L'assistante en soins cherche sa place autour du patient
Santé · La première volée des assistantes en soins et santé communautaire arrive cet été. Futurs partenaires et employeurs s'interrogent sur leurs fonctions exactes.
Claude-Alain Gaillet
Quelle place autour du patient? Avec quelles compétences? Ces questions sont au coeur du débat qui agite actuellement les milieux infirmiers et les directions des homes. Elles sont posées avec l'arrivée, en juillet prochain, des premières «assistant-e-s en soins et santé communautaire», les ASSC comme on les appelle déjà. De type CFC, cette nouvelle profession a largement animé les dernières assises des infirmières et infirmiers fribourgeois (ASI-FR), la semaine passée. A l'horizon 2008, elle est appelée à remplacer l'actuelle formation d'aide-soignante.
Les inquiétudes tournent autour des actes médicaux délégués que sont censés pouvoir pratiquer les ASSC. Dans l'éditorial ouvrant leur bulletin interne, les coprésidents de l'ASI-FR Blaise Rochat et Aline Schuwey parlent d'un «cocktail qui risque bien d'être explosif en terme de qualité des soins» et redoutent «des dérives largement prévisibles». La crainte, c'est que le public assimile les ASSC à des «mini- infirmières». Pourtant, les futures assistantes en soins et santé communautaires, devront inscrire leur pratique dans «l'agir encadré», autrement dit sous la responsabilité des infirmiers qui se situent, eux, dans «l'agir autonome».
Le champ exact d'activités des ASSC est encore loin d'être clair. Les mêmes questions se posent partout en Suisse. Le canton de Fribourg a pris les devants en créant une commission ad hoc. Celle-ci a examiné tous les aspects de l'intégration des assistantes en soins.
Risque de rivalité
A l'Hôpital cantonal, les infirmiers mènent une même réflexion afin de préparer la place de l'ASSC autour du patient. C'est dire à quel point cette nouvelle profession induit un changement profond dans la répartition des compétences. Le flou actuel génère «un sentiment d'insécurité», dit une infirmière.
Le risque d'une «rivalité» entre infirmières diplômées et assistantes en soins doit être maîtrisé, pense Jacqueline Gury Racine, directrice de l'Ecole du personnel soignant. «Sinon, ces professions vont scier la branche sur laquelle elles sont assises.»
La polyvalence de leur formation (voir ci-dessous) amènera une partie des ASSC dans les homes médicalisés. Les directions de ces derniers craignent, eux, que ce personnel, plus cher que les aides-soignantes, ne bouleverse l'équilibre obtenu par leur association faîtière (l'AFIPA) dans la dotation du personnel. Actuellement, les EMS ont droit entre 25% et 33% à des infirmières diplômées. Président de l'AFIPA, le député René Thomet redoute que, pour des raisons budgétaires, les ASSC empiètent en partie sur la dotation des infirmières diplômées.
Association propre
Face à toutes ces réserves et à l'accueil mitigé qui les attend dans certaines institutions, les futures assistantes en soins et santé communautaires devront se montrer solides et convaincantes. Pas franchement désirées au sein des associations infirmières, elles sont en train de constituer leurs propres associations cantonales. C'est le cas à Fribourg. A l'instar de leurs partenaires, elles ne devront pas oublier que, dans toute la constellation d'intervenants médicaux et paramédicaux, «le patient ou le résident reste au centre», ainsi que Catherine Bonfils, responsable de la formation des ASSC, l'a conclu l'autre soir. CAG
Un métier polyvalent
La formation d'Assistante en soins et santé communautaire (ASSC) est une formation polyvalente qui s'étale sur trois ans. Sanctionnée par un CFC, elle est dispensée à Grangeneuve, au Centre de formation en économie familiale. La première année est organisée en tronc commun avec les aides familiales et les gestionnaires en économie familiale. La spécificité des ASSC repose sur quatre domaines de compétences: soins et assistance, conception du milieu et organisation de la vie quotidienne, administration et logistique, actes médico-techniques.
139 apprenantes
Leurs certificats en poche, les ASSC peuvent travailler auprès d'enfants, d'adultes ou de personnes âgées dans les différents services hospitaliers, en psychiatrie, dans les EMS, à domicile, auprès de personnes handicapées. Actuellement, 34 apprenant(e)s se préparent aux examens finaux. Dans la première volée qui sortira cet été, dix souhaitent poursuivre avec une maturité professionnelle, six se destinent à travailler dans un EMS, quatre veulent aller en soins aigus, trois en réadaptation, deux en psychiatrie, deux dans le milieu du handicap, deux en salle d'opération et une en soins à domicile. En 2e année, on compte 60 jeunes et 55
en 1re année. Les âges de ces 139 apprenantes se situent entre 15 et 25 ans.
Elles sont au bénéfice d'un contrat d'apprentissage signé par l'école, qui est leur employeur. Cette formation est régie par l'Office fédéral de formation professionnelle et de la technologie (OFFT), depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la formation professionnelle le 1er janvier 2004. CAG
Trois questions à Jacqueline Gury, directrice
Jacqueline Gury, vous dirigez l'Ecole du personnel soignant, dont dépend la formation des ASSC. Comprenez-vous les réticences des infirmiers?
- Pas complètement. Les actes médico-techniques ne devraient pas être un problème. Le milieu infirmier aurait aussi intérêt à se positionner sur son statut et son rôle. A se remettre en question. C'est un peu le prestige de la seringue qui est en jeu. Les infirmiers sont appelés à analyser des situations complexes. Leur formation développe une réflexion sur la prise en charge dans ce type de situations. D'autre part, la réforme de Bologne réorganisera dès 2006 la formation en HES, avec le bachelor et le master; là, il y a du pain sur la planche.
Les infirmiers craignent que les ASSC ne soient perçues comme des «mini- infirmières».
- Ça peut être un risque. Mais, dans leur formation, nous sommes attentifs à cette question. Les ASSC doivent travailler sous la responsabilité des infirmiers. L'un des problèmes vient des infirmières assistantes qui, à l'époque, suivaient dès l'âge de 18 ans une formation de deux ans donnée par la Croix-Rouge. Cette catégorie de professionnelles n'a jamais vraiment trouvé sa place dans l'équipe soignante. Il en reste une sorte de traumatisme.
Comment ces nouvelles assistantes en soins vivent-elles le regard critique porté par leurs futurs partenaires et employeurs?
- Elles sont préoccupées. Elles en parlent et nous leur en parlons. Il s'agit de les renforcer dans leur identité. CAG