L
e nouveau Certificat fédéral de capacité(CFC) d'assistant socio-éducatif risque
de devenir un outil économique à la
disposition des employeurs et cela aux
dépens des usagers et de la profession
entière, redoutent certains travailleurs sociaux. Les
professionnels de l'éducation sociale estiment
d'abord que le cahier des tâches qui va être confié à
ces assistants est trop ambitieux par rapport au
niveau de formation reçu. Autre crainte : celle que
les jeunes qui s'intéressent à ce cursus n'aient pas la
maturité voulue pour faire face à leurs obligations
sur le terrain…
La formation pour le CFC d'assistant socio-éducatif
a débuté à la rentrée dans tous les cantons
romands, sauf à Fribourg, qui prévoit son
démarrage en 2006. C'est une formation en école,
assortie de stages. A Neuchâtel, le CFC social peut
s'obtenir à travers un apprentissage. Mais en quoi
consiste donc ce nouveau métier? Les assistants
socio-éducatifs seront chargés d'encadrer des
personnes de tout âge, qui présentent ou non un
handicap physique, mental, psychique ou social. Ils
auront aussi pour mission d'aider les usagers dans
leur vie quotidienne ou leurs loisirs, dans une
optique de développement et/ou de sauvegarde de
leur autonomie.
«Pas besoin de petites mains»
La plupart des candidats au CFC social se font des
illusions sur leur futur travail, prévoient pourtant
certains éducateurs. «Par exemple, un jeune de 17 ans
peut jouer avec un enfant, intervenir dans un conflit.
Mais le professionnel diplômé HES a appris à
analyser ce qui se passe dans le jeu, ou une crise, de
façon à contrôler ce moment et l'utiliser pour avancer
dans le travail d'éducation. Il fait sans cesse appel à
l'observation, à l'analyse, c'est un métier qui utilise les
mains et la tête. Des petites mains lui sont inutiles»,
lance Christine Guinard Dumas, secrétaire générale
de l'Association vaudoise de travailleurs de l'éducation
sociale (AVTES).
Pour certains, la mise en oeuvre de la Loi professionnelle
– dont résulte cette nouvelle formation – tombe
à point dans un paysage de mesures d'économies. Un
risque de dérapage existerait, car le titulaire d'un CFC
coûtera moins cher qu'un diplômé tertiaire HES, et
certaines institutions pourraient n'engager qu'un
éducateur diplômé et plusieurs «petites mains». Ce
qui se traduirait par un risque de baisse de qualité des
prestations.
Pourtant, en période de grave pénurie de places
d'apprentissage, les débouchés professionnels
qu'ouvre le CFC social sont une bonne nouvelle.
Christine Guinard Dumas en est consciente. «Nous
savons que cela répond à un besoin et que beaucoup
de jeunes s'intéressent à ce CFC, mais le socioéducatif
n'est pas le domaine qui convient. Il n'y a pas
de tâches secondaires dans l'éducation sociale, on ne
peut morceler ni des enfants, ni des personnes âgées,
ni des handicapés. La solution convient mieux au
secteur de la santé ou un certain nombre de gestes
peuvent être proposés à un titulaire de CFC, apporter
les repas, par exemple».
Au-delà du réflexe corporatif
Par ailleurs une majorité de candidats pourraient
ne vouloir travailler qu'avec des enfants. Mais dans
la réalité, ils seront aussi confrontés à des
personnes handicapées et des aînés au grand âge.
C'est pourquoi les professionnels demandent que
les stages de formation des assistants aient lieu
dans les trois secteurs de l'éducation – enfance,
handicap et vieillesse -, afin que les jeunes
diplômés n'envahissent pas la petite enfance.
Et de rappeler en passant combien la profession
d'éducateur de la petite enfance a eu de la peine à
être reconnue. D'ailleurs, les hommes l'ont
longtemps dédaignée. «Nous parvenons tout juste à
obtenir un début de reconnaissance et voilà que
tout ce travail est menacé par l'arrivée sur le
marché de petites mains. Or nous avons envie que
les parents se sentent en sécurité quand ils laissent
leurs enfants dans une garderie», insiste la secrétaire
générale de l'AVTES.
Mais le CFC social est déjà sur les rails et l'association
place désormais son combat dans la qualité
de la formation. «Puisque cette formation existe,
faisons en sorte qu'elle soit la meilleure possible.
Surtout, qu'elle soit stimulante et que les candidats
aient envie de s'engager par la suite dans la
formation continue et d'entreprendre une
formation de niveau tertiaire. Notre réflexion va
au-delà du réflexe corporatiste. Dans l'intérêt de
tous, nous voulons proposer une lecture plus large
sur les valeurs à défendre et la société que nous
voulons».
Geneviève PRAPL