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L’adolescence
Introduction
Cette recherche est ciblée sur une population spécifique, les adolescents. C’est pourquoi, dans ce chapitre je me suis attachée à développer cette période de la vie. Ce rappel traite les définitions de l’adolescence, le développement pubertaire, le développement psychologique et l’autonomie.
1. Définitions
Le terme adolescence vient du latin “ adolescere ” daté de la fin du 13ème siècle, qui signifie grandir. L’adolescence implique plusieurs éléments, tels que la croissance, la transformation, l’évolution et la mouvance. Ce terme adolescence est souvent utilisé comme synonyme de puberté. Il existe tout de même une nuance entre ces deux termes. La puberté représente l’ensemble des maturations physiques et psychiques amenant l’enfant à l’état adulte, tandis que l’adolescence est plus une période dans laquelle le jeune se transforme sur le plan affectif et comportemental, pour devenir un adulte avec une identité et un rôle sexuels .
En ce qui concerne le début et la fin de l’adolescence, il est difficile de déterminer un âge, cela diffère d’une personne à l’autre : certains sont précoces et d’autres se développent plus tardivement. Par exemple, pour D. Marcelli, médecin psychiatre, le début de l’adolescence correspond au départ de la puberté, entre dix et douze ans chez la fille et entre douze et quatorze ans chez le garçon. Il estime la durée de cette période à une dizaine d’années, voir plus.
En Suisse, la majorité est fixée à 18 ans sur le plan juridique. Cependant, ce propos est bien aléatoire car d’après L. Not, F. Dolto, S. Freud, E. Erickson et d’autres auteurs, l’adolescence ne s’arrête pas à 18 ans. Si je donne cette information, c’est parce que la politique sociale en Suisse considère les adolescents de 18 ans comme des adultes. Leur prise en charge se voit modifiée dès cet âge, alors qu’ils ont encore besoin d’un accompagnement adapté à leur statut d’adolescent et non d’adulte.
2. Le développement pubertaire
La puberté dure environ cinq à six ans, toutefois les variations peuvent être grandes d’une personne à l’autre. Plusieurs indicateurs marquent la puberté, ils sont expliqués en quatre points par G. Theintz :
• Les modifications hormonales sont les premiers signes déclenchant la puberté. Le programme de maturation a débuté in utero ; pendant l’enfance le système s’arrête et plus tard, à l’âge pubertaire, il y a la réactivation de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique. Les testicules et les ovaires deviennent sensibles aux gonadotrophines et la production de stéroïdes sexuels (hormones sécrétées par les glandes endocrines) augmente, ce qui permet les modifications pubertaires.
• Le processus de maturation du système génital, c’est-à-dire la croissance des organes génitaux chez l’homme et chez la femme.
• Le développement des caractères sexuels secondaires se traduit chez le garçon par l’apparition des poils, la voix qui mue, etc. Chez la fille, il y a l’apparition des poils, le développement des seins et l’apparition des premiers cycles.
• La croissance de la taille est de 22 à 24 cm chez le garçon pendant la puberté. Le moment où il grandit le plus est situé vers 14-15 ans, plus tardivement que la fille dont la période est située vers 12-13 ans. Chez la fille, il y a aussi l’élargissement du bassin et une augmentation plus grande de la graisse que des muscles, phénomène inversé chez les garçons.
L’apparition du processus pubertaire est propre à chaque individu. Toutefois, le développement peut être influencé par plusieurs facteurs, tels que l’alimentation, les conditions climatiques, le milieu de vie de la personne, etc . Par exemple, des carences alimentaires telles que les vitamines, les protéines, le calcium, le magnésium perturbent le développement physique et psychique de l’adolescent. Par ailleurs, le milieu de vie de la personne et/ou une famille pathologique peuvent provoquer un arrêt de la croissance physique et/ou des troubles psychologiques.
D. Marcelli nous rend attentifs sur le double enjeu psychique suscité par la transformation pubertaire. Les nécessités pour l’adolescent sont, d’une part de maintenir un sentiment de continuité d’existence dans un corps en changement, et d’autre part d’intégrer cette transformation pubertaire dans le fonctionnement psychique. Ce désir de continuité entraîne des interrogations et des inquiétudes sur son corps en changement et sur son identité. Ce corps en mutation entraîne des interrogations sur sa beauté, son poids, ses difformités, ses désirs, etc.
Je constate que certaines différences physiologiques peuvent devenir source de souffrance si l’adolescent peine à les accepter.
3. Le développement psychologique
Le développement, comme son nom l’indique, s’applique sur une longue durée. Les quatre éléments en interaction sont les facteurs physiologiques, cognitifs, affectifs et sociaux. Ce chapitre cite uniquement les trois derniers ; les facteurs physiologiques sont développés précédemment. Un grand nombre de théoriciens tels que J. Piaget, S. Freud, E. Erickson,
H. Wallon, etc. ont étudié le développement de l’enfant et de l’adolescent. C’est pourquoi, ce chapitre n’explique pas les étapes et stades du développement cités par chaque auteur, mais synthétise uniquement quelques éléments.
• Développement cognitif
Le développement cognitif, étudié par J. Piaget, explique l’évolution des capacités intellectuelles. La dernière phase de construction des opérations de l’intelligence se situe vers 14-15 ans. L’adolescent peut non seulement raisonner à partir de représentations immédiates, mais il peut aussi émettre des hypothèses orientées vers l’avenir. “ Le sujet parvient à se dégager du concret et à situer le réel dans un ensemble de transformations possibles ” . Le développement cognitif, sous l’angle d’acquisition d’une capacité d’intellectualisation, permet de faire tampon contre l’angoisse instinctuelle.
• Développement affectif
Selon S. Freud, la personnalité se construit progressivement au cours du développement et sera définitivement constituée après l’adolescence. La personnalité se définit par sa structure composées de trois instances : le Ca, le Moi et le Surmoi. Le Ca est l’instance primitive, inconsciente, il est présent à la naissance et agit en fonction du plaisir, sans tenir compte de ce qui se passe extérieurement. Le Moi émerge petit à petit quand l’enfant apprend à tenir compte des exigences de la réalité, c’est-à-dire que l’enfant a des désirs, mais il ne peut les assouvir tout de suite, il obéit au principe de réalité. Le Surmoi est l’instance qui juge si l’action est bonne ou mauvaise. Grâce à l’intégration des normes parentales et sociales, l’enfant peut par la suite lui-même gérer ses conduites.
A l’adolescence, les conflits oedipiens sont réactivés. L’adolescent rejette et dépasse les fantasmes incestueux qui réapparaissent. Ce processus entraîne le deuil de l’enfance et l’acceptation des changements s’opérant à cette période. L’adolescent renonce aux objets infantiles pour de nouveaux choix d’objet . La résolution de la situation oedipienne va influencer la réorganisation de sa personnalité, sa relation avec autrui et ses choix d’un conjoint. “ C’est donc à l’affectivité de l’adolescent qu’il incombe de réunir ce moi dispersé ” .
• Développement social
Hormis la famille, les groupes de pairs favorisent aussi le développement social et affectif de l’adolescent. Ils permettent l’identification des membres entre eux, le relais des idéaux du moi, la protection contre un extérieur menaçant, etc . L’amitié est très importante pendant cette période. C’est un moment où la relation avec ses parents et sa famille changent. Il est donc important pour l’adolescent d’avoir un autre lieu pour parler, partager ses difficultés. “ La véritable amitié donne la force de s’aventurer, de penser loin, de s’engager ” .
Les relations entre parents et adolescents peuvent devenir conflictuelles, à cet âge. Or, si les possibilités de communiquer entre les membres de la famille sont moindres, l’adolescent tentera de combler cette insatisfaction à l’extérieur du contexte familial. Cependant, l’adolescent reste fragile et peut se trouver dans un nouveau réseau social menaçant. Ce réseau social peut être comparé au congre, présenté par F. Dolto . Cet animal est prêt à dévorer le homard qui vient de perdre sa nouvelle carapace et reste sans défense le temps d’en fabriquer une nouvelle. Cette période sans défense correspond à l’adolescence pendant laquelle des menaces de l’intérieur ou de l’extérieur peuvent devenir dangereuses.
Un autre élément peut aussi entraver le développement social de l’adolescent, c’est la responsabilité d’un parent malade ou veuf. Selon D. Brittain et S. Becker , les tâches peuvent obliger l’enfant à rester à la maison et ainsi le limiter dans ses relations amicales et sociales.
L’adolescent prend conscience que le monde qui l’entoure ne s’arrête pas à sa famille. En sortant du cercle familial, il perçoit progressivement les enjeux de la société, du monde politique, professionnel et écologique, etc. Cette ouverture sur l’extérieur peut être source d’ambitions mais aussi de déceptions. “ Grandir, c’est découvrir que tous les humains sont faits du pire comme du meilleur, et ce n’est pas facile ” .
4. L’autonomie
L’adolescence est un remaniement de la personnalité centré spécialement sur la quête d’autonomie, ce projet de soi. Dans le Petit Larousse, autonomie signifie : “ indépendance, possibilité de décider pour un organisme, pour un individu, par rapport à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité ” .
L’autonomie est un enjeu important à l’adolescence, elle fait appel au besoin de l’adolescent de se séparer de ses parents. D. Marcelli explique ce besoin : “ A travers le besoin de se séparer, l’adolescent est à la recherche/conquête de ses “ limites ” aussi bien au plan de son corps propre (limite dans ses besoins physiologiques : alimentation, besoin de se vêtir... limites dans son style d’habillement, dans ses performances physiques), de ses compétences intellectuelles, que dans le domaine du lien social (un des modèles les plus typiques de cette recherche de limites par rapport aux interdits parentaux étant l’heure de sortie ou de rentrée d’une soirée) ” .
Le processus d’autonomie se vit parallèlement au processus d’individuation (individu dont la personnalité se différencie), car si l’individuation se passe mal l’autonomie en sera affectée . Les parents jouent un rôle important dans le processus de séparation-individuation de l’adolescent pour qui la séparation peut être angoissante. Le processus de séparation-individuation définit par P. Blos , met en conflit la difficulté des parents à renoncer en partie à leur fonction d’autorité et la difficulté de l’adolescent à s’en détacher. Les parents comme l’adolescent doivent accepter les changements.
Conclusion
Ce chapitre permet un survol des modifications et des enjeux à l’adolescence, ce moment charnière dans la vie d’un être humain. L’adolescence est une période dans laquelle le jeune se transforme sur le plan affectif et comportemental pour devenir un adulte avec une identité et un rôle sexuels. La puberté est l’ensemble de maturation physique et psychique; caractérisée par le déclenchement hormonal, la maturation des systèmes génitaux, le développement des caractères sexuels, la croissance et la taille.
L’adolescent se développe non seulement sur le plan physiologique, mais aussi sur le plan psychologique pour tendre vers l’organisation définitive de sa personnalité. Le développement psychologique croît par le biais du développement physique, cognitif, affectif et social. Une articulation existe entre chaque facteur du développement.
Nous l’avons vu, les modifications à l’adolescence peuvent aussi engendrer des épreuves. C’est pourquoi, le rôle des parents est très important pour le soutenir dans cette évolution.
Pour conclure, chaque adolescent vit ces changements d’une manière personnelle. Les épreuves ne sont pas nécessairement sources de complication, encore moins de pathologie chez l’individu, mais font partie de l’histoire de la personne. Ces propos sur l’adolescence permettent de passer au chapitre suivant qui traite spécifiquement les conduites suicidaires chez les adolescents.