Avant d'aborder la démarche proprement dite de C. PAQUETTE, il est nécessaire de s'arrêter sur certaines notions importantes. Cette démarche ainsi que ces diverses notions sont tirées de l'ouvrage de référence de ce travail de recherche 1
2.1. L'INTERVENANT ET LE COMMETTANT
Dans l'ouvrage de C.Paquette la signification du terme "éducateur" est élargie à toute personne ayant un rôle de formation et de développement par rapport à d'autres personnes. Ce terme éducateur est régulièrement remplacé par celui d'intervenant. Ainsi, la notion d'intervention désigne les diverses manières d'entrer en relation avec d'autres, dans une situation de formation et de développement, et cette intervention devrait produire une plus-value, c'est-à-dire que le bénéficiaire, appelle commettant, devrait en ressortir enrichi.
C. Paquette souligne la complexité du rôle de l'intervenant, l'importance de ses antécédents et les multiples facteurs de son influence. L'éducateur est généralement placé en position d'autorité vis-à-vis des personnes pour lesquelles il assure un rôle de formateur, position qui se trouve à la base de l'analyse de son rôle. C'est lui qui détient le pouvoir, et ce pouvoir lui est conféré par une position sociale dominante dans le système hiérarchique de nos sociétés occidentales. Cette position dominante dérange C. Paquette, qui considère qu'elle est issue d'une tradition sociale dépassée. Il semble assez clair pour lui
que la hiérarchie est un système social démodé qui doit être remplacé par un système égalitaire dans lequel chacun détient une part égale du pouvoir. C'est sur la base de cette idéologie qu'il développe toute sa démarche d'analyse de la cohérence.
2.2. LES PEDAGOGIES
La pédagogie est, selon C. Paquette 1, la manière d'entrer en relation dans le cadre de l'intervention. Elle est souvent implicite et inconnue des commettants, et elle peut être multiple. C. Paquette en identifie ainsi quatre types inégalement qualifiés
étant donné son opposition au modèle pédagogique dominant qui, pour lui, se résume à la relation dominant-dominé. Je présente, résumées ci-dessous, ces quatre formes de pédagogie.
2.2.1. LA PEDAGOGIE ENCYCLOPÉDIQUE
Elle est au yeux de C. Paquette la pédagogie dominante de nos sociétés. Les éducateurs qui la pratiquent considèrent le commettant comme un être à former selon un certain nombre de principes établis par la tradition. L'éducateur décide quoi faire, comment et quand. Le principe de respect dû à l'autorité y est primordial. Le commettant doit donc suivre le règlement et les consignes. Et ceux qui ne parviennent pas aux résultats prévus sont laissés de côté. On crée alors des classes d'enfants différents et l'échec conduit sur des voies de garage ou de traverse.
Le bon élève est celui qui mémorise le plus d'information. L'enfant est considéré comme un adulte en miniature et il doit se plier à l'autorité de l'intervenant. L'adulte est donc le maître de la situation, et l'évolution de l'enfant n'est pas, ou peu, prise en considération. Au niveau du groupe, ce type de pédagogie limite les communications entre élèves afin de donner plus d'efficacité aux discours du maître. Les valeurs prisées dans ce modèle sont les suivantes: mémoire, volonté, respect de l'autorité, individualisme, compétition, tradition, obéissance à l'autorité.
C. Paquette est convaincu que beaucoup d'éducateurs pratiquent cette pédagogie contre leurs propres convictions. Il considère qu'elle est imposée par le modèle de nos sociétés occidentales et qu'il faut arriver à un retournement, c'est-à-dire à un moment privilégié qui nous permettra de voir la réalité selon une autre perspective, et un autre cadre de pensée qui conduiront à une autre manière d'agir, donc à pratiquer une pédagogie plus ouverte.
2.2.2. LA PEDAGOGIE LIBRE
C'est la pédagogie de l'enfant-roi. Dans une pédagogie libre, l'éducateur aide la personne à cheminer selon ses intérêts: il est simplement un accompagnant. Ce type de pédagogie est en rupture avec le modèle encyclopédique; elle est non directive. L'enfant décide ce qu'il veut, comme il veut, quand il le veut et jusqu'où il veut. Le climat affectif chaleureux est primordial. On n'impose ni comportement, ni valeur, ni objectif et aucun programme. L'enfant estimé différent de l'adulte, doit être comme le point de départ de l'intervention. Il faut donc le laisser libre de se développer à son gré, selon ses potentialités, et de construire ses propres valeurs à travers l'aventure quotidienne. Il se dégage de ce mode pédagogique des valeurs dominantes de liberté, d'indépendance et d'autonomie.
2.2.3. LA PEDAGOGIE FERMEE ET FORMELLE.
Ce type désigne la pédagogie par objectifs, et il se fonde sur la capacité de l'éducateur à préétablir des objectifs d'intervention en termes de productivité, rationalité, efficacité. C'est une
démarche très sécurisante pour l'éducateur, neutre et peu émotive.
L'intervenant effectue une évaluation de départ, puis construit un programme avec des objectifs, et il procède le plus rationnellement possible en vue du résultat recherché. Il prône la récompense et les encouragements afin de fortifier le progrès du commettant (démarche comportementaliste). L'enfant est conduit dans un cheminement préétabli et homogène où n'intervient pas son désir personnel. Dans cette pédagogie, le commettant suit donc le projet de l'intervenant qu'il tient lui-même, souvent, de l'institution. Les valeurs qui émanent de ce type sont la productivité, la rationalité, l'efficacité.
2.2.4. LA PEDAGOGIE OUVERTE OU INFORMELLE
Les intervenants qui pratiquent cette pédagogie considèrent que les enfants possèdent des talents divers. Ainsi ils sont supposés capables de créer, de décider, de planifier, de mettre en action leurs compétences. Dans ce type d'intervention, l'intervenant propose des activités et l'enfant peut faire de même. Il s'agit de créer un climat ouvert et souple de négociations, d'explorations, d'analyses. Le milieu doit être riche et stimulant, favorable à des expériences multiples et imprévues qui seront l'occasion d'autant d'apprentissages. L'éducateur intervient, mais selon la conjoncture, et en fonction des interactions entre l'enfant et lui-même. L'évaluation est le droit du commettant et de l'intervenant. Ce type de pédagogie remet en question les notions de programme, d'objectif prédéterminé et prône des valeurs de liberté, de partage, de responsabilité, d'autonomie.
2.3. LE STYLE D'INTERVENTION
" L'intervention est un acte volontaire qui comporte une recherche d'effets, anticipés ou non anticipés. Intervenir, c'est utiliser certaines stratégies et certains outils qui s'inspirent des principes et des croyances issus de notre conception du développement de la personne." 1
Selon cette conception, il y aurait différents styles d'intervention qui déterminent le type de relation au sein du couple intervenant-commettant. C. Paquette identifie six styles d'intervention. L'intervenant peut agir <<POUR>>, <<SOUS>>, <<SUR>>, <<AVEC>>, <<CONTRE>>, <<PAR>> dans son rapport avec le commettant. Le style est donc déterminé par la manière d'être de l'intervenant dans la relation, une relation fondée sur le type de pédagogie qui y est privilégié.
Pour créer cette typologie des styles, l'auteur s'appuie sur les différences de contribution du commettant et de l'intervenant dans l'intervention. Le commettant peut contribuer à une intervention en faisant part de ses intérêts, de ses préoccupations, de ses besoins. Il peut également agir et réagir à l'intervention de l'éducateur. Sa contribution sera alors forte. Sa contribution est faible s'il n'a que peu d'emprise sur ce qui se passe. Ce sera alors l'intervenant qui aura une contribution plus importante. Un schéma permet de mettre en évidence le rapport des contributions respectives de l'intervenant et du commettant. Ce sont les réponses à des questions qui permettent d'identifier les styles pratiqués. Les principales d'entre elles sont les suivantes:
- Qui est assujetti à l'autre dans la relation?
- Quelle est la source de l'intervention?
- Quelles sont les principales stratégies de l'intervention?
- Quels sont les effets de l'intervention?