Le système suisse de la formation supérieure est en restructuration. Il est désormais constitué de trois types d’établissements: les universités, les hautes écoles et les hautes écoles spécialisées (HES) qui, dès 2005, devraient toutes être réglementées par la Confédération et s’ajuster au système européen de formation. Les HES sont les dernières arrivées et elles ont la caractéristique d’offrir des formations professionnelles. Parmi elles, la Haute Ecole spécialisée santé-social de Suisse romande (HES-S2) est la seule qui exploite des filières dans le domaine santé et social. Cet article, publié en deux parties, présente la construction de cette école dans ce contexte de restructuration, puis les problèmes qui s’y posent.
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Sylvie Meyer,
professeure HES-S2
déléguée SSP au Conseil consultatif SO-S2
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Un contexte historique européen
Du point de vue historique, la HES-S2 est née de la volonté des cantons romands de valoriser la formation supérieure pour les professions du social et de la santé, et ce, dans la perspective de la construction européenne. En effet, il existe en Europe communautaire, depuis 1992, une démarche d’harmonisation de la formation supérieure. On peut lire ce processus dans la perspective libérale de mise sur le marché du travail de professionnels très qualifiés venant de n’importe quel Etat membre. Ainsi, la Communauté européenne a adopté, en 1988, une directive dite (BAC +3), mais qui se nomme en fait "Directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans". Celle ci permet aux diplômés de circuler librement sur le marché du travail sous trois conditions: 1. le diplôme a été délivré par une autorité compétente dans un Etat membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet Etat; 2. le titulaire a suivi avec succès un cycle postsecondaire d’une durée minimale de trois ans dans une université ou un établissement de même niveau; 3. le titulaire possède les qualifications requises pour accéder à une profession réglementée dans cet Etat. Il faut en outre que cette profession existe dans le pays d’accueil.
Par ricochet, cette directive influencera profondément le paysage de la formation en Europe, et pas seulement dans les pays membres de l’Union parce qu’ils sont plus nombreux à adhérer à cet Espace d’enseignement supérieur. Sa mise en place se concrétise par une série de déclarations et de décisions, dites "processus de Bologne". La Déclaration de Bologne du 19 juin 1999 institue cet espace. Pour la Suisse, elle a été signée par Charles Kleiber, le secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche.
Le processus de Bologne
La Déclaration de Bologne s’articule autour de six objets: 1. un système de grades académiques facilement lisibles et comparables, incluant la mise en œuvre du supplément au diplôme; 2. un système essentiellement fondé sur deux cycles: un premier cycle (bachelor), utile au marché du travail, d’une durée d’au moins trois ans, et un deuxième cycle (master) exigeant l’achèvement du premier cycle; 3. un système d’accumulation et de transfert de crédits d’enseignement; 4. la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs; 5. la coopération en matière de qualité; 6. la dimension européenne.
Cette déclaration a été suivie de décisions visant à rendre le système opérationnel dans les hautes écoles. Retenons, en particulier, la valeur des crédits d’enseignement, le volume des deux cycles, quelques éléments du niveau de compétences attendues et le supplément au diplôme. Un crédit de formation, que par extension nous nommons ECTS bien que ce sigle veuille dire European Transfer System Credit, vaut entre 25 et 30 heures de travail étudiant. Ce travail comprend toutes les formes d’enseignement, y compris les stages, ainsi que le travail personnel et les évaluations. Une année universitaire contient 60 ECTS et le premier cycle compte entre 180 et 240 crédits, soit entre trois et quatre ans. Le deuxième cycle comprend entre 90 et 120 ECTS. L’enseignement est organisé en modules dont le volume est mesuré en ECTS. Les notes qui sanctionnent les évaluations s’obtiennent sur une échelle de A à E pour les réussites; on réserve des FX et des F pour les échecs. Ajoutons que les notes sont fonction d’une analyse statistique des performances des étudiants à chaque épreuve. 10% reçoivent un A, 25% un B, 30% un C, et ainsi de suite. Les compétences attendues au premier cycle précisent que les étudiants sont capables d’utiliser de façon professionnelle leurs connaissances. En plus du titre et du relevé de notes, les diplômés reçoivent un supplément au diplôme qui est un document comprenant huit parties informatives concernant: le titulaire du diplôme, le diplôme, le niveau de qualification, le contenu de la formation et les résultats obtenus, la qualification acquise, des données complémentaires, la certification du supplément, le système national d’enseignement supérieur.
Ce système a souvent été taxé d’élitiste. A notre sens, ce n’est le cas qu’en relation au volume de travail. En effet, il implique que l’étudiant travaille beaucoup et n’ait guère de temps pour exercer une activité lucrative à côté de ses études. Pour le reste, il considère l’ensemble des hautes écoles et pas seulement les filières académiques et s’adresse donc à de très nombreux titulaires de titres secondaires. Il délivre le même nombre de crédits à ceux qui obtiennent des E que des A. L’élitisme est plutôt dans la manière suisse d’accommoder la "sauce bolonaise".
La Suisse des hautes écoles spécialisées
En Suisse, deux phénomènes liés à l’eurocompatibilité et à l’eurocomparabilité se déroulent, mais ils sont en décalage. Le premier est la création des HES et le second est la mise en place du processus de Bologne, qui touche les HES, ainsi que les universités et les EPF.
Les HES dans les domaines des technologies de l’information, de la construction, de l’économie, du design, des sciences de la vie, ont été rapidement établies parce que la Confédération y règle depuis longtemps la formation. Une loi sur les HES est entrée en vigueur en 1996 et sept écoles ont Rétroactivement reçu, en 1998, des autorisations d’exploitation limitées à 2003. Entendons-nous bien: ces sept écoles ne sont pas sept bâtiments accueillant chacun 200 personnes, mais une division par sept du territoire suisse et un regroupement organisationnel et non physique d’écoles. En Suisse romande, cette HES est la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO). Sa base légale est un concordat intercantonal. En 2004, elle compte 5900 étudiants répartis en 12 écoles et 25 filières, elle occupe 1446 postes équivalents plein temps, son budget est de 222 millions de francs et provient à 65% des cantons et pour le reste de la Confédération; il est assuré sur la base de forfaits par étudiant dont le montant varie d’une filière à l’autre. Le Conseil fédéral, après une procédure d’évaluation, a pérennisé son existence, le Département fédéral de l’économie ayant cependant exigé quelques restructurations, qui ont lourdement touché certaines filières.
Pour les domaines de la santé et du travail social, la création des HES est plus compliquée parce que les cantons étaient seuls compétents. Traditionnellement, lorsqu’ils avaient un objet à régler dans ce domaine, ils le faisaient via la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) ou la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP). Souvent, les associations professionnelles ou les organisations des écoles édictaient des normes.
Vis-à-vis de la Communauté européenne, le système était sans doute léger. A la fin des années 90, il y a eu un débat pour savoir si une réglementation intercantonale équivalait à une réglementation fédérale. La réponse a été la mise en place progressive d’une telle réglementation qui progressivement remplace les bases cantonales. Ce processus de rapatriement des formations de la santé, du social ainsi que des arts, les "SSA", dans la sphère de contrôle de la Confédération, est encore en cours. Il a fallu, dans la nouvelle Constitution, étendre la compétence de la Confédération à l’ensemble de la formation professionnelle. Cela a débouché sur une révision de la loi sur la formation professionnelle qui est entrée en vigueur en janvier 2004 et qui par ailleurs ne réglemente pas les hautes écoles, mais qui instaure le système général de la formation professionnelle. Dans la foulée, une révision partielle de la loi sur les hautes écoles spécialisées (LHES), qui devrait entrer en vigueur à fin 2005, a été engagée. La LHES révisée gère l’autorisation de créer et de gérer une HES tous domaines confondus, ses mandats légaux, l’admission des étudiants, la reconnaissance des titres et les subventions fédérales. Pour son application, il faut des ordonnances. Après quoi seulement, une HES dans le domaine SSA pourra être reconnue et exploitée. Ajoutons encore que si la Confédération veut commander les SSA, elle rechigne à les financer en limitant son soutien et en reportant les coûts sur les cantons. Entre-temps, la HES-S2 repose sur des bases cantonales et intercantonales. Elle est ainsi comme un château de cartes construit sur des sables mouvants...
L’état de la HES-S2
Les cantons romands n’ont pas attendu Berne pour créer leur HES dans le domaine de la santé et du social. Ils l’ont édifiée eux-mêmes dès 1997 avec des travaux préparatoires visant à définir ses filières, ses missions et sa structure, puis ils l’ont instituée par le biais d’une convention intercantonale en 2001 et mise en fonction en 2002. La HES-S2, à l’instar de la HES-SO, est un regroupement de sites et de filières dans une superstructure qui comprend trois secteurs transcantonaux: travail social (filières éducation sociale, animation socioculturelle et service social), soins et éducation à la santé (filières soins infirmiers et sages-femmes), mobilité et réhabilitation (filières diététique, ergothérapie, physiothérapie, psychomotricité et radiologie médicale). A sa tête, il y a un comité stratégique, qui réunit des conseillers d’Etat, puis un comité directeur comprenant deux personnes de chaque secteur et un délégué de chaque canton signataire de la Convention. Il y a un secrétariat général et une direction basés à Delémont ainsi qu’une série de commissions. Bien sûr, les cantons, qui financent 90% du budget, ont mis en place des structures cantonales pour gérer les sites, publics ou privés, sis sur leur territoire. Cela donne un schéma d’organisation compliqué que les enseignants de la HES-S2 appellent simplement le "radiateur" (voir tableau ci-dessous), mais comprend également les filières de la HES-SO car l’avenir est à la fusion.
Schéma organisation de l’école prévue pour 2008
Si, comme moi, vous enseignez l’ergothérapie à l’Ecole d’études sociales et pédagogiques, celle-ci est votre employeur, mais vous appartenez à une filière et à un secteur romand. Vous êtes intégrée à la Haute Ecole vaudoise qui regroupe tous les sites vaudois SO et S2 et vos conditions de travail dépendent ainsi de l’Etat de Vaud. Vous devez des comptes à Delémont pour certaines activités et vous êtes en contact avec des commissions externes. Si vous ne comprenez pas, moi non plus, du moins pas tous les jours... Dans la vie quotidienne, cela génère diverses absurdités chronophages. De plus, dans une organisation si compliquée, il faut du personnel à Delémont pour gérer le tout, beaucoup d’administration dans les cantons pour contrôler les écoles et l’argent qui se dépense. Les sites de formation, soit les petites structures autrefois autonomes, ont réagi à cette prise de pouvoir et aux demandes diverses des organes cantonaux et centraux en renforçant leur direction et leur administration. Dans la HES-S2, les enseignants vivent une réduction progressive des ressources affectées à l’enseignement et à la recherche. Et la restructuration continue puisqu’il faut dans un contexte de restrictions budgétaires appliquer le processus de Bologne et fusionner avec la HES-SO.
L’activité de la HES-S2
La HES-S2 assume les missions qui sont imparties à une haute école spécialisée en étant active en formation initiale, en formation continue et en recherche.
Du point de vue de la taille, la HES-S2 peut se permettre quelques ambitions. En 2004, elle a 3550 étudiants, elle occupe 825 équivalents plein temps et elle dépense 97 millions de francs.
Les programmes de cours des filières sont fabriqués à partir de l’énoncé des compétences professionnelles à acquérir durant la formation. Ils font une place importante au concept d’alternance, qui est mise en œuvre par des périodes de stage dans des lieux de travail, dûment préparées et encadrées, et dont l’expérience acquise par les étudiants est réutilisée dans des cours. Au plan romand, il y a des plans d’études cadre qui satisfont, si elles existent, les normes internationales de formation à ces professions, et auxquels les diverses filières locales obéissent. Pour les formations sociales, la HES-S2 satisfait les normes du profil des HES en travail social de 1999, produit par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP). Pour les formations santé, elle correspond au profil HES santé édicté par la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) en 1996. Ces profils, pour des raisons historiques, contraignent les formations sociales à durer trois ans et les formations santé à se dérouler sur quatre ans. Enfin, l’enseignement dans la HES-S2 est organisé en modules qui sont comptés en ECTS (crédits de formation), soit respectivement 240 et 180 pour les deux types de formation. Le système de notes recourt à une échelle allant de A à F. C’est dans ce contexte-là que la HES-S2 affronte le processus de Bologne.
Bologne à la mode suisse
La Suisse ayant signé la Déclaration de Bologne, elle dispose de dix ans pour mettre en œuvre les réformes nécessaires dans tout le système de formation supérieure. Au niveau des HES, on l’a vu, la Confédération fait son travail de rapatriement des formations de la santé, du social et des arts – les SSA – dans son giron, mais surtout elle fixe avec la révision de la loi sur les hautes écoles spécialisées (LHES) une manière restrictive d’appliquer le processus en limitant le bachelor à 180 ECTS et non à 180 au moins. (Ne riez pas sur les anglicismes, on nous prépare vraiment des titres en anglais). Cela ne semble pas poser de problèmes aux universités et aux EPF qui ont tout simplement considéré que le bachelor n’est pas un titre permettant l’accès au marché du travail, ce qui n’est en soi pas vraiment eurocompatible. Pour les HES, qui ont réellement la volonté et aussi l’obligation de mettre sur le marché du travail du personnel qualifié et compétent, cela implique de réduire la durée et donc le contenu de certaines formations tout en maintenant des objectifs très élevés. C’est particulièrement le cas de toutes les formations en santé de la HES-S2, qui passent de 240 à 180 ECTS, mais c’est aussi le lot d’une partie des filières de la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), dont la formation dure actuellement plus de trois ans. Beaucoup de voix se sont élevées contre cette décision, entérinée dans la LHES, mais rien n’y a fait. Pour être cynique, disons que Bologne est accommodé au détriment des qualifications des futurs étudiants en formation et malheureusement aussi, en Suisse romande surtout, à leur désavantage quant aux conditions d’admission.
Des conditions d’admission aberrantes
La LHES considère que les hautes écoles spécialisées sont destinées à des personnes qui ont déjà un CFC et donc une profession qu’ils ont exercée et qui disposent d’une maturité professionnelle. Les titulaires d’une maturité gymnasiale, minoritaires dans les sept HES techniques, etc., déjà réglementées par la Confédération, doivent effectuer une année d’expérience pratique avant l’admission. Dans le domaine des SSA, le profil des étudiants est différent puisqu’ils viennent tous, ou presque, de filières scolaires. Cependant, comme des formations secondaires dans la santé et le social se développent, la loi en révision impose comme conditions normales d’admission aux filières de la santé et du social, les maturités spécialisées santé-social et les maturités professionnelles spécifiques à nos domaines. Ici, on peut rire ou pleurer, selon son humeur du moment, parce qu’il n’y a aucun étudiant qui porte l’un ou l’autre de ces titres puisque ces maturités ne sont pas mises en place. Par contre, nos filières sont remplies par des étudiants titulaires de maturités académiques ou de diplômes de culture générale à option. On peut espérer que les diplômes de culture générale changeront d’appellation d’origine contrôlée et deviendront des maturités spécialisées. Pour les maturités académiques, c’est plus délicat car, dans la nouvelle loi, ces personnes doivent faire des modules complémentaires avant, en parallèle ou au terme de leurs trois ans en HES. Ces modules doivent être organisés par l’école, mais ne sont pas crédités. Nul ne sait comment ils seront financés. Quant à leur utilité, il paraît iconoclaste de poser la question, comme il est incongru de dire que même lorsque des maturités professionnelles seront disponibles dans nos domaines, il est peu probable que les titulaires soient suffisamment nombreux pour nos filières. Il est en effet invraisemblable d’imaginer que des parents conseillent massivement à leurs filles de faire un apprentissage d’assistante en soins plutôt qu’une maturité académique pour satisfaire la LHES. Le défaut de prise en compte dans cette loi des traditions de formation secondaire en voie scolaire fortement ancrées en Suisse romande se traduit par une pression à la fabrication de programmes de formation destinés à des types d’étudiants qui n’existent pas et à laquelle, évidemment, les enseignants ne peuvent pas souscrire.
Les recommandations de la best practice
Pour aider les écoles dans l’application du processus de Bologne, la Conférence des hautes écoles spécialisées a produit un document, la best practice, donnant une série de recommandations qui, à notre sens, amènent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Elle impose des crédits à 30 heures et non à 25-30 heures. Il faut entendre là, soit que les étudiants suisses sont plus lents que les autres, soit qu’ils auront davantage de travail. Nous penchons pour la seconde hypothèse car les écoles étant financées par le biais d’un forfait annuel par étudiant, il est plus avantageux pour les bailleurs de fonds d’avoir trois forfaits annuels, plutôt que trois et demi ou quatre parce que la formation compterait 210 ou 240 ECTS de 25 heures. Ainsi, la charge estudiantine de travail est de 1800 heures par année, soit une activité à temps plein. En ce sens, il est vrai que les études ne peuvent concerner que les personnes qui ont des ressources suffisantes et on a raison d’accuser Bologne d’être un processus élitiste, sauf si les bourses d’études sont ajustées en conséquence.
En outre, les recommandations de la best practice sont essentiellement rédigées dans l’optique des sept HES des domaines des technologies de l’information, de la construction, de l’économie et des sciences de la vie et ne considèrent pas la formation pratique comme une forme d’enseignement bien que des stages existent, notamment à l’Ecole hôtelière. Nous sommes en droit d’avoir quelques appréhensions sur la manière dont la formation pratique sera reconnue et créditée, bien qu’on nous assure que tout ira bien. Enfin, on nous propose d’organiser les années scolaires en 32 ou 34 semaines réparties en deux semestres et d’avoir au maximum 15 heures de cours pour un ECTS. Cela implique que tous les cours, les laboratoires, les séminaires, c’est-à-dire tout le travail encadré, devra se dérouler sur ces semaines, le travail personnel restant et une grande partie de la formation pratique débordant ce cadre. Gageons que ce sera plus propice à produire des dépressions que des compétences professionnelles…
Ajoutons que l’ajustement aux recommandations de la best practice, aux normes de la LHES révisée et au nouveau profil normatif pour les formations de la santé de la Conférence des directeurs des affaires sanitaires, qui exige des modules complémentaires non crédités destinés aux titulaires de maturités académiques, devrait être fait pour la rentrée 2006, c’est-à-dire pour les filières de la santé juste au moment où la première volée des programmes HES est au terme de ses quatre ans de formation. Nous n’aurons donc que partiellement pu évaluer les programmes avant de les rectifier et nous devrons dès 2005 à nouveau négocier avec les milieux professionnels qui accueillent les étudiants en formation pratique un plan de stage différent. S’ils nous prennent pour des c…, ils auront raison. Les enseignants, en s’appuyant sur une pétition, ont demandé une mise en œuvre des changements en 2007, ce que la loi permet. Cela, d’autant plus qu’à ces profondes modifications des programmes en santé, la restructuration, qui passe par des concentrations de filières, de sites, voire de secteurs de formation, se poursuit (voir encadré ci-dessous).
La place des enseignants: une lutte constante
Finalement, malgré la charge de travail, les pressions ou parfois les risques, les enseignants de la HES-S2 comme de la HES-SO demeurent globalement favorables et engagés dans la mise en place de l’Espace européen de l’enseignement supérieur en Suisse. Ils le sont pour les futurs diplômés qui sortiront avec des titres vraiment reconnus, pour leur filière et pour l’enseignement, qui en tirent des possibilités de développement scientifique, culturel ou conceptuel; ils le sont pour eux-même parce que des stratégies de développement individuel sont faisables dans ce contexte. En dernier lieu, et c’est le plus rose de l’histoire, devant la difficulté de se faire entendre, autant pour maintenir la liberté d’enseignement et de recherche que pour défendre les statuts des professeurs que certains voudraient très hiérarchisés ou des salaires, qui pour l’instant sont ceux du secondaire supérieur, les profs, qui autrefois ne se connaissaient que relativement peu, surtout entre la santé et le social, se sont trouvé des intérêts communs. Par le biais d’une coordination qui en est à sa 55e réunion, ils sont en mesure de se poser en interlocuteurs de leurs directions, de s’épauler et de revendiquer transparence et démocratie dans l’école.
Concentration et restrictions budgétaires
En plus de son exécrable complexité de gestion, l’école subit lentement mais sûrement un phénomène de concentration des lieux de formation et des filières qui fragilise les plus endurants des enseignants. Ainsi, des petits sites de formation en soins infirmiers ont déjà fermé, faute de candidats, et il y a eu des licenciements. Les trois filières de travail social n’en feront à terme plus qu’une, et peut-être y aura-t-il fusion entre l’ergothérapie et la physiothérapie ou encore entre le secteur des soins et éducation à la santé et celui de la mobilité et réhabilitation. Les services de formation continue, les réseaux de chercheurs, les systèmes de gestion administrative et comptable, tout est en création ou en changement. Les travaux visant la fusion entre les deux hautes écoles spécialisées en Suisse romande, la SO et la S2, ont déjà commencé. Une nouvelle convention lui servant de base légale va être produite et quantité d’organes sont déjà communs. L’organisation générale, soit le radiateur central commun avec un modèle général de direction à la clef, est connue. Sur le plan des conditions de travail et du statut du personnel, des travaux visant la mise en place d’un statut unique du corps enseignant sont également menés; travaux qui sont heureusement menés de façon paritaire.
Malgré une augmentation importante du nombre d’étudiants, malgré le développement des missions de formation continue et de recherche et développement (R&D), le personnel ne se sent pas en sécurité parce que tout cela s’inscrit dans la volonté des cantons et de la Confédération de rationaliser les offres pour en améliorer la qualité et en diminuer les coûts. Il faut dire qu’avec un système de financement par le biais de forfaits par étudiant, plus il y a d’étudiants, plus l’argent rentre. Plus il y a concentration, plus on peut faire des économies d’échelle parce que donner une conférence à 60 personnes ne coûte pas plus cher que la donner à 25 personnes. Les propositions vont souvent bon train, par exemple: seuls les sites comptant au moins 500 étudiants seront financés par la Confédération ou seules les filières à 60 admissions annuelles peuvent exister ou, encore, les services de formation continue doivent être autofinancés. Même si ces propositions sont souvent retirées vu leur manque de réalisme car cela supprimerait 90% des étudiants des HES de Suisse, elles dégradent grandement le climat de travail et ne favorisent pas la collaboration entre des lieux de formation qu’on met finalement en concurrence.