Ethique intervention éducative désir et responsabilité
Travail de jp voirin sur ethique et intervention éducative une excellent
travail sur l'intervention éducative.Désir et responsabilité une
éthique pour le travail éducatif"
Jean-Pierre Voirin
réalisé pour l'obtention du D.E.ES en juin 2000
Pour Institut Régional du Travail Social (I.R.T.S) de lorraine (académie
Nancy-Metz)
Ecrire a l’auteur Jean-Pierre Voirin
"Désir et responsabilité une éthique pour le travail
éducatif"
Jean-Pierre Voirin
réalisé pour l'obtention du D.E.ES en juin 2000
Pour Institut Régional du Travail Social (I.R.T.S) de lorraine (académie
Nancy-Metz)
Ecrire a l’auteur Jean-Pierre Voirin
SOMMAIRE
Préambule…………………………………………………………………………………………………….7
Prologue ………………………………………………………………………………………………………9
Introduction……………………………………………………………………………………………….11
a) l’institution.
b) « Le vol du goûter ».
Chapitre I:
Au voleur……………………………………………………………………………………16
a) Goûter bucolique.
b) L’incident, le vol.
Chapitre II:
L'agir et le dire de l'éducateur……………………………………………..19
a) L’étendard de la loi.
b) Le « hors la loi » se met hors de portée.
c) L’urgence à répondre.
d) L’agir.
e) Le dire.
f) L’éloignement.
Chapitre III:
Je ne calerai pas. …………………………………………………………………………..25
a) La tentative contenue.
b) le lien entre agir et dire..
c) L’obstination, la détermination.
d) Pourquoi cet emportement ?
e) Le temps.
f) Les pleurs.
Chapitre IV:
La demande.……………………………………………………………………………………………..30
a) La lassitude, le temps de latence.
b) Le retour, restauration du lien groupal.
c) L’émergence de la demande.
d) La réponse donnée à la demande.
Chapitre V:
Le désir au cœur de la relation éducative…………………………36
A. L’éducateur, entre métier impossible et désir d’une relation à l’autre.
…………………………………………………………………………………………………….37
a) De la chimère de l’altruisme.
b) Métier difficile, métier impossible.
c) La demande
d) Besoin, pulsion, désir.
e) Le désir dans l’acte éducatif.
B.Le lien entre désir et renoncement.…………………………………………………43
a) Désir et renoncement, la face de la même médaille.
b) Le désir de l’enfant.
c) Le désir de l’éducateur.
d) Renoncer pour "mieux" désirer.
e) Le désir de l'enfant face à la limite de l'éducateur, choisir c'est
renoncer.
C. corps et parole.…………………………………………………………………………………51
a) La parole, séparatrice et relais du mouvement.
b) Maxime et l’autisme.
c) L’histoire d’Helen Keller.
d) La loi sur fond de parole.
Chapitre VI:
D’une éthique de la responsabilité éducative.………………56
A. La notion de responsabilité et son rapport avec l’éducation……57
a) La culpabilité.
b) La responsabilité comme réponse et engagement.
c) Responsabilité et éducation.
d) L’autonomie.
e) De l’homme façonné et perfectible à l’homme comme personne singulière.
B. L’éducation face à ses paradoxes et contradictions et à la crise des
valeurs.…………………………………………………………………………………………………..…65
a) Eduquer : arrachement et enracinement.
b) La personne et la catégorie.
c) L’éducateur face à l’éduqué, quel projet ?
C.L’éthique comme garante de l’éducation……………………………………………70
a) L’éthique vue à travers l’étymologie.
b) Les deux sens du mot éducation.
c) La responsabilité comme éthique du travail éducatif.
Epilogue…………………………………………………………………………………………………………….74
Bibliographie……………………………………………………………………………………………………75
Préambule
haut de la page
"Dans l'innocence, dans la maladresse, il y a parfois les forces les plus belles
et comme un aveu de ce qu'on est" (Jérôme Deschamps)
De la clinique considérée comme fondamentale et première, s'inscrit une démarche
de travail qui ne peut se comprendre que de ce point de vue.
Trois temps viennent scander la réflexion et l'écriture: celui du récit, celui
de l'analyse (ou de la singularité), celui de la théorisation (ou de la
généralisation).
a) Le récit:
Le point de départ est une situation dans laquelle l'auteur est partie prenante.
Il s'agit donc d'une intervention pédagogique dont l'aspect premier est son
caractère problématique pour soi même. De l'événement il reste une histoire, un
récit qui raconte… avec suffisamment de sensibilité, de subjectivité, de
trivialité. Il est limité dans le temps et dans l'espace sans surcharge d'un
ailleurs qui viendrait occulter la scène présente, sans surcharge scripturaire
qui viendrait "arranger" les choses.
b) L'analyse:
C'est la recherche du sens. Il n'est jamais donné d'emblée, ça résiste. Donc
l'analyse va consister à faire parler le texte en allant au- delà des
intentions, en s'attachant particulièrement aux failles, aux structures de toute
nature, à tout ce qui met en défaut la cohérence et la logique du propos. C'est
laisser jouer les mots, les expressions et leurs polysémie, dans leur pouvoir
évocateur suscitant d'éventuelles remémorations. C'est en quelque sorte une
réélaboration textuelle permettant l'émergence d'une structure autour des lignes
directrices qui participeront à la construction de chapitres pour peu qu'on ait
perçu l'articulation entre ceux –ci.
c) la théorisation:
De l'analyse va pouvoir se dégager un (ou des) axe (s) de réflexion, une
problématique abordée en référence à des savoirs construits, à un champ
théorique situé. Ce qui jusqu'à présent relevait d'une situation particulière,
va s'inscrire dans un cadre plus général par le biais d'une lecture orientée.
Cette dernière partie s'enracine évidemment dans le récit tout en se dégageant
des données factuelles, mais par le filtre du sens.
En conclusion, nous insisterons que le point de départ est ce qui fait problème.
En d'autres termes, c'est l'ignorance initiale qui se pose comme telle et qui va
porter l'auteur dans une recherche de connaissances si tant est qu'il en ait le
désir.
Projet de formation du département Cours d'Emploi.
Prologue.
« Le pain quotidien n’est pas toujours tendre. Il y a parfois sous la croûte une
certaine dureté. Et même depuis quelques temps les travailleurs sociaux ont beau
implorer le ciel (« donnez nous aujourd’hui notre pain quotidien »), ce qui leur
tombe sur la tête, c’est pas de la tarte.
Métaphore boulangère mise à part, le quotidien est tramé de ces petits riens qui
occupent chaque jour : dormir, se lever, se laver, faire le lit, les courses, la
vaisselle, le ménage, manger, bavarder, rigoler, bailler, regarder la télé, se
balader, rêvasser… Autant d’infinitifs qui désignent autant de territoires où
des travailleurs sociaux croisent et rencontrent des gens, petits et grands, qui
vont mal dans leur corps, leur tête, leur être, qui sont mal dans leur
quotidien.
Le quotidien est peuplé de choses, de bricoles, : assiettes, casseroles,
vêtements, draps, qu’il faut ranger, « d’hommestiquer », humaniser. C’est
pourtant à l’endroit de ces banalités, de ce terre à terre, de ce ras des
pâquerettes que se construit l’acte éducatif .
Le quotidien c’est aussi la répétition, base à partir de laquelle le sujet prend
son essor. Mais parfois cette répétition lui coupe les ailes. Dans le quotidien
parfois ça tourne en rond, ou ça tourne mal » 1 .
Le parti que je prends dans ce mémoire et de tenter de rendre compte d’un de ces
moments du quotidien (le goûter). En effet, dans un temps et un espace donné
j’ai rencontré une situation problème avec un enfant.
C’est à travers le « prétexte » qu’offre le quotidien, que ce soit en internat,
en lieux d’accueil, des hôpitaux de jour, des instituts médico éducatifs que la
relation à l’autre, l’acte éducatif se met à l’œuvre.
Les enfants, adolescents et adultes ne sont pas accueillis dans ces dispositifs
par hasard. Si l’éducateur exerce son mandat dans le quotidien des institutions,
C’est bien parce que dans et avec celui ci, il tente de créer des espaces, ou se
joue la répétition du commun, du « faire avec », lieux de création et de
recréation, lieux de rencontres.
Introduction
Depuis plusieurs années, j’exerce la fonction d’éducateur spécialisé en Institut
Médico Educatif. Ce travail auprès d’enfants déficients mentaux couplé à ma
formation d’éducateur en cours d’emploi, me donne l’occasion à travers ce
mémoire de parler de mon métier.
Un métier passionnant ou comme le dit Jean François Gomez « malgré tout il y a
souvent quelque chose qui vous meurtrit, minore le bonheur, sape la joie ».1
Ainsi, l’éducateur spécialisé dans sa pratique quotidienne est confronté à
certaines réalités qui oscillent alors, entre l’impossible du métier et ce qui
peut l’être.
Ce qui revient de la part du possible dans l’acte éducatif, s’établit par ce qui
mobilise à la fois l’éduquant et l’éduqué.
Il me semble alors qu’il soit question de désir au cœur de la relation
éducative. Seulement celui ci se voit souvent confronté à la limite, celle des
autres, nos propres limites.
Dans l’exercice de son travail, l’éducateur spécialisé se doit aussi d’être
conscient de la responsabilité qui l’engage. Celle ci s’élabore alors sur
fondements éthiques de l’éducation et ce, à partir de deux axes : le droit et le
devoir d’éduquer, et les finalités de la démarche d’éducation.
Cette réflexion théorique, au regard du désir et de la responsabilité, prend
tout son sens dans l’après coup d’un récit et son analyse.
En effet, ce mémoire, prend d’abord son ancrage au regard d’un écrit relatant
une situation éducative. Celle ci, rend compte alors d’une position que je tiens
par rapport à un enfant.
Pendant le temps d’un goûter, un morceau de pain est volé par l’enfant. Ce vol,
va alors mobiliser une réponse de ma part.
A partir de cette transgression, de la réponse, et par l’intervention que je lui
donne ; nous verrons ce qui à la fois peut en ressortir de préoccupant et de
pertinent pour l’éduquant et l’éduqué.
En écrivant cette histoire, point de départ de ce mémoire, j’étais à mille lieux
d’imaginer qu’elle m’emmènerait, m’amènerait à réfléchir d’une part sur la
problématique du désir, et d’autre part à celle de la responsabilité.
L’analyse de ce récit déclinée en quatre chapitres, m’a amené d’une part, à
repérer ce qui dynamise notre travail, le fonde, c’est à dire le désir
d’éduquer. D’autre part, l’engagement que nous tenons envers les publics
bénéficiaires est si important, envahissant, qu’il m’a semblé pertinent
d’aborder la question de la responsabilité du point de vue de l’éthique
éducative.
Ce mémoire constitue non pas une réponse à des questions mais une réflexion
permise sur mon métier et ma pratique.
a) l’institution.
« L’action » se passe dans une institution médico éducative (I.M.E).
L’établissement accueille en externat, 65 enfants et adolescents déficients
mentaux.
Ceux ci sont répartis en groupe de vie dans deux sections distinctes. Une
Section d’Enseignement et d’Education Spécialisée (S.E.ES) qui s’adresse à des
enfants âgés de 3 à 14 ans.
Une Section d’Initiation et de Première Formation Professionnelle (S.I.P.F.P)
qui s’adresse à des adolescents et jeunes adultes de 14 à 18 ans.
Le récit concerne un groupe de 6 enfants âgés de 9 à 11 ans qui font partie de
la S.E.E.S .
Les enfants qui le composent sont atteints de déficiences mentales d’origine
diverses, congénitales ou acquises et pour certains d’handicaps physiques. Deux
des enfants ont reçu un diagnostic d’autisme.
b) Le vol du goûter.
La situation se passe à l ‘I.M.E un mercredi après midi . Il fait beau en ce
début de mois de septembre, c’est pourquoi nous allons prendre le goûter dehors.
Les enfants du groupe dont j’ai la charge quittent la salle d’activités pour se
rendre dans la cour de récréation. L’un d’entre eux, Julien est parti chercher
le goûter.
JPV « Venez on va s’asseoir sur ce banc ! Maxime viens t’asseoir ! Léo je
t’attends, Antoine, Corentin , Lucien vous pouvez vous asseoir par ici». Julien
arrive avec le plateau du goûter.
Julien « Jean –Pierre, Jean –Pierre ça y est 6 , 1,2,3,4,5,6 ».
Il compte les morceaux de pain ».
JPV « C’est très bien Julien pose le plateau sur le petit banc là ».
Je distribue un morceau de pain et du chocolat à chacun des enfants. Maxime
dévore son pain et le chocolat rapidement, sans transition ou presque il
s’empare du goûter d’Antoine. Celui ci réagit un peu tard, Maxime vient de se
sauver comme un voleur et commence à manger l’objet de son larcin.
Antoine S’adressant à moi « Jean –Pierre, et bien Maxime y m’a volé mon goûter,
t’as pas le droit Maxime ! ».
JPV « Maxime viens ici !… Maxime !…. ».
Il ne répond pas de suite à mon injonction, finalement il se rapproche à
proximité du banc, je m’approche de lui et le prends par le bras , j’essaye de
lui retirer ce qu’il reste du morceau de pain. Il n’accepte pas , se débat, me
pousse et commence à crier .
J’attrape Maxime à la taille et le retiens, il se débat de plus belle, j’arrive
enfin à lui arracher le morceau de pain, il est furieux pour ma part je poursuis
ma montée en charge d’adrénaline.
Je lui dis ! « NON ! NON ! Maxime ». il ne se calme pas pour autant, je relâche
mon étreinte, il n’est pas content du tout, d’ailleurs il râle. Il s’éloigne, je
lui lance. « Tu n’as pas le droit de prendre le goûter des autres ».
Il revient peu de temps après vers les autres enfants pour tenter à nouveau de
chiper un autre goûter. Je l’arrête et le contiens avant qu’il ne le fasse. Il
crie, se débat, je resserre mon étreinte en répétant de nouveau .
« Non ! Non ! tu n’as pas le droit ».
S’ensuit à nouveau une escalade ou je sens monter la colère en moi, je ne
calerai pas, il crie. Je lui dis une nouvelle fois « Non » !
Combien de temps cela a t’il duré ? Je n’en sais rien. Toujours est il qu’au
bout d’un instant, Maxime arrête de se débattre, il pleure, je retire mon
étreinte, il s’éloigne en marchant vers l’autre coté de la cour de récréation.
Je suis éprouvé , les enfants du groupe sont silencieux certainement sous le
coup par ce qui vient de se passer. Je tente de reprendre pied dans ce goûter
particulier. Mais rien n’y fait, je suis préoccupé par Maxime D’ailleurs il
revient vers le groupe, s’arrête devant Lucien qui n’a pas terminé son pain, je
m’approche de lui , nos regards se croisent , avec l’index de sa main droite
Maxime se désigne et le pointe ensuite vers le morceau de pain de Lucien. .
JPV « Voilà OUI ! en demandant comme ça je suis d’accord »..
« Lucien est ce que tu veux donner ton pain à Maxime ? »
Lucien « Oui, j’en veux plus».
Maxime s’assoit, je lui donne le morceau de pain.
Chapitre I.
Au voleur.
La situation se passe à l ‘ I.M.E un mercredi après midi .Il fait beau en ce
début de mois de septembre, c’est pourquoi nous allons prendre le goûter dehors.
Les enfants du groupe dont j’ai la charge quittent la salle d’activités pour se
rendre dans la cour de récréation. L’un d’entre eux Julien est parti chercher le
goûter.
JPV « venez on va s’asseoir sur ce banc ! Maxime viens t’asseoir ! Léo je
t’attends, Antoine, Corentin , Lucien vous pouvez vous asseoir par ici ».
Julien arrive avec le plateau du goûter.
Julien « Jean –Pierre, Jean –Pierre ça y est 6 , 1,2,3,4,5,6. » il compte les
morceaux de pain ».
JPV« C’est très bien Julien pose le plateau sur le petit banc là ». Je distribue
un morceau de pain et du chocolat à chacun des enfants.
Maxime dévore son pain et le chocolat rapidement, sans transition ou presque il
s’empare du goûter d’Antoine.
Celui ci réagit un peu tard , Maxime vient de se sauver comme un voleur et
commence à manger l’objet de son larcin.
L’objet de ce chapitre, est de montrer qu’une transgression, en l’ occurrence le
vol commis par Maxime va rompre, casser quelque chose qui est « construit » avec
toutes les connotations positives qui viennent s’y rattacher.
Donc, quels éléments participent à cette construction et quels en sont les
caractères « agréables » ?
a) goûter bucolique.
Tout d’abord au niveau du temps nous pouvons relever plusieurs éléments. Il fait
beau . On insistera jamais autant sur le plaisir que peut procurer un temps
radieux, ensoleillé (surtout dans nos régions) ou ce beau temps évoque les
vacances, la détente, la liberté .
Nous sommes proches d’ailleurs des vacances et les souvenirs sont encore vivaces
; une façon de les réactiver est de rechercher un cadre évocateur, dans lequel
on en « profite » pour « lézarder » .
Le banc est aussi un élément du « paysage » qui est en train de se construire,
ce n’est plus la chaise de travail individuel, c’est un
réceptacle collectif sur lequel on vient se reposer , s’asseoir ou s’appuyer.
Banc autour duquel on se rassemble pour goûter.
Partie de campagne, caractère champêtre de la scène ou l’ersatz, le pique-nique
que constitue le goûter vient apporter une fraîcheur bucolique à ce petit repas
de fin d’après midi.
C’est aussi la cour de récréation, espace ludique, imaginaire s’il en est,
espace de re-création . Et c’est de cela qu’il s’agit dans une certaine mesure.
Cet espace va se trouver un site de façon éphémère, là aussi, le fait de quitter
le dedans du moins pour le dehors produit d’autres effets. Le dedans avec ses
matériels, limitant, organisant, ordonnant. Le dehors ou tout est à construire
autour de ce seul repère, ou point fixe que constitue le banc. En effet c’est
bien autour du banc que je construis le groupe.
Les places sont indiquées, les enfants sont installés, les règles sont
réparties. A chacun, des consignes qui les différencient et les rassemblent
autour du temps de goûter qui en « principe » est un temps de plaisir convivial.
C’est Julien qui vient compter et signifier l’appartenance de tous à un ensemble
(on a oublié personne, l’éducateur à qui il s’adresse, et les enfants du groupe
qui ont leur part vérification faite).
Félicitant, gratifiant, ordonnant j’installe le groupe d’enfants dans ce nouveau
temps.
Ainsi, le cadre est posé, l’ Institut Médico Educatif, sa cour de récréation ou
le temps d’un goûter partagé va se dérouler tout du moins en ce début de récit
sans histoire.
Ce récit débute un peu à la manière d’une histoire de Grimm ou Andersen ou en
générale les personnages évoluent dans des lieux enchanteurs.
Mais comme dans toute histoire, il demeure une inquiétude, une minuscule
tension. Elle est liée ici à un des enfants « Maxime ».
b) L’incident, le vol.
De tous c’est le seul à être distingué par un caractère impératif « viens
t’asseoir ». Les autres on droit à plus de souplesse, de liberté, lui n’a guère
de choix, il n’a pas d’autres possibilité que de s’asseoir. Enfin tout se passe
dans le discours, dans le souhait, car dans la réalité il en est tout autrement.
C’est au moment ou les enfants viennent de recevoir pain et chocolat qu’un
nouvel indice va le distinguer.
Cette fois, alors que l’on imagine le groupe commencer à prendre la collation,
je différencie Maxime par la manière qu’il a de déchirer son pain à pleines
dents, pour le dévorer. Ici, il s’agit d’appuyer sur une espèce d’aspect
d’avidité et de voracité.
Il s’ensuit alors ce qui va rompre et casser définitivement « l’image d’Épinal »
d’un goûter idyllique précédemment annoncé.
Il s’agit d’un vol de goûter, perpétré par Maxime. Ce dernier vient de passer à
l’acte « s’emparant » du morceau de pain d’un des enfants du groupe. Je le
décris alors « comme un voleur ».
Un vol vient d’être commis en plein jour au nez et à la barbe de l’ensemble des
personnes qui composent ce tableau. Ce « vol » de pain en plein jour est assez
curieux.
On peut supposer ici que Maxime n’a pas assez d’un morceau de pain, la tentation
est grande, alors il agit et « vole » celui d’Antoine.
Ce goûter annoncé avec maints détails à caractères positifs, se termine par une
situation négative. Quelle réponse va être donnée à l’agir de Maxime ?
Chapitre II.
L’agir et le dire de l’éducateur.
Antoine s’adressant à moi « Jean –Pierre , et bien Maxime y m’a volé mon goûter
, t’as pas le droit Max ! ».
JPV « Maxime viens ici !… Maxime !…. ».
Il ne répond pas de suite à mon injonction, finalement il se rapproche à
proximité du banc, je m’approche de lui et le prends par le bras ,j’essaye de
lui retirer ce qu’il reste du morceau de pain. Il n’accepte pas , se débat, me
pousse et commence à crier .J’attrape Maxime à la taille et le retiens, il se
débat de plus belle, j’arrive enfin à lui arracher le morceau de pain, il est
furieux pour ma part je poursuis ma montée en charge d’adrénaline.
Je lui dis ! « NON ! NON ! Maxime. » il ne se calme pas pour autant , je relâche
mon étreinte, il n’est pas content du tout, d’ailleurs il râle. Il s’éloigne je
lui lance,« Tu n’as pas le droit de prendre le goûter des autres ».
Il s’ agit dans ce passage de mettre en évidence la réponse que je donne à
Maxime suite à ce vol de goûter. Cette réponse est verbale et physique à la
fois.
Cette intervention qui se veut opposition à l’agir de Maxime va se décliner par
un ensemble de faits spectaculaires.
Dans ce pas sage à l’acte, il y a beaucoup à voir, seulement dans le cercle
infernal des images qui se répondent en écho, peut il y avoir un salut ?
Nous entreverrons qu’il faut du symbolique, du dire, de la parole, pour que la
dimension de l’acte apparaisse.
Mais est ce que cet acte, en l’occurrence celui de la parole, pourra suffire ?
a) L’étendard de la loi.
Tout d’abord, c’est Antoine victime direct du vol qui dit en me prenant à
témoin, ce qu’il vient de subir. Réaction somme toute logique, qu’il ponctue à
l’adresse de Maxime en lui disant qu’il n’a « pas le droit » d’agir de la sorte.
Cet appel à la loi, au droit se fait à partir d’une injustice, d’une iniquité.
Qui est porteur de la règle ? Sinon moi même.
D’ailleurs, c’est bien cette règle qui organise et protège, de ce fait, la
demande implicite formulée à mon égard par l’enfant, est de rendre justice, de
réparer ce qui vient d’être détruit.
Pris à témoin, l’étendard de la loi brandi, me voici positionné, mandaté à
intervenir. Or Maxime, on le constatera plus loin, va empêcher cette réparation.
Dés qu’il s’oppose il la rend immédiatement impossible.
Ceci, ne me laisse pas insensible et retentit en moi, c’est ainsi que je vais
alors « intervenir ».
Je fais ce choix, alors que j’aurais pu opposer une mise à distance de
l’événement voir à le relativiser.
b) Le « hors la loi » se met hors de portée.
Maxime par cette position « hors la loi », s’est aussi mis hors de portée. En
effet dans sa fuite il a déserté le banc, endroit ou « tout » à commencé (le
goûter, et le vol). D’ailleurs «il se sauve ».
Ce verbe d’action suit le larcin de Maxime, cela semble indiquer la conscience
qu’il a de l’acte qu’il vient de poser, et des suites qu’il encourt. Il persiste
dans son acte et dans ma mise en échec.
c) L’urgence à répondre.
Alors on plonge directement dans une sorte de contre offensive. Celle ci débute
lorsque je lui ordonne de venir vers moi, c’est à dire dans cet « ici » que
représente le banc.
Maxime y répond d’une certaine manière ; il laisse tout d’abord du temps, plus
précisément du silence. Mais il marque aussi l’espace (il se rapproche du banc)
laissant tout de même une distance.
Je n’accorde pas d’attention au fait qu’il se soit rapproché, mobilisé par le
caractère urgent que représente le fait de m’expliquer avec lui. Ceci à pour
effets de dynamiser le récit, il en résulte alors un descriptif truffé de verbes
d’actions.
Tous ces éléments vont avoir pour effets de traduire les événements, non pas en
raison, mais plutôt en action.
d) L’agir.
Cette action que je provoque en allant à la rencontre de Maxime est un agir
physique. Il semble ici que son passage à l’acte implique en retour le mien. Et
cela provoque ainsi une réaction en miroir .
Il est à constater que rien à ce moment n’indique ce que j’adresse précisément à
Maxime. Il semble alors que ce serait plus un agir sur le mode de l'impulsion,
qu'un acte .
Il (l’agir) se déploie dans un temps non verbal ,où après une courte approche
j’interpelle Maxime. Ceci ressemble plus à une interception qu’un appel .
La réaction de ce dernier est de s’opposer ce qui contribue à alimenter le récit
de tout un ensemble de faits et de verbes d'actions que génère ce corps à corps.
C'est aussi le pain qui est donné à voir dans l'entre deux du conflit. Tel un
aiguillon il produit chez moi comme un sentiment de reconquête. Je tente au
départ de le lui enlever, et au final je lui arrache. Il y a dans ce passage des
points de similitudes avec la première séquence, ceux ci évoquent le moment du
"vol" ou Maxime s'empare du goûter.
Encore une fois mon agir non signé par la parole procède d’une réaction en
miroir. La fureur de Maxime bât son plein, le plein d’une tension, nerveuse,
violente qui est à son paroxysme.
Pour ma part, mon émotion passe par un mot, un terme (adrénaline) emprunté au
langage médical.
La caractéristique de l’adrénaline est qu’elle permet à l’organisme de s’adapter
à des agressions extérieures.
C’est encore le signe que ce qui se passe avec lui passe par la pulsion et par
le corps.
Il semble bien que depuis le début de ce passage , dans ce qui est donné à voir
du cercle infernal des images qui se répondent en écho, il n'y ait décidément
pas de salut.
Le récit passe d’une sommation , à une empoignade confuse qui ne mène pas à pas
grand chose si ce n’est à la fureur et du ressentiment. Finalement, c'est la
parole qui va quelque peu séparer ce passage de l'agir pour l’articuler dans ce
que je nomme d’un dire, un acte de parole.
e) Le dire.
Je lui crie, NON! Il n’en demeure pas moins que ce Non demeure une énigme . En
effet il est adressé uniquement à Maxime et reste sans objet précis quand à sa
signification.
Une question se pose alors, pourquoi ou à quoi suis je en train de dire Non ?
En reprenant l’hypothèse précédente d’une parole séparatrice , j’émets l’idée
suivante :la parole déployée en une simple économie de mots, favorise
l’émergence d’une nouvelle dimension entre moi et Maxime. Ce non redoublé,
aurait à voir avec une volonté de ma part de sortir de l’agir.
Seulement cette séparation symbolique produite par les mots va t’elle avoir des
effets immédiats?
D’effets immédiats il n’en est point, car Maxime ne se calme pas pour autant.
Malgré cela je vais relâcher « mon étreinte ».
« L’étreinte » est encore un indice qui rend compte à sa façon de ce qui vient
de se dérouler d’un corps à corps.
C’est un euphémisme, car jusqu'à présent il était plutôt question de contention.
Ainsi « Libéré », Maxime me signifie son insatisfaction. Il râle, et se
distingue ainsi autrement que par l’agir physique. Cette forme d’expression
langagière composée de sons et d’exclamations constitue en quelque sorte une
réponse à son ressenti .
Ensuite, Maxime s’éloigne, on passe ainsi d’une proximité corporelle subite à
une mise à distance choisie.
f) L’éloignement.
Dans l’entre deux de son éloignement, j’envoie à Maxime un message précis. « Tu
n’as pas le droit de prendre le goûter des autres ». On a ici point par point le
même énoncé qui ponctuait la première séquence. Celui qui l’énonce n’est plus
Antoine mais l’éducateur.
Je lui renvoie donc son acte dans une reprise du sens (la loi) tout en le
désignant, en l’impliquant. D’une autre manière, c’est par ce dire, cet acte de
parole que j’énonce le droit, le sien, le notre, celui de ne pas voler.
Cette séquence se ponctue par le désaccord que je viens d’opposer à Maxime.
Toute cette intensité déployée produit irrémédiablement des effets sur le
contexte du goûter et la réintégration du jeune.
Tout d’abord, Le projet global du goûter est complètement « perturbé » tout du
moins tel qu’il était annoncé.
Ensuite c’est le pain bien mal acquis qui est récupéré, signe positif si il en
est un, d’un désir de réintégration, à l’ordre antérieur des choses .
Enfin, ce qui sonne comme un échec c’est le constat que Maxime s’éloigne au lieu
de réintégrer le groupe.
La séquence se termine par ce que j’énonce à Maxime sur le non droit, l’interdit
de vol. Est ce qu’il va y donner une réponse, et sous quel forme va t’elle se
déployer ?
Chapitre III.
"Je ne calerai pas"
Il revient peu de temps après vers les autres enfants pour tenter à nouveau de
chiper un autre goûter. Je l’arrête et le contiens avant qu’il ne le fasse. Il
crie , se débat, je resserre mon étreinte en répétant à nouveau .
« Non ! Non ! tu n’as pas le droit ».
S’ensuit à nouveau une escalade ou je sens monter la colère en moi, je ne
calerai pas, il crie. Je lui dis une nouvelle fois « Non » !
Combien de temps cela a t’il duré ? je n’en sais rien. Toujours est il qu’au
bout d’un instant, Maxime arrête de se débattre, il pleure , je retire mon
étreinte,
il s’éloigne en marchant vers l’autre coté de la cour de récréation.
Ce nouveau temps, procède en premier lieu par un redoublement de l’agir
précédemment évoqué .
De nouveau il est question de passage de l’agir au dire. Seulement à la
différence du passage précédent, il s’agit ici de montrer l’articulation, le
lien qu’il y a entre l’un et l’autre .
De ce couplage s’énonce alors ma détermination à ne pas céder (caler). Cela
soulève une question, elle concerne le pourquoi du caractère excessif de cette
détermination.
a) La tentative contenue.
Après ce qui vient de se passer, la réponse de Maxime est introduite par deux
indices, un indice de temps auquel succède, un deuxième indice de contexte. En
effet « peu de temps » après le moment où il a choisi de s’éloigner , c’est «
vers » le banc, lieu où goûtent les enfants qu’il se dirige.
Ces deux éléments annoncent ce qui est dit de sa tentative pour subtiliser à
nouveau un goûter.
Avant qu’il ne pose son acte, j’interviens sur le mode de l’agir physique. Tout
en le contenant, je lui montre une nouvelle fois ma détermination.
Criant, se débattant, Maxime « dit » ce qu’il subit de cette contrainte.
Pourtant cela ne m’émeut pas, je poursuis de plus belle, lui disant une nouvelle
fois Non tout en « resserrant mon étreinte ».
Malgré cela et si j’insiste sur ce redoublement de l’agir, c’est bien pour dire
qu’à ce moment précis une autre logique se fait jour.
b) Le lien entre l’agir et le dire.
On a pratiquement point par point la même intervention que dans la scène
précédente, ce qui diffère ici, c’est qu’au lieu de distinguer le rôle de l’agir
de celui du dire cela ressemble plus à une articulation , un lien entre ces deux
états.
En d’autres mots, l’un et l’autre sont couplés. Quels sont les indices qui me
permettent d’avancer cela ?
De manière explicite, le récit valide ce que je viens d’énoncer, les mots
appuient et accompagnent les actes. Ca étreint et ça dit Non, ça se débat, et ça
dit toujours : Non !
Implicitement on pourrait dire les choses ainsi « Par mon corps et mes mots je
te dis à nouveau que tu n’as pas le droit d’en faire à ta tête ».
c) L’obstination, la détermination.
Seulement et pour en revenir à la situation, rien ne se passe dans l’immédiat.
Ce n’est pas encore entendu alors ça répète, c’est comme un disque rayé, tant
qu’il n ‘a pas franchi le sillon, ça répète inlassablement.
L’intensité est maximum , les choses vont crescendo, le lien corps langage
résiste.
Il y a du non, d’ailleurs celui ci est redoublé. Et puis il y a cette formule
qui appuie ma volonté de ne pas céder « je ne calerai pas ».
d) Pourquoi cet emportement ?
A ce stade de l’analyse, je m’interroge sur le pourquoi du caractère excessif de
mon agir. Cette intervention mobilise corps et langage. Est ce que l’un et
l’autre sont antagonistes ?
Est ce que contenir physiquement tout en disant non, peut paraître paradoxal ?
Le débat est ouvert, il suscitera sans nul doute des positions controversées.
Cette position que je tiens dans cette intervention, suscite néanmoins une
réflexion sur la notion de responsabilité dans l’acte éducatif. A mon sens la
position tenue à Maxime est un acte éducatif. Je le revendique et vais tenter de
dire en quoi et pourquoi .
Tout d’abord, il me semble qu’ici il y a théâtralisation de la situation , les
gestes et les mots se répandent et se répondent dans une relation difficile avec
l’enfant.
Lui, il ne parle pas, il agit, et il le fait à son bon vouloir, comme bon lui
semble.
Seulement l’enfant n’est pas seul dans cette histoire, il est inscrit dans un
collectif, alors jusqu’ou peut il se permettre de faire des pieds de nez aux
règles nécessaires à la vie collective ?
« Ca » agace, « ça » m’agace, surtout quand ce « ça » répète, alors cela use, et
tellement « ça » use , on en vient à la question de la limite, de ses propres
limites. Ici je suis confronté aux miennes, et c’est ainsi que j’élabore une
réponse se centrant sur le lien corps et langage.
Les mots vont alors scander, appuyer cette position usante, énervante sur le
mode de l’agir.
Au sujet de l’agressivité, dans le rapport au corps, les études de Karl Lorenz1
montrent que celle ci agit comme un régulateur des
relations des espèces entre elles, des individus à l’intérieur d’une même
espèce.
Aussi, par cette intervention, je prends un contre pied différent du discours
qui me semble être tenu actuellement au sujet des personnes handicapées.
Celui ci porte en lui l’idée que l’enfant handicapé a suffisamment payé son
tribut à la souffrance, il ne s’agit donc de ne pas en rajouter. En d’autres
termes, il semblerait que la question de la pitié soit invoquée, alors on ne
frustre pas, on ne dispute pas, choisissant plutôt de pardonner, excuser ou
encore comprendre.
Reprenons le cours de l’analyse pour tenter de cerner précisément ce qu’il
advient de cette intervention redoublée.
e) Le temps.
Celle ci amène finalement à ce qu’au « bout d’un instant » les choses s’arrêtent
enfin. Une question est posée sur cet instant qui à échappé à l’éduquant.
En effet, je dis «combien de temps cela a t’il duré ? ».
Si je pose cette question sur le temps c’est bien parce que dans ce qui a
précédé, dans l’agir, il n’y a point de place pour la mesure, même celle du
temps !
De ce temps de l’agir, qui a duré un temps certain, il en advient un autre qui
va faire transition celui, des pleurs.
f) Les pleurs.
En effet au moment ou je dis, « Maxime arrête de se débattre, il pleure ».
Quelque chose advient, cette réaction de Maxime tranche au regard des
comportements le qualifiant depuis le début du récit.
On se trouve alors dans un moment où son émotion est poignante. Tous ces
éléments contribuent à ce que je « retire mon étreinte » et ainsi je relâche
cette contrainte.
Ce passage dramatique produit un effet de soulagement, de détente. Comme si cela
annonçait un nouveau temps où la situation peut se dénouer. Finalement Maxime a
t’il entendu quelque chose ?
La séquence se termine au moment où Maxime s’éloigne cette fois ci en « marchant
», et ce de « l’autre coté de la cour ». Ces éléments donnent à voir et font
penser à un changement d’attitude. Un changement à la fois au niveau de son
comportement mais aussi dans la nouvelle direction qu’il prend.
Ces indices vont ils appuyer ce qui s’annonce comme un changement de l’attitude
de Maxime ?
Et qu’elle sera celle ci ?
CHAPITRE IV
La demande
Je suis éprouvé, les enfants du groupe sont silencieux certainement sous le coup
par ce qui vient de se passer. Je tente de reprendre pied dans ce goûter
particulier. Mais rien n’y fait , je suis préoccupé par Maxime. D’ailleurs il
revient vers le groupe, s’arrête devant Lucien qui n’a pas terminé son pain, je
m’approche de lui, nos regards se croisent , avec l’index de sa main droite
Maxime se désigne et le pointe ensuite vers le morceau de pain de Lucien .
JPV « Voilà OUI ! en demandant comme ça je suis d’accord. « Lucien est ce que tu
veux donner ton pain à Maxime ? »
Lucien « Oui, j’en veux plus ».
Maxime s’assoit, je lui donne le morceau de pain.
Dans ce dernier temps de l’analyse, il sera question de montrer ce en quoi, ce
par quoi Maxime élabore d’une demande non verbale. Nous verrons que la relation
qui accompagnera cette communication n’est pas immédiate, celle ci prendra des
détours, des silences, pour lui permettre de reprendre place dans le groupe.
Il va être question de lassitude, la mienne, celle présumée des autres enfants,
Maxime quant à lui est toujours à distance, en attente, mais de quoi ?
a) La lassitude, le temps de latence.
Cette lassitude qui me concerne, est la conséquence de ce qui vient par deux
fois de redoubler. En effet je suis touché, lassé par cet échec répété. L’état
d’esprit dans lequel je suis atteste de ma difficulté à reprendre une position «
normale » dans ce temps.
D’une part, le projet de goûter, n’a pas abouti comme souhaité en son début.
Malgré le caractère atténué de cette sortie de crise, ce temps d’activité «
convivial », n’en est plus un à franchement parler.
Ce moment de plaisir, de projet, a été occulté par ce qui vient de se passer.
D’autre part , Maxime est toujours à distance, le groupe toujours disloqué, et
la situation n’est pas réglée pour autant.
Ainsi il y a cette idée de perte de contrôle au regard de ce qui vient de se
dérouler, je suis désemparé, à la fois obnubilé par Maxime et indisponible au
groupe et à l’activité. Touché en quelque sorte dans ma compétence.
Maxime occupe tellement de place que pour me relancer dans l’activité avec le
groupe, je tente de « reprendre pied ». L’utilisation de cette expression
exprime l’idée d’une tentative pour retrouver un équilibre. Seulement pour
pouvoir le faire, faut il encore que l’esprit suive, que je sois disponible,
accessible.
Or il faut bien l’admettre je ne le suis pas, Maxime occupe toute mes pensées.
C’est aussi le groupe d’enfants qui est décrit silencieux, comme impressionné,
par ce qui s’est passé. Ce silence n’est pas « normal », un temps comme celui là
est généralement animé.
Ce mutisme provoqué par la « colère » de l’éducateur, produit une sorte de peur
qui donne une image différente de celle du contexte bucolique énoncé au début de
la situation.
Et puis il y a Maxime, ce dernier se met en position d’attente. Encore une fois
il met une distance entre lui et le groupe. Celle ci s’élabore sur des modalités
autrement plus paisibles que ce qui a précédé. Les deux indices qui le décrivent
marchant, et prenant une autre direction indiquent qu’il initie un changement,
tout du moins dans son attitude.
Ainsi, bien que la situation ne soit pas terminée, on a le sentiment que
l’intensité retombe.
Finalement, c’est une sorte de temps de latence, traduite par un long passage
silencieux, qui suit ce passage introductif.
C’est un moment clef du récit qui s’articule en trois phases simultanées que
Maxime crée lorsqu’il opère son retour.
Son retour vers le groupe, vers Lucien un des enfants, et moi même se fait alors
sans paroles.
Cet instant, hors langage est alors propice pour que s’élabore, se renoue le
lien entre les uns et les autres. Par ce qui est décrit dans le récit, ce qui
rend compte des signes et des comportements de Maxime, je vais lui donner une
réponse.
b) Le retour (restauration du lien groupal).
C’est d’abord Maxime qui revient , on assiste là à un retour différent du
précédent, car cette fois ci, c’est vers le groupe qu’il revient.
Le groupe, c’est l’ensemble formé par les enfants, le collectif dans lequel
s’inscrit chacun des individus. Maxime est donc de retour vers cet ensemble
auquel il appartient.
C’est aussi pour le groupe, le retour d’une ambiance, d’un caractère paisible
qui avait disparu depuis longtemps.
Ce retour se traduit dans un premier temps, par une rencontre avec Lucien l’un
des enfants. Maxime le distingue, se positionne devant lui. Je mentionne par
ailleurs que le morceau de pain reçu par Lucien au début du goûter n’est pas
terminé.
Encore une fois, le pain semble être à nouveau le point majeur de ce qui peut
advenir avec lui. C’est l’objet, l’aliment qui depuis le début a signé le désir
et l’agir de Maxime, mais c’est aussi ce qui a précipité mon intervention,
comment alors ne pas y aller une fois
encore pour y voir de plus près. C’est alors, ce qui m’amène à ce deuxième
temps.
Inquiet, ma position est alors de rendre compte de ce que je perçois de
l’attitude de Maxime. Ce passage descriptif, est remarquable, sans paroles ni
discours la situation bouge, change, car les gestes se suffisent à eux mêmes.
C’est un peu comme si les mots étaient ressentis comme trop prématurés. Ainsi
pour conclure ce passage il semble que l’incertitude domine quant au sens de ce
qui est en train de se passer. Que va t’il advenir ?
c) L’émergence de la demande.
Le temps précédent où le discours à été absent n’est pas vain, car ce qu’il
advient par la suite, est l’énoncé d’un ensemble de signes gestuels qui vont
s’élaborer entre lui et moi.
Ainsi, Maxime élabore une demande au moyen d’un paralangage.
D’abord, il est décrit un début de relation nouée par le regard de Maxime. Celui
ci atteste l’élaboration d’une communication.
Ce regard semble être le signe d’une attention à l’autre qui contraste
singulièrement avec ce qui a précédé de son comportement.
Ensuite, Maxime « signe » de manière gestuelle pour exprimer une demande. De
manière compréhensive, il indique par son index qu’il voudrait du pain .
Il se désigne, puis pointe ensuite son index vers le pain de Lucien. On peut
alors affirmer sans trop se tromper que Maxime par mon intermédiaire, formule
une demande à l’égard de Lucien.
Enfin cette demande se porte sur le pain de l’enfant, Maxime souhaite l’obtenir,
je lui donne alors une réponse.
d) La réponse donnée à la demande.
Cette demande, reçoit un écho favorable, d’ailleurs j’y réagis immédiatement et
positivement, car elle a un caractère socialement acceptable.
D’une part elle réhabilite Maxime dans le sens ou elle valide sa possibilité de
demander.
D’autre part, elle lui annonce qu’il est possible de recevoir.
On a donc à la fois une validation et une gratification par la reconnaissance de
sa demande.
En effet, derrière le vol j’ai entendu autre chose, c’est à dire un souhait.
Seulement je m’y suis opposé sur la forme, la manière inadaptée de ce dernier
(le vol).
Il y a donc un lien entre le vol et la demande. En d’autre termes le vol est une
demande déguisée.
il n’y a donc pas de clivage entre le bien et le mal, car il y a du bien dans le
mal.
Pour valider cette hypothèse revenons au récit. Dans celui ci j’utilise La
préposition « voilà ». Cette préposition renvoie à ce qui a été énoncé, mis en
acte tout au long de la situation. Ainsi on peut l’entendre de la manière
suivante « Voilà Maxime ce qu’il fallait faire depuis le début ! ».
C’est aussi ce « Oui » enthousiaste qui montre à quel point je suis ravi car il
a trouvé le moyen de reprendre sa place dans le groupe et d’exprimer une demande
acceptable.
Ainsi, il est question de la validation d’un comportement qui permet de se
parler, d’échanger une parole contre quelque chose, de vivre ensemble.
Pour conclure je demande à Lucien son accord pour qu’il donne son pain à Maxime.
C’est un indice qui valide l’idée que la demande de Maxime est importante à mes
yeux.
Encore une fois, ce qui importe c’est de donner une réponse à cette position «
exceptionnelle » qu’il a su créer pour demander.
Cependant, il convient de remarquer que même si il accepte le principe du don ,
ce n’est pas Lucien qui donne son pain à Maxime. En effet, celui ci passe par
mon intermédiaire.
Ainsi il s’agit de répondre à Maxime, d’aller jusqu’au bout de la demande qu’il
vient d’élaborer.
Cette histoire bien mal engagée par le vol de goûter , se conclue par une
réponse positive donnée à la demande de Maxime.
CHAPITRE V
Le désir au cœur de la relation éducative.
" Le désir est comme le cœur et la couleur du temps de l'homme. Il bat la mesure
de sa vie". (Denis Vasse, Le temps du désir.)
Qu’est qui me pousse, nous pousse, m’attire, nous attire à aller vers l’autre ?
Il me semble qu’il soit question avant tout de désir au cœur de cette situation
éducative.
Un désir que je conçois un peu à la manière de Denis Vasse qui lui l’énonce
comme « le ressort qui permettrait à l’homme de prendre en charge son existence
». 1
Le désir serait en quelque sorte quelque chose de dynamique qui pousse les
individus à se manifester, à exister , prendre place.
Ainsi il est au cœur de l’homme, qu’il soit désir d’éducateur ou d’enfant.
Comment y mettre des mots pour tenter de se représenter le désir qui n’a pas de
forme ?
Cette question fait surgir une difficulté car le désir à priori n’a pas de
consistance si ce n’est comme le disait Luis Bunuel, « un obscur objet ».
Tentons un instant de repérer ce désir à l’œuvre au cœur de la relation
éducative.
Il me semble alors , que dans cette situation il s’agit d’un désir qui en
rencontre un autre, à la fois par l’agir de l’enfant et la réponse de
l’éducateur.
L’enfant, en volant le goûter, rencontre l’éducateur, alors il va alors y avoir
modification de son désir, agir initiale. Finalement, ce dernier se transforme
en une demande socialement acceptable.
En d’autres termes, Maxime renonce pour « mieux » désirer.
L’éducateur dans son acte est porteur lui aussi d’une volonté, un désir, celui
de faire saisir à l’enfant qu’il peut demander autrement que par le vol.
Dans ce chapitre, je vais tenter de rendre compte du désir au cœur de la
relation éducative.
A la lumière de la théorie, des liens seront faits en rapport avec le récit et
son analyse.
A. L’éducateur, entre métier impossible, et désir d’une relation à l’autre.
Dans ce premier temps, c’est à partir du deuil, de l’impossible du métier
d’éducateur qu’il convient de fixer la limite rencontrée dans la conscience et
l’exercice de ce métier.
Il y a encore quelques années, avant cette démarche de formation d’éducateur, il
me semblait que vouloir éduquer l’autre ne relevait que de la seule volonté des
personnes habilitées à le faire.
Cependant, ma rencontre avec certains contenus de formation, m’a alors apporté
sur ce sujet des positions différentes, et donc contradictoires.
Dorénavant, ma position est plus nuancée, car pour exercer ce métier, il faut
d’une certaine manière choisir et donc pour le coup, renoncer.
Renoncer à se penser altruiste, sauveur de l’univers, de ses « marges » C’est
d’une certaine manière se séparer de l’idéal, et
permettre de se penser comme tout le monde , c’est à dire limité, manquant, être
homme quoi !
C’est donc à partir de cette distance, qui consiste à ne plus se penser au
dessus de tout, qu’il convient de dire que le métier d’éducateur spécialisé est
difficile voire impossible.
A cette question sur les limites; celle de la chimère de l’altruisme et du
métier impossible, nous entreverrons dans un second temps que la fonction
éducative ne s’arrête pas seulement à ces considérations.
Ceci me permet alors de reconsidérer la question du désir d’éduquer à l’aune de
ce qui est du domaine du possible.
Car dans ce métier il y a du possible, celui ci se joue dans le quotidien à
travers la relation , la rencontre entre l’enfant et l’éducateur.
Ce possible de la relation éducative ne peut s’énoncer sans qu’il soit aussi
question de limites ; celles que l’éducateur a le devoir de brandir, d’énoncer
pour filtrer, canaliser le désir de l’enfant.
En effet, lorsque un désir en rencontre un autre, cela ressemble souvent à un
affrontement.
La liberté de Maxime commence là ou s’arrête celle des autres. En voulant aller
au bout de son désir, il rencontre alors mon opposition .
Les positions théoriques de Freud et Hegel concernant cette rencontre entre deux
sujets de désir éclairera peut être ce point de vue sur ce qu’il advient de
quelque chose de possible.
a) De la chimère de l’altruisme.
Selon Joseph Rouzel « La volonté de pouvoir qui se manifeste comme vouloir le
bien de l’autre, est toujours sous-jacente à tout acte éducatif » 1.
Derrière cette fonction cachée, cette volonté généreuse à vouloir faire émerger
le bien chez l’autre il y aurait en fait comme une volonté de pouvoir.
Le mandat d’éducateur, que ce soit en I.M.E ou dans les autres champs dans
lesquels il intervient, mobilise de fait la question du pouvoir.
C’est à la fin d’un texte sur le stade du miroir, dans lequel il voit la racine
de l’agressivité présente dans toute tentative altruiste d’aider les autres, que
Jacques Lacan dit :
« Le sentiment altruiste, est sans promesse pour nous, qui perçons à jour
l’agressivité qui sous tend l’action du philanthrope, de l’idéaliste, du
pédagogue, voire du réformateur » 1 Et l’on peut ajouter, celle de l’éducateur.
L’altruisme vu selon Lacan est en quelque sorte une chimère, une illusion qui
tend à masquer la propre question de l’éducateur, à travers l’intérêt pour
l’autre.
Car derrière cette façade, et ses beaux idéaux, prônant le dépassement de soi au
profit de l’autre, il semble qu’il soit question tout simplement de désir pardi
!
Si l’altruisme est « sans promesse » pour l’éducateur, qu’en est il d’éduquer,
de vouloir éduquer l’autre ?
Il semble à la lumière de la théorie, qu’il n’y ait pas de réponse tranchée,
arrêtons nous alors un instant sur le métier d’éducateur, métier « difficile »
selon Kant, « impossible » selon Freud.
b) Métier difficile, métier impossible.
Kant indique que tout éducateur est imparfait car « l’homme n’est éduqué que par
des hommes et par des hommes qui ont également été éduqués ».
C’est pourquoi, plus loin, il ajoute que « l’art de gouverner les hommes et
celui de les éduquer1 » sont des arts particulièrement difficiles.
Pour sa part Freud dit qu’éduquer fait partie des trois métiers impossibles : «
gouverner, guérir, éduquer ». 2
L’impossible ici, serait notamment de se penser capable de réussir à faire faire
aux autres ce qu’on voudrait qu’ils fassent.
Or, dans ce métier, fondé sur la rencontre avec les autres, il y a souvent
quelque chose qui résiste.
La théorie psychanalytique le désigne comme sujet de l’inconscient . En d’autres
termes chez l’être parlant, il y aurait quelque chose d’inéducable.
Ainsi, Freud et Kant se rejoignent quelque peu sur cette dimension quasi
difficile voire impossible de vouloir éduquer.
Joseph Rouzel relativise pour sa part la dimension de difficile et d’impossible,
évoquant de la rencontre éducative l’idée d’un succès qui serait insuffisant, «
(…) quelque chose est mis en échec, dans toute rencontre éducative. (…) Les
autres ne sont jamais conformes à ce qu’on attend d’eux. Sur ce plan on peut
d’emblée être sûr d’un succès insuffisant ».3
A partir de cette limitation faite à toute rencontre éducative
qu’est-ce qui peut alors mobiliser ainsi les éducateurs et les personnes
bénéficiaires dans le quotidien des institutions ?
Il me semble qu’il soit question avant tout de désir à l’œuvre dans toute
rencontre éducative. En effet, au cœur des situations professionnelles, les
interactions ne sont jamais statiques, c’est donc bien en passant par ces
processus dynamiques que les personnes mobilisent leurs désirs. Tentons
maintenant de définir la demande pour y repérer ensuite la place qu’y tient le
désir au regard du besoin et de la pulsion.
c) La demande
Freud définissait les conditions idéales d’une demande : « Quelqu’un, par
ailleurs maître de soi, souffre d’un conflit interne auquel il ne peut mettre
fin tout seul. Si bien qu’il finit par aller chez le psychanalyste, chez qui il
se plaint et à qui il demande de l’aide ».1
Ce qu’il demande c’est la plainte, or celle ci met toujours en évidence quelque
chose d’implicite.
Le désir serait implicite à toute demande, c’est à travers la distinction entre
le besoin et le désir que je me propose d’y voir un peu plus clair.
d) Besoin, pulsion, désir.
Freud, établit une différence entre le besoin, énergie purement organique, la
pulsion et le désir, principe actif des processus psychiques.
Il introduit entre le besoin et le désir le terme de pulsion. La pulsion se
différencie du besoin organique, en ce qu’elle représente de force constante, de
nature biologique, organique (et non psychique) qui tend à la suppression de
tout état de tension.. Comme telle, la pulsion n’a donc aucune place dans la vie
psychique proprement dite.
Le désir sera la direction de l’appareil psychique, orienté selon la perception
de l’agréable et du désagréable. Seul, il peut mettre l’appareil psychique en
mouvement. Ainsi, le désir ne peut se mouvoir qu ‘en fonction d’un représentant
de la pulsion.
Ainsi, l’objet du besoin renvoie à quelque chose de vital, (de la nourriture,
etc…), quand à l’objet du désir, il est variable, sans cesse changeant, toujours
inadéquat, c’est d’ailleurs ce qui permet de le relancer.
Sur la question de la demande, le développement psycho affectif de l’enfant
apporte des éléments particulièrement éclairants sur les premiers moments de la
vie du bébé, ce que Winnicott appelle « la préoccupation maternelle primaire ».
Dans les premiers instants de la vie de l’enfant, la mère interprète
l’insatisfaction de l’enfant, donc elle va le nourrir. A partir du moment ou
l’on s’occupe de lui, l’enfant va être mieux, enveloppé, lesté par la nourriture
il vit alors dans un ambiant douillet et chaleureux.
« C’est par la répétition qu’il va communiquer, donc lorsqu’il se remet à crier
il dit’ maman remettons le couvert’, derrière la demande, il y a quelque chose
de perdu; c’est à dire la surprise du premier instant, une surprise où il avait
joui sans l’avoir demandé »1.
Ainsi, si l’on suit cette idée, chaque fois que l’enfant va demander, il va
surtout s’agir de retrouver l’amour de sa mère de ce quelque chose qu’il a reçu
comme amour avant toute demande.
A travers cet exemple, il m’apparaît important de souligner que le désir se
différencie du besoin, car il est implicite à toute demande.
De l’impossible du métier, nous en sommes arrivés à percevoir ce qui du point de
vue de la psychanalyse, mobilise la rencontre avec l’autre. La question du désir
ainsi introduite essayons, maintenant de voir comment dans la relation, dans
l’acte, il peut se mettre à l’œuvre.
e) Le désir dans l’acte éducatif.
Dans ce qui se joue entre Maxime et moi, il y a une confrontation entre deux
sujets de désir, éduqué et éducateur. Joseph Rouzel poursuit donc ainsi «
Seulement, si on ne s’en rend pas compte c’est une lutte fratricide qui
s’engage. Désir contre désir, c’est la lutte à mort qui s’engage ».2
Ceci m’évoque le rapport quelque peu « guerrier » de ma confrontation avec
l’enfant, en effet le corps à corps qui m’oppose à lui, occupe une grande partie
de la situation à tel point que celle ci semble être sans fin.
Rouzel, à sa manière cite Hegel qui dans « phénoménologie de l’esprit» énonce
trois temps. La lecture qu’il en fait est la suivante :
« Un premier temps où il n’y a que moi et mon désir de tout bouffer ; deuxième
temps, y’a de l’autre qui fait obstacle, donc je le bouffe, mais lui aussi veut
me bouffer. Si on en reste là c’est une lutte à mort ; troisième temps, mettons
nous d’accord conclut Hegel, faisons un pacte 1».
Ce pacte, fonde l’existence de tout sujet, c’est à dire, ce qui le nomme,
l’institue, mais aussi le limite c’est à dire la parole. En d’autres termes «
parlons nous ça fera pacte ».
Il est donc question de se parler pour pouvoir s’entendre. J’ai alors le
sentiment, qu’à travers cette lecture d’Hegel, il soit question de ce qui est
mis à l’œuvre dans ma relation avec Maxime.
Son désir rencontre le mien, or, sans la question du symbolique, de mes paroles
ainsi que la demande signée par l’enfant, cette situation se serait engluée dans
une histoire sans fin .
J’aborderai dans le paragraphe « Corps et parole » cette question du pacte, de
la symbolisation par la parole. Je voudrais maintenant évoquer dans un nouveau
titre, la question du désir et du renoncement.
B. Le lien entre désir et renoncement.
Si d’une part, l’on admet qu’il soit question d’un désir chez Maxime , d’une
pulsion qui le pousse à transgresser, et que d’autre part on retient que celle
ci en rencontre une autre, celle de lui donner un
cadre, une limite ; est-il irréaliste de penser que la question du désir
rencontrant la limite ne s’articule pas avec celle du renoncement ?
Le fait de formuler cette hypothèse, est lié en parti à la lecture du livre de
Marie de Solemne1. Certains des passages s’y rapportant retiennent toute mon
attention au regard de l’histoire de Maxime.
Dans un premier temps, je me propose de montrer la place que tient le désir et
son lien avec le renoncement dans l’acte éducatif.
Il sera ensuite question de repérer et définir plus précisément le désir de
l’enfant et celui de l’éducateur.
Un dernier temps tentera de montrer en quoi, à travers le prisme de la relation
éducative, le renoncement de Maxime peut lui permettre de désirer mieux, c’est à
dire d’une manière socialement acceptable.
a) Désir et renoncement, « la face de la même médaille ».
Selon Marie de Solemne : « Vouloir unir le désir et le renoncement peut paraître
bizarre, à priori cette tentative ne s’accorde pas entre ce qui nous mobilise
(le désir) et nous arrête (le renoncement) » 2.
Ceci peut paraître paradoxal d’évoquer ces deux positions antagonistes. Mais la
réalité de notre quotidien en général, celle de l’éducateur spécialisé en
particulier, ne se situe t'elle pas entre désir et renoncement ?
Un peu comme le dit Jacques Higelin : « entre ce qui fait du bien et du mal ,
les hauts et les bas, la terre et le ciel, la vie quoi ! » 3
Ainsi l’acte éducatif, oscille entre ces deux logiques. Si pour l’objet de ce
mémoire, je choisis de les mettre en lien, ce n’est pas pour en faire l’apologie
ou le procès, j’essaie simplement de montrer
que lorsqu’il se heurte aux limites (de l’autre, de la loi) le désir emprunte
soit les voies de l’affrontement soit celles du renoncement.
Dans la situation, Maxime modifie le caractère impulsif de son envie
irrésistible de pain, sous l’effet de la limite imposée par l’éducateur il
commence tout d’abord par renoncer pour ensuite « mieux » désirer.
Ainsi inconsciemment ou non, le désir se trouve être au cœur de toute relation
éducative.
On peut le retrouver aussi dans certains projets et finalités des institutions.
Pour illustrer cela, prenons l’exemple de la protection judiciaire de la
jeunesse, l’une de ses finalités en direction des mineurs délinquants est de «
restaurer le désir1 ». Ainsi, ce dernier est soit présent, envahissant ou alors
en « jachère ».
Envahissant, à tel point que l’éducateur se doit de le freiner, le filtrer.
En « jachère » dans l’idée : qu’il y aurait pour les personnes bénéficiaires,
absence de désir, au point même que le projet éducatif le prône comme valeur.
Il m’apparaît donc que celui ci représente une question centrale dans la
démarche éducative, je vais tenter maintenant d’en rendre compte au regard de
l’enfant et de l’éducateur.
b) Le désir de l’enfant.
Maxime produit d’une certaine manière de la « jouissance » à agir comme il le
fait.
Jouissance dans le sens d’une possession, d’une satisfaction immédiate ou,
faisant fi de l’autre il agit à sa guise.
Seulement, en s’emparant d’un goûter il va trop loin, il franchit les limites du
raisonnable, de ce qui peut permettre que les uns et les autres puissent «
s’entendre », se supporter, être ensemble.
Il est alors question d’un désir entier, violent et soudain. Celui ci peut être
référé à ce que je disais précédemment au sujet d’Hegel1, c’est à dire aux trois
phases qui d’un bout à l’autre, vont articuler le désir et le renoncement.
Disons qu’un désir sans limite (celui de Maxime) en rencontre un autre (le
mien), ou refusant de cautionner son agir, je pars d’une certaine manière en «
croisade » pour tenter d’en redéfinir les modalités.
Ainsi, au regard de la pensée d’Hegel, Maxime raisonne dans les termes suivants.
Premier temps, « je désire jouir comme bon me semble, rien ne m’arrête».
Second temps, il rencontre de ma part une réponse qui peut se décliner de cette
manière, « tu ne jouiras pas de cette façon, je ne t’en donne pas le droit ».
Selon Denis VASSE « La jouissance, en effet, est liée à l’indicible expérience
d’une raison ou d’un corps qui s’outrepassent, qui se rompent dans l’éclair de
ce qu’il éprouvent comme défaillance, passage à la limite ».2
Laissons pour le moment de coté ce qui découle de cette rencontre, d’un
renoncement chez Maxime, pour poursuivre un instant sur la question du désir de
celui qui vient à sa rencontre, l’éducateur.
Comment alors, caractériser ce dernier ?
c) Le désir de l’éducateur.
Nous avons vu dans un précédent chapitre qu’il ne s’agit pas de réprimer le
désir de l’enfant, de l’éteindre, l’éducateur par son intervention résiste à ce
comportement pour lui faire reconsidérer sa demande.
Mon souhait, désir s’il en est, est mobilisé avant tout par de l’interdit. Il
est question ici d’opposer à la fois un non catégorique au comportement, à la
transgression de l’enfant.
Ainsi il est remarquable de constater que seule l’analyse du récit, me permet
d’avancer cela, car la lecture de la situation montre au premier abord toute la
spontanéité, et l’intensité de ce qui se joue dans le quotidien.
Dans ce quotidien, les histoires qui s’y jouent engagent les personnes qui les
vivent.
Au même titre que Maxime, je n’y coupe pas car à partir de cette rencontre
singulière, ce récit montre ce qui domine de passion et de désirs réciproques.
De ce petit bout d’histoire tiré de ma pratique, il ne semble pas que la place
soit laissée au discours généreux, bien pensant.
Un discours qui viendrait, habiller, mettre à distance cette fameuse question du
désir.
J’observe cependant qu’il y a de l’intérêt, de la pertinence à tenter de repérer
ce qui a pu se passer dans la rencontre.
Car, la plupart du temps, la recherche du sens à donner aux situations, ne peut
s’élaborer que dans l’après coup.
Revenons en à la question de mon souhait dans cet acte éducatif ; il consiste à
tenter de délimiter pour Maxime, la condition par laquelle il peut être en
mesure de désirer.
Encore une fois cette question de la limite est posée, celle que toute personne
au cours de son développement et de son existence se doit de rencontrer. Il en
est d’autant plus question dans notre métier où elle nous est la plupart du
temps adressée par les personnes dont nous avons la charge.
Car dans sa pratique, l’éducateur spécialisé est porteur de limites, tout
d’abord les siennes, ce qu’il peut accepter ou non, mais aussi celles
rencontrées et intériorisées au cours de son existence .
C’est bien, ces règles et ces lois qu’il se doit faire passer, c’est a dire ce
qui permet aux uns et aux autres de se supporter et de vivre ensemble.
Ainsi ma démarche auprès de Maxime est de rendre possible cette demande cachée
derrière son vol.
Celle-ci n’est possible qu’en retour, il renonce à utiliser cette manière
d’agir, c’est d’ailleurs ce qu’il fera à la fin du récit. Nous en arrivons donc
à cette question du renoncement.
d) Renoncer pour « mieux » désirer.
Selon Marie de Solemne, « Le renoncement est en quelque sorte la conscience du
désir ». 1
Il le rencontre automatiquement, pour s’il y a lieu, le faire évoluer. Ainsi il
serait la conséquence de la limite, celle de renoncer au désir brut.
Toujours à ce sujet Marie de Solemne ajoute, « N’est ce pas le contraste avec
l’ombre qui révèle la lumière ? » 2
Pour ma part, je vois opérer ce renoncement en terme de régulation.
Régulation dans le sens où pour vivre ensemble, il est nécessaire de moduler son
désir, de le réguler, l’ajuster au contact de l’autre pour éviter ce qu’il
advient en grande partie dans la situation.
Evoquer l’un et l’autre c’est tenter de déceler les limites et les embûches du
désir dans la fonction éducative.
Il s’agit de montrer le chemin qu’il peut emprunter, en d’autres termes « mieux
» désirer par le biais du renoncement.
Je vais désormais tenter de cerner la rencontre du désir avec son renoncement,
du coté de l’enfant et de l’éducateur.
e) Le désir de l'enfant face à la limite de l’éducateur, choisir c’est renoncer.
S’il est vrai que chaque jour, nous sommes confrontés à de nouveaux désirs ;
dans un même temps, chaque jour nous apporte tout un lot d’invitations au
renoncement.
Nous sommes alors souvent obligés de choisir, et choisir c’est bien renoncer.
Comment Maxime, déterminé à ne pas lâcher une miette de son désir arrive t’il à
renoncer ?
C’est d’abord par un détour vers le développement psycho affectif de l’enfant
que l’on peut tenter de s’y repérer.
C’est ensuite par un agir et de la parole, un acte de séparation, qu’enfin il
renonce.
Le désir originaire .
Du coté de la psychanalyse, Mélanie KLEIN nous apprend que « le désir originaire
est celui, où le petit enfant est une sorte de chaudron, plein de désirs, de
violences, de cris, de besoins 1».
La continuité des soins maternels va peu à peu parvenir à satisfaire les désirs
infantiles tandis que d’autres demeures insatisfaits.
Maxime semble pris dans le registre de l’insatisfaction. Il n’hésite pas à faire
fi des contraintes rencontrées dans le quotidien, le rapport aux autres.
Cela renvoie à une sorte d’état originaire où l’envie, le besoin individuel,
priment sur la raison.
Ainsi, dans la majeure partie du récit il va à l’encontre d’un renoncement.
Agissant promptement, brusquement.
Ce renoncement pourrait lui permettre de prendre son temps pour réaliser son
désir, car en le différant, on le module, on l’ajuste , on l’apaise. De cela il
n’en est rien tout du moins au départ de la situation.
Pour ma part, je renonce à être indifférent, répondant à son agir de manière
spontanée.
Il est question de lui montrer alors que le désir ne peut pas être que de
l’ordre de la jouissance, celle d’agir comme bon lui semble. C’est pourquoi je
vais lui opposer mes limites.
Faire séparation.
Ce qu’il advient, de la limite posée à Maxime, rejoint pour partie ce qu’énonce
Julia KRISTEVA lorsqu ‘elle parle de l’enfant, au moment où il se sépare de sa
mère, « qu’il maintient un lien (…) Il supporte la frustration du contact : je
ne la touche pas, je ne la mange pas, je ne la bois pas…. Je l’imagine, je la
garde dans mon hallucination, dans ma représentation. C’est sur cette lancée
qu’il pourra la nommer, la transformer en langage. Cela ne veut pas dire qu’il
ne la désire plus. Il la désire toujours mais d’une autre façon, en pensée, car
dans son désir est intervenu le temps de la pause, de la non satisfaction
immédiate et donc d’un certain renoncement, accompagné de la représentation, qui
est une capacité spécifiquement humaine aboutissant à la pensée et au langage »
1 .
Ainsi, l’acte éducatif, l’opposition à ce désir brut permet non seulement à
l’enfant de renoncer mais aussi de pouvoir demander, de représenter par un
langage signé.
De cette manière il devient possible pour l’éducateur et les autres enfants de
le supporter, de l’entendre.
Maxime montre alors qu’il est capable de désirer autrement qu’en volant, il
m’adresse alors son renoncement à agir par lui même et pour lui-même,
représentant alors sa demande (son désir) d’une manière acceptable.
Loin de la précipitation, de l’instinct qui auparavant a généré la satisfaction
immédiate, ce désir de Maxime où s’inscrit un certain
renoncement, laisse la place à la représentation, la conscience de l’autre, au
projet (celui d’espérer obtenir du pain).
De manière plus précise il semble qu’au lieu de renoncer, Maxime au final soit
dans la possibilité de différer son désir.
Comme le dit Julia KRISTEVA « On ne le maîtrise pas toujours, on le sublime, on
l’élabore, on le déplace et cette forme de travail du désir est la vie même de
l’esprit »1.
Ainsi, on peut entrevoir la différence entre l’agir, le désir brut avec ce que
l’enfant élabore d’une demande par le paralangage à sa fin.
Seulement, pour que celui ci ait pu se réguler ainsi , l’éducateur à du
emprunter la dimension du corps et de la parole.
Ce qui s’élabore d’une intention, prend forme par l’usage que je fais de l’un et
l’autre.
, En d’autres termes, le corps couplé à la parole soutient une position
éducative. Je me propose maintenant de tenter d’élucider cette question.
C. Corps et parole.
Dans ce paragraphe, va être abordée la question du corps et de la parole.
Par l’intermédiaire du développement de l’enfant il s’agira de repérer en quoi,
dans les premiers moments de la vie, le corps de l’enfant permet, la relation,
l’accrochage avec la mère.
De cette accrochage naît une subtile alchimie où nommant, parlant son enfant, la
mère par son désir, l’inscrit dans l’ordre symbolique de la parole.
Après ce détour, nous nous arrêterons sur ce qu’il advient avec Maxime de la
dialectique corps langage.
Pour finir, l’histoire d’ Helen Keller relatée par Denis Vasse, tentera de
montrer en quoi, le corps à corps, le mouvement peuvent
être signifiants à condition toutefois que la parole vienne établir un relais.
C’est à partir de ce relais par la parole que sera évoquée la limite qu’elle
impose pour donner comme le dit Vasse « accès au monde sans limite des êtres et
des choses1 ».
a) La parole, séparatrice et relais du corps.
Le développement psycho affectif de l’enfant nous apprend que l’agitation des
membres de l’enfant, sa mimique, tous les mouvements de son corps ne sont pas
encore langage. Ils ne représentent pas le corps dans un système de signes
conventionnels et indépendants de lui.
« Cette gesticulation n’est signifiante que pour la mère, éprouvant comme sien
le mouvement de sa chair2 ». Ainsi, elle la traduit en l’introduisant dans le
réseau des signifiants.
C’est par la continuité des soins au nourrisson, que la mère permet à son enfant
une médiation progressive entre le signe (la parole) et le mouvement.
Progressivement, par effet de répétition, l’enfant fait la relation entre signes
et mouvements et entre ainsi dans cette chaîne signifiante de la parole.
En parlant, c’est à dire en signifiant ses besoins autrement que dans le corps à
corps du mouvement, l’homme établit un relais qui vient s’interposer entre son
corps et le corps de l’autre.
Selon Denis Vasse, « plus que la naissance peut être, c’est la parole qui sépare
l’homme de son semblable »3.
En accédant au sens des mots, l’enfant découvre alors qu’il n’est plus le
prolongement du corps de l’autre.
La parole rompt la relation exclusivement fusionnelle du corps à corps, elle
sépare ainsi l’homme de son semblable, l’engageant de ce fait dans
l’altérité. Qu’en est il alors de cette séparation par la parole au regard de
Maxime ?
b) Maxime et l’autisme.
S’il est une difficulté de taille, c’est bien le fait que Maxime ne parle pas,
il est muré dans ce qu’on appelle l’autisme, qualificatif, diagnostic qu’il a
reçu à l’âge de 2 ans.
Mais qu’est ce que l’autisme ?
Ce terme dont la racine grecque est « auto » (sur soi) évoque la notion de repli
sur soi.
Inventé par Bleuler au sujet de patients schizophrènes, ce terme fut repris
ensuite en 1943 par le psychiatre Léo Kanner. qui depuis 1938 suivait
l’évolution clinique de onze enfants et adolescents présentant des comportements
similaires. Il établit alors trois constantes dans ce qu’il appelle l’autisme.
La première concerne l’absence de langage, la seconde les troubles de la
relation sociale et de la conduite, et la troisième une grande résistance aux
changements.
Mon propos n’est pas ici de développer la notion d’autisme, ce sujet est
tellement vaste et controversé qu’un mémoire n’y suffirait sans doute pas. Il
est plutôt question, de tenter de m’arrêter sur le fait que Maxime ne parle pas.
Dans un monde fait de symbolisation, où le langage en est la médiation
essentielle, ceci constitue sans nul doute une difficulté de taille pour lui. Ne
pouvant au départ nommer ce qu’il désire par le biais de la symbolisation, il
reste en quelque sorte coincé dans le mouvement, l’agir.
La difficulté rencontrée avec lui est d’abord de réagir en miroir à l’acte posé.
De manière pulsionnelle, j’articule alors cette double fonction, où son agir
entraîne en retour la dimension du corps et de la parole. Au final, il entend la
parole qui lui est adressée.
Cette interaction montre malgré tout la difficulté que peut poser le non accès
au langage et à la parole.
Hors du langage, Maxime est inscrit par la parole de l’autre, celle de
l’éducateur.
Pris dans le registre corps et parole, il élabore une communication signée.
Celle ci est un paralangage du registre de la symbolisation.
D’un accès difficile à la parole et sa symbolisation, il ébauche alors les
prémices d’une séparation par le signe gestuel.
Pour illustrer plus précisément ce que j’ai énoncé dans ce passage sur la parole
comme relais du corps, je souhaite maintenant m’arrêter sur l’exemple que donne
Denis Vasse au sujet du film d’Arthur Penn intitulé « miracle en Alabama (the
miracle worker) ».
c) L’histoire d’ Helen KELLER
L’auteur a mis en scène l’extraordinaire destin d’Helen KELLER devenue aveugle,
sourde et muette dans les premiers mois de sa vie à la suite d’une affection
cérébrale. Il montre par quels processus, alors qu’intervient la parole
séparatrice d’Annie Sullivan son éducatrice, Helen Keller parvient à sortir de
la prison d’un corps dont les portes sensorielles sont en partie closes.
Tout d’abord, elle vit le monde dans le prolongement de son corps, incapable de
détacher de lui la moindre représentation qui permettrait d’accéder à ses
besoins. C’est par l’intermédiaire du corps, du contact de la peau et de la
main, qu’elle finira par nommer par la médiation d’un système de symboles.
Sous l’effet de la loi de la représentation imposée par un autre (par
l’utilisation d’une communication tactile), elle finira par se laisser prendre
dans un chaîne signifiante .
La symbolisation comme le dit D Vasse « (…) libère l’homme du magma
crépusculaire et informe de son vécu : la limite qu’elle lui impose lui donne
accès au monde sans limite des êtres et des choses1 ».
Ainsi, cette histoire vécue, montre combien le corps seul est incapable de
détacher de lui la représentation qui seule permet d’accéder au monde, aux
autres. Jusqu’au jour ou « par la loi de la représentation imposée par un autre,
elle peut questionner les êtres sur les choses et découvrir le sens qui la
délivre de son propre corps »1.
C’est cette idée, de la loi et de sa représentation, que je souhaite maintenant
aborder.
d) La loi sur fond de parole.
Pour A Leroi Gourhan « La liberté de comportement (celle du corps) n’est en
effet réalisable qu’au niveau des symboles, non au niveau des actes, la
représentation symbolique des actes est indissociables de leur confrontation (…)
cela revient à faire du langage l’instrument de la libération par rapport au
vécu2».
Ainsi, la parole serait le relais du corps au niveau des représentations dans
lequel elle l’inscrit.
Pour faire une analogie avec la loi, il semble que si la loi sépare les hommes
entre eux en leur conférant une différence particulière à partir de laquelle ils
peuvent vivre en société sans se confondre, la parole, quant à elle, libère la
représentation du représenté.
Il semble alors que l’acte de parole , ou à défaut ce qui peut le suppléer
(signe, geste mimé, codification) soit essentiel dans le sens ou le symbole met
à distance l’acte en lui même.
Au terme de ce cheminement sur la question du désir au cœur de la relation
éducative, je me rends compte que ce dernier évolue rarement sur un plan
linéaire dégagé de tout danger ou de toute erreur. Dans son quotidien,
l’éducateur spécialisé est confronté à la problématique du désir. Celui-ci
l’engage au même titre que la personne dont il a la responsabilité. C’est par
cette prise de conscience qu’il peut
Alors mettre « au travail » cette question.
CHAPITRE VI.
D’une éthique de la responsabilité éducative.
« Ce qu’une génération doit à l’autre, c’est la limite ».(Pierre Legendre, ‘Le
crime du caporal Lortie’. Fayard 1989).
Le travail d’analyse du récit m’a permis dans un premier temps théorique,
d’aborder la question du désir et ce qu’il implique dans la relation éducative.
Nous avons vu alors , que si ce dernier1 est à l’œuvre dans la relation
éducative, il engage en revanche, l’éducateur sur les chemins de la limite,
c’est dire alors que la responsabilité qui l’accompagne est aussi absolument
nécessaire.
Comme le dit Emmanuel Diet « La limite à mon emprise et, par là même, le terreau
de la responsabilité : le sujet est et demeure comptable de ses actes2 ».
Au regard de l’acte posé comme réponse à Maxime, il est donc question de ma
responsabilité d’homme, d’éducateur.
Dans ce chapitre j’ai choisi de l’aborder non pas sur le versant juridique, mais
plutôt sur celui de l’éthique.
Comme semble le soutenir Emmanuel Diet, c’est à travers la culpabilité réelle ou
ressentie que toute personne peut se poser la question de sa responsabilité.
A partir de cette conscience, d’une culpabilité, l’idée que je souhaite
développer dans ce chapitre est la suivante :
La responsabilité, en tant qu’engagement de la personne en générale, et de
l’éducateur spécialisé en particulier, serait d’un point de vue éthique, garante
de l’acte, des actes posés en direction des bénéficiaires.
Etre responsable de son acte, de ce qui le mobilise (le désir), c’est répondre,
être garant de ce que l’on (a) fait et dit. A travers cette réflexion théorique
sur la notion de responsabilité, je me propose d’y faire autant que possible des
liens avec le récit et l’analyse.
Dans ce chapitre, il est d’abord question de définir ce en quoi la culpabilité
peut permettre d’introduire la responsabilité.
Cette dernière l’est, en tant que réponses, faites de paradoxes et de
contradictions.
Par l’éclairage donné par le développement de l’enfant, il sera ensuite question
d’aborder, la manière dont les parents, ou les éducateurs préparent l’enfant
dans sa conquête d’ autonomie.
Nous nous interrogerons précisément sur le droit et le devoir d’éduquer pour
chercher ainsi à travers certains postulats sur quoi se fondent les valeurs et
finalités de l’éducation.
Nous verrons alors que toute action éducative se bute à de nombreux paradoxes et
contradictions, et d’autre part qu’elle est confrontée à la crise des valeurs et
modèles éducatifs.
Pour finir, nous tenterons de définir le concept « d’ éthique » et celui «
d’éducation ». Cet articulation entre éthique et éducation permettra d’aborder
une réflexion développée par J-B Paturet, portant sur le concept de «
responsabilité éducative ».
A. La notion de responsabilité et son rapport avec l’éducation.
Du point de vue de la psychanalyse, Emmanuel Diet nous apprend que c’est à
partir de la culpabilité que s’ouvre la possibilité d’évoquer la responsabilité.
En effet, selon lui, si la théorie analytique : « (…) implique la reconnaissance
du tragique de la condition humaine, elle ne permet aucun salut. Elle ne peut
que mettre en œuvre un travail de subjectivation par lequel la culpabilité ouvre
la possibilité d’une responsabilité ».1
a) La culpabilité.
A un moment donné de l’analyse, j’ai tenté de m’expliquer sur le pourquoi de mon
emportement ? 1
J’ai alors souhaité justifier la position tenue avec Maxime. Seulement, au
regard de ce que dis E Diet, il semble que si j’ai choisi de m’expliquer sur
cette question, c’est sans doute parce que la culpabilité m’a troublé, sinon
taraudé l’esprit. J’ai cependant omis d’en parler lui préférant le terme de
responsabilité. On voit bien toute la résistance, le refoulement que peut
engendrer la culpabilité.
Comme le soutient E Diét : « La question de la culpabilité est inévitablement
liée à la question de l’origine que tout sujet, à quelque époque qu’il vive,
dans quelque culture qu’il s’inscrive, ne peut échapper à la quête du sens et de
la vérité de son désir ».2
Ainsi, pour la psychanalyse, la culpabilité constitue un point de passage
important qui annonce la responsabilité. Sa reconnaissance, sa transformation
délivrent alors la personne des «(…) craintes imaginaires et des soumissions
archaïques, n’effacent pas son lien originaire au désir, lors même que le sujet
en devenir accepte l’existence de ses pulsions, s’accorde le droit au plaisir et
s’avère capable de construire avec l’autre une relation respectueuse de sa
différence ».3
Arrêtons nous maintenant sur la responsabilité dans le cadre de la fonction
éducative. Comment, alors, les éducateurs spécialisés engagent ils celle-ci avec
les personnes bénéficiaires ?
La notion de responsabilité est au cœur de l’éducation, l’éducateur spécialisé,
n’ échappe pas à celle ci, elle l’engage dés le moment ou il se voit confronté
avec l’autre.
Avant de m’immiscer dans le rapport qu’entretient la responsabilité et
l’éducation, il semble d’abord nécessaire de tenter de la définir.
b) La responsabilité comme réponse et engagement.
Monette Vacquin, la définit en tant que réponse : « La responsabilité n’est pas
une question ou si elle en est une, elle est de celles qui souffrent fort peu de
réponses, d’ou son poids, la responsabilité, c’est la réponse, ‘Sponsé,
spondére’, se porter garant, permettre , s’engager. Pour l’Autre, et devant la
Loi, c’est à dire la communauté de hommes »1.
L’éducateur lorsqu’il répond de l’autre , celui dont il a la charge, s’engage
avec lui dans une relation humaine, donc imparfaite. Cet engagement porte en
lui, le poids de cette présence, à soi et à l’autre ; Il est responsable à titre
personnel de ce qu’il fait ou énonce.
Encore une fois, le travail qui est le sien, est de s’interroger d’abord sur sa
propre question. Il semble dés lors acquis que celle ci, la mienne, est au cœur
de l’acte, la réponse donnée à Maxime.
Qu ‘en est il alors de la responsabilité éducative ? il semble qu’elle participe
de la même logique, elle est en quelque sorte l’interface du désir, dans le sens
où à tout acte posé, il y a automatiquement ce qui l’assume, le soutient.
Monette Vacquin poursuit dans ce sens lorsqu ‘elle dit que « L’éducation
consiste à inlassablement attribuer ses actes à un sujet. Ainsi se construit
notre condition. Quelques que soient les fantaisies du désir qui se jouent de
moi, il n’y a pas, au bout du bras qui a agi, d’autres que moi même2 ».
Nous venons de voir que la responsabilité engage celui qui la porte dans sa
relation à l’autre, qu’en est il alors de celle ci au regard de l’éducation ?
c) Responsabilité et éducation.
Comme le dit Jean Bernard Paturet :«le présupposé d’obligation d’éduquer se doit
d’être recherché également dans la condition
biologique de l’humanité. Si la nature de l’homme est d’être inachevée et donc
d’être exposée, il faut que les adultes s’intéressent au plus tôt aux nouveaux
nés1 ».
D’une manière brutale, l’auteur développe au sujet de l’enfant in utéro le point
de vue suivant, celui ci est tout d’abord dépendant de sa mère, il est décrit
comme :« un parasite dont la vie et l’existence se nourrissent au détriment
d’autrui2 ».
Jean Bernard Paturet force le trait au sujet de l’enfant pour montrer en quoi à
l’inverse de cela, la mère est tout accueil et disponibilité : elle fait place à
l’autre dans son propre corps en le nourrissant de sa vie 3».
Toujours selon lui « cette expérience première de parasitisme chez l’enfant
conduira souvent l’homme à rechercher le dieu, le chef, le leader et parfois
même le tyran qui lui promettrait et lui donnerait le pain quotidien et lui
éviterait l’effort, le labeur et la souffrance de se le procurer lui-même 4».
A partir de cet affirmation, on voit bien la difficulté que tout homme peut
rencontrer dans son rapport avec la liberté, d’où l’idée que cette dépendance
peut être heureuse.
Cependant, pour que l’enfant grandisse et ne meurt pas, il lui faut trouver un
espace d’épanouissement hors du ventre maternel. La naissance est le moment
d’une rupture douloureuse ou au moins difficile, d’un traumatisme, comme l’a
écrit le psychanalyste Otto Rank5.
Au parasitisme succède alors l’expérience de la séparation qui toute la vie et
sous différentes formes scandera la vie du sujet. Ce sont ces multiples
séparations qui le conduiront progressivement vers une autonomie de plus en plus
grande.
Ainsi, nous sommes partis d’un temps où la mère nourrit l’enfant, pour en
arriver maintenant à celui où les deux parents sont un obstacle à ce qu’il se
nourrisse lui même. De cet obstacle, l’enfant en vient alors à se séparer pour
conquérir progressivement son autonomie.
d) L’autonomie.
L’autonomie, ne s’acquiert pas du jour au lendemain, elle est une véritable
conquête qui doit être conduite par l’éducateur.
Au regard de l’histoire de Maxime, il est question d’une démarche éducative pour
réguler sa manière de conquérir son autonomie.
L’autonomie du sujet est définie comme ce qui fonde son comportement sur des
règles choisies librement. Pour Maxime il s’agit alors d’en passer encore par la
limite. Celle ci donnée par l’éducateur définit l’autonomie de l’enfant au
regard de ce qui est permis ou non.
Ainsi, la liberté humaine est une création, l’autonomie en serait
l’aboutissement, seulement ne nous y trompons pas, elle n’est pas donnée
d’emblée. Il faut la conquérir. S’il y a un droit d’éduquer, il y a comme le dit
JB Paturet « (…) un devoir de faire entrer l’enfant dans une humanité qui
n’existe pas encore pour lui mais qui passe par une rupture, peut être une
révolte que l’éducateur doit reconnaître comme un droit de l’éduqué »1.
Nous en arrivons donc à entrevoir d’une part la responsabilité à travers le
droit qu’elle confère à l’éducateur dans sa tache, et d’autre part ce qui la
questionne, la régule , l’organise, c’est à dire le devoir de donner à l’autre
sa place.
A travers l’histoire, toutes les sociétés humaines se sont posées la question de
l’éducation. Celle-ci est donc pour partie conditionnée par des postulats et des
enjeux de différentes natures qui varient selon les époques.
C’est ce qui nous amène maintenant à tenter de repérer certains fondements, liés
à la conception que les sociétés se font de l’homme.
Une question revient de manière insistante ; l’homme est il libre ou déterminé ?
Libre dans son évolution, son rapport à l’autre, à la société, ou alors
déterminé en grande partie par celle ci ?
Il n’y pas de réponse à apporter, il semble qu’il soit question d’un rapport
entre les deux. La représentation que l’on peut en avoir est repéré a travers le
filtre de l’éducation.
Dans un chapitre intitulé « de l’inachèvement de l’homme » J-B Paturet dégage
trois grands thèmes qui tentent de répondre à la question du rapport
qu’entretien l’homme avec l’éducation.
e) De l’homme façonné , perfectible, à l’homme comme personne singulière.
Le premier thème, est une démarche qui prône la plasticité de l’être humain,
dans le sens ou celui serait un être à façonner par l’extérieur. Le second
inspiré de JJ Rousseau est celui de « la perfectibilité ». A la différence de
l’animal , l’homme est capable de transformations et d’acquisitions nouvelles.
Enfin, le troisième, concerne la pensée moderne, qui de Descartes à Freud
définit le sujet comme auteur et responsable de ses actes, avec comme fondement
cette célèbre citation « Je pense, donc je suis ».
Du premier, concernant la plasticité et la malléabilité, Paturet nous donne à
retenir qu’elle est avant tout une construction du groupe social, l’enfant est
éduqué en fonction de sa destination sociale : « il s’agit de faire de lui un
citoyen au service de l’état et de la cité, sans que son épanouissement ou son
devenir personnel soit pris en compte »1.
Dans ce registre, ce qui prime c’est que la pédagogie, la manière d’apprendre
est déterminée par la didactique, la technique.
Ici la démarche d’éducation se réfère « (…) à un monde ou tout est clair, ou les
connaissances sont objectives et ou la rationalité assure la
maitrise de l’avenir. La question du sujet, de sa liberté et de son autonomie
est alors évacuée ».
Du second, concernant la perfectibilité , l’homme y est décrit dans une
perspective évolutionniste dans l’idée qu’il est capable de potentialités.
parvenu à atteindre ses propres limites, il réussit à atteindre sa propre
perfection. De ce fait il est éducable.
Seulement, il convient d’ajouter que l’homme, loin d’atteindre cette perfection,
est sans cesse en quête de pouvoir la réaliser.
Cette idée de perfectibilité permet de penser l’éducation comme ayant « (…) un
rôle fondamental dans le développement du sujet ».
L’idée que développe J.B Paturet concerne à la fois, la sauvegarde et la
protection de l’enfant dans les premiers moments de sa vie , puis
l’apprentissage des normes sociales qui lui permettront d’être capable de vivre
dans la communauté et pour finir, l’éducation permettrait au sujet dans sa quête
de perfectibilité, une constitution fondamentale dans l’Idéal du moi.
Le dernier, se centre sur la relation avec le sujet, il semble qu’il soit
question de la place du sujet et de ce qu’il entretient avec les autres.
Le sujet ici est avant tout pensé en dehors de sa socialité, c’est à dire avant
tout comme personne, « (…) la socialité ne lui est donnée qu’après coup par
l’intermédiaire de son intégration à une société vue comme le lien
d’organisation des rapports entre les individus 1».
A ce sujet la psychanalyse a apporté un éclairage significatif à cette
articulation sujet, société.
Nous avons vu, dans le précédent chapitre, au sujet du désir, ce en quoi le
langage, sépare l’enfant de la fusion indifférenciée avec la mère pour le faire
passer dans une phase de séparation identitaire. La question de l’identité est
alors à référer à ce qu’a défini Freud.
Selon lui, dans l’entre deux de la constitution de son identité, l’enfant est
pris dans une relation d’amour avec sa mère, il la définit comme relation
oedipienne, où l’enfant s’identifie encore à la mère. Seulement dans un second
temps intervient un importun, le père pour
priver, l’enfant de cette identification : l’enfant se voit interdire la mère.
C’est la rencontre avec la loi du père.
Un autre temps va alors lui être nécessaire pour cette fois-ci s’identifier à
son père, par l’entrée dans l’ordre du langage, car comme le dit Jacques Lacan «
le rôle du père est celui de la parole qui signifie la loi1.
Ce passage introduit chez l’enfant cette notion de sujet, distinct des autres
certes , mais qui en qualité d’humain ne peut exister en dehors de la communauté
humaine.
A travers ces trois visées, ce que conclue J.B Paturet est que « le présupposé
de l’obligation et du devoir d’éduquer repose donc sur cette réalité de
l’inachèvement de l’être humain2.
Ainsi, face à ce constat au sujet de l’homme inachevé et par conséquent
manquant, l’éducation devient primordiale dans le sens où l’être humain est
éducable. Par conséquent, grâce à la médiation de l’humain, elle devient la
pierre angulaire par laquelle l’homme advient.
Ainsi, si Maxime, se construit, s’humanise dans son rapport à l’autre, il ne
peut exister alors que par son inscription dans une humanité particulière, avec
ses modèles, sa propre histoire, sa sensibilité, ses désirs, sa singularité mais
aussi ses normes.
La question qui se pose alors est de savoir sur quelles valeurs se fonde
l’action éducative, dans quelles perspectives doit on éduquer ? et surtout quel
sujet doit on faire advenir ?
De réponse, il n’en est pas, dans ce second temps, nous allons voir les
difficultés auxquelles se bute l’éducation, prise à la fois dans tout et son
contraire ; c’est à dire, soit ancrer le sujet dans le social, le construire en
fonction des attentes de celle ci, ou alors, lui permettre de larguer « les
amarres » dans l’idée d’une totale indépendance.
B. L’éducation face à ses paradoxes et contradictions et à la crise des valeurs
Si l’on admet que l’éducation est nécessaire et indispensable, on ne peut
toutefois conclure que n’importe quelle éducation est bonne.
Comme le dit J.B Paturet, : « Dans un premier temps, l’éducation est fonction
nécessaire « d’assistance » (accepter l’enfant, l’aimer, le nourrir ,le
soigner), cette fonction engage en même temps l’avenir de l’enfant, et d’une
certaine manière le détermine1 ».
En cela, nous sommes placés au cœur même de valeurs éducatives, d’une éthique
éducative.
Or, JB Paturet énonce au sujet de l’éthique et des valeurs la problématique
suivante : « le problème des valeurs à l’heure actuelle rencontre actuellement
un double obstacle :
-D’une part, toute action éducative se trouve placée devant toute une série de
paradoxes et d’oppositions ;
-Et d’autre part, l’éducation est confrontée, à la crise des modèles éducatifs
et philosophiques qui jusque là, lui servaient de références ».
Si, à l’heure actuelle, les modèles éducatifs sont reconsidérés, questionnés, et
font l’objet d’une élaboration de la part de la société, mettons de côté cette
problématique pour nous arrêter précisément sur la suivante, « toute action
éducative se trouve placée devant toute une série de paradoxes et d’oppositions
».
Je choisis d’aborder celle-ci, car elle est le reflet de la difficulté de ce
métier, fait de positions souvent contradictoires.
Il va alors être question de dire que tout acte éducatif met en présence deux
fonctions, dont la contradiction ne permet pas de trancher en faveur de l’un ou
l’autre, en d’autres mots, cette contradiction est insurpassable. Ce qui oblige
à la dépasser en mettant alors en jeu, des systèmes et des valeurs paradoxales
et contradictoires.
Or, que sont ceux- ci ? Sans prétendre être exhaustif, je vais tenter de cerner
des éléments incontournables que l’on rencontre dans l’éducation spécialisée
a) « Eduquer, enracinement et arrachement.
La première des contradictions est à relever dans le fait même d’ éduquer. En
effet ce mot signifie d’une part, intégrer comme agent dans un ensemble et,
d’autre part, promouvoir comme acteur capable de s’affranchir de cette même
tutelle sociale. Il semble ici que cette contradiction soit aussi indépassable
que fondamentale.
A travers elle se pose alors cette question : Comment peut on éduquer sans
influencer, sans modeler l’autre, sans le référer, à des normes à des valeurs
particulières et inversement, comment lui permettre de se séparer sans trop de
difficultés ?
Voilà bien une contradiction difficile à gérer entre l’être socialisé et
l’individu séparé. La encore, il n’y a pas de réponses à apporter, car pour
l’humain , le simple fait de se laisser définir par un modèle d’éducation
renvoit ici à une meilleure manière de faire, qui nie sa subjectivité et son
libre choix.
D’un autre coté, l’homme n’est rien et n’a rien en dehors de son inscription
dans le monde social. En effet grâce à l’autre, aux autres, l’homme s’humanise.
Ainsi, si l’autonomie (le déracinement) est la norme suprême, il en est de même
de l’inscription dans le groupe social (enracinement). L’éducation ne peut alors
se départir de ces deux invariants , à travers eux on retrouve tout un ensemble
de théories qui valident ou non l’une ou l’autre : c’est à dire : soit l’être
social cher à Emile Durkeim1 ou le primat de l’individuel (égo).
l’être social.
Emile Durkeim explique le rôle de l’éducation comme devant constituer l’être
social en le dotant « d’un système d’idées, de sentiments et d’habitudes ».1 Cet
être social est à distinguer de l’être individuel. Or, si pour Durkeim2,
l’éducation doit pourvoir à l’émergence de l’être social, certains sociologues
dont Pierre Bourdieu la voit plutôt
comme une imposition issue d’un arbitraire culturel, permettant à la société de
se reproduire.
Encore une fois, devant toutes ces contradictions, l’apprentissage et
l’intégration des habitus sont malgré tout des points de passage obligatoires,
indispensables, à l’intégration de l’être individuel dans le groupe social.
Sans cela, l’individu ne pourrait connaître la vie en société et serait de ce
fait exclu de la communauté humaine.
A contrario certains autres courants prônent le primat de l’individuel comme
valeur absolue.
Le primat de l’individuel
Cette position consiste à la reconnaissance de l’individu, de la personne à
respecter en tant que telle. Ici, l’éducation serait considérée comme source
d’enfermement, et toute action devrait s’efforcer de « laisser croître en
liberté ce qu’il y a de meilleur chez l’enfant » comme l’écrit Alexander Neil
dans « libres enfants de Summerhill »1.
Ainsi, d’une position à l’autre, nous en arrivons à conclure que dans la
démarche d‘éduquer, il y à quelque chose de réciproque et inextricable qu’il
faut penser en tant que tel sans vouloir espérer la résoudre.
Les courants pédagogiques articulent plus ou moins ces deux conceptions du
social et de l’individuel sans toutefois pouvoir éliminer l’un ou l’autre des
termes.
A travers la situation avec Maxime, quel regard porter au regard de ces deux
conceptions ?
Il semble ici que l’être social soit l’élément visé dans l’acte posé avec lui.
Maxime doit s’adapter aux autres, se conformer à demander d’une manière
socialement acceptable plutôt que de n’en faire qu’à sa guise. Cependant, dans
le récit, l’être individuel n’est pas nié car malgré tout, quelque chose de sa
demande est entendu.
De l’être social à l’être individuel face à la question de l’éducation, nous en
arrivons maintenant à ce qui mandate, légitime l’intervention des éducateurs
auprès des personnes en institution . La aussi, il y a toute une somme de
contradictions, car la personne accueillie l’est au regard des difficultés
qu’elle a . Elle rentre ainsi dans une catégorie de prise en charge au regard de
son handicap, ou de ses difficultés sociales.
b)La personne et la catégorie.
C’est donc à travers ce qui le marque, le différencie, que l’enfant,
l’adolescent et l’adulte entrent dans une structure qui correspond à la
catégorie indiquée. Maxime relève donc d’une prise en charge en I.M.E , l’action
éducative ne s’adresse donc pas d’emblée à sa personne, plutôt à un profil et à
une catégorie.
Si l’action éducative est spécifique à un public, porteur de différences, ici en
l’occurrence la déficience mentale ; comment le projet individuel de l’enfant
peut-il alors permettre son autonomie ?
Il n’y a pas de réponse précise à apporter à cette question, car s’il est clair
que la personne est portée par la catégorie, sans celle ci le travail éducatif
n’aurait pas lieu d’être.
On voit bien encore toute la contradiction dans laquelle l’éducation
spécialisée, oscille. Ceci conduit alors à s’efforcer à prendre en compte, à la
fois, la personne et la catégorie sans renoncer à l’un ou l’autre.
Cela consiste comme le dit Jean Maisonneuve à « mener un travail de maturation
progressive, à travers un long processus de ruptures et d’irruptions de conflits
et de projet, mais sans peser lui même sur les décisions ni contribuer
inversement à entretenir l’incertitude ». L’action éducative vise à « un rôle de
médiation vers un normal équilibre »1.
Si la catégorie produit des normes, celle-ci ne s’établit qu’ en fonction de
valeurs de la société. Dans ma position avec Maxime, je rencontre de fait, cette
dimension incontournable. Je me dois alors de l’articuler avec l’histoire propre
et singulière de l’enfant.
On voit bien alors, toute la complexité de l’acte éducatif, complexité au regard
des nombreuses contradictions qui envahissent le projet d’éduquer. Malgré ces
nombreuses contradictions, nous en arrivons alors à entrevoir ce que peut malgré
tout faire l’éducateur dans son travail éducatif ou d’accompagnement.
c) L’ éducateur face à l’éduqué, quel projet ?
Dans le chapitre précédent au sujet du désir, nous avons vu que tout acte
éducatif passe obligatoirement par une rupture, souvent douloureuse et violente,
indispensable cependant, parce que l’homme ne peut échapper à sa condition
d’être social. Tout l’art de l’éducateur consiste donc comme le dit J-B Paturet
« à poser son acte dans une dynamique permanente, dans un mouvement circulaire
qui empêche l’enfermement dans l’identique de la continuité et évite la fuite
dans l’endoctrinement ou dans l’ailleurs d’un autre monde ».1
Ainsi d’un sous-titre qui parlait de l’éducation comme « Arrachement et
enracinement » il semble que l’éducateur doit conduire les deux, à la fois,
rendre l’autre autonome, l’arracher à toute humanité particulière, de tout
déterminisme; mais aussi enraciner le sujet dans la communauté, on voit bien
alors que son rôle n’est pas simple.
Le projet d’éduquer, le place face à quelque chose de complexe où il se doit
d’une part d’être prudent et d’autre part à chercher non pas des réponses mais
des solutions équilibrées.
L’équilibre étant de penser en même temps , les deux termes d’une opposition :
l’autonomie des sujets, et leur nécessaire socialisation.
Nous venons d’esquisser que l’éthique de l’action éducative rencontre de
nombreux obstacles et contradictions. A ce point de notre réflexion, il nous
faut tenter de développer un axe de réflexion qui puisse être opératoire pour
l’éducateur et l’enfant.
Pour tenter d’y voir un peu plus claire, et donner des éléments de réponse à
cette question, nous nous proposons de définir le concept
d’éthique et d’éducation puis d’articuler ceux-ci avec le concept de
responsabilité éducative.
C.L’éthique comme garante de l’éducation.
Le point de vue que nous allons développer dans ce paragraphe est le suivant : A
partir de l’étymologie du mot éthique, nous constaterons alors le rapport étroit
que celle ci entretient avec la responsabilité et l’engagement qui la qualifie.
Le terme éducation, vu lui aussi au regard de l’étymologie latine, sera
l’occasion de nous rendre compte que deux suffixes suffisent à lui donner deux
sens différents. A l’heure actuelle, ces deux sens, accompagnent toujours la
démarche d’éducation.
Ainsi, l’éthique articulée à l’éducation nous conduira à un troisième et dernier
temps ou brièvement, nous évoquerons ce que permet la responsabilité, dans
l’idée d’un engagement et d’une morale à l’éducation.
Ce dernier temps nous donnera alors l’occasion de conclure ce chapitre.
a) L’éthique d’un point de vue étymologique
Le mot éthos en grec apparaît sous deux orthographes différentes, ce qui marque
ainsi une première singularité. Le premier éthos employé au pluriel signifie :
séjour, lieu habituel, demeure.
A travers cette définition, il y a quelque chose d’un rapport étroit avec la
responsabilité. J- B Paturet, cite à ce propos, Heidegger qui commentant une
formule d’Héraclite donne au terme d’éthos « ce qui chez l’homme le rend
responsable ».
« (…) l’éthos signifie donc l’engagement de l’homme dans le choix de son destin
».1
Ainsi, il y a un préalable à tout engagement, l’acte éducatif n’épargne pas
l’éducateur au regard de sa responsabilité. Cela présuppose donc qu’il est
informé de ce qui l’engage au moment ou il pose son acte. Il occupe de fait un
métier de pouvoir, ce qui le
responsabilise d’autant plus dans le sens où il est considéré comme capable de
répondre des conséquences de ses choix et de les assumer.
Le second Ethos signifie « habitude », dans un premier sens « d’habitudes
sociales », c’est à dire la manière de vivre au contact des autres. Celui ci se
rapproche des valeurs, des finalités , quelque chose qui serait d’un ordre moral
que J-B Paturet énonce dans les termes suivants « (..) c’est à dire conformité
aux pratiques sociales, aux codifications (loi, droit, grammaire) et aux «
Habitus » (manières de vivre non codifiés par des lois) comme l’indique le latin
pluriel « mores » origine étymologique du terme moral. »1
En ce second sens d’éthos, l’être moral est donc celui qui est conforme aux
norme sociales par conviction et habitudes.
Si dans le premier sens, il est aussi question de morale, celle ci concerne
l’engagement individuel : « est moral celui qui affirme son caractère propre qui
s’engage et de ce fait même est responsable de son action »
De ce fait, la responsabilité rejoint pour partie ce qu’en disait Monette
Vacquin au début du chapitre. Elle est énoncée ici comme réponse et engagement
choisis librement par la personne.
Car, en cela, la responsabilité et l’engagement éthique « (…) différent
radicalement de l’obéissance aux règles, ils situent l’homme dans une
perspective autre que celle des prescriptions, des exhortations et des pratiques
morales, au point de ne pas craindre de les transgresser ».2
b) Les deux sens du mot éducation.
Nous en arrivons donc à envisager la responsabilité comme morale
professionnelle, éthique de l’ éducation. Or, celle ci ne peut s’élaborer encore
une fois qu’ à partir d’éléments contradictoires.
Dans ce récit avec Maxime, j’ engage ma réponse, or si celle ci vise à la «
fabrication » d’habitudes, d’intériorisation de règles, il me semble qu’elle
laisse aussi la place à la demande, au désir de celui-ci.
Avant de poursuivre et conclure cette réflexion sur la responsabilité en tant
qu’éthique à l’éducation, nous souhaitons définir le terme éducation.
On peut trouver deux étymologies différentes à « éducation » : D’une part,
educare qui signifie nourrir, entretenir, élever .
Rousseau écrit à ce propos que « Notre premier précepteur est notre nourrice.
Ainsi ce mot avait-il chez les anciens, un autre sens que nous ne lui donnons
plus : il signifiait nourriture »1. L’éducation a ici fonction d’assistance et
d’aide.
D’autre part, le second sens tire son origine du verbe latin, educere, qui
signifie faire sortir (ex, hors de) et (ducere, conduire). Il évoque l’idée d’un
passage d’un état à un autre. Le terme contient l’idée d’un mieux possible par
des processus et des procédés qui permettent à tout enfant humain d’accéder
progressivement à la culture.
Comme le dit J-B Paturet, « L’éducation désigne, à la fois, l’ensemble des
influences volontaires que parents, maîtres, et éducateurs exercent sur
l’enfant, et des influences involontaires que l’enfant subit du dehors à l’insu
des maîtres »2.
Dans l’exercice de son métier, l’éducateur spécialisé se trouve confronté à ce
double sens du mot éducation, pour le premier (educare), son rôle est de
contribuer au développement psycho- affectif de l’enfant, en organisant les
conditions nécessaires à celui-ci ; pour le second (educere), il lui faut autant
que possible séparer, établir une rupture pour que l’enfant, l’éduqué puisse
devenir homme.
l’éducateur est responsable et garant de cette articulation entre l’un et
l’autre car il s’engage de fait dans la relation à l’autre, prenant une part
active à sa « construction ».
C’est donc ce concept de « responsabilité » qu’il nous faut maintenant parler
comme élément absolument nécessaire de l’éthique et l’éducation.
c) La responsabilité, comme éthique du travail éducatif.
Nous avons essayé au cours de ce chapitre de réfléchir à la question de la
responsabilité. Celle-ci serait donc le nécessaire rapport d’une morale à tout
travail avec l’autre.
S’il apparaît que l’être humain doit et peut être éduqué, la question des
finalités se pose nécessairement. L’action éducative rencontre, nous l’avons vu,
des contradictions indépassables liées à l’éducation et à la mutation voire le
rejet des modèles. S’il en est une , la réponse à donner à ces interrogations
serait à voir du côté de la responsabilité. Celle-ci abordé non pas d’un point
de vue juridique mais d’un point de vue éthique.
La responsabilité serait donc à la fois l’engagement et la garantie d’un travail
que l’on mène avec la personne bénéficiaire. D’autre part, l’éducateur
spécialisé porte une autre responsabilité, celle de rompre à un moment donné la
relation pour que l’éduqué puisse s’engager lui aussi dans sa propre existence.
L’éthique, la responsabilité de l’éducateur vient dire en quoi dans la relation
à l’autre, même dans l’acte éducatif il n’y a comme le dit Giorgio Agamben « (…)
aucun destin biologique que l’homme devrait conquérir ou réaliser ».1
Ainsi et pour conclure ce chapitre, la responsabilité de l’éducateur nous semble
donc être éthique, dans le sens où elle vient réguler toute la portée de son
action éducative avec le sujet.
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Epilogue.
Par ce mémoire, en partant d’un petit bout du quotidien en institution j’ai pu
développer, la réflexion théorique qui en découle.
A travers la citation du préambule, j’ai d’abord souhaité orienter cet écrit,
sur ce que peut permettre le prétexte du quotidien en institution spécialisée.
Derrière cela, il y avait aussi l’idée d’un rapport avec ce qui mobilise la
situation, c’est à dire « le vol du pain ».
De ce quotidien en institution, à l’aliment, le symbole que représente le pain,
il me semblait qu’il pouvait y avoir de l’intérêt à lui donner le titre suivant
: « Le pain quotidien de l’éducateur spécialisé ».
Par la suite, bien après l’analyse, à la fin de la théorisation, j’ai choisi
alors l’intitulé suivant: « du désir et de la responsabilité comme éthique au
travail éducatif ».
Ce titre essaye de rendre compte d’une recherche, d’une réflexion, qui m’a amené
à découvrir ces deux aspects présents dans le travail éducatif.
Loin d’être antagonistes, articulés l’un à l’autre, le désir et la
responsabilité, permettent alors de réfléchir sur ce que l’acte éducatif peut
rendre possible.
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Bibliographie
1. De Solemne Marie, « Entre désir et renoncement », Collection à vive voix
Edition Dervy.
2. Freud Sigmund, « Analyse sans fin, analyse avec fin » in Résultats, Idées,
Problèmes.
3. Gomez Jean-François, « Un éducateur dans les murs », Collection Agir, Edition
Privat.
4. Hegel, 1993, « la phénoménologie de l’esprit », Paris, Editions Gallimard.
5. Kant Emmanuel, « Réflexions sur l’éducation ». Editions Vrin.
6. Kristeva Julia, entretien avec Marie de Solemne « Entre désir et renoncement
», collection à vive voix, Editions Dervy.
7. Lacan jacques, « le stade du miroir comme formateur de la fonction du je »,
dans les écrits, Paris, Editions du Seuil.
8. Leroy Gourhan A, « Le geste et la parole », Editions Albin Michel
9. Paturet Jean-Bernard « De la responsabilité en éducation », Editions Eres.
10. Rouzel Joseph, « L’acte éducatif », Clinique de l’éducation spécialisé,
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11. Vasse Denis, « Le temps du désir », Paris, Editions du Seuil.
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13. « Délinquance » U.V, cours, 1998 I.R.T.S de Lorraine.
14. « Développement psycho affectif de l’enfant », cours, 1997 I .R.T.S de
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15. Diet Emmanuel « De culpabilité en responsabilité », plaquette séminaire
‘responsabilité, culpabilité’, I.R.T.S de lorraine 1998.
16. Higelin Jacques, «Tombé du ciel », Album, EDITIONS Epic 1988.
17. Loubet Jacques, Rouzel Joseph, in Empan n° 24, décembre 1996.
18. « Psychanalyse », cours, 1997 I.R.T.S de Lorraine.
19. Rauch A, « Corps et Agressivité », C.R.E.P.S de Strasbourg.
20. Vacquin Monette « La responsabilité » Editions Autrement
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1 Un éducateur dans les murs, collection agir, éditions Privat.
1 A ; Rauch : corps et Agressivité
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1 Jacques Lacan, « Le stade du miroir comme formateur dans la fonction du je».
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1 E. Kant, Réflexions sur l’éducation, Vrin.
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3 J. Rouzel, « L’acte éducatif » Editions ERES.
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1 U.V Développement psycho affectif de l’enfant, 1997, I.R.T.S Nancy
2 J. Rouzel « L’acte éducatif » Editions ERES.
1 Hegel, 1993. La phénoménologie de l’esprit. Paris Gallimard.
1 Entre désir et renoncement, Editions Dervy.
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3 Jacques Higelin « tombé du ciel » 1988.
1 U.V Délinquance,1998, I.F.R.A.S Nancy.
1 Hegel, 1993, La phénoménologie de l’esprit. Paris, Gallimard.
2 Denis Vasse, le temps du désir, éditions du seuil, p59.
1 Prologue du livre « entre désir et renoncement » collection à vive voix
éditions Dervy
2 Ibid.
1 U.V Développement psycho affectif, I.R.T.S, 1997.
1 « Entre désir et renoncement » , collection à vives voix, Editions Dervy,
1999.
1 « Entre désir et renoncement », collection à vives voix, Editions Dervy
1 Le temps du désir, éditions du seuil, paris, p151.
2 U.V Développement psycho affectif, 1997, I.R.T.S
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1 « Le temps du désir » p 152, Editions du seuil.
1 Le temps du désir, éditions du Seuil, p152
2 « Le geste et la parole » , tome2, p 20-21 Editions Albin Michel.
1 Freud définit le désir comme l’implicite de la demande.
2 Séminaire I.R.T.S, « De responsabilité en culpabilité »,1998.
1 « De culpabilité en responsabilité », plaquette séminaire « Responsabilité,
culpabilité » I.R.T.S de Lorraine, décembre 1998
1 « Pourquoi cet emportement » p 25 de l’analyse
2 « De culpabilité en responsabilité », plaquette séminaire « Responsabilité,
culpabilité » I.R.T.S de Lorraine, décembre 1998.
3 « De culpabilité en responsabilité ». E. Diet.
1 Monette Vacquin, Editions Autrement, Série Morale, « La responsabilité »
2 Plaquette du séminaire « Responsabilité, culpabilité ». I.R.T.S, 1998.
1 De la responsabilité en éducation, Editions Eres, 1999.
2 Ibid.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 U.V Développement psycho affectif de l’enfant , I .R.T.S Nancy.
1 De la responsabilité en éducation , édition ERES, p29, 1999
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1 Ibid.
1 U.V Psychanalyse I.R.T.S,1997.
2 De la responsabilité en éducation, Editions Eres, 1999.
1 De la responsabilité en éducation, Editions Eres, 1999
1 Cours Introduction à la sociologie, I.R.T.S 1999.
2 Durkeim émile, fondateur de la sociologie française.
1 U.V Courants Pédagogiques, I.R.T.S Nancy, 1997.
1 Jean Maisonneuve, le projet personnel et l’innovation sociale, éditions
C.N.R.S.
1 De la responsabilité en éducation, éditions Eres, 1999.
1 « De la responsabilité en éducation ». Editions Eres, 1999.
1 Ibid.
2 Ibid
1 U.V Courants pédagogiques, I.R.T.S,1997, au sujet de l’ Emile de Rousseau.
2 « De la responsabilité en éducation » Edition ERES.
1 La communauté qui vient.