"On a aujourd'hui une génération de parents désemparés devant des ados qui mènent tout le monde par le bout du nez, certains vont même jusqu'à malmener leurs parents", dit Brigitte Cadeac, responsable des plateaux téléphoniques "Fil santé jeunes", "Jeunes violence écoute" et interservice parents (01 44 93 44 93).
Le plateau-parent a reçu 21.800 appels en 2003, dont 58% portaient sur des questions d'ordre psychologique et scolaire, 21% le social et les loisirs (plus fréquentes il y a quelques années), 20% des questions de droit familial. Un quart des parents témoignent de difficultés graves, conflits familiaux, consommations toxiques, violences à l'école, troubles du comportement alimentaire, état dépressif, passivité à l'école ou phobie scolaire.
"Il y a dix, quinze ans, on avait un grand nombre de questions sur les écoles parallèles, les écoles Montessori, les parents s'inquiétaient du bien-être de leurs petits, aujourd'hui, ils sont désemparés face à l'opposition de leurs ados", affirme Brigitte Cadéac.
"Ils sont tellement anxieux, que parfois, ils anticipent la crise adolescente", dit-elle, relayés par "les publicitaires qui habillent les petites filles en adolescentes".
Elle condamne la tendance des parents à "vouloir rester jeunes et en compétition avec leurs ados", à "vouloir psychanalyser, analyser leurs problèmes". "Aujourd'hui, ce sont les psychologues qui disent aux parents +restez à votre place de parent, privilégiez le simple bon sens+".
Directeur du centre de thérapie familiale Monceau, et auteur de "Guérir les souffrances familiales" (Presses universitaires de France), Pierre Angel met également en cause ces "parents adolescents" qui ont du mal "à tenir leur place d'adulte". "Les différences de génération s'estompent", dit-il, "la cellule familiale éclate, la référence à la loi est de plus en plus ténue, et c'est souvent le groupe de pairs qui prend le relais de la famille".
Notre travail, dit-il, est de déculpabiliser les parents, de dédramatiser, et de valoriser la famille, même si elle n'est pas parfaite.
Mais il met en garde contre "une certaine fascination parfois des parents pour la transgression et la prise de risque de leurs enfants", victimes d'une "société qui favorise les conduites à risque, anorexie, sports à risque, conduite sexuelle explosive", en valorisant "la réussite immédiate".
Spécialisée dans les problèmes de dépendance, le centre Monceau a reçu quelque 8.000 familles en vingt ans et est à la fois centre de soins et centre de recherche universitaire. Témoins privilégiés du mal-être des ados, les infirmières scolaires. "On ne peut pas généraliser, chaque ado est une personne", prévient Christian Allemand, secrétaire général adjoint du syndicat des infirmières FSU, mais il constate aussi une aggravation du stress chez les jeunes.
"Ils arrivent en demandant +je veux un Doliprane+, et nous, on dit, assieds-toi, on discute", dit-il, regrettant le nombre insuffisant d'infirmières scolaires (5.000 pour 7.400 collèges et lycées). |