Présentation de la bientraitance...

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INTRODUCTION
DE LA PROTECTION DES ENFANTS A LA BIENTRAITANCE DES FAMILLES
Frédéric Jésu, Marceline Gabel, Michel Manciaux


L'enfant, les pouvoirs publics et les familles

La protection de  l'enfance, enjeu et support d'un projet républicain à revitaliser

L'enfant représente, aux yeux des adultes, l'avenir de la société. Aussi sa protection, son développement et, peu à peu, son éducation deviennent-ils des enjeux majeurs de l'idéal de la République française dès les premières heures de celle-ci. Considérer chaque enfant comme concerné, dès sa naissance, par l'application des principes de liberté, d'égalité et de fraternité n'est-il pas le plus puissant des moyens de garantir la diffusion et la reproduction du modèle de société que résument et proposent ces principes ?

Deux siècles plus tard, le système français de protection de l'enfance porte — tout comme le dispositif de l'ةducation nationale — la marque de cette conception républicaine. Et le devoir d'intervention publique est devenu légitime dans toutes les situations, notamment familiales, où la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation d'un enfant sont compromises ou en risque de l'être. Ainsi, dès la fin du XIXème siècle, la famille n'est-elle plus considérée, surtout si elle rencontre des difficultés, comme le cadre où les conditions optimales de développement et d'épanouissement d'un enfant sont a priori garanties. On apprend même à reconnaître en elle le principal lieu d'émergence de sources spécifiques de danger. Au premier signal d'alerte, l'ةtat et — depuis 1984 — les services des Conseils généraux sont tenus de proposer des mesures d'aide et de suivi de cette aide. S'il y a lieu, le recours à l'intervention judiciaire se manifestera de façon plus ou moins précoce ou plus ou moins systématique selon que l'on considère que la famille présente surtout des difficultés ou surtout des défaillances, selon son adhésion réelle aux mesures proposées et bien entendu selon la nature du danger encouru ou des préjudices subis par l'enfant.

Cause ou conséquence de cette institutionnalisation de la protection de l'enfance, il est notable que le proche environnement des familles assume aujourd'hui bien moins spontanément la fonction de support du rôle éducatif des parents qu’il ne le faisait dans les sociétés rurales et ouvrières traditionnelles. La sollicitude du corps social est désormais requise sous des formes monétarisées, anonymes, collectives et non plus communautaires. Les cotisations sociales, la fiscalité nationale et locale et les services qu'elles permettent de financer se sont substitués aux soutiens de proximité. C'est ainsi que, pour respectable et ambitieux qu'il soit, le principe de l'égalité de tous en matière d'accès à la protection et à l'éducation a fini par prévaloir sur celui de la solidarité et de la responsabilité actives de chacun à l'égard des enfants et des familles en difficulté.

Or, dans le même temps, la problématique des maltraitances commises envers des enfants — mais aussi envers des personnes rendues dépendantes du fait d'une maladie, d'un handicap, du vieillissement — a pris une nouvelle importance dans le débat public. Les violences et les négligences familiales, voire institutionnelles, sont mieux connues, mieux reconnues, moins tolérées. Leurs sources, leurs contextes de survenue, leurs formes et leurs effets font l'objet d'études encouragées par les pouvoirs publics. Des tendances similaires se manifestent dans le domaine, souvent considéré comme connexe, de la délinquance des mineurs.

ہ l'évidence cependant, la figure de l'enfant en danger et, de plus en plus, celle de l'enfant dangereux incitent aujourd'hui à réévaluer les rapports entre responsabilités privées et responsabilités publiques sur l'accueil, le statut, la protection, l'éducation et le devenir des enfants. Car si l'immixtion des pouvoirs publics et des professionnels dans la vie privée des familles a pu longtemps être opérée dans un contexte où le paternalisme de l'ةtat était relativement accepté, il ne pourrait en aller de même aujourd'hui sans intégrer les évolutions des mentalités et des réalités sociales.

L'institution familiale traverse en effet une crise identitaire marquée tant par le remaniement de ses structures (concubinage, divorces, monoparentalité, recompositions diverses) que par la redéfinition des rôles parentaux et des modes de relation qui s'ensuivent entre les générations. Nombre de familles connaissent, de surcroît, une importante dégradation de leurs conditions d'existence, génératrice d'isolement, de déstabilisations et donc parfois de maltraitances de toutes formes, subies ou agies. Les difficultés des parents à assumer leurs responsabilités éducatives proviennent souvent d'une série de difficultés économiques et sociales (chômage, logement, marginalisation) et/ou personnelles (stress de tous ordres, conflits conjugaux, problèmes de santé mentale). Ces parents peuvent avoir eux-mêmes traversé, pendant leur enfance ou leur adolescence, des crises familiales jalonnées le cas échéant de violences, de carences ou de négligences graves infligées par les différents adultes chargés de leur éducation. Chacune ou l'ensemble de ces circonstances sont à l'évidence de nature à affecter la construction de leur capacité à devenir parent, puis à le rester. Elles révèlent dans la plupart des cas des besoins d'accompagnement et de soutien, plutôt que de suppléance, de substitution ou de contrainte. Aussi conduisent-elles à mieux repérer tant les limites et les possibles effets pervers des seules approches psychosociales individuelles à visée réparatrice que celles des réponses judiciaires quand elles sont excessives ou inappropriées.

S'agissant par exemple du dispositif de protection de l'enfance en danger, son fonctionnement reste en effet orienté par des interventions dont les deux principales caractéristiques sont : d'être effectuées tardivement ou en période de crise, sur un mode plus ou moins contraignant, voire coercitif, au sein de familles en proie à toutes sortes de difficultés ; et de privilégier la sécurité de l'enfant et la réparation des dommages qu'il a subis. L'action consiste alors soit à séparer l'enfant victime de l'auteur des maltraitances, par placement du premier et/ou incarcération du second ; soit à apporter une aide "en milieu ouvert" pour transformer positivement la situation familiale ; soit encore à réaliser une difficile combinaison de ces deux approches. Or, les interventions menées de la sorte sont souvent vécues comme insatisfaisantes, tant par les professionnels que par les enfants et les adultes concernés. On mesure de plus en plus l'inconvénient qu'elles présentent d'être plus centrées sur la personne de l'enfant que sur la dynamique familiale, de négliger les besoins des adultes et de privilégier en outre des approches essentiellement psychologiques des difficultés des uns et des autres. Il est certes souvent indispensable — quoique non suffisant — de permettre à  l'enfant de restaurer ses repères externes et son estime de soi et de développer ses capacités à construire ses propres moyens de protection interne. Mais peut-on se contenter d'attendre des adultes qu'ils se laissent convaincre ou décident d'eux-mêmes d'entreprendre un travail de type psychothérapique sur leurs difficultés actuelles et sur leur passé ?

Prévenir la survenue ou la répétition de risques et de maltraitances nécessite surtout d'intervenir auprès des parents avec des objectifs, des méthodes et des moyens directement adaptés à leur situation actuelle et, donc, déterminés avec eux. Et de le faire si possible de façon précoce, parfois même dès la grossesse, et soutenue. Il s'agit bien souvent, pour commencer, de les aider à sortir de leur isolement social, à établir ou restaurer des liens de confiance avec leur environnement. Puis de les accompagner concrètement et au quotidien dans l'exercice voire la découverte de leurs rôles de parents, de les amener à reconsidérer leurs valeurs, leurs modèles, leurs pratiques en matière d'éducation, à mieux identifier pour mieux les résoudre les surgissements de conflits que suscite toujours l'éducation des enfants.

En complément voire en lieu et place d'éventuels projets thérapeutiques, ce sont donc de véritables projets de soutien socio-éducatif qu'il importe de proposer aux familles en difficulté. Forgés avec elles et auprès d'elles, ces projets pourront alors concerner et mobiliser non seulement les enfants et les parents auxquels ils sont tout d'abord destinés, mais aussi — chaque fois que cela est possible, souhaitable et accepté — le groupe familial élargi, le réseau relationnel immédiat des uns et des autres quand il existe et, au delà, un ensemble d'autres familles (vivant dans un même quartier, usagères d'un même service, etc.). Autrement dit, si de tels projets doivent certes reposer sur les professionnels présents et actifs dans l'environnement des familles en difficulté, ils doivent aussi s'ouvrir à toutes les opportunités pour qu'y participent d'autres parents et des personnes solidaires en mesure d'établir avec elles des échanges dignes et fructueux. Il conviendra à cet effet de s'appuyer pour commencer, le plus en amont et le plus en profondeur possible, sur les structures auxquelles des missions préventives, éducatives ou d'accueil sont explicitement confiées en direction de l'ensemble des familles résidant sur un même territoire, et pas seulement des familles en difficulté : caisses d'allocations familiales, services sociaux polyvalents, services de protection maternelle et infantile, centres de planification et d'éducation familiales, services de maternité, haltes garderies, établissements scolaires, centres sociaux...

Face aux nouvelles réalités sociales et aux évolutions familiales, et aux risques d'impasse qu'elles comportent, les mécanismes assistantiels qui ont permis depuis deux siècles à l'"ةtat providence" de structurer la solidarité nationale sont donc aujourd'hui à la recherche de nouveaux relais plus, peut-être, que de nouveaux principes. Simultanément, la territorialisation accrue de l'action sociale a favorisé l'émergence d'initiatives soucieuses de conjuguer proximité, pertinence, éthique et efficacité. Leurs promoteurs redécouvrent ou revalorisent à cette occasion, au delà du visage de l'usager consommateur de services, le rôle de l'habitant impliqué et mobilisable, et peu à peu celui du citoyen acteur et solidaire. Dès lors, dans le champ de la protection de l'enfance comme dans de nombreux autres domaines de l'action sociale mais aussi éducative, sanitaire, culturelle, et plus globalement pour ce qui concerne la lutte contre les exclusions de tous ordres, c'est un impératif de revitalisation du projet et du pacte républicains qui se profile à l'ordre du jour des acteurs et des décideurs concernés.


Le soutien à la parentalité, un nouveau concept pour la politique familiale

Libérer les potentiels créatifs des habitants ; soutenir leurs capacités à se regrouper, à investir les logiques associatives et à se rapprocher des professionnels de façon à répondre aux besoins et aux problèmes sociaux par la réflexion et l'action communes ; faire le pari de la rencontre, des échanges, du respect mutuel, de la convivialité et parfois même de la conflictualité constructive pour une meilleure maîtrise du cadre et des conditions de vie : tels sont les principaux enjeux qu'entendent relever aujourd'hui les processus dynamiques désignés par des concepts tels que celui de "développement social local" ou encore, plus récemment et plus spécifiquement, celui de "soutien à la parentalité".

Dans ce dernier domaine, passer du concept aux pratiques, de l'éthique aux méthodes, de la recherche du sens à celle de l'organisation des volontés, bref du "pourquoi ?" au "comment ?" constitue le "cahier des charges" d'un chantier à la fois complexe et stimulant, mais heureusement déjà entrouvert ça et là. Ceux qui, au contact de familles en difficulté, ont commencé à oser refonder leurs pratiques, en tant que professionnels ou en tant que citoyens, l'ont fait sur la base de trois postulats partagés.
- Premier postulat : il faut accepter de dresser le constat, au fil des réalités contemporaines, d'une coéducation de fait des enfants et des jeunes. Ce constat n'est pas récent. "Il faut tout un village pour élever un enfant", estime-t-on souvent en Afrique. Aujourd'hui, en France, et notamment en milieu urbain, il y faut les parents, certes, mais aussi la famille élargie, les personnels des dispositifs d'accueil (crèches collectives, haltes garderies, assistantes maternelles), les personnels de l'ةducation nationale, les intervenants souvent associatifs impliqués dans l'organisation d'activités périscolaires, culturelles, sportives, de loisirs, et parfois les divers professionnels de l'action sociale et de la santé. Chacun occupe auprès des enfants et des jeunes une place spécifique et, au mieux, complémentaire. L'instauration d'une véritable dynamique de coéducation entre les parents et ces divers acteurs sociaux doit être menée dans le souci du  respect de la globalité de la personne de l'enfant, de la reconnaissance de l'importance pour lui de toutes les composantes de son réseau relationnel et social de proximité. En effet, l'enfant est aujourd'hui ouvert à de nombreuses sources d'instruction, exposé à de multiples influences, incité à faire des choix précoces sans toujours en avoir les moyens. Aussi ne peut-il plus être réduit à sa seule dimension de fils ou de fille de ses parents, ou encore d'élève. Son épanouissement personnel, familial et social et sa réussite scolaire forment un tout. Il est donc de la responsabilité de tous les adultes chargés de son éducation et de son instruction d'y collaborer sans exclusive, et d'instaurer un dialogue confiant et exigeant à ce sujet.
 - Deuxième postulat : une place primordiale doit cependant être reconnue aux parents, qu'il convient par conséquent de ne pas déresponsabiliser — et, pour commencer, de ne pas "démissionner" — mais dont il faut reconnaître les compétences spécifiques pour mieux les accompagner dans leur rôle éducatif. Dans chacune des dimensions où ce rôle se déploie, la très grande majorité des parents n'entendent pas être déchargés de leurs responsabilités. Mais ils souhaitent se sentir moins seuls, moins inquiets et mieux confortés pour exercer pleinement ces responsabilités, dans le quotidien de la vie familiale et de la vie sociale. Ils veulent pouvoir effectuer de façon éclairée les choix éducatifs essentiels qui leur incombent, en particulier pour ce qui concerne la socialisation et la scolarité de leurs enfants. Ils cherchent à faire valoir leurs droits de parents et ceux de leurs enfants, pour mieux aider leurs enfants à devenir à leur tour des adultes, des parents et des citoyens responsables.
 - Troisième postulat : il est désormais indispensable de revaloriser la place et la participation active et durable des citoyens, parents ou non, en difficulté ou non, dans les dispositifs publics de proximité, les actions de développement social local et les mécanismes de solidarité. Des relations d'aide naturelle, reposant sur des échanges de services concrets dans le cadre de vie, non exclusives et même facilitatrices de l'accès à des aides professionnelles spécialisées, devraient donc être encouragées à se développer au sein de tout réseau soucieux d'atteindre les parents en difficulté ou qui risquent de s'y retrouver s'ils restent trop isolés. Il est essentiel, de ce point de vue, de rendre possible, fiable et durable la nécessaire collaboration entre professionnels et non professionnels, que ces derniers soient bénévoles ou rémunérés.

Au stade essentiel où, dans les villages, les quartiers et les villes, les énergies se fédèrent et où les initiatives novatrices cherchent à se structurer, il importe que les pouvoirs publics, par les discours et les moyens qu'ils y consacrent, viennent légitimer et consolider ces formes émergentes de collaboration. Il importe aussi, ce faisant, qu'ils veillent à les protéger des risques toujours possibles d'appropriation unilatérale ou d'instrumentalisation idéologique ou financière par le secteur professionnel ou par le secteur associatif.

On sait que l'une des principales orientations de la politique familiale annoncées le 12 juin 1998 par le Premier ministre dans le cadre de la Conférence de la famille a concerné la création et le renforcement de réseaux d'appui, d'écoute et d'accueil des parents visant à les "accompagner dans leur rôle éducatif". Il s'agit là d'une option fondamentale que les acteurs professionnels et associatifs déjà engagés dans cette voie ont été les premiers à saluer comme telle. Leurs observations, les données de la recherche et les préoccupations des décideurs politiques semblent avoir ainsi convergé pour conférer au concept de "soutien à la parentalité" un intérêt apparemment consensuel — sous réserve des traductions concrètes qui peuvent en résulter. En tout état de cause, l'annonce de cette orientation au plan national est venue valider et consolider les initiatives qu'un nombre significatif de collectivités territoriales (villes et départements) avaient déjà prises en l'inscrivant et en la mettant en œuvre localement dans le cadre de leurs projets et de leurs schémas en faveur de l'enfance et de la famille.

Le délégué interministériel à la famille a présenté le 9 mars 1999 le dispositif dont il anime le pilotage avec les services de l'ةtat, de la Caisse nationale des allocations familiales et des grands réseaux associatifs expérimentés qui ont participé à son élaboration. S'adressant à toutes les familles, ce dispositif a pour objectif d'aider les parents dans l'exercice de leurs fonctions et de leur rôle éducatifs, d'une part en favorisant le développement de relations et d'échanges entre eux, d'autre part en leur facilitant l'accès à l'information et, si nécessaire, le contact avec des professionnels susceptibles de les aider. Il s'agit, en s'appuyant sur les nombreuses initiatives — notamment associatives — déjà prises, de les renforcer, de les développer et d'en susciter de nouvelles, avec la volonté de mettre en réseau les intervenants, de respecter leur diversité et de construire une cohérence et une visibilité de leur action. L'ةtat mobilise à cet effet des crédits spécifiques repartis auprès des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales sur des critères démographiques. S'y ajoutent les moyens financiers et institutionnels que la Caisse nationale des allocations familiales y consacre pour sa part. Des comités d'animation départementaux organisent le repérage, le soutien et la valorisation des actions locales projetées ou en cours.

Il faut souhaiter qu'aux côtés du secteur associatif, qui s'est montré très vite réactif à ce dispositif, un nombre accru de collectivités territoriales, et avec elles de citoyens solidaires, sachent saisir cette occasion de mieux entourer et conforter les parents en difficulté dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives. Peut-être les intervenants professionnels se sentiront-ils alors moins enclins à trop vite se substituer à eux, et à leurs réseaux relationnels, du moins tant que cela sera possible au regard des intérêts et de la sécurité des enfants. Dans l'immédiat, certains élus locaux qui avaient cru devoir préconiser le recours à des mesures expéditives telles que la suspension des prestations familiales pour sanctionner des signes de défaillance éducative attribués à tels ou tels parents, et à eux seuls, semblent avoir depuis lors reconsidéré leurs positions.

Il n'en reste pas moins que l'objectif général de soutien à la parentalité doit s'appuyer, pour être promu, sur des initiatives concrètes, méthodiquement conduites et évaluées, réellement partenariales et, en premier lieu, ouvertes aux points de vue et aux contributions des parents eux-mêmes. Cet objectif requiert des acteurs sinon professionnels du moins motivés et compétents (la compétence n'étant pas l'apanage des seuls professionnels), accessibles et disponibles, aptes à travailler en réseau dans un climat de confiance et de respect mutuels : tous ingrédients que l'environnement institutionnel et social des familles devrait désormais être encouragé à leur procurer pour mieux les accompagner. L'accompagnement d'enfants et de parents, en difficulté ou non, suppose en effet que les interventions menées avec eux, et pas seulement pour eux ou à leur place, le soient d'abord au sein de leur environnement. Cette approche à proprement parler écologique repose sur la volonté de mieux connaître et de mieux respecter le réseau de proximité et d'affinité de telle ou telle famille, d'en apprécier les potentialités et les limites. Les intervenants peuvent ainsi enrichir et affiner la perception qu'ils ont de cette famille puis, le cas échéant et avec l'accord de celle-ci, chercher à mobiliser tout ou partie de son réseau relationnel dans le cadre de leur intervention. Mettre en synergie le réseau professionnel des intervenants et le réseau relationnel des familles, dans un contexte de proximité partagée et avec un souci de rigueur déontologique sans faille, peut alors constituer une forme de mobilisation conjointe dont l'expérience montre qu'elle est appréciée en premier lieu par les enfants eux-mêmes.

L'actualité et les pratiques relatives au concept de "soutien à la parentalité" donnent au total à penser que leurs enjeux les plus stimulants et les plus exigeants ne concernent pas seulement la création ou le renforcement de réseaux partenariaux de professionnels et d'institutions intervenant dans le champ de l'enfance et de la famille. L'ouverture de ces réseaux à la participation des parents et d'autres habitants représente désormais un critère supplémentaire de pertinence et d'efficacité à travers lequel se lisent les promesses de retissage des liens sociaux de proximité et de remobilisation active de la solidarité citoyenne autour du plus grand nombre d'enfants et de familles. C'est au fond une assez raisonnable utopie que de chercher à créer ou à restaurer ces liens en partant du principe que les familles peuvent légitimement aspirer à se manifester comme actrices et pas seulement comme spectatrices ou comme consommatrices, à proposer de l'accompagnement et pas seulement à le solliciter ou à le subir, bref à être reconnues comme des sources de solutions et pas seulement comme des sources de problèmes.

Encore faudra-t-il veiller à ce que le soutien ainsi conçu auprès et en direction des parents ne relègue pas dans l'ombre de ceux-ci les besoins, les points de vue et les intérêts spécifiques de leurs enfants.


Pourquoi et comment accompagner les parents dans leur rôle éducatif ?

Le rôle éducatif des parents

Par le terme de "rôle", on entend en général la façon qu'a une personne d'assumer une fonction qui lui est reconnue et assignée au sein d'un ensemble d'acteurs. Le concept de "rôle" peut induire l'idée d'un "contrôle", d'une vérification de la conformité du rôle tel qu'il est tenu à ce qui est prescrit et attendu. Mais il valorise surtout l'inscription de chaque détenteur de rôle dans un groupe d'autres détenteurs de rôles : il n'y a pas de rôle dans la solitude, tous les rôles sont interdépendants, certains rôles consistant même à mettre en scène les acteurs, à les accompagner dans la découverte et l'exercice de leurs rôles respectifs.

Selon l'article 371-2 du Code Civil, "l'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à cet égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation". En terme de responsabilité civile des parents, l'objectif de protection de l'enfant est ici présenté comme prioritaire, voire fondateur ; et l'autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs placés, entre autres moyens, au service de cet objectif. Le système que constituent ces droits et devoirs détermine dès lors, pour l'essentiel, les comportements légitimement attendus du (ou des) parent(s) — autrement dit leur rôle.

Le "rôle éducatif" des parents se réduirait-il pour autant à un ensemble de comportements dont la conformité sociale serait appréciée à la seule aune de leur aptitude à protéger leur(s) enfant(s), au titre des attributs de l'autorité parentale ? Certes, l'éducation est un vecteur essentiel de "la sécurité, la santé et la moralité" des enfants. Et si elle se soucie de la protection de l'enfant, c'est afin de garantir et de soutenir sa progressive autonomisation. Aussi consiste-t-elle plus largement en la transmission de savoirs et de valeurs et en la mise en œuvre de moyens pédagogiques propres à former et à développer le petit être humain, c'est-à-dire également le futur citoyen et le futur parent qu'est chaque enfant. Elle vise à le doter, pour aujourd'hui et pour demain, de la connaissance et de la pratique des usages de la société.

Les parents contribuent bien entendu en première ligne à cette mission éducative générale que toute société humaine assigne aux adultes. Ou, tout du moins, s'efforcent-ils de le faire, et ceci simultanément dans les trois principales dimensions qui caractérisent leurs relations avec leurs enfants (ou avec ceux dont ils ont la charge) :
 - une dimension psychoaffective : la capacité d'anticiper et de percevoir les besoins essentiels de l'enfant et d'y répondre de façon adéquate conditionne sa sécurité physique et psychique de base, la construction de sa personnalité, son sentiment d'estime de soi et de confiance en autrui ;
 - une dimension cognitive : étayée par la précédente, elle permet l'apprentissage des premiers modes de communication et d'exploration du monde, la transmission des savoir-être et des savoir-faire de la vie quotidienne, mais aussi la possibilité de se situer dans l'ordre des générations et de s'inscrire dans l'histoire familiale ;
 - une dimension socialisatrice : elle donne toute sa profondeur au champ de l'éducation parentale. En référence à l'étymologie, "éduquer" consiste en effet à "élever" le petit d'homme (dimension psychoaffective), à l'"instruire" (dimension cognitive), mais aussi et au total à le "conduire vers" l'espace social où il manifestera ses potentialités. Il est attendu des parents que, le moment venu, ils puissent lâcher la main de leur enfant sans que cela ressemble à un abandon ou à une démission.

Deux remarques s'imposent alors quant au rôle éducatif des parents en ces différents domaines. D'une part, il n'est que la composante socialement visible d'une problématique plus profonde, plus générale, et qui ne se réduit pas au concept d'autorité parentale : celle de la responsabilité parentale. D'autre part, comme on l'a souligné, les parents ne sont ni les seuls acteurs ni les seuls responsables de l'éducation des enfants, et ceci non pas dans une moindre mais dans une autre mesure que jadis.

La responsabilité s'entend comme la nécessité non seulement de jouer un rôle et de manifester une autorité, mais surtout de répondre de ses actes et de ceux des personnes à l'égard desquelles on a "droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation". C'est une charge qui confère l'initiative de décisions tout en obligeant celui qui en est investi à rendre compte de leurs conséquences, préjudiciables ou bénéfiques, immédiates ou ultérieures. Il s'agit d'un concept relativement moderne, dont l'émergence et le développement sont contemporains de ceux de l'ةtat de droit — en particulier du droit des assurances. Mais au-delà de cette acception juridique, il s'agit aussi d'un concept éthique, qui souligne l'impact de chaque décision individuelle sur l'ensemble de la société comme sur les générations à venir. On comprend donc le souci des parents de bénéficier d'éclairages, voire de soutiens et d'accompagnements, quand ils sont amenés à prendre des décisions éducatives importantes pour leurs enfants.

Il n'en reste pas moins que les rôles éducatifs, sinon la responsabilité éducative à l'égard des enfants, sont plus que jamais partagés entre les parents et un nombre croissant d'instances sociales — sans parler des médias de toutes natures. Ces instances interfèrent toutes, plus ou moins profondément et plus ou moins durablement, avec l'éducation des enfants et des jeunes ou avec les conditions de celle-ci. La gestion des relations avec les parents prend sans doute une nouvelle place dans la formation des professionnels et des autres intervenants sociaux amenés à coopérer avec les familles. Mais ni l'expérience, ni l'exercice, ni a fortiori la pratique de la responsabilité éducative ne sont perçus, éprouvés et projetés de la même façon entre les parents, les professionnels et les autres intervenants sociaux.

La multiplication des acteurs engagés de fait ou de droit dans l'action éducative auprès des enfants et des jeunes tend donc à relativiser le rôle des parents, qui sont néanmoins les acteurs et les responsables de première ligne, et ceci sur toute la durée de la minorité de leurs enfants. Et il leur revient — il leur est même demandé et reconnu par la loi — de faire valoir leur légitimité à occuper cette position aux yeux des autres intervenants, notamment des différents professionnels avec lesquels eux-mêmes et/ou leurs enfants sont en relation.

De leur côté, les intervenants non parentaux sont amenés à reconnaître, pour composer avec lui, le caractère relatif du rôle des parents en matière d'éducation, mais aussi à repositionner le leur en conséquence. Il leur revient alors de s'interroger, au delà de leurs rôles, sur leurs fonctions spécifiques, et surtout d'analyser le sens et la portée des interactions entre les rôles et les fonctions en présence. L'enjeu est en effet de réussir à dépasser les risques de concurrence et à créer les conditions d'une réelle complémentarité et, autant que possible, d'une mise en cohérence des différentes actions éducatives exercées ou proposées. En d'autres termes, si plusieurs rôles se manifestent sur la scène de la coéducation, l'harmonie de celle-ci repose sur le fait que ces rôles dépendent de fonctions distinctes, les unes visibles, les autres moins, mais toutes organisées et articulées en vue de ce projet d'harmonie.

Il n'est guère possible, au total, d'envisager d'authentiques partenariats et une véritable dynamique de "réseau" entre les ressources éducatives présentes dans l'environnement des enfants et des jeunes sans que soit mené un effort permanent de reconnaissance mutuelle des fonctions et à terme des compétences de tous les coéducateurs impliqués — et, pour commencer, des parents et des groupements de parents. Cette reconnaissance représente un pré-requis essentiel pour se prémunir de la confusion des rôles, dérive trop fréquemment observée et potentiellement dommageable lors des interventions autour d'un enfant en souffrance, d'une famille en difficulté.


L'accompagnement des parents

Le terme d'accompagnement désigne l'acte de se joindre à quelqu'un pour faire un parcours en commun — le parcours, par exemple, qui mène de la conception d'un enfant à son accès à l'autonomie adulte — ; mais aussi, dans le domaine musical, le fait que l'on joue d'un instrument ou d'un ensemble d'instruments pendant que la voix ou un autre instrument assume la partie principale — tenue en l'occurrence par les parents. En pratique, une fois supposée résolue la question de la finalité du parcours à suivre ou du choix de la partition à jouer ensemble, la question posée par le projet d'"accompagnement des parents dans leur rôle éducatif" est triple. Qui peut être accompagné ? Par qui ? De quelles façons ?

Qui peut être accompagné ? Des pères et des mères certes, ou leurs nouveaux conjoints, surtout s'ils le demandent ; parfois aussi des grand-parents, des oncles et des tantes ; parfois encore des grands frères et des grandes sœurs, des familles d'accueil — voire des voisins, des amis proches engagés auprès d'une famille en difficulté. Les uns et les autres sont eux-mêmes en position d'accompagner des enfants sur le chemin de la construction de leur personnalité et de leur existence. Si bien qu'accompagner des "parents" consiste en réalité à accompagner des adultes accompagnateurs d'enfants. Les classiques "actions éducatives en milieu ouvert", "guidances parentales" et autres "conseils en économie sociale et familiale" et "médiations familiales" se consacrent essentiellement, du moins en théorie, à ce type de projet. Elles cherchent en effet à privilégier la responsabilisation du parent en tant qu'accompagnateur, tout en évitant l'infantilisation du parent en tant qu'accompagné. Mais il est difficile de maintenir cette stricte visée, surtout auprès de parents fragiles ou fragilisés. Pour de multiples raisons, les pratiques professionnelles et institutionnelles qui cherchent à s'adresser à l'adulte en tant qu'adulte et que parent sont souvent amenées à rencontrer l'adulte en tant qu'ancien enfant — tout comme, en s'adressant à l'enfant en tant qu'enfant, elles ne peuvent s'abstenir de s'intéresser à lui en tant que futur adulte et futur parent.

C'est d'ailleurs en mobilisant chaque adulte — parent et/ou professionnel — en tant que citoyen, avec le souci de construire ensemble le futur citoyen qu'est chaque enfant, que les pratiques issues des dynamiques de réseau peuvent sans doute aider à dépasser l'ambiguïté de réponses trop étroitement professionnelles à la question : "qui peut être accompagné ?".

La même perspective s'applique dès lors à la question : "qui peut accompagner ?". La liste des accompagnateurs, effectifs ou potentiels, professionnels, non professionnels ou bénévoles, ne saurait être arbitrairement limitée par d'autres critères que ceux de la compétence reconnue par les autres intervenants, et par la proximité ou plus exactement l'accessibilité géographique et sociale de leurs offres d'intervention. Parmi les accompagnateurs des parents, peuvent bien entendu — et, dans la plupart des cas, doivent peut-être — figurer d'autres parents ou groupements de parents. En pratique, l'inventaire des offres d'accompagnement ne résulte pas seulement de l'inventaire des demandes exprimées ou de l'analyse des besoins non pourvus. Il résulte aussi et surtout de la volonté et de la motivation des acteurs à suppléer ensemble aux limites que chacun constate dans son propre domaine d'intervention, à rechercher la synergie de leurs ressources et de leurs compétences respectives, à concevoir et à mettre en œuvre des projets mobilisateurs, cohérents et pertinents au regard des réalités familiales dont ils ont à connaître.

Reste la question des objectifs visés et des activités déployées dans le cadre de ces projets : de quelles façons les parents peuvent-ils être accompagnés dans leur rôle éducatif ?

Qu'il s'agisse de la dimension psychoaffective, cognitive ou socialisatrice dans lesquelles ce rôle se déploie, la très grande majorité des parents, on l'a dit, n'entendent pas être déchargés de leurs responsabilités. Mais ils souhaitent se sentir moins seuls, moins inquiets, mieux préparés et mieux confortés pour les exercer pleinement, dans le quotidien de la vie familiale et de la vie sociale. Ils veulent pouvoir être éclairés, si nécessaire par des professionnels compétents et respectueux, afin d'effectuer au mieux les choix essentiels qui leur incombent, en particulier pour ce qui concerne la socialisation et la scolarité de leurs enfants. Ils cherchent à faire valoir leurs droits de parents et ceux de leurs enfants, pour mieux aider leurs enfants à devenir à leur tour des adultes, des parents et des citoyens responsables.

Orientées par de tels objectifs, les offres d'accompagnement des parents peuvent prendre des formes diverses et combinées, selon la nature des attentes qui les suscitent et les circonstances qui président à leur expression. L'observation des initiatives locales déjà engagées dans l'esprit de ces "réseaux d'appui, d'écoute et de conseil aux parents" désormais promus par les pouvoirs publics a livré quelques premiers mots clés pour décrire les formes d'accompagnement possibles. Accueil, écoute, expression, dialogue, échange, partage, entraide, revalorisation, information, formation, conseil, guidance, soutien, appui, aide, soin, relais, médiation, insertion, intégration : cette première liste, non exhaustive, souligne une caractéristique fondamentale et commune à toutes les formes que peut prendre l'accompagnement de proximité, à savoir d'être en pratique éminemment interactif, réflexif, et donc évolutif. Les formes de cet accompagnement sont donc d'autant moins figées qu'elles sont de nature à modifier au fur et à mesure les connaissances et les attitudes des accompagnateurs, les représentations qu'ils se font du "rôle éducatif des parents", les pratiques sociales et professionnelles qui s'en déduisent et, plus généralement, les conditions de l'entretien et de la restauration des dimensions intra, extra et interfamiliales du lien social.

De ce point de vue, les raisons et les façons d'accompagner les parents dans leur rôle éducatif amènent à dépasser le seul objectif politique du "soutien à la parentalité". Elles instaurent un projet éthique qui concilie l'accompagnement professionnel — et civique — des parents en difficulté et celui de leurs enfants. Ce projet repose sur l'idée, somme toute simple mais exigeante quant à ses conséquences, que les enfants sont d'autant plus respectés que leurs parents le sont aussi, et qu'ils sont d'autant moins délaissés que leurs parents sont et se sentent moins isolés. Aussi ce projet se cristallise-t-il autour d'un terme — la bientraitance — dont la force de conviction et d'entraînement se manifeste aujourd'hui, et il faut s'en réjouir, de manière croissante.


La bientraitance : des principes aux pratiques

Dans un précédent ouvrage collectif*, nous émettions l'hypothèse que si la lutte contre les maltraitances faites aux enfants relève pour les professionnels d'une exigence à la fois déontologique et politique, la promotion de la bientraitance ressortit à un autre registre, qui est manifestement celui de l'éthique. C'est-à-dire d'une éthique moderne, dégagée de sa tentation historique à se laisser fasciner par un impératif catégorique de dénonciation du "mal" et acceptant de s'ouvrir à des prises de position en faveur, sinon d'un "bien", du moins d'un "mieux" toujours possible pour la personne humaine du fait même de son humanité, et tournée en premier lieu vers les enfants.

Aussi le présent ouvrage a-t-il été conçu autour d'une invitation faite à des auteurs venus d'horizons différents de s'associer à l'examen approfondi et argumenté de cette hypothèse, de ses prémisses et de ses conséquences, et ceci en les invitant à y apporter des contributions tant théoriques qu'étayées par la pratique.

Il nous a paru judicieux, à cet effet, de s'intéresser aux diverses actions de prévention et de réhabilitation menées ou à mener en direction des parents maltraitants ou, surtout, en risque de le devenir — voire en direction des adolescents et des futurs parents ; et, plus généralement, de le faire en explorant ce que peut signifier et pourrait impliquer à ces occasions, en particulier pour les professionnels, le concept de "bientraitance à l'égard des familles".

ہ ce choix thématique, nous venons de montrer qu'il y a plusieurs motifs :
 - les familles, quelles que soient leurs formes et leurs conditions de vie, sont à l'évidence les premières instances de protection des enfants ;
 - les enfants ont en général d'autant plus de chances d'être bien traités que leurs parents l'auront été ou le sont eux-mêmes par les différents acteurs et institutions impliqués dans la construction et l'accompagnement de leur parentalité (au niveau de l'expérience, de l'exercice et de la pratique de celle-ci) ;
 - en d'autres termes, des parents mieux respectés, mieux reconnus et mieux soutenus dans leurs compétences et leurs responsabilités pourront être des parents plus respectueux et plus protecteurs de leurs enfants ; et ceux-ci se forgeront des images et des références parentales qui les rendront à leur tour plus respectueux et plus protecteurs à l'égard de leurs propres enfants ;
 - la politique familiale actuelle entend s'attacher non seulement à faire évoluer le système d'aides financières aux familles dans le sens d'une plus grande justice sociale et à faciliter la vie quotidienne des familles, mais aussi "à accompagner les parents dans leur rôle éducatif" : il importe, en s'inspirant des expériences en cours, d'accompagner ces déclarations de principe de recommandations concrètes et d'incitations utiles pour les pratiques qui entendent s'en inspirer.
 
Pour autant, il ne saurait être question de faire porter aux seuls parents le poids et la responsabilité de ces dysfonctionnements éducatifs ou relationnels que l'on se complaît trop souvent à analyser et à mesurer dans les seuls registres emblématiques des maltraitances et/ou des délinquances de mineurs. Si un certain nombre de mineurs sont considérés en cette fin de siècle — comme ils l'ont été à la fin du siècle précédent — comme simultanément ou successivement en danger et dangereux, c'est l'ensemble des adultes, à savoir les parents et leur environnement social et institutionnel, qui doit continuer à être interrogé sans exclusive à ce propos. Les parents étiquetés comme "démissionnaires" n'ont-ils pas été souvent "démissionnés" par les institutions qu'ils fréquentent au sujet de leurs enfants ou de leurs difficultés familiales ? Les professionnels de ces institutions sont-ils vraiment aidés à aider ces parents ? Sont-ils suffisamment formés à agir avec eux plutôt qu'à leur place pour chercher et trouver des solutions aux problèmes qu'ils soulèvent ensemble ? Comment les uns et les autres sont-ils encouragés à aborder les questions d'éducation et plus encore de coéducation des enfants autrement qu'en termes de contrôles, de contraintes, de conflits — même si ces dimensions sont consubstantielles à tout projet éducatif ?

Nous avons donc estimé nécessaire d'élargir constamment à des thèmes sociétaux plus vastes le champ de référence initial de nos constats, de nos hypothèses et des interrogations qui aussitôt s'en déduisent. La sortie tant attendue et si souvent invoquée de l'individualisme généralisé ; la reformulation des principes d'un pacte républicain adapté aux enjeux de notre temps ; la participation des citoyens — et des futurs citoyens — aux décisions qui les concernent ; le retissage des liens sociaux et de la solidarité de proximité : l'affirmation de ces principes n'est-elle que la matière de discours incantatoires ? Ou bien autant d'invitations à construire de nouvelles formes de soutien actif et d'accompagnement au quotidien pour et avec des familles — et donc des enfants — certes en difficulté, mais potentiellement en recherche de moyens de sortir de leur isolement, de leurs menaces d'aliénation de toutes natures ?

Plus précisément, nous avons souhaité que le présent ouvrage puisse contribuer :
 - à modifier en profondeur le regard des acteurs sociaux et des décideurs sur les enfants, les parents, les familles, les institutions en difficultés et désireux d'en sortir ;
 - à rechercher systématiquement, chez les uns et les autres, les valeurs, les compétences et les ressources à promouvoir pour faire face aux carences et aux dysfonctionnements qui risquent de les victimiser ou de les stigmatiser ;
 - à favoriser les interventions les plus précoces susceptibles, aux différentes étapes de leurs cycles de développement, de les associer activement à une pédagogie du succès, et pas seulement au dépistage et au traitement des échecs ;
 - à développer concrètement, au-delà des concepts, les attitudes professionnelles et civiques d'empathie, de confiance et de bientraitance.

Ce dernier objectif n'est pas le moindre. La bientraitance ne saurait en effet résulter du seul appel à la mobilisation des bons sentiments et à la mise en œuvre des bonnes pratiques. Elle représente sans doute bien moins une finalité allégorique qu'une démarche volontaire voire obstinée — un projet éthique, avons-nous dit — dont certaines étapes et caractéristiques, décrites dans cet ouvrage, ne vont pas sans une certaine prise de risques de la part de celles et de ceux qui s'y engagent au quotidien et dans la durée. Aussi le projet de bientraitance des familles requiert-il aussi l'instauration d'un climat de bientraitance, et pour commencer de relations de confiance, entre et envers les acteurs impliqués, qu'ils soient professionnels, non professionnels ou bénévoles. Comme le soulignent en effet les auteurs du "Plaidoyer pour les enfants" publié à Bruxelles, en 1999, par le Fonds Houtman, "la confiance, c'est ce qui permet la prise de risques dans les relations humaines".

C'est aussi ce qui permet à un enfant de grandir et de découvrir le monde en s'y éprouvant audacieux parce que protégé, libre parce que solidaire.

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