsqu’on est exposé à des stimuli sensoriels trompeurs dans certaines attractions de parcs de jeux par exemple. Mais les dyslexiques en font l’expérience quotidiennement car c’est là leur mode de réponse spontané à toute information sensorielle incertaine, de même que leur mode de résolution des problèmes.
Les dyslexiques ont généralement du mal avec les objets non-réels et symboliques, tels que les lettres et les chiffres. Dans l’effort qu’ils font pour appréhender les symboles comme ils le feraient avec un moteur d’automobile ou un schéma technique, ils peuvent se désorienter. C’est ce qui provoque les symptômes que l’on connaît bien, substitutions, omissions, inversions, transpositions, à la lecture ou à l’écriture. La désorientation ne se limite pas aux entrées visuelles. Beaucoup de dyslexiques confondent à l’oreille les sons ou se perdent dans la séquence des mots dans une phrase. On peut remarquer des perturbations dans leur sens du temps et leur coordination motrice peut être immature ou maladroite.
Les erreurs répétées qui résultent de perceptions déformées du fait de la désorientation ne manquent pas de provoquer des réactions émotionnelles, une grande frustration et la perte de l’estime de soi. Cherchant à résoudre son problème, le dyslexique va commencer à élaborer des stratégies de compensation et des attitudes compulsives pour contourner la difficulté. Ron Davis les appelle « les vieilles solutions ». Apprendre par cœur, faire faire son travail par maman, adopter une écriture illisible pour dissimuler les fautes d’orthographe, s’arranger très habilement pour ne pas avoir à faire telle ou telle chose, éviter tout ce qui se rapproche de l’école ou de la lecture en sont quelques exemples. Ce comportement peut commencer à se mettre en place dès l’age de 6 ou 7 ans. Un adulte dyslexique a à sa disposition tout un répertoire d’attitudes de ce type. Nous avons maintenant la panoplie complète des symptômes, des caractéristiques et des attitudes généralement associés à la dyslexie.
L’observation clé, base de la théorie de Davis pour le contrôle de la dyslexie, est que, lorsqu’un symbole auditif, un mot, ne rencontre pas chez le dyslexique une image et un sens, désorientation et faute en résultent. Si nous montrons au dyslexique comment interrompre la désorientation au moment où elle intervient et ensuite comment identifier et maîtriser l’objet qui a provoqué la désorientation, les problèmes de lecture et d’écriture commencent à disparaître et, dans la foulée, les vieilles solutions.
TECHNIQUES DAVIS DE BASE
Si les dyslexiques pensent en image et sont sujets aux désorientations perceptives dans le sens du temps et les différentes modalités sensorielles, la solution en vue du contrôle de la dyslexie est donc double :
Une technique pour contrôler la désorientation perceptive
Une technique pour éliminer les causes de la désorientation perceptive
Résoudre la désorientation
Par chance, il est très facile d’interrompre la désorientation. Il suffit d’apprendre à l’élève à prendre conscience de quand il est désorienté puis à utiliser sa conscience pour interrompre la désorientation, autrement dit à se ré-orienter. En fait, ce n’est pas plus difficile que d’apprendre à un enfant à retenir sa respiration quand il nage sous l’eau. Il s’agit tout simplement d’apprendre à contrôler consciemment quelque chose qui se passe d’habitude dans notre tête sans que nous en ayons conscience.
Au cours des années, les praticiens Davis ont mis au point divers techniques pour enseigner ce contrôle. La méthode la plus utilisée et la plus efficace s’appelle le Conseil d’Orientation Davis et est exposée en détails dans Le Don de Dyslexie. Selon cette technique, l’élève apprend à déplacer mentalement son « œil intérieur » vers un point de vue différent jusqu’à ce qu’il trouve l’emplacement optimal pour centrer son attention. On appelle cet emplacement le point d’orientation. Les élèves qui ne sont pas très à l’aise avec les exercices de visualisation peuvent obtenir le même effet par une approche kinesthésique, appelée Alignement et Réglage Optimal. Les deux méthodes sont complétées par une approche auditive appelée l’Orientation Auditive.
Il est essentiel de commencer par résoudre la désorientation car sinon la perception des lettres et des mots continuera à être déformée. Si « ou » continue à ressembler à « on » et « sel » à « les », si « b » continue à être perçu comme « p » ou « d » ou « q », l’élève aura toujours autant de mal à identifier les mots. Le parent ou la maîtresse pensera peut-être que l’enfant a un problème de mémoire et persistera à lui faire faire des exercices de répétition alors que l’enfant est dans la confusion et frustré parce qu’il a l’impression qu’on lui montre des mots différents à chaque fois.
Les techniques sont faciles à enseigner parce qu’elles impliquent une compétence que les dyslexiques possèdent bien, à savoir leur imagination.
Parfois, plus particulièrement avec les enfants plus âgés et les adultes, les progrès sont spectaculaires. La raison en est que, pour ces enfants, la désorientation a été la cause principale de leurs difficultés. Ils ont souvent eu des années de rééducation et, une fois la désorientation résolue, toutes leurs expériences passées s’intègrent et les progrès se font vite remarquer.
Toutefois, apprendre à contrôler les désorientations ne résout pas la dyslexie. Cela permet de résoudre un des symptômes clé de la dyslexie mais pas la cause première. Tant qu’on ne contrôlera pas la cause, les symptômes reviendront.
Contrôler les facteurs qui provoquent la désorientation
La raison pour laquelle interrompre la désorientation n’est pas suffisant pour contrôler la dyslexie est que la désorientation est une réponse à la confusion, à la frustration ou au stress. Par rapport à la lecture, cette réponse est provoquée par la confusion générée par les lettres et les mots. Tant que cette confusion est présente et qu’il ne vient pas d’image pour ce que représente un mot, l’élève continuera à se désorienter lorsqu’il lit.
Pour amorcer des progrès en lecture, orthographe et écriture, la méthode Davis prévoit trois techniques de base :
La maîtrise de l’alphabet et des symboles de base du langage
La maîtrise des mots pour lesquels le dyslexique n’a pas d’image et n’en voit pas la
signification
Un protocole de lecture comprenant des exercices de déchiffrage et d’évocation
Résoudre les confusions de lettres : l’alphabet en pâte à modeler
La désorientation est souvent provoquée par des lettres isolées visuellement ou phonologiquement proches et sources de confusion pour le dyslexique. Par exemple, mon fils avait du mal à discriminer le « c » et le « e », à cause de leur ressemblance visuelle. D’autres confondent le « c », le « k » et le « q », ou le « s » et le « c », car ces lettres peuvent avoir le même son.
C’est pourquoi, la première étape consistera à créer les lettres de l’alphabet en pâte à modeler. Nous utilisons la pâte à modeler parce que c’est un matériau en trois dimensions, mais aussi parce que c’est une activité qui sollicite la créativité et dans laquelle l’élève s’implique globalement. Lorsqu’il façonne les lettres en pâte à modeler, l’alphabet cesse d’être quelque chose d’arbitraire et devient quelque chose que l’enfant (l’adulte) a fait et qu’il va pouvoir s’approprier.
L’observation de la façon dont l’élève forme ses lettres et de la façon dont il réagit quand on lui demande de les nommer, nous amène à identifier celles qui déclenchent en lui la désorientation, la confusion et les erreurs de perception. Nous pouvons alors l’aider à maîtriser la confusion engendrée par ces lettres.
L’élève va modeler deux alphabets complets, l’un en lettres d’imprimerie et l’autre en script. En faisant la maîtrise des lettres en pâte à modeler, l’élève en explore et découvre la forme et le nom justes ainsi que leur place dans l’alphabet.
La maîtrise de l’alphabet est suivie d’exercices similaires pour la ponctuation et la phonologie. Une fois mis en place cette connaissance de base, l’élève est équipé pour pouvoir utiliser l’un des outils les plus performants qu’on puisse offrir à un penseur en image: la capacité à explorer la signification des mots dans le dictionnaire.
Mettre des images sur les mots : La maîtrise des symboles Davis
Les mots qui provoquent le plus de confusion pour le dyslexique sont les petits mots courants comme « l »e ou « d »e. Un élève lira facilement un mot relativement long dans un texte mais hésitera ou butera sur un mot comme « les » ou « lui ». Ces mots provoquent la désorientation et nous les appelons des mots déclencheurs.
La raison en est que le dyslexique pense en images. Se faire une représentation mentale d’un crocodile est aisé, mais il est très difficile de visualiser « de » ou « ce ».
Nous traitons ce problème avec une technique appelée la maîtrise des symboles Davis. Tout d’abord, l’élève cherche le mot dans le dictionnaire et discute de sa définition avec l’aide d’un adulte. Puis il fait un modelage en pâte à modeler qui représente avec précision la définition du mot et enfin modèle les lettres du mot.
Cette technique va beaucoup plus loin que les stratégies multi-sensorielles visant à renforcer la conscience phonémique habituellement recommandées pour les dyslexiques. Elle implique la créativité de l’élève et met en place une image mentale durable pour un mot particulier et sa représentation graphique. Elle donne accès à la compréhension précise d’un mot et à l’engramme durable de son orthographe et de son sens, se substituant au décodage phonétique et à la mémorisation par cœur dont l’efficacité est décevante. Elle neutralise l’effet déclencheur de désorientation du mot.
Il y a plus de 200 mots déclencheurs en anglais (idem en français – NDLT) qui justifient d’être maîtrisés et, une fois que c’est fait, l’élève dispose d’un arsenal de mots outils qu’il reconnaît et comprend précisément au premier regard. Pour en comprendre l’impact, il vous suffit de compter le nombre de petits mots abstraits contenus dans cette phrase.
L’objectif secondaire de cette technique est de donner à l’élève une méthode qui peut être appliquée à n’importe quel mot ou concept. La maîtrise des symboles peut en effet aussi être utilisée pour maîtriser le vocabulaire de n’importe quel sujet : les mots « polygone » ou « cytoplasme » peuvent être maîtrisés aussi facilement que le mot « par ». Au fur et à mesure qu’il avance dans son programme scolaire, l’élève a à sa disposition une technique qui lui permet de maîtriser tous les concepts qui lui posent problème. Mon fils, âgé maintenant de 16 ans, n’a plus besoin de la pâte à modeler mais il se sert constamment de son dictionnaire.
Trois étapes pour une lecture plus facile
Pour aider les élèves dyslexiques à maîtriser le processus de la lecture et améliorer leur compréhension et leur vitesse, nous utilisons un protocole de trois techniques : le lecture épelée, le balayage et la lecture image sur ponctuation. Un des problèmes des dyslexiques est qu’il ne leur est pas naturel de déchiffrer les mots lettre par lettre ni même de respecter le déplacement oculaire de gauche à droite, prenant conscience de chaque lettre l’une après l’autre. En bons penseurs en images ils ont tendance à regarder le mot de façon globale. L’effort qu’ils font pour déchiffrer leur barre l’accès à l’évocation et à la compréhension de ce qu’ils lisent et ils doivent souvent relire plusieurs fois le texte au prix de maux de tête éventuels. Les exercices proposés offrent aux dyslexiques une méthode rapide, agréable et facile pour apprendre à respecter le bon déplacement oculaire, à déchiffrer et à comprendre ce qu’ils lisent, tout en utilisant leurs capacités naturelles.
La présentation détaillée de la théorie de Ron Davis sur le fonctionnement et le développement cognitif du dyslexique, ainsi que la description, étape par étape, des exercices de base de la méthode Davis, sont exposées dans le livre Le Don de Dyslexie, par Ron Davis, aux éditions de La Méridienne