SAVOIR-FAIRE ET CREATIVITE DANS DIVERSES PRATIQUES EN ADDICTOLOGIE
« Une expérience d’art thérapie à médiation corporelle et théâtrale »
L’art thérapie ?
je me permets de faire cette introduction préliminaire à ce que je vais pouvoir vous conter..
commençons par le début… tout commence un jour où l’on retrouve ce récit biblique.
Il était une fois un roi, le roi Saül qui avaient des serviteurs qui proposèrent un jour de soigner les « terreurs » de roi en écoutant un joueur de cithare « si un mauvais esprit t’assaille, un joueur jouera et tu te sentiras mieux »…
A partir de la renaissance, c’est le pouvoir de la peinture qui est mis en avant.
A partir du 18ème siècle, des liens entre art et thérapie sont décrits dans la littérature médicale.
Au 19ème siècle, le traitement moral est proposé par Pinel et des concerts sont organisés à l’hôpital de Charenton à des fins occupationnels et thérapeutiques.
Vers 1945, les 1ers ateliers d’art thérapie se mettent en place en Angleterre et aux Etats-Unis (Adrian Hill).
Vers 1960, l’art thérapie se développe de façons empiriques et s’appuient sur des modèles psychanalytiques (cadre, théorie).
A partir de 1990, on assiste à un développement hors du champ de la psychiatrie : culture, social.
Aujourd’hui, le diplôme universitaire d’art thérapie est reconnu de puis une quinzaine d’années mais le métier ne l’est toujours pas. L’intitulé du diplôme et la définition de l’art thérapie n’étant pas encore la même pour tous, nous tentons aujourd’hui de nous réunir lors de congrès pour mieux le définir.
Ainsi, je donnerais ici ma propre conception de l’art thérapie, en fonction de ce qui se rapproche de mes convictions artistiques et professionnelles et de ce qu’il me semble possible de mettre en place auprès et avec les patients accueillis au Sésame.
Dans le cadre de l’atelier mobilisant les patients sur 3 semaines, il serait utopique de parler de thérapie quand on connaît les délais d’analyse pour espérer aller mieux !!
L’expérience au Sésame : service de soins aux malades éthyliques
L’expérience menée au Sésame depuis quelques mois montre l’importance que peut avoir un tel atelier :
-rassembler le groupe à travers une activité artistique
- permettre à chacun à un moment donné d’occuper une place différente au sein d’un groupe, de s’y sentir bien, de prendre conscience de ses capacités à travers la médiation.
-donner à chacun les moyens de communiquer autrement des sentiments, des émotions par l’expression corporelle…. Et par ce biais permettre au corps de dire au lieu de subir…
ce sont des objectifs que je me suis fixée pour ces adultes parfois en quête d’identité, parfois en quête d’affection …. Parfois caïd, parfois replié …
j’ai pu observé des patients complètement réticent, n’y croyant pas …. Et plus exactement ne croyant pas en leur capacité à faire semblant, à faire comme si, à jouer, à imaginer, à chercher ….
Le but est bien ici de permettre à chacun de faire l’expérience d’un travail de création individuelle … Le tuteur qu’est le groupe à ce moment est indéniable …à ce stade et tout au long de la cure, il me semble avoir perçu cette importance pour bon nombre de patients …. Je choisis de m’appuyer sur ce groupe pour mieux aller vers l’individu.
Les séances comme vous pourrez le constater un peu plus loin sont organisées comme cela, du groupe à l’interpersonnel à l’individu ….
Pour illustrer mon propos par lequel le travail du groupe et l’élan du groupe est primordial, je vous propose de faire un essai sur ce qu’un travail d groupe, un moment partagé peut générer dans le groupe même …
Espace, 2 par 2 …3 par 3 … ensemble
Voilà des exercices que l’on peut proposer à un groupe … rien de tel pour souder un groupe, pour le faire unité, pour le faire fort et partant … c’est un exercice qu je pratique souvent au Sésame car il permet à chacun de s’inscrire individuellement, avec sa spécificité et il permet de rassembler de contenir le groupe … c’est un exercice de mise en train qui permet de relativiser l’atelier, de le rendre plus ludique …
Au Sésame plusieurs exercices de ce type, m’ont l’opinion que j’avais sur le groupe … la constitution de groupe est importante, pour permettre le respect, l’oser faire sans crainte, le groupe rassure, englobe, couve ….ce type d’exercice permet à chacun de prendre sa place, d’en occuper une en tout cas, de la choisir et de l’assumer ….
La peur du jugement est récurrente d’autant plus quand le ou les leaders se font entendre et se permettent des jugements hâtifs qui inhibent avant même d’essayer… mais l’expérience montre aussi que les leaders deviennent vite moins leader quand il s’agit de monter sur scène, de se montrer d’être comme jugé, les défenses engendrés par la peur du jugement leur font parfois abandonné ‘idée même de monter sur scène …. Parfois des vérités sortent « je ne veux pas faire l clown » devient « je en me sens pas capable de faire ça … »
Il semble que cet atelier permette à chacun ou à certains et, tant que possible de trouver une place, une vraie place, sans masque pourrait on dire … ce qui génère parfois de l’agressivité chez certains, des craintes chez d’autres … même s’il s’agit toujours d la même chose : de l’angoisse du jugement, de la peur de ne pas bien faire, de ne pas savoir faire, du regard de l’autre …
La question de l’identité ressort à chacune des séances pour bon nombre de patients : comment dois je faire, es ce que je fais bien, je n’y arrive pas certains me demandent de faire … tous se regardent beaucoup … ou est le bien, le mal ??? qui fait bien et qui fait mal et comment je sui « moi » ici et maintenant, c’est une grande inquiétude et rassurance pour eux de savoir qu’ici il n’y a pas de modèle et que c’est ça qui est riche dans cette médiation ; parfois ils trouvent cela déconcertant …
Le Projet :
L’atelier aurait lieu après la 1ére semaine de cure qui correspond au sevrage il y aurait deux séances la 2éme semaine, une la 3éme et une autre la 4éme semaine
La 1ére séance est particulière : c’est une 1ére rencontre dans un lieu qui était différent …. Pendant cette séance, il s’agit plus d’exposer le cadre de l’atelier, son but … que de pratiquer … il s’agit aussi de recueillir les questionnements, de tenter d’y répondre, d’assouvir les craintes, d’entendre les oppositions… les réticences se font souvent nombreuses, elles se manifestent différemment selon chacun :
-certains se sentent démunis dés le départ et expriment des « je ne saurais pas faire » « ça va être dur »
-certains se montrent discret et n’osent pas se prononcer et lâchent des « je ferais de mon mieux » « je ne suis pas sur d’y arriver » ce qui montrent pour certains leur difficulté à croire en ce qu’ils sont capables de faire …
d’autres se montrent plus agressifs et expriment le refus de venir « c’est un atelier débile » « je vais pas faire des jeux d’enfants, taper dans les mains, c’est nul »
-enfin, les comportements corporels en disent long : souffle, regard soupçonneux …
les 3 autres séances sont des séances pratiques d’environ 1h15 ….elles permettent de situer les éléments meneurs, « tête de turc », effacés du groupe. Mais chacun prend sa place au fur et a mesure et il est étonnant de voir certain patients à l’écart du groupe, parfois à cause du groupe, prendre une place beaucoup plus importante en 3éme séance ….
Au fil des séances, le groupe prend confiance, chacun ose prendre du plaisir … certains sont portés par le groupe en 1ére séance puis prenne leur envol, d’autres soutiennent le groupe par leu proposition, leur expression….
Pour certains c’est aussi une maîtrise de conscience de leurs difficultés à suivre les consignes, à maîtriser leur corps (tremblements, mouvements difficiles à faire…), à se laisser porter par le groupe, à accepter les propositions….
J’ai pu observé et accompagné des patients complètement réticent au départ qui prennent de plus en plus plaisir et osent seul, sans le groupe ou plus indépendamment du groupe.
A la fin des séances, un temps de parole est instauré afin que chacun puisse parler de son ressenti par rapport à l’atelier, les ateliers utilisent ces temps pour parler d’eux à travers l’atelier c’est une façon de revenir à soi après un travail de groupe. Le groupe c’est le support, c’est ce qui permet de faire. A l’intérieur du groupe il y a des individus uniques, qui ont forcément vécu une expérience unique pour eux, qu’elles soit dites sans jugement. Au nom d’un sujet qui ressent et qui en fait part à d’autres.
J’ai pu observé certains patients qui n’avaient aucune difficulté à verbaliser leur ressenti, leurs difficultés et d’autres beaucoup plus réservés. Certains écoutent au fil des séances et osent donner leur opinion, et d’autres gardent leur place initiale…
La 3éme séance est souvent marquée par des patients qui se montrent tristes, éteints. Peut être en relation avec la sortie.
L’atelier Sésame, la technique en art thérapie ???
Ici, vous l’avez bien compris c’est la « médiation théâtre » qui devient le support pour exprimer corporellement, verbalement, gestuellement …
Pour permettre une réflexion sur un processus, une élaboration des difficultés ou du plaisir à faire, je parle toujours techniquement …
En clair je ne lui dirais pas « je vois que vous avez des difficultés à vous exprimer devant les autres et que vous tournez le dos à vos collègues » mais plus de dire, « je n’entends pas votre voix, si vous tourniez un peu le visage et que vous vous mettiez de profil ou de face, je vous entendrais mieux…. ». il s’agit donc de respecter ce que le patient propose et montre, de pointer techniquement sa position dans le jeu et de l’accompagner dans sa quête dans sa création…(à travers la construction corporelle d’un personnage comment peut il se tenir, bouger, marcher, que pourrait il dire…)
Au sujet de la relation qui s’instaure entre le patient et moi, je m’efforce qu’elle soit la plus authentique possible… j’ai un grand respect pour chacun d’eux et il me semble que cela est primordial pour mettre en avant leurs qualités ….
Enfin par rapport à cela, je m’efforce aussi de prendre conscience des liens affectifs et des contre-attitude qui me lient à certains patients, la supervision que je qualifierais de « plus que nécessaire » m’aide et m’accompagne aussi dans ma propre quête de création…
Je peux donner ici l’exemple rapide d’un groupe qui avait remis en question le sens de l’atelier ou devrais je dire une partie du groupe qui se considérait comme porte parole… je me suis mise à expliquer plus que nécessaire ce qu’un tel atelier venait faire ici … et plus je l’expliquais plus je donnais de détail et plus je me sentais la nécessité de défendre « ma cause »…
Les réunions de synthèses en équipe m’ont souvent permis de comprendre les patients et dans ce cas, de constater qu’il s’agissait plus d’un mouvement de groupe et de leader se positionnant de cette façon dans chaque atelier ou groupe…qu’un groupe qui remettait en question l’atelier d’art thérapie…. Je me suis beaucoup appuyée sur ce groupe qui était en fait le 1er de l’année pour moi… Une opportunité pour remettre les pendules à l’heure, me remettre dans le bain rapidement…
Pour revenir aux contres-attitudes, il s’agissait aussi pour moi de pouvoir analyser cette position que j’avais prise, que j’avais interprété et par rapport à laquelle il m’était, sur le moment, impossible de prendre de la distance…
Enfin , à la différence d’un atelier artistique, la finalité d’un atelier d’art thérapie n’est pas le produit fini, mais bien de vivre et d’entrer dans un processus de création par le jeu pour le «je » oserais je dire ????
Processus que vivent minutieusement certains patient tels que Gérard, qui ne se croie pas capable lors d la 1ére séance … et qui après deux séances se dévoile à lui et même et aux autres !!! ce qui on peut l’imaginer, a mis le patient dans une position relativement agréable, narcissique ment…
A ce titre et vu les remarques que peuvent faire les individus du groupe j’ai pu constater l’importance du groupe, la dynamique du groupe est primordial et précède le travail théâtral… les bénéfices vont dans un sens positif quand le groupe porte les individus mais peuvent aussi facilement écrasés certains membres dans l’incapacité de se défendre … j’ai pu néanmoins noté aussi des individus inhibés qui, pourtant étaient « écrasés » par les leaders prendre une place dominante dans le groupe.
Enfin, même si le groupe est un véritable tuteur, il semble bon que le groupe s’éclate un peu pour permettre à chacun d’exister individuellement à travers sa propre création … un groupe trop contenant pourrait annihiler ou réduire cette possibilité.
La place de l’infirmière :
Sa place dans l’atelier au Sésame
est capitale : elle assure le cadre de l’institution, elle rassure les patients
car elle les connaît … (elle rassure aussi peut être l’art thérapeute qui ne les
connaît pas ???) elle connaît les patients et peut renchérir ma demande
lorsqu’un patient se montre réticent ;
Certains patients ont exprimé leurs difficultés à jouer avec ou en la présence de l’infirmière de part son statut… notamment lorsqu’il s’agit de s’exprimer face à face … chacun se trouve alors dans une position d’égal à égal, le jeu permet de remettre le patient dans une position, de personne et non seulement comme « un malade » cette qualité permet à chacun de se reconsidérer…
La repris en équipe après l’atelier est aussi un moment important d’échange, pour que chacun puisse parler e sa perception de ce qui vient de se vivre de son point de vue …c’est aussi un moyen de connaître les patients autrement. C’est pour moi l’occasion de connaître et de comprendre les patients à travers ce que pourra en dire l’équipe. Le temps de réunion est aussi un moment important de véritables échanges inter-disciplinaires, chacun donne sa perception du patient à travers ce qu’il aura observé dans les ateliers, séances, entretiens qu’il aura animé ou vécu …
Les temps de supervision interne et externe sont un élément capitale pour l’art thérapeute, il convient ici de rappeler à Monsieur Vallot à quel point le temps de supervision est enrichissant pour moi et à quel point il serait urgentissime que ces temps soit plus fréquent !!!
Pour clore mon intervention, j’ouvrirais les portes de l’avenir (pour ne pas dire du Sésame) sur ce que pourrait devenir cet atelier …
J’ai mis au point depuis quelques
semaines, une fiche d’évaluation pour les patients, fiche que je leurs transmets
lors de la dernière séance t que je leur propose de remplir avant leur sortie,
il me semblait intéressant de ne pas se baser essentiellement sur ce que
l’équipe et moi pouvons tirer de l’atelier mais bien aussi de lire et d’entendre
ce que le patient dit …
Dans cette fiche, je propose aux patients d’imaginer un atelier qui serait créé pour accueillir des patients sorti de cure qui pourrait revenir dans un autre lieu pour continuer un travail d’expression théâtrale, un travail du même ordre que celui que nous avons touché du bout du doigt pendant la cure, un travail de quelques semaines ou de plusieurs mois …
Je leur demande à quelle heure il pourrait avoir lieu et quel jour …
L’art thérapie c’est surtout un travail sur plusieurs semaines plusieurs mois pour permettre au patient de pouvoir investir un lieu, à son rythme, ce serait aussi lui permettre d’investir un outil permettant l’émergence de questions personnelle pour un travail psychique….
Enfin si l’atelier d’art thérapie à médiation théâtrale a trouvé sa place au Sésame, je pense qu’il est important d’entendre le ressenti de l’équipe et des patients et donc de donner les moyens de pouvoir poursuivre ce travail après …
C’était une question que je me posais il y a encore quelques mois lors du début de mon stage, je suis aujourd’hui ravie d’être bientôt comptée parmi l’équipe du Sésame afin de mener cette création personnelle grâce à un groupe qui m’a lui aussi soutenu ….
Stéphanie Adélino
DU d’art en thérapie et en psychopédagogie
Paris 5 René Descartes
2ème année spécialisation art de la scène : théâtre
Le 06/12/2002