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Réflexions sur l’approche éducative
des adolescents à conduites suicidaires
Introduction
La prise en charge des adolescents avant ou après une tentative de suicide se ressemble. Car l’acte n’a rien changé en lui-même si ce n’est le fait d’avoir pu exprimer son insupportable souffrance. En outre, si rien n’est mis en place pour provoquer un changement dans la vie de celui-ci, il va réitérer son acte. C’est pourquoi, cette approche éducative concerne la prévention et la post-intervention auprès d’adolescents à conduites suicidaires.
Afin d’éviter un passage à l’acte suicidaire, que peut faire l’éducateur ? Personnellement, je n’ai pas suivi d’adolescents suicidaires. Par contre, l’élaboration de ce travail de recherche, mon expérience professionnelle, la rencontre des différents responsables des services psychiatriques et de foyers m’ont permise de me positionner et penser une approche éducative. Toutefois, chacun perçoit celle-ci avec sa sensibilité, son expérience et ses croyances ; c’est pourquoi les propos relatés ne sont pas universels et méritent d’être nuancés.
Dans ce chapitre, je présente la situation d’un adolescent et développe les points suivants : la prise en charge, l’observation, reconnaître la souffrance, le projet éducatif, le bilan de la situation et le besoin d’aide de l’aidant.
1. Situation d’Alexandre
Comme support aux réflexions sur l’approche éducative, prenons une situation vécue lors d’un stage. Il s’agit d’un jeune garçon placé dans un foyer pour enfants et adolescents en difficultés.
Alexandre a 14 ans, il est né le 27 avril 1984. Ses parents, d’origine portugaise, ont eu cet enfant hors mariage. Son père ne l’a pas reconnu à sa naissance. Par la suite, sa mère a rencontré un autre homme, et de cette union un petit garçon est né en 1990. A maintes reprises, Alexandre a demandé de l’aide auprès de SOS enfants et de la main tendue. Et c’est en 1991, qu’il est placé au foyer par le SPJ, pour le protéger de la violence familiale.
Pendant les premières années de placement, il est pris en charge le week-end par une famille d’accueil. Par la suite, après le départ de son beau-père, il rentrait chez lui, pour les week-ends.
Lorsqu’il habitait chez sa mère, il passait la majeure partie de ses journées dans la rue, où il était considéré comme « chef de la bande ». D’ailleurs, que cela soit dans sa vie affective, à la maison ou à l’école, il commandait.
Une des problématiques d’Alexandre était la violence. En général, elle était dirigée vers les autres. Cependant, à deux reprises, il a parlé de suicide (violence retournée contre soi). Un soir, il a enjambé le rebord de la fenêtre de sa chambre, alors qu’il discutait avec un éducateur. Le connaissant, ce dernier a diagnostiqué l’acte comme un chantage. De ce fait, il est sorti de la pièce pour éviter une augmentation de la tension, et un réel passage à l’acte suicidaire. Alexandre s’est apaisé et l’éducateur a pu, par la suite, discuter avec lui. Quelques mois plus tard, il nous a fait part, à nouveau de ses idées suicidaires. Il désirait se jeter sous un camion. Il disait : “ Plus rien ne va dans ma vie, la meilleure chose qu’il puisse m’arriver, c’est de mourir sous un camion ! ”. Il vivait une période de doute et d’angoisse, il devait prendre des décisions pour son avenir. C’est-à-dire, rentrer chez lui pour l’année suivante, ou rester au foyer, et par la suite trouver une autre solution. A mon sens, la vie en famille devait représenter l’inconnu, alors que le foyer était une sécurité, qu’il devait quitter un jour. Nous avons constaté que lorsqu’il se trouvait devant une impasse, à un tournant de sa vie ou dans une situation difficile, des idées suicidaires surgissaient.
En juin 1998, il est rentré chez lui, pour vivre avec sa mère et son demi-frère. Son référent continue à le suivre pendant cette année de réadaptation... Je peux donc déduire que le travail effectué par l’équipe éducative a été positif. Je ne vais pas reprendre toute la situation et tenter d’élaborer une prise en charge ; les éléments importants du travail des éducateurs sont cités dans la présentation d’Alexandre. Je vais uniquement utiliser la situation pour livrer mes réflexions personnelles sur l’approche éducative des adolescents à conduites suicidaires.
2. Prise en charge
Dans les foyers, la prise en charge des adolescents suicidaires est similaire aux autres adolescents. Je ne vais donc pas citer tous les actes éducatifs liés à une prise en charge. Par contre, je désire mettre en évidence quelques aspects intéressants et pertinents, ils sont cités ci-dessous.
• L’observation. En observant Alexandre vivre au quotidien, les éducateurs ont remarqué des comportements violents. Ils ont relevé une problématique à étudier, afin de prévenir les passages à l’acte violent et suicidaire.
• Reconnaître la souffrance. Le dialogue a permis de reconnaître sa souffrance, de répondre à l’urgence et prévoir un projet éducatif.
• Projet éducatif. Ces deux derniers points permettent l’élaboration d’un projet éducatif qui comporte objectifs et moyens.
• Bilan de la prise en charge. Une évaluation de la situation a fait remarquer une évolution, et de ce fait un retour dans sa famille.
• Besoin d’aide de l’aidant. Les prises en charge peuvent être difficiles à gérer. L’aidant a aussi besoin de conseils et de soutien.
Ces différents points servent de trame pour faire part de mes réflexions. Avant de les développer, je désire présenter un tableau permettant une visualisation des différentes étapes des prises en charge.
Tableau 25 : Les étapes des prises en charge
Lorsque l’adolescent présente des risques suicidaires ou a fait une tentative de suicide, l’éducateur doit mettre en place un accompagnement spécifique. Il doit d’abord observer, reconnaître la souffrance et évaluer le réel désir de mort. Si l’adolescent a fait une tentative de suicide, l’éducateur doit l’emmener au service des urgences de la région ou faire venir une ambulance. A partir de ce moment-là, comme cité dans le descriptif des centres, il est hospitalisé ou pris en charge à nouveau par le foyer.
Si un réel désir de mort existe, l’éducateur demande conseil à un des services de la région qui va organiser un encadrement médical urgent. Par contre, si l’adolescent ne présente pas de réel désir de mort, l’éducateur met en place un projet éducatif spécifique avec la proposition d’une psychothérapie. Un thérapeute est choisi, toutefois, si l’adolescent refuse ce suivi, l’éducateur doit l’accompagner et être suivi par un conseiller.
Chaque prise en charge demande un bilan, afin de vérifier si le projet éducatif permet une évolution ou si celui-ci mérite d’être réajusté.
3. L’observation
L’observation de l’adolescent est importante, car il n’exprime pas forcément son mal-être par la parole. Le corps et les comportements révèlent souvent l’état intérieur. Certains adolescents évitent de communiquer leur souffrance par peur d’être considéré comme malade. En outre, la vie communautaire laisse peu de moments individuels où l’adolescent est libre pour en parler. A mon avis, la dynamique de groupe, à cet âge, freine l’expression orale des difficultés. C’est pourquoi, nous devons être davantage attentifs aux comportements et tenter de favoriser les moments individuels.
De l’observation découle l’interprétation. Celle-ci demande prudence et objectivité et passe par un échange autant indispensable que nécessaire entre collaborateurs. L’observation permet d’apercevoir des signes alarmants, et de développer par la suite une relation de confiance pour les partager avec l’adolescent. Ces deux points sont traités ci-dessous.
Des signes alarmants
Un des privilèges de l’éducateur est de vivre au quotidien avec l’adolescent. De ce fait, nous pouvons remarquer des signes alarmants et agir rapidement. En me basant sur les théories expliquées au chapitre précédent et sur ma pratique professionnelle, je désire mettre en avant quelques signes alarmants :
• Troubles du sommeil : difficulté d’endormissement, sommeil coupé, insomnie matinale.
• Mauvaise hygiène : manque de soins corporels.
• Troubles de l’alimentation : dégoût de la nourriture ou au contraire gloutonnerie.
• Difficultés scolaires : mauvaises notes, problèmes de concentration, désintérêt total.
• Difficultés dans les relations affectives : retrait du groupe, violence, manipulation, pas d’ami, se sent seul.
• Humeur dépressive : changement d’humeur, tristesse.
• Dégoût de la vie : idées noires, idéations suicidaires.
• Troubles somatiques : plaintes physiques, douleurs.
• Angoisse ascensionnelle.
Chaque élément ne conduit bien sûr pas au passage à l’acte suicidaire, mais l’accumulation de difficultés peut suffir à interroger l’éducateur sur la santé de l’adolescent. Je tiens à mettre en évidence le dernier point, l’angoisse ascensionnelle. Selon F. Ladame, une montée de l’angoisse devient de plus en plus envahissante chez l’adolescent avant le passage à l’acte. Le repérage de cette angoisse nécessite une prise en charge urgente.
Développer une relation de confiance
Le foyer doit susciter la confiance, où chacun peut exister, s’exprimer librement et être respecté. Or, la vie communautaire ne garantit pas toutes ses qualités. Il y a des confrontations, des négociations, des sanctions, des injustices, etc. C’est en premier à la personne de référence, en l’occurrence l’éducateur, à veiller au maintien d’un climat de confiance.
L’adolescent ne s’ouvre pas à tous les éducateurs, mais il lui arrive de se sentir plus à l’aise avec une personne. Cette dernière doit être prête à pouvoir assumer la relation. En particulier, lorsqu’elle se développe, l’éducateur peut aussi engager le dialogue, se mettre à l’écoute dans un esprit empathique, se montrer d’une grande disponibilité et chercher à être un appui. L’adolescent en détresse est alors plus à même d’exprimer sa souffrance.
4. Reconnaître la souffrance
Suite à l’entretien avec une des responsables de l’Unité de Crise pour Adolescents à Genève et en vivant moi-même récemment le deuil de ma grand-maman, j’ai pris conscience de l’importance de la réalité de la souffrance de l’autre et de la reconnaître. Mais pourquoi est-ce si important pour l’adolescent à conduites suicidaires ? La réponse relève en trois points : partager la douleur, écouter et en parler, évaluer le réel désir de mort.
Partager la douleur
Une personne ne peut souffrir seule, elle a besoin de partager sa douleur. Lorsque ma grand-mère est décédée, je désirais que l’on puisse reconnaître qu’il était dur pour moi de la perdre. ; or, ma souffrance n’a pas toujours été reconnue. Certaines personnes m’ont dit : “ Tu sais, c’est normal, elle a 87 ans ” ou encore “ quel bel âge pour s’en aller, nous on n’y arrivera pas ”. Ces personnes pensaient diminuer ma douleur, alors que ces paroles m’agaçaient et me culpabilisaient en rapport à ma tristesse. Ce type d’expérience, vécue par beaucoup est encore plus douloureuse lorsque notre souffrance n’est pas écoutée ou reconnue. En en parlant, nous nous attendions à une écoute, un encouragement, un soulagement, etc. Pour l’adolescent, le phénomène est identique. La souffrance peut paraître minime pour autrui, mais elle est importante pour la personne qui la vit.
Reconnaître, permet entre autres, d’ouvrir le dialogue. Selon la responsable citée précédemment, plutôt on réagit, plutôt on désamorce la bombe, c’est-à-dire la détresse qui pourrait l’entraîner au passage à l’acte suicidaire. Nous pouvons dire aussi que la reconnaissance permet de “ crever l’abcès ” et éviter une infection générale qui le conduirait à la mort ; en d’autres termes, l’adolescent se sentant compris exprime sa détresse, se sent allégé et disposé à une réflexion constructive.
Ecouter et parler
Pour laisser la personne s’exprimer, nous devons prendre le temps d’écouter. Ecouter avec le coeur crée la communication affective indispensable à la poursuite du dialogue.
“ Ma plus grande souffrance, c’est de n’avoir jamais été écoutée ”
Cette phrase est pour moi révélatrice de l’importance de l’écoute. L’adolescent peut remettre en cause la considération des autres à son égard, lorsqu’il ne se sent pas écouté. Parfois, il tente de nous parler, et nous ne sommes pas réceptifs, ou bien nous répondons rapidement sans réellement prêter attention.
Ecouter signifie aussi, être prêt à accueillir le problème et oser l’affronter. Or parfois, une parole peut être difficile à entendre et véhicule beaucoup d’émotions. Le danger existe de mettre divers mécanismes de défense en place pour éviter de souffrir, d’avoir peur de ce qu’il pourrait se passer ou de ne pas savoir réagir. Par exemple, nous pouvons refuser de comprendre l’adolescent et ses angoisses, banaliser la souffrance en disant que tous les adolescents vivent ça, ou encore minimiser et faire semblant de ne pas comprendre et continuer notre activité.
Pour reconnaître la souffrance, il ne suffit pas d’écouter mais aussi de parler. En évitant le dialogue, nous pensons lui faire oublier sa détresse, alors qu’il ne l’oublie pas. Au contraire, ce malaise l’accable davantage. “ Les non-dits sont pire que tout, on sous-estime le poids du silence ” .
L’éducateur acquiert les compétences nécessaires pour entretenir un dialogue. Par exemple, il peut dire : “ nous reconnaissons que ce que tu vis est difficile. Nous te croyons lorsque tu dis être triste et inquiet ”. Parfois, nous nous sentons mal à l’aise dans certaines situations. Ce sentiment peut devenir plus confortable, si nous lui disons : “ Nous sommes inquiets par rapport à ton état, et ce que tu nous dis nous touche ”. Partager la douleur, écouter et parler sont les premiers éléments pour reconnaître la souffrance de l’autre ; cependant, la personne de confiance doit encore saisir les intentions profondes de l’adolescent en crise.
Je tiens à relever un dernier point avant de passer à l’évaluation de ce désir de mort. Lorsqu’une tentative de suicide a lieu au foyer, cette situation ébranle la famille, les adolescents et les éducateurs. Pour éviter les inquiétudes, les sentiments de culpabilité de certains adolescents et d’autres passages à l’acte suicidaire, il est préférable de convoquer le groupe entier et d’en parler. Si l’équipe éducative ne se sent pas prête pour assumer ce dialogue, un conseiller extérieur peut se déplacer. A mon avis, cette rencontre doit d’une part permettre aux adolescents de ne pas se sentir responsable de ce qui s’est passé, et d’autre part leur expliquer qu’il existe des moyens autres que le passage à l’acte suicidaire pour résoudre les problèmes.
Evaluer le réel désir de mort
La reconnaissance de la souffrance permet à l’éducateur d’évaluer le réel désir de mort et de mettre en place soit un projet éducatif, soit un encadrement médical ou d’appeler le service des urgences. Il est évident que si l’adolescent exprime verbalement son désir de mort, la situation est considérée comme grave. Par contre, je n’ai pas de « recette » pour évaluer correctement le désir de mort chez les adolescents qui ne le disent pas tout de suite, mais l’éducateur peut se référer aux théories, de divers auteurs, présentées dans le chapitre précédent. Elles donnent des pistes de compréhension et enrichit l’évaluation. Celle-ci va se porter sur la détresse de l’adolescent. Provient-elle des changements qui s’opèrent à cet âge ou est-ce de l’ordre de la pathologie ? S’agit-il de moments dépressifs ou d’une dépression ? Y a-t-il des facteurs personnels, familiaux et environnementaux qui peuvent entraîner un passage à l’acte suicidaire ? Lorsque l’évaluation est difficile, les services régionaux présentés, sont disponibles.
Pendant ces moments-là, l’éducateur parle concrètement avec l’adolescent de ses inquiétudes et lui permet de les nommer. En outre, évoquer la mort permet de réfléchir à sa signification, et aux moyens pensés pour y parvenir. L’éducateur lui fait comprendre que la mort ne va pas lui permettre de voir les changements dans sa vie.
5. Projet éducatif
La prise en charge générale est en soi thérapeutique, puisque le but de l’équipe est d’aider l’adolescent à dépasser ses problèmes pour entrer dans une vie sociale normalisée, rythmée ; elle permet de favoriser une évolution harmonieuse de son existence. Cette aide se fait au travers des actes de la vie quotidienne, par exemple : le réveil, les repas, les leçons, les loisirs, l’ordre de la maison, y compris les visites chez le dentiste, le médecin et autres soins nécessaires.
Mis à part ces divers actes, un projet spécifique pour chaque patient est mis en place ; il comporte des objectifs éducatifs et l’accompagnement en psychothérapie. Voici la description de ces objectifs les plus importants pour un adolescent à conduites suicidaires. Ils sont consignés sur un tableau afin de suivre la situation (cf. tableau 26, p. 109). Pour ma part, l’élaboration d’un tel projet met en évidence l’importance du mandat de l’éducateur.
5.1 Objectifs éducatifs
Reprenons la situation d’Alexandre. Un des objectifs éducatifs pour Alexandre était de travailler son comportement violent. Apprendre aussi à se responsabiliser et ne pas rejeter toujours la faute sur les autres avec des sentiments d’injustice à son égard. Comme la mère n’était pas preneuse dans la prise en charge de son fils, l’équipe éducative a orienté son travail sur la personnalité d’Alexandre et ses ressources.
De ce fait, il a eu l’occasion d’être suivi par une psychologue qui a travaillé avec lui le dialogue intérieur, en mettant en jeu les différentes facettes de sa personne. Cette aide lui a aussi permis de s’exprimer par un autre biais que la violence.
A partir de cet exemple, trois objectifs éducatifs sont maintenant présentés : l’aide à changer de comportement, à s’exprimer et à s’autonomiser.
Changer de comportement
Alexandre doit comprendre que pour résoudre les problèmes, il existe d’autres comportements que la violence. Pour y parvenir, l’équipe va s’investir à fond dans le vécu quotidien d’Alexandre pour tout d’abord comprendre ses relations. Pour ce faire des rencontres hebdomadaires, un cadre et des entretiens de famille sont mis sur pied, sans compter l’apport du psychothérapeute. De là peut alors surgir de nouveaux comportements !
• Rencontres hebdomadaires
L’objectif de ces rencontres est de discuter ouvertement de la semaine écoulée, des situations de stress, de ses comportements, inquiétudes, projets de vie, etc. Avec l’aide de l’éducateur, d’autres stratégies pour résoudre les problèmes et contenir ses comportements violents et suicidaires sont abordées. Au cours de l’entretien, il est important que l’adolescent ait la liberté d’exprimer ses ressentis. Lorsque c’est possible, l’éducateur le rend participant des moyens à trouver pour résoudre ses problèmes. Par exemple : faire du sport, voir des amis, les ressources spirituelles, etc. L’adolescent peut réfléchir et les nommer lors de la prochaine rencontre. Il devient acteur dans la prise en charge.
L’éducateur ne manque pas non plus de lui faire part des observations le concernant, pendant la semaine écoulée. Il s’agit d’une part des points positifs et de l’encourager ; et d’autre part des comportements violents et suicidaires que l’éducateur refuse sans pour autant rejeter l’adolescent. L’éducateur est une référence et un soutien qui doit lui donner envie de changer. Notre regard et nos attitudes sont très importants, ils doivent aider à reprendre confiance et améliorer l’estime de soi.
Dernier point de l’entretien ; lorsque l’adolescent a fait une tentative de suicide, et sachant combien il est traumatisant pour tout le monde, il est important d’en reparler avec lui. Il ne doit pas se retrouver seul confronté à lui-même. Ses idéations suicidaires peuvent resurgir et le menacer. Il est donc préférable pour lui, de les dire pour se soulager.
• Un cadre
Quand l’équipe éducative pose un cadre ferme et clair, l’adolescent trouve des points de repères et se sent en sécurité. C’est l’essentiel. Une continuité dans le suivi, tout en maintenant des exigences adaptées aux difficultés rencontrées, va l’aider à s’adapter dans sa vie future. Le danger provient d’exigences trop contraignantes vécues alors comme des frustrations. Dans ce cas, il va éprouvé de sérieuses difficultés à s’intégrer dans le réseau social.
• Entretiens de famille
La famille est la source de l’identité de la personne et les difficultés à ce niveau ont très souvent des répercussions sur le comportement. C’est pourquoi l’entretien avec la famille peut apporter des éléments décisifs.
Une prise de conscience des parents et une réorganisation du système familial permettent des changements de comportement chez l’adolescent. Par contre, si la famille n’est pas participante dans la prise en charge, l’éducateur doit aider l’adolescent à acquérir la capacité de vivre normalement, malgré le dysfonctionnement familial.
Les adolescents en foyer, souffrent souvent de divers problèmes familiaux. Une tentative de suicide peut ébranler la famille, certes, mais l’éducateur doit donc profiter de ce moment pour mettre à plat les difficultés, les tensions entre les membres et situer la place de chacun au sein de celle-ci. En outre, il existe souvent des problèmes de communication et nous devons veiller à laisser chaque membre s’exprimer sur leur ressentis par rapport à l’acte suicidaire. Les non-dits sont souvent plus douloureux que les silences. Pour diriger ces entretiens, l’éducateur peut demander, en accord avec la famille, l’aide d’un collègue ou d’une autre personne.
S’exprimer
Parmi les moyens d’expression, le langage occupe une place importante et il est vrai que parler est préférable au passage à l’acte violent ou suicidaire. Alexandre doit intégrer cet état de fait. Parler, c’est s’ouvrir, c’est dire ce qu’on pense ; cela conduit à la confrontation d’idées, à la critique, et peut-être au jugement. La personne en détresse n’a souvent pas la force d’envisager cette situation. Elle a peur de la confrontation. C’est un travail de longue haleine. Et pourtant, la confrontation oblige des choix pour se positionner et de ce fait, entraîne une meilleure connaissance de soi. Cet exercice lui sera très utile pour établir de bonnes relations sociales.
Mis à part les moments privilégiés lors d’actes quotidiens, l’éducateur a des moyens à disposition pour faciliter l’expression, il s’agit des activités ; je les classe en deux catégories. La première englobe les ateliers d’expression tels que la musique, le dessin, la danse, la peinture, etc. Ils vont lui permettre d’éprouver des émotions et de les exprimer de manière non verbale. La deuxième catégorie se compose des activités médiatrices telles qu’ateliers de poterie, cuisine, photos, sports, etc. Elles permettent des échanges entre les participants. Notons surtout, que les regards ne se fixent pas sur l’adolescent mais sur l’objet en commun. Ainsi l’activité médiatrice détend l’atmosphère et rend la personne plus libre de s’exprimer.
S’autonomiser
Comme cité dans la théorie, l’adolescent est en quête d’autonomie sur le plan individuel et social ; il devient progressivement indépendant. L’adolescent commence à assumer ses relations affectives, son argent, ses études, s’investit dans son projet de vie, etc.
Le rôle de l’éducateur est de l’accompagner dans ce processus d’autonomie et de prise de responsabilité. L’éducateur doit « lâcher prise » ; il laisse le jeune prendre des décisions sans tout contrôler. Sans se désintéresser de lui, il reste au contraire très présent pour l’orienter et le conseiller (choix professionnel, gestion de biens, etc.).
La principale difficulté pour un adolescent à conduites suicidaires se trouve justement dans cette prise de responsabilités. Ce problème est connu de l’éducateur qui me en place des tâches pour le faire progresser. Il peut lui confier des petites tâches à organiser au sein du foyer. Par exemple : l’organisation des repas, des commissions, des nettoyages, des loisirs, etc. Le jeune va ainsi reprendre confiance en lui. Au sujet de ses relations affectives, l’apprentissage de relations vraies et durables reste long. Et pourtant lorsqu’il aura vérifié cela dans l’équipe, il se sentira accepté, aimé, tout près de l’autonomie.
Hors du foyer, l’adolescent doit aussi être capable de gérer sa vie. Mais il reste tout de même fragile psychologiquement et peut avoir besoin d’aide. Il est donc indispensable de l’informer valablement des services à disposition en cas de crise.
5.2 L’accompagnement en psychothérapie
La tentative de suicide dénote une souffrance dont l’explication est à rechercher plus profondément. Elle est indispensable dans la prise en charge des adolescents à conduites suicidaires. Cependant, plusieurs éléments peuvent les freiner à suivre une psychothérapie. Premièrement, l’adolescent pense qu’elle est réservée aux malades mentaux. L’éducateur doit donc dédramatiser les consultations psychiatriques et lui faire prendre conscience qu’il peut en retirer quelque chose. En d’autres termes, il doit le préparer à comprendre l’intérêt d’une psychothérapie, et cela peut prendre du temps. Deuxièmement, il n’a peut-être tout simplement pas envie ou peur de se retrouver seul, face à un psychothérapeute. Dans ce cas-là, l’éducateur peut l’accompagner aux séances. Le psychothérapeute peut faire resurgir des éléments du passé et fragiliser l’adolescent. L’éducateur doit être attentif et le soutenir lors des retours.
La collaboration entre éducateur et psychothérapeute doit être travaillée davantage, car nos professions sont complémentaires. S’il est intéressant de faire parler des souvenirs, il est non moins important de savoir comment vivre avec ce passé. L’accompagnement quotidien des adolescents, nous permet d’avoir un impact sur leur vie. De ce fait, le psychothérapeute pourrait nous proposer des pistes de travail. En outre, sans dévoiler les dires de l’adolescent en thérapie, nous pourrions échanger sur son comportement ou ses émotions pendant la semaine. Car l’adolescent peut ne pas être le même en psychothérapie et au foyer, c’est-à-dire exprimer de la tristesse en psychothérapie et sembler joyeux au foyer, ou inversement. A mon avis, une meilleure collaboration ne peut qu’enrichir la prise en charge.
Par contre, si l’adolescent refuse un suivi thérapeutique, il incombe à l’éducateur de l’accompagner dans sa détresse. Ce dernier peut être conseillé par un des services décrits précédemment. Si l’éducateur ne prend pas en charge cette détresse, l’adolescent peut le vivre comme un abandon, car à nouveau, personne ne peut entendre sa détresse. Par contre, si l’éducateur est suivi, l’adolescent peut investir davantage la relation et se sentir soutenu.
6. Bilan de la prise en charge
Lorsque nous mettons en place un projet éducatif, il est important d’évaluer les objectifs. Ce moyen permet de vérifier l’évolution de l’adolescent par rapport à ses difficultés et s’il peut les dépasser. Pour ce faire, l’éducateur crée une grille d’évaluation comme il lui convient, en reprenant chaque objectif. Etablissons celle d’Alexandre avec les trois points suivants : changer de comportement, s’exprimer et s’autonomiser. Cette grille rassemble en quatre colonnes toutes les informations notées par écrit dès l’élaboration des objectifs. Elle force à tirer une synthèse pour finalement le bilan de la prise en charge (cf. tableau 26, p. 109).
La première colonne comporte la date de l’entretien. La deuxième colonne spécifie l’objectif et permet la prise de note des situations et des observations. Quant à la troisième colonne, elle comporte les résolutions entreprises par l’adolescent dans la situation. Elle permet aussi de noter l’évaluation de son comportement. Et la quatrième colonne donne à l’éducateur la possibilité d’écrire les résultats de l’entretien et les nouveaux objectifs si nécessaire.
Tableau 26 : Grille d’évaluation des objectifs
Objectif 1 : changer de comportement
Date Situation de stress/
comportement Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Objectif 2 : s’exprimer
Date Expression en individuelle Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Date Expression en groupe Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Date Expression en psycho-
thérapie Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Objectif 3 : s’autonomiser
Date Relations affectives Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Date Argent Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Date Etudes et formation Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
Date Projet de vie Résolutions entreprises/
évaluations Résultats d’entretien/
nouveaux objectifs
7. Le besoin d’aide de l’aidant
Prendre en charge des adolescents à conduites suicidaires peut devenir éprouvant pour l’éducateur. A ce sujet, je désire développer deux points : reconnaître ses limites et les lieux de partage.
Reconnaître ses limites
Notre siècle technologique et des sciences humaines a fait naître, à mon sens, une nouvelle maladie, c’est le perfectionnisme. L’éducateur doit réussir, être respecté, mais a-t-il le droit aux faiblesses ? L’éducateur peut se trouver dans le désarroi, lorsqu’il n’arrive plus à prendre en charge un adolescent. Ceci est d’autant plus éprouvant lorsqu’il s’agit d’adolescents à conduites suicidaires. La mort nous remet en question et peut représenter aussi, l’échec du suivi apporté. Pour éviter de se retrouver dans l’impasse, il se peut que l’éducateur tente de rester neutre dans les relations. Dans un dictionnaire, neutre signifie : “ Qui n’est marqué par aucun accent, aucun sentiment ” . Cette définition confirme l’impossibilité de la neutralité dans notre travail. Nous devons donc apprendre à reconnaître nos limites et accepter la collaboration et l’aide d’autrui. Je crois qu’il est important aussi pour l’adolescent de ne pas être entouré de héros mais de personnes humaines avec leurs forces et leurs faiblesses. Pour ma part, les lieux de partage, cités ci-dessous, peuvent être un excellent moyen offert à l’aidant.
Les lieux de partage
Pour permettre une décharge émotionnelle et un éclairage sur les situations difficiles, les éducateurs peuvent organiser des supervisions de groupe ou individuelles. D’ailleurs, la majorité des foyers organisent ces rencontres. En général, elles concernent davantage les difficultés des adolescents que celles des éducateurs. A la suite de cette constatation, serait-il judicieux d’organiser des groupes de partage pour éducateurs travaillant avec des adolescents suicidaires ? Reconnaître ses limites avec authenticité et transparence au milieu d’autres collaborateurs est indispensable pour poursuivre sa mission. Ainsi une mise en commun des situations, émotions, désarrois et attitudes encourage et enrichit chacun. La rencontre de personnes vivant les mêmes difficultés déculpabilisent et réconfortent également.
Un groupe de partage de ce genre donne de la force dans la prise en charge et pourrait diminuer les mécanismes de défense que nous utilisons trop souvent même inconsciemment.
Conclusion
Pour prendre en charge des adolescents à conduites suicidaires, j’ai relevé cinq points importants. Il s’agit de l’observation, de reconnaître la souffrance, du projet éducatif, du bilan de la prise en charge et du besoin d’aide de l’aidant.
L’observation sert à relever une problématique, en l’occurrence, elle a permis aux éducateurs de repérer les comportements violents et suicidaires. Reconnaître la souffrance permet d’ouvrir le dialogue et d’évaluer le réel désir de mort. Le projet éducatif concrétise la prise en charge par le biais d’objectifs spécifiques. Quant au bilan de la prise en charge, celui-ci évalue la situation de l’adolescent et permet un réajustement des objectifs s’ils ne sont pas atteints. Pour finir, je souligne l’importance d’apporter une aide aux éducateurs, car, nous le savons, le suivi d’adolescents à conduites suicidaires l’éprouve surtout psychiquement.
A partir de mon expérience professionnelle, certes encore petite, je peux dire que les éducateurs ne sont pas des psychothérapeutes. Par contre, les actes quotidiens sont en soi thérapeutiques. Ils tentent avec leur qualité d’être humain et les outils professionnels, d’offrir à l’adolescent une issue à sa détresse. Une collaboration plus intense entres psychothérapeutes et éducateurs devraient exister. Ainsi la prise en charge des adolescents serait plus complète et harmonieuse.
Arrivé au terme de ce travail de recherche, je désire en apporter une conclusion générale. Elle fait l’objet des pages suivantes.
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Conclusion générale
Remettre en question la vie, penser à la mort, sont des réflexions faisant partie du processus de maturation de l’individu dans son adolescence ; mais s’il en arrive à l’idéation suicidaire, cela démontre une souffrance qui doit d’être découverte et reconnue. Qu’est-ce que le canton de Vaud met en place comme infrastructure pour le suivi de ces jeunes ? Comment en sont-ils arrivés là ? Quel est le rôle de l’éducateur dans l’accompagnement ? Ce travail de recherche a tenté de répondre à ces trois questions.
Dans la première partie, les descriptifs des centres et unités d’accompagnement psychiatrique présentent les buts et moyens de prise en charge des adolescents suicidants. Je constate qu’il n’existe pas de centre d’accueil pour ces situations d’urgence. Actuellement, la seule unité d’hospitalisation est l’UHPA. Toutefois, la capacité d’accueil journalière est de sept adolescents. Cette unité ne peut pas répondre à toutes les demandes urgentes. Nous devons offrir d’autres lieux de transition. Les conduites suicidaires sont importantes dans notre société, en particulier les adolescents et nous devons nous en occuper. Nous ne pouvons pas banaliser cet acte suicidaire, car si aucun changement ne s’opère dans leur vie, ils risquent de le réitérer. Leur entourage (la famille, les amis ou les professionnels du secteur social) peut aussi offrir un soutien et les accompagner. Ce travail de recherche montre que la prise en charge idéale passe par un accompagnement de l’adolescent dans sa vie de tous les jours et un suivi thérapeutique.
Dans la deuxième partie, les différents apports théoriques nous renseignent sur les éléments pouvant entraîner des comportements suicidaires, considérés d’ailleurs souvent comme pathologiques. De ce fait, la prise en charge d’adolescents nécessite une psychothérapie pour mettre en lumière les éléments déclencheurs.
La troisième partie est pratique. Les pistes de travail évoquées montrent l’importance de notre suivi, en tant qu’éducateur. En vivant au quotidien avec eux, nous avons l’avantage de pouvoir repérer les signes alarmants et prévenir aussi les passages à l’acte. Les apports théoriques et la connaissance des services offrent une prise en charge professionnelle. Ils permettent à l’éducateur de mettre en place un projet d’accompagnement de l’adolescent.
A la suite de l’élaboration de ce travail de diplôme, je constate un décalage entre le projet initial et le travail effectué. Les objectifs de départ étaient de décrire les centres médicalisés prenant en charge des adolescents suicidants, d’analyser une littérature spécifique à l’approche éducative du comportement suicidaire, de confronter les modèles médical et socio-éducatif et d’amener des réflexions personnelles sur l’action socio-éducative.
Le décalage se situe au niveau de l’analyse d’une littérature spécifique sur l’approche éducative. N’ayant pas trouvé d’ouvrages spécifiques, je n’ai pas pu comparer les modèles médical et socio-éducatif. En fait, les recherches bibliographiques furent longues et sans résultat. Je cherchais, peut-être, des recettes toutes prêtes sur l’accompagnement d’adolescents suicidaires, mais cette problématique est beaucoup plus complexe. Il existe plus d’écrits sur la compréhension de l’acte suicidaire que sur la prise en charge de ces personnes. Cette découverte est étonnante dans un tel domaine.
Passons au bilan personnel. Par le biais de ce travail, j’ai découvert la structure psychiatrique vaudoise, la complexité des adolescents à conduites suicidaires, leur prise en charge et l’apparition de mes limites.
J’ai choisi ce sujet de mémoire sans connaître les services susceptibles de prendre en charge des adolescents suicidants. La recherche de ces services et par la suite leur présentation, ont été une découverte très enrichissante. Toutefois, j’ai rencontré quelques difficultés à traiter les informations, car le questionnaire créé n’était pas assez complet et précis. J’ai dû à plusieurs reprises recontacter les services pour récolter davantage de renseignements ; leur disponibilité et leur collaboration ont été une grande aide. Finalement, le questionnaire a principalement servi de base aux entretiens.
Prendre en charge des adolescents à conduites suicidaires est une chose complexe ! Il est difficile de percevoir les buts recherchés au travers du passage à l’acte ; il peut s’agir d’un réel désir de mort, d’une fuite, d’un message, d’un chantage, etc. Nous devons trouver donc des moyens pour les comprendre premièrement ; et deuxièmement nous devons leur donner un espoir de vivre, les aider à dépasser cette impasse et trouver d’autres possibilités que la mort pour résoudre leurs problèmes. Un de ces moyens réside dans le soutien d’une personne extérieure. Nous avons donc un rôle à jouer : celui de les accompagner dans la proximité, les écouter et dialoguer. L’argument prônant la liberté individuelle en laissant une personne commettre un suicide, n’est pas du tout convaincant. Et ceci d’autant plus lorsqu’il s’agit d’adolescents ne pouvant pas mesurer tous les enjeux de leur acte.
En ce qui concerne les prises en charge, j’ai découvert que le travail effectué par les services psychiatriques et les foyers est complémentaire. Les psychiatres soignent les pathologies, et les éducateurs accompagnent et offrent des points de repères avec sécurité. Ces deux professions sont appelées à développer leur collaboration pour harmoniser leurs travaux et mettre en commun leurs objectifs.
Ce travail de recherche a permis aussi des réflexions sur l’approche éducative. Il serait intéressant de donner suite à cette ébauche et rassembler les expériences des professionnels pour créer un concept de prise en charge spécifique pour adolescents à conduites suicidaires.
Traiter un sujet comme les tentatives de suicide des adolescents n’est pas facile. Ce thème évoque la vie, la mort, la détresse, etc. Ce travail de diplôme a fait apparaître mes limites, celle de la compréhension de l’acte suicidaire d’une part et de la gestion de la souffrance d’autrui d’autre part. La lecture des divers ouvrages a provoqué quelques moments d’angoisse. Le désir de mort de ces adolescents m’a ébranlée. J’ai réellement pris conscience, avec l’aide d’un superviseur, de ce qu’ils pouvaient vivre. Tenter de comprendre le pourquoi des comportements suicidaires a suscité quelques interrogations sur le sens que je donne à ma vie, à ma mort et sur mes propres moyens de dépasser ce genre de questions.
Cette expérience a été difficile, cependant mes ressentis m’ont permis de faire le lien avec les ressentis possibles dans la pratique professionnelle. D’autre part, en tant que professionnels, nous devons apprendre à gérer la souffrance d’autrui. Elle nous affecte, nous démunit et nous rend impuissant. Je crois qu’il est important d’être aidé, suivi et encouragé pour faire face à ces vagues de sentiments qui peuvent empêcher une prise en charge adéquate.
Pour conclure, je désire faire part d’une question ouverte qui m’a suivie tout au long de ce travail : serait-il judicieux de créer un lieu convivial et anonyme où les adolescents suicidaires pourraient venir discuter ? Je crois que la disponibilité et l’écoute des responsables et des personnes expérimentées favoriseraient le partage avec ceux qui n’ont pas de confident. En outre, les rencontres pourraient encourager les plus démunis à prendre exemple sur ceux qui ont pu dépasser les difficultés. Par ailleurs, les partages pourraient, à mon avis, désamorcer les crises et diminuer les résistances au travail thérapeutique qui leur serait conseillé.
Le suicide fait peur et très souvent nous évitons d’en parler. Par la proximité avec les adolescents, ils se sentent moins seuls... Alors, allons à leur rencontre... Et par le dialogue, ils se soulagent... Alors, parlons-en ! ! !