Traité à la manière d’un documentaire historique, ce reportage de Temps Présent trouve son origine dans les années 1930, dans une Suisse entre deux guerres, une nation pauvre et essentiellement agricole. La société, encore exempte d’assurances sociales, porte alors un regard moraliste sur l’indigence. C’est ainsi que les enfants qui ont le malheur de naître ou de vivre dans une famille monoparentale, avec un père ou une mère à problèmes, se voient confiés par les autorités de tutelle à des établissements ou des familles d’accueil. Il s’agit d’une part de sortir l’enfant d’un environnement jugé malsain et, d’autre part, de l’isoler du reste de la société afin qu’il ne lui porte pas préjudice. Une vision hygiéniste qui perdurera assez longtemps dans le 20ème siècle, jusqu’à la fin des années 50. Des services sociaux dépassés Pour l’enfant, cette séparation abrupte est le début d’un long et traumatisant parcours. D’autant plus qu’à cette époque, les services sociaux, embryonnaires, sont complètement débordés par leur tâche. A Genève par exemple, une dizaine d’employés épaulent le tuteur général pour près de 1'800 pupilles. Par manque de moyens, la société d’alors a une vision très pragmatique de son « action sociale » : on place l’enfant là où il coûte le moins cher à la collectivité. Ainsi, il n’est pas rare que les pupilles soient placés dans la famille ou l’institution qui demande le moins de pension à l’Etat, dans la plus pure tradition de la mise aux enchères des enfants. Celle-ci se pratiquera jusqu’en 1930 dans le canton de Fribourg. En compensation, l’enfant doit travailler très dur. Ces « vauriens » sont alors soumis au travail excessif, parfois au détriment d’une scolarisation normale, et à une discipline extrême. Et quel que soit l’endroit où l’enfant était placé, que ce soit dans un pensionnat protestant à Burtigny (VD), catholique à Marini (FR), laïque à Courtelary (JU), dans une pension à Vevey (VD) ou une famille d’accueil à Châtel St-Denis, le modèle est identique : d’un côté, les familles d’accueil appliquent l’éducation « à la dure » qui prévaut durant cette période; de l’autre côté, les institutions sont confiées à un personnel non-qualifié, qui n’a jamais été formé à la pédagogie, et pour cause, la profession d’éducateur social ne fera en effet son apparition que dans les années 50. Dans les deux cas, les maltraitances sont fréquentes et régulières. D’autant qu’une sorte d’omerta règne dans le voisinage quant aux traitements infligés à ces enfants. Et si l’enfant dénonce, on ne le crois pas et il fini toujours par payer ses paroles. Car aux yeux de tous, ces enfants sont porteurs d’une faute. Marqués à vie Lors de leur majorité, après des années de dénigrement, de maltraitances, que deviennent ces enfants à qui on a volé l’identité ? La logique économique les pousse rapidement vers le travail : il faut qu’il soient productifs, pour soulager cet Etat qui les a entretenus durant des années. Ils deviennent boniche ou valet de ferme et très peu d’entre eux ont accès aux études supérieures. Une seule certitude : la vie les a marqué au fer rouge et ne leur laisse que peu de perspectives d’avenir. Aujourd’hui, cinq de ces enfants ont accepté de témoigner devant les caméras de Temps Présent. Ils racontent avec beaucoup d’émotion, de rage et d’incompréhension cet épisode de leur vie. Ils sont les miraculés d’un âge où l’on pensait à l’inverse d’aujourd’hui, où l’on était convaincu qu’il fallait amender l’enfant pour sauvegarder la société. |
Education dans les années 50
Posté par : Luthi Pierre-Alain le :
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