Voila un petit site sur les contes du pere noel pour genevieve.....
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Il était 4 heures du matin, et tout bien considéré, l'un dans l'autre, si on réfléchissait bien, globalement, sans regarder de trop près, d'une chose à l'autre... bref au final, tout allait bien pour le T3 et son équipage.
- T'as vu, c'est cool, Papy a le sourire depuis un moment, souffla Jeune
Renne à son vieil équipier.
Je l'ai même entendu siffloter. Tu crois que si je lui proposais de mettre un
petit coup mes rollers, il accepterait ?
- Seigneur ! soupira simplement Vieux Renne à l'idée des embardées et
autres anicroches qui lui pendaient au nez. Sans compter les coups qu'il allait
encore prendre dans les sabots, comme les fois précédentes.
“Ah ! Si seulement Vieux Renne avait voulu apprendre" pensait de son côté
Junior. "T3 ne menacerait pas d'être déséquilibré toutes les fois...
correction : les rares fois où je suis autorisé à chausser les rollers.
Tant pis, je me lance !”
- Elle est super la route ! Toute en virages, mais bien dégagée...
Cool...
Père Noël n'accrochait pas.
- Et puis d'ailleurs, j'ai remarqué que les virages sont super relevés... vous
avez vu ? Et le revêtement est plus que correct, pour une fois.
- Oui-oui, finit par répondre évasivement Père Noël.
- En plus, la Lune flashe drôlement bien... cool la visibilité !
- Oui-oui. Ca me fait penser que je voulais justement couper par les airs pour
gagner du temps. Si je pouvais terminer ma nuit en avance sur l'horaire, c'est
Maman Noël qui serait contente.
- Ben oui, appelle-là. Pour moi ça fait rien. Ca sera juste un peu moins fun
de le faire dans les airs, mais au moins ça sera plus facile pour l'Ancien.
Le vieil équipier toussa. Père Noël cacha un sourire dans sa barbe.
- Qu'est-ce qui sera moins fun pour toi ? demanda-t-il, pas dupe.
- Ben tu sais, pour s'éclater extrême avec des rollers, il faut un minimum
d'obstacles.
Vieux Renne toussa de nouveau, mais Père Noël était décidément de bonne
humeur.
- Allez Junior, montre-nous ce que tu sais faire. Tu as quelques minutes à ta
disposition et un traîneau aux 3/4 vide. Je le bâche et j'attache ma ceinture.
- Et moi, qu'est-ce que j'ai à ma disposition ?
- Une démo gratos de rollers, l'Ancien ! cria Jeune Renne surexcité.
- Ca finira mal un jour... Ca finira mal je vous dis !
La première minute fut exquise... Si-si, Père Noël lui-même l'a reconnu.
Le seconde minute, Junior s'autorisa des figures de style qui amenèrent des
gouttes de sueur au front de Vieux Renne.
- On s'en refait quelques unes ! décida le Père Noël, hilare.
A ces mots, Junior ne se sentit plus de joie. Il ouvrit une large enjambée...
et laissa tomber l'effroi ! Rollers emmêlés, il piqua cul par-dessus tête,
entraînant Vieux Renne renversé sur le flan, les sabots en l'air.
Le traîneau fit un looping complet qui le retourna, et Père Noël se retrouva
accroché à sa ceinture, la tête en bas. A l'arrière, les jouets avaient valsé
sous la bâche.
Le T3 et son équipage glissèrent ainsi sur quelques dizaines de mètres
avant de s'immobiliser. Le silence succéda, impressionnant dans la nuit noire.
- Aide donc Vieux Renne à se redresser, imbécile ! cria enfin le Père Noël.
Ensuite nous manœuvrerons pour redresser T3.
Ce qui fut fait en très peu de temps. Quand on est un Père Noël, même piégé - même ridiculement - on s'en sort toujours.
- Ben quoi ! Ca peut arriver à tout le monde de rater son coup, dit
piteusement Jeune Renne. Mais comme il faut jamais rester sur une mauvaise
impression, je vais recommencer.
- C'est pas vrai, il faut en plus qu'il la ramène ! grogna Vieux Renne qui
ne pardonnait pas l'offense, ni les douleurs aux côtes.
Un coup d'œil de Junior vers le Père Noël lui apprit qu'il ne souriait
plus, mais alors plus du tout. Le jeune renne sortit de sa poche des petits
bouts de cartons multicolores.
- On va le faire au grattage, alors. Ca me laisse une chance de me racheter sur
le coup que j'ai raté. Si je perds, on en parlera plus jamais pour cette année.
Si je gagne, pour me faire pardonner ma bavure, je promet de ne plus faire
d'acrobaties mais seulement de la glisse. C'est honnête ?
Le temps que Père Noël et Vieux Renne se regardent, héberlués, Junior
grattait déjà une petite image sur un des cartons qu'il venait de sortir. Sous
la couleur jaune, apparut peu à peu la photo d'une paire de rollers, accompagnée
du mot "gagné".
- Ah c'est pas vrai ! redit Vieux Renne. Tu vas pas le laisser faire ça Père
Noël !
- Donne-moi un de tes petits cartons, dit celui-ci intrigué. C'est à mon tour
de gratter.
Cette fois, c'est une paire de baskets qui apparut.
- Gagné moi aussi ! s'écria Père Noël tout d'un coup enjoué. T'en as
d'autres ?
Vieux Renne noua son écharpe, mit son plaid sur le dos et s'assit avec l'air
le plus résigné du monde.
Les minutes s'écoulèrent. Père Noël riait de plus en plus fort, Junior
piaillait de plus en plus haut.
- 17 à 15 en ma faveur ! lança Père Noël. A toi !
- J'ai plus rien à gratter.
- Ah quel dommage ! Où peut-on s'en procurer d'autres ?
Vieux Renne se leva fort mécontent.
- Considérons si vous le voulez bien, que ce stupide jeu est terminée faute de
moyens, et disons que Père Noël a gagné à 17 contre 15. On ne parle donc
plus de rollers ni de grattage et on poursuit normalement notre chemin... Avec
ta permission bien sûr, Père Noël, rajouta-t-il subitement conscient d'avoir
outrepassé ses droits.
Père Noël réajusta son manteau, arrangea sa barbe de façon à y cacher
son sourire… pour épargner la susceptibilité de Vieux Renne, et lança de
l'air le plus naturel du monde :
- Allez les rennes ! Des enfants nous attendent !
Mais il pensa que Vieux Renne n'était décidément pas drôle.
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Tout allait bien. Pas d'embrouille dans les livraisons, pas de retard sur l'horaire - du moins pas encore en ce début de nuit de Noël - parking possible sans péter les plombs... Père Noël avait le sourire sous son nez rougi par le froid et le vent.
Oh bien sûr, il y avait les habituelles chamailleries de l'équipage ! “Ces deux rennes, alors !” Mais c'était sans importance tant que le travail était fait et que les enfants, endormis dans cette nuit magique, respiraient l'espoir au creux de leurs rêves éblouissants.
Père Noël souriait dans sa barbe blanche, près du lit d'une petite fille
dont les 5 ans étaient embarqués dans un sommeil de plomb. Elle avait commandé,
et c'était bien souligné dans sa lettre, le gentil dragon du film d'heroïc-fantasy
sorti pour les fêtes.
Un dragon dont les compétences vraiment peu agressives avaient valu un
“bof” dédaigneux de la part de Jeune Renne.
“Rajoute-lui au moins des griffes extensibles !” avait-il dit à Père
Noël.
"Il va finir par me faire douter de moi, ce petit et ses goûts manga", pensait le bon vieillard en fouillant dans sa hotte pour trouver le dragon. "Il ne peut pourtant pas me reprocher de ne pas évoluer, avec tout ce que je transporte dans mon traîneau ! Ca vole, ça s'éjecte, ça explose, ça tire, ça saute, ça destroye, ça ressuscite... Mais où je l'ai fichu ce dragon à la fin ?... Je l'ai oublié... C'est bon, je retourne au traîneau.”
Père Noël trouva bien sûr les deux rennes en pleine zizanie, mais il préféra
prendre l'air de celui qui n'a rien vu, et plongea la tête dans les sacs de
jouets.
C'est à ce moment-là que deux secousses ébranlèrent le traîneau.
- Par ma hotte ! Qu'est-ce que c'est ?
- C'est pas moi, j'ai rien fait ! s'empressa de répondre Jeune Renne.
Les deux mêmes secousses recommencèrent. Père Noël se retourna : un
motard de la police vérifiait le T3 en appuyant dessus à deux mains.
- Les suspensions sont un peu usées... M'a l'air bien vieux ce véhicule, non ?
- Ah ça ! Pour être vieux... répondit Père Noël conciliant. Quoique
tout est relatif....
- De quelle année ?
- Vous dites ?
- De quelle année ?
- Oh mon jeune ami, vous n'étiez pas encore né !
- Je vois...
Le motard tourna autour de T3 comme l'inquisiteur autour du présumé
coupable.
- Ca fait bien du poids toute cette marchandise... Ca serait pas en excès de
charge par hasard ?
- En excès ! Mais qu'est-ce que vous me chantez là ! Vous pensez
bien que j'ai l'habitude depuis le temps que je fais mes livraisons. D'ailleurs
entre parenthèse, malgré son ancienneté, ce modèle ne date quand même pas
de l'Homme de Cro-Magnon... Alors croyez-moi, tout va bien.
Le flic écoutait en hochant la tête.
- … Et les patins sont en fibre de verre, poursuivit le Père Noël. Souples
et résistants et qui répondent bien aux freins.
- Mmh-mmh... fit le motard. Et combien de km au compteur ?
- Quand vous saurez jeune homme que chaque année je fais une fois le tour de la
Terre avec, vous aurez une idée de ses performances !
- Veuillez me montrer le certificat de contrôle technique s'il vous plait.
- Je vous demande pardon ? s'exclama Père Noël ahuri.
- Le contrôle technique... Il a bien été fait, non ?
Trente secondes plus tard, le T3 et son équipage fendaient l'air de la nuit
la plus féerique de l'année. Il venait de s'envoler au nez et à la barbe du
motard qui ne saura jamais comment et pourquoi un vieux bonhomme un peu délirant,
tout habillé en rouge, dans un drôle d'engin garé derrière deux drôles
d'animaux, s'était évanoui dans les airs.
Force lui fut de conclure à un effet du gel sur une trop grande fatigue de sa
nuit de travail. Et il n'en parla à personne.
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Le traîneau du Père Noël filait à toute allure dans la plaine enneigée. Il venait de quitter la grande ville et se dirigeait vers la montagne où l'attendaient d'autres enfants. En haut, la lune illuminait le ciel noir, tout comme en bas elle faisait briller la neige.
Les rennes galopaient tandis que le Père Noël regardait
sa liste bien calé dans son siège à l'avant du traîneau ; tout allait bien,
il était content. Soudain...
Un arrêt brutal le projeta en avant.
- Holà les rennes ! En voilà des façons ! A-t-on jamais vu ça ! dit-il en
raccrochant ses lunettes.
- C'est à cause d'un obstacle qu'on n'avait pas vu tellement il est aussi blanc
que la neige, répondit un renne.
- Hé bien faites-en le tour ! dit Père Noël en reprenant sa liste.
- C'est que... il s'agit d'une bête !
- Hé bien qu'elle se pousse ! Et ne me dérangez plus dans mon travail, sinon
je vais me tromper pour distribuer les jouets !
Et il continua de lire sa liste. Mais rien ne bougea, ni les
rennes, ni le traîneau.
Pour le coup, Père Noël se leva pour examiner la situation.
Et il eut la plus belle surprise de sa vie : devant le traîneau se tenait un
animal aussi haut qu'un cheval mais qui ressemblait à un chien. Un chien entièrement
blanc de la tête à la queue, excepté les deux triangles verts de ses yeux qui
étincelaient sous le reflet de la lune.
A le voir comme ça, campé sur ses quatre pattes, immobile
en travers du traîneau qu'il dominait de sa haute taille, il était
impressionnant !
- On ne s'affole pas ! dit le Père Noël aux rennes. Et surtout on ne bouge
plus ! Ce chien veut quelque chose, et tant que nous n'aurons pas compris quoi,
nous ne pourrons pas passer.
Effrayés, les rennes s'étaient immobilisés dans le
grand silence de la montagne. De la vapeur blanche s'échappait de leurs naseaux
tièdes. Alors, sûr de sa force, le chien s'assit tranquillement en fixant le Père
Noël de son regard vert. Puis il leva la patte avant comme un chien qui
demande.
- Ben oui, lui dit le Père Noël de sa grosse voix qui résonna dans l'air glacé,
c'est sûr que tu veux quelque chose, mais quoi ? Tu pourrais pas faire un
effort pour t'expliquer mieux que ça ?
Pour toute réponse, les triangles des yeux verts se changèrent
immédiatement en triangles de phosphore ; le poil blanc se hérissa sur le cou.
- Bon d'accord, dit Père Noël, d'accord ! Puisque je suis le magicien de la
nuit de Noël, je devrais pouvoir te comprendre... Mais je te préviens que du même
coup, je saurai aussi me sortir de n'importe quel piège que tu aurais la
perfidie de me tendre !
Et il s'avança courageusement vers lui. Nul ne saura jamais
si son cœur battait fort, mais les rennes qui le connaissaient bien comprirent
qu'il n'était pas à l'aise rien qu'en voyant sa façon de de marcher.
Il prit dans sa main l'énorme patte que le chien avait gardé
en l'air ; elle était plus grosse que celle d'un ours ! Puis il se recula pour
montrer que maintenant, c'était au chien de faire un nouveau signe.
Le chien le fit ce signe. Se relevant, il tourna le dos au Père
Noël pour s'éloigner de quelques pas, mais en gardant la tête tournée vers
lui.
- En route ! cria le Père Noël aux rennes. Ce chien nous demande de le suivre
!
Les rennes n'étaient pas habitués à discuter les ordres du
Père Noël, mais là, l'affaire était spéciale. Le premier de l'équipage
prit la parole :
- Crois-tu vraiment qu'il faille retarder notre distribution pour suivre... on
ne sait où... cet animal bizarre ?
- Allons donc ! répondit Père Noël. Un peu d'aventure ne fera pas de mal.
Yop-yop ! dit-il en secouant les brides de l'attelage.
Devant, le chien était déjà parti, tête haute comme un
prince, fier de sa victoire.
Ils parcoururent des vallées encaissées, sans maisons,
sans habitants. Ils franchirent des montagnes de plus en plus hautes, balayées
par des vents glacials, des vent furieux hurlant dans les sapins comme des
loups. Ils croisèrent des loups justement, effrayés par le chien géant. Les
ours eux même ne s'approchèrent pas.
Enfin ils arrivèrent en haut d'une montagne qui touchait des
nuages, noirs comme les ténèbres. Là, se dressait un château de glace aux arêtes
effilées comme des lames.
Le chien s'arrêta à l'entrée.
LE
MYSTÉRIEUX CHIEN GÉANT DE NOËL - Page 2 |
Inquiets, les rennes se dirent que Père Noël ou pas Père Noël, ils n'entreront pas dans ce lieu étrange. D'ailleurs, le vieux bonhomme au manteau rouge avait sûrement perdu la tête pour suivre ainsi une créature qui n'était pas humaine alors que cette nuit était réservée aux enfants !
Le chien géant regarda le Père Noël pour l'inviter à
rentrer dans la cour du château.
- Oui, mais comment je vais dire ça aux rennes, moi ! Tu as vu, ils ne veulent
plus avancer. Si seulement on savait un peu à quoi s'attendre... par exemple,
qu'il y a des enfants qui nous attendent là-dedans mais ils ont oublié de
m'envoyer leur commande, ou bien... ou bien... Ah ! Et puis tu m'énerves à la
fin ! Yop-yop les rennes, on rentre dans la cour et on verra bien !
Mais les rennes avaient les pattes scotchées au sol gelé.
- J'ai dit on rentre dans la cour ! C'est un ordre !
Le lourd traîneau chargé de jouets s'ébranla lentement...
Un ordre est un ordre ! Les sabots des rennes claquaient sur le pavé de la cour
; autour, les murs de glace brillaient sous la lune. Personne ne se montrait, ni
gens ni bête. Au comble de la peur, les rennes s'immobilisèrent de nouveau.
Alors l'immense chien marcha vers eux, menaçant, les poils
redressés sur le dos, les babines retroussées sur des crocs comme des pieux.
Les yeux lançaient des éclairs, un grondement profond roulait dans sa gorge.
Ca aussi, c'était un ordre... Les rennes se remirent en
route.
Le chien les conduisit dans un dédale de couloirs si étroits
que la lune ne pouvait les éclairer. C'est à peine s'ils pouvaient passer,
c'est de justesse qu'ils évitaient de se couper aux angles des murs de glace.
Et plus ils avançaient, plus les ténèbres de la nuit s'épaississaient. Quand
ce ne fut plus qu'un trou noir devant, comme si un gouffre s'annonçait, le Père
Noël arrêta les rennes et descendit du traîneau.
- Là, le chien on n'avance plus ! Maintenant on va s'expliquer tous les deux !
"Ca y est, il a retrouvé la raison !" chuchota un renne.
Le chien gémit ; ce fut une longue plainte qui perça le
silence. Un relent fauve poussé par le vent arriva jusqu'au nez du Père Noël
qui renifla ; il sentit qu'ici l'air était plus tiède, comme dans une tanière.
Intrigué, il avança pas à pas dans l'obscurité. De
faibles halètements lui parvenaient aux oreilles, mais il faisait vraiment trop
sombre pour qu'il puisse voir quelque chose.
Le chien le poussa doucement de la tête, le poussa encore de
quelques pas et se mit subitement en travers pour lui barrer la route. Là,
devait donc se trouver un danger, il ne fallait plus faire un seul pas. Alors le
Père Noël écouta. Et il entendit que les halètements venaient d'en bas, d'un
trou.
- J'ai compris, dit-il simplement au grand chien blanc. On va t'aider.
Revenu rapidement au traîneau, il détela un renne, prit une
courroie et retourna au trou noir. Il s'arrima au renne et descendit dans la
fosse. Au fond, il tâtonna et trouva 3 chiots couchés sur le corps sans vie de
leur mère. Il ne les remonta qu'un à un tant leur taille et leur poids étaient
déjà importants malgré leur âge... des chiots géants comme le père. La mère
fut laissée en bas, pour elle il n'y avait malheureusement plus rien à faire.
Les trois petits se réconfortèrent dans le traîneau
avec du lait et des biscuits que les enfants avaient l'habitude de laisser dans
les maisons pour que le Père Noël reprenne des forces durant la distribution.
Cette fois, ce ne fut pas pour lui mais pour trois petits chiens.
Assis à côté, le chien tout blanc regardait le vieux
bonhomme tout en rouge avec un amour immense dans les yeux, des yeux d'émeraude
liquide. Le vieux bonhomme le caressa :
- Je ne sais pas pourquoi tu es un géant, ni pourquoi tu es dans ce bizarre château
isolé sur une bizarre montagne, mais je sais que tu viens de me donner un
nouveau bonheur, celui de rendre des chiens heureux, moi qui avais déjà celui
de rendre les enfants du monde heureux. Ta confiance en moi a été récompensée.
Il sentit la langue chaude du chien sur sa main, puis sa tête qui
le poussait à partir.
- Mais non, ne t'inquiète pas, j'ai encore le temps de finir ma distribution
sans oublier personne. Tu sais bien, toi qui es venu me chercher pour sauver tes
petits, que je suis le magicien de cette nuit. J'en suis donc aussi le maître
du temps. Yop-yop les rennes ! En route pour continuer la tournée. En route
pour le bonheur de tous !
Le traîneau s'élança dans la nuit, dans les nuages. Le grand chien blanc le vit passer devant la Lune et disparaître à l'horizon, là où le ciel et la Terre se rejoignent.
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Il avait neigé sur Terre, toute la journée du 24 décembre. Aussi, quand arriva le soir, un manteau blanc recouvrait le sol.
En haut, le Père Noël qui était un peu frileux, regardait tout cela d'un air songeur. Il savait par expérience que la nuit allait être froide.
Il ne se trompait pas. Une bise glaciale se leva, gelant la neige et formant des cristaux étincelants sur le paysage blanc.
- Allons donc, se dit le bon vieux, c'est le moment de rajouter une doublure de laine à mon costume et de me préparer pour la tournée.
Il était 22 heures et les lutins chargeaient tous les jouets et les cadeaux dans l'immense traîneau. Dehors, les rennes se nourrissaient avant le départ de minuit.
La maison du Père Noël était sens dessus-dessous. D'ailleurs plus la date
de la grande nuit magique avait approché, plus le désordre avait augmenté. Il
y avait des jouets partout. Il faut dire que Père Noël craignait tellement
d'en manquer qu'il préférait prendre ses précautions et en avoir trop que pas
assez.
On en trouvait jusque dans la penderie ! Pas facile dans ces conditions d'accéder
aux vêtements. Père Noël écarta du pied quelques paquets, histoire d'y voir
plus clair pour prendre son beau costume rouge, mais ce ne fut pas suffisant.
Alors Père Noël retroussa ses manches et fit place nette en sortant tous les
jouets qui encombrait l'armoire.
Peine perdue, pas de costume rouge en vue !
- Tiens donc ! Pourtant il me semblait l'avoir posé ici après ma tournée de l'an dernier… C'est ma mémoire qui doit me jouer des tours.
Il referma la penderie après avoir éloigné un paquet de friandises multicolores qui gênait encore, et partit chercher le costume rouge dans l'atelier de jouets.
Le bric à brac qui régnait dans cette pièce était impressionnant malgré
le rangement qu'avaient commencé les lutins. On ne pouvait y marcher qu'en
enjambant à droite et à gauche… Père Noël enjamba donc, déplaça,
redressa et réussit à atteindre le placard qui servait de fourre-tout.
- Je serais étonné qu'il soit là-dedans, mais sait-on jamais…
Il n'y était pas.
Ca devenait gênant cette histoire, parce qu'à force, il était dix heures et
quart !
Peut-être qu'en remplaçant le costume par un survêtement… Non ! Avait-on déjà
vu un Père Noël en survêtement ? Si encore il avait été rouge, mais même
pas, il était d'un bleu tout ce qu'il y avait de plus bleu !
Une demi-heure de plus passa ainsi en recherches qui ne donnèrent rien.
Impossible de trouver le précieux costume rouge !
Alors le vieux bonhomme s'énerva. Tout ce qu'il avait réussi à trouver c'était
son écharpe, une écharpe bien jolie d'ailleurs, toute douce pour passer sous
sa barbe blanche… mais enfin, une écharpe ne fait pas un habit !
Quand onze heures sonnèrent à la pendule, le Père Noël se décida à
appeler ses rennes. Peut-être auraient-ils une bonne idée… ça leur arrivait
parfois.
- Si je ne retrouve pas ce costume, c'est une catastrophe planétaire qui nous
attend !
Tout d'abord les rennes crûrent à une plaisanterie, mais en voyant la tête
du Père Noël, ils comprirent que l'affaire était grave. Ils étaient prêts
pour le grand départ, harnachés de pied en cap, les sabots bien lustrés, les
grelots au cou bien étincelants, une chaude couverture sur le dos.
- Et c'est maintenant que tu nous le dis !
- Je le dis… je le dis quand je peux ! Il fallait bien que je prenne le temps
de chercher !
- Mais tu as vu l'heure ! Dans trois-quarts d'heure il faut partir !
- Comme si je ne le savais pas ! Donnez-moi plutôt une idée au lieu de dire
des choses qui n'avancent à rien !
- Ben, comme ça, on n'en a pas !
- Comment ça vous n'avez pas d'idée ! Comment ça ! Depuis le temps qu'on
travaille ensemble pour les Grandes Nuits de Noël, c'est la première fois que
je vous demande de l'aide et tout ce que je m'entends dire c'est "débrouille-toi"
!
- On n'a pas dit ça.
- Mais si ! Mais si !
LE PÈRE
NOËL A PERDU SON COSTUME - Page 2 |
Le Père Noël venait de se mettre en colère tout d'un coup. Le sang lui était monté au visage et il s'essoufflait à marcher vite dans tous les sens.
- Je vous félicite ! Vraiment je vous félicite ! criait-il. Il y a des centaines de rennes qui voudraient être à votre place pour avoir l'honneur de tirer mon traîneau, et vous , vous êtes là à vous gratter la tête sans qu'aucune idée n'en sorte ! Bravo !
- C'est quand même pas de notre faute, gémit un renne accablé par la tournure que prenait l'événement. Si tu rangeais mieux tes affaires…
- La question n'est pas là, elle est qu'il faut trouver une solution et non une raison au problème !
Pendant ce temps, les aiguilles de la pendule tournaient. Il était à présent
onze heure et quart. Un renne s'avança.
- J'ai peut-être le temps de faire un aller et retour en bas pour louer un
costume de Père Noël, comme ils en font pour ceux qui veulent se déguiser.
- Comment ça ! dit le vieux bonhomme choqué. Il y en a qui ose porter un habit
comme le mien ?
- C'est-à-dire que…
- Quoi, c'est-à-dire ?
Les rennes baissèrent le nez. Apparemment, le Père Noël n'était pas au
courant du sacrilège.
- Trouvez-moi une idée plus intelligente ! dit-il
Subitement un rêne se rappela d'une lettre envoyée il y a deux ans par une
petite fille. Elle disait :
"Je t'aime tellement fort Papa Noël, que j'ai pensé à te faire un
joli costume pour le cas où tu abîmerais le tien pendant ta distribution de
joujoux. Il est tout rouge avec des parements blancs comme celui que tu as. J'ai
fait aussi un bonnet avec un gros pompon et je t'ai tricoté des gants en laine
bien chaude pour que tes mains ne gèlent pas. Tu pourras le prendre quand tu
passeras chez moi, il t'attendra tous les ans à côté de la cheminée avec
deux grandes bottes fourrées que j'ai prises à mon grand-père et que j'ai
repeinte en rouge pour être assorties.. Elles étaient noires tu comprends.. Je
t'embrasse très très fort."
- Et où habite cette adorable petite fille ? demanda le Père Noël
Il avait l'habitude de garder dans une gigantesque armoire toutes les lettres
qu'il recevait. Elles y étaient classées par commande. Il suffisait donc de
savoir ce qu'avait commandé cette petite fille. Hélas, personne ne s'en
souvenait.
- C'est forcément un truc de fille, dit un renne.
- Ah oui ? Ca c'est une remarque puissante ! dit le Père Noël agacé. Des
trucs de filles, il y en a cent mille au moins !
Il jeta un coup d'œil à la pendule. Elle indiquait onze heures 25. Il ne
restait plus que vingt minutes avant le départ.
C'est alors qu'une petite voix retentit.
- Je peux vous aider.
Toutes les têtes se tournèrent vers un lutin qui s'était avancé. C'était
le plus petit de tous, le plus rapide, le plus silencieux aussi. C'est à peine
si on faisait attention à lui tant il était discret.
- Comment t'appelles-tu ? demanda le Père Noël
- Gerdinn.
- Et bien Gerdinn, nous t'écoutons.
Le petit lutin se redressa.
- J'ai remarqué que dans les commandes, on demandait de plus en plus
d'ordinateurs. Alors un jour, parmi ceux que tu préparais, j'en ai mis un de côté…
Oh! pas pour moi… je n'aurais pas osé, mais pour t'aider dans ton travail. C'était
il y a trois ans. Et j'y ai compilé toutes les commandes que tu classes dans
l'armoire.
Etonnés, le Père Noël et les rennes se regardèrent sans comprendre.
- Ca fait que je peux retrouver l'adresse de la petite fille, conclut le lutin.
En demandant une recherche sur les mots "costume rouge" et
"parements blancs" on arrivera sur la commande de la petite fille, et
donc sur son adresse.
Là, le Père Noël resta sans voix.
- Bougez pas, dit le lutin, j'en ai pour quelques secondes.
Oh ! Personne ne risquait de bouger, paralysés comme ils l'étaient par la stupeur.
Deux minutes après, le lutin revenait avec l'adresse. Et comme tout le monde
était resté dans la position de stupeur, il frappa dans ses mains en criant :
- Allez- allez ! Il est déjà minuit moins vingt !
C'est quand même le Père Noël qui reprit le premier ses esprits. Il attela ses rennes à un ancien traîneau qui, bien que vieux, avait au moins l'avantage d'être vide et donc rapide. Ainsi réussit-il à revenir de chez la petite fille à minuit moins dix avec le précieux costume.
Pendant qu'il s'habillait, les rennes s'attelèrent vite au traîneau chargé
de jouets. Les lutins redressèrent quelques paquets mal rangés, la hotte fut
posée dessus.
Quand Père Noël revint au traîneau, tout le monde éclata de rire.
- Et qu'est-ce que j'ai de si drôle ?
Il avait que si le costume était bien rouge, le bonnet avait bien le pompon,
les parements étaient bien blancs, en revanche la coupe était de travers et la
taille deux fois trop petite ! Si bien que le pauvre Père Noël avait son gros
ventre comprimé et les bras qui dépassaient des manches du costume. Par
contre, le bonnet était si grand qu'on ne lui voyait plus les yeux.
- Et alors ? Quelqu'un a mieux à me proposer ?
Après quelques instants de silence prudent, un renne demanda timidement :
- Et les bottes ? Tu les mets pas ?
- Je les ai oubliées, voilà !
Ce fut la consternation. Tout le monde savait que le Père Noël était
particulièrement frileux des pieds, et qu'il n'endurerait pas de rester en
chaussettes toute la nuit.
- Mais non je ne vais pas rester en chaussettes ! répondit-il. Simplement la
tournée commencera par la petite fille chez qui j'ai oublié les bottes, voilà
tout ! Alors, qu'est-ce que vous attendez !
Un claquement de langue, un vigoureux "hop-hop-hop !" et l'équipage démarra dans la nuit scintillante. En bas, minuit commençait de sonner.
Arrivé chez la petite fille, le Père Noël déposa d'abord les jouets qu'elle avait commandés, puis il prit les bottes rouges qui attendaient près de la cheminée, juste à côté des petits chaussons. Il les prit en souriant et déposa à la place un gros bisou que la fillette trouvera tout chaud en se réveillant le matin. Il y rajouta un petit cadeau supplémentaire.
Dehors les cloches finissaient de sonner les douze coups de minuit. Noël illuminait le monde.
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LE
PÈRE NOËL ET LE PETIT CHAT - Page 2 |
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La neige tombait sur la ville sans faire de bruit.
Le petit chat marchait dans la neige sans faire de bruit. Les flocons saupoudraient de blanc ses poils roux.
La rue était déserte.
C'était la nuit de Noël.
Bientôt les douze coups de minuit allaient sonner pour la plus belle nuit de
l'année.
Mais le petit chat ne le savait pas. Il n'avait que trois mois et avait
encore beaucoup de choses à apprendre. Surtout cette nuit où il faisait si
froid… et qu'il ne savait pas où se nicher pour dormir. Il était seul pour
se débrouiller, si seul et si ignorant des astuces. Ce n'est pas comme ce
gros matou gris de tout à l'heure qui l'avait chassé du coin chaud où il s'était
blotti. Il en savait des choses, lui, mais alors quel sale égoïste !
Croyez-vous qu'il aurait partagé ce qu'il était en train de manger ?
"Va pleurnicher ailleurs" lui avait-il dit.
Aussi, le petit chat marchait seul dans la rue. Il avait faim, il avait froid.
Et il regardait les fenêtres éclairées derrière lesquelles il devait faire
bon vivre.
Entendit-il sonner les douze coups de minuit ? Ca n'est pas sûr, mais par
contre, il entendit parfaitement quelque chose passer au-dessus de lui, comme
le vol d'un gros oiseau. Il s'aplatit au sol de frayeur ; quand il osa relever
le museau, un drôle d'engin venait de se poser sur la maison d'en face.
Il n'avait jamais rien vu de pareil !
Et maintenant voilà qu'un gros bonhomme tout en rouge en sortait avec un sac
sur le dos.
Et devant le drôle d'engin, deux grands rennes se mettaient à parler au
bonhomme tout en rouge :
- Fais attention Père Noël, disait l'un, la cheminée n'a pas l'air bien
solide !
- Te mélanges pas dans ta liste, disait l'autre, ici c'est des rollers et une
panoplie "Mulan".
- Mais oui, mais oui… Vous n'allez pas commencer à me surveiller quand même
! Vous savez bien que je ne me trompe jamais.
D'en bas, le petit chat ne pouvait pas voir si ce bonhomme avait une barbe
blanche. Il lui trouva quand même une ressemblance avec le bonhomme en
manteau rouge des images qu'il voyait partout dans la ville depuis quelques
jours.
Mais que faisait-il donc là-haut ?
Pour en avoir le cœur net, il décida d'aller voir ça de plus près.
… Oui, mais comment faire pour monter ? En passant par les escaliers ?
C'est que le petit chat gardait le souvenir cuisant des méchants coups de
pied qu'on lui donnait quand il voulait rentrer dans une maison !
Il fit donc le tour de l'immeuble, et finit par trouver un endroit pour
grimper jusqu'au au premier étage. Ce ne fut pas très difficile.
Restaient deux autres étages… et avec des pattes gelées, c'était pas évident
!
Il lui fallut sept essais avant d'arriver en haut. Sept essais dont quatre
moments d'équilibres acrobatiques, trois griffes arrachées, et un rétablissements
miraculeux.
Mais ça y était, il était sur le toit, il allait savoir.
L'engin était toujours là. Les rennes bavardaient entre eux de choses que le petit chat tout essoufflé ne comprenait pas… Il était question d'une liste avec des noms de garçons et de filles, d'horaire à suivre, d'adresses, etc.
Le petit chat se dirigea sans bruit vers l'engin.
C'était plein de sacs dedans. Et plein de paquets aussi. Des gros, des très
gros même, des plus petits, des minuscules. Tous avaient des couleurs
joyeuses et scintillantes qui lui donnèrent envie de jouer avec. Il sauta
hardiment dessus. Malheur ! Une petite musique se déclencha sous ses pattes.
Le cœur battant, il s'enfuit au fond du traîneau où il trouva un sac à
demi-ouvert pour se cacher
C'était tout sombre dedans, mais il y faisait chaud et doux. Le petit chat
sentit des poils contre lui. Il renifla pour comprendre si c'était un autre
chat ou un des ces monstres de chien, mais comme ça ne sentait ni l'un ni
l'autre et que ça ne bougeait pas, il se blottit tout contre, rassuré. Puis
il attendit.
Dehors un renne parla :
- Ca doit être un appareil de musique qui s'est encore déclenché tout seul
!
Puis la voix du vieux bonhomme à l'habit rouge retentit, sonore et joyeuse :
- Allons-y mes amis, au suivant de la liste !
Le petit chat sentit tout bouger autour de lui. Il eut la sensation de
s'envoler puis quelques instants après, un coup de frein suivi d'un choc le déséquilibra.
Son cœur tapait fort. Dehors, le vieux bonhomme riait :
- Ah ! Ah ! Ah ! Cette fois, la cheminée est large, je vais pouvoir descendre
à l'aise !
Le petit chat commençait à sortir le museau dehors quand tout bascula
brusquement. Secoué de droite et de gauche, il roula dans le sac, parmi les
paquets qui l'écrasaient.
Une grande descente dans le vide lui remonta l'estomac dans le gosier… il
miaula fort. Une main l'attrapa par la peau du cou. Un grand rire résonna à
ses oreilles.
- Mais qu'est-ce que je vois là ! Mais croyez-vous, ça !... Un passager
clandestin !
Le bonhomme en habit rouge le tenait en l'air, en riant très fort. Ses
yeux riaient autant que sa bouche.
- Tu as donc voulu savoir comment je m'y prend pour faire ma tournée ?
Mais le petit chat était effrayé. Et il avait si faim et si froid qu'il
miaulait à s'en étrangler et qu'il tremblait à en claquer des dents.
- Dis-moi, dis-moi, tu n'as pas l'air si courageux que ça pour un petit
curieux ! Il suffit qu'on te découvre pour que tu appelles maman au secours ?
Allons, voyons je suis le Père Noël, tu n'as rien à craindre de moi. Bien sûr,
je devrais te punir de m'avoir suivi, alors que personne ne doit accompagner
le Père Noël pendant sa tournée, mais comme tu viens de me donner une très
bonne idée, je ne dirai rien et je vais même te garder un petit moment avec
moi.
Et le Père Noël le mit dans la grande poche de son manteau.
C'était doux à l'intérieur, et c'était chaud. Le petit chat s'y trouva
bien de suite.
Il ne savait pas encore qu'il allait vivre ce qui sera la nuit la plus
extraordinaire de son existence. Ah, si seulement il n'avait pas cette faim
atroce au ventre !
Il se redressa pour sortir le nez et pousser un petit miaulement de détresse…
Peut-être que ce gentil bonhomme comprendra son problème…
- Veux-tu bien te taire, tu risques de réveiller les enfants ! Si tu veux
m'accompagner, il faut rester silencieux. Aussi silencieux que la neige qui
tombe.
Le bonhomme était en train de déposer des paquets auprès de deux paires
de chaussons, tout petits, si petits qu'ils disparaissaient sous les paquets.
- Tu vois, ici c'est pour Mélanie ; elle a commandé un poney en peluche et
une piscine magique. Là c'est pour Eric, il a demandé un "établi de
moulage" et une "batmobile". Et regarde comme ils sont gentils
tous les deux, ils ont laissé une tasse de lait et des biscuits pour moi. Ils
savent que je suis un peu gourmand, tu comprends, et puis ça me redonne des
forces… Hé ! Mais qu'est-ce que tu fais ?
Le petit chat faisait qu'il s'était jeté sur le lait et qu'il le lapait en
s'étranglant tellement il allait vite.
- Regardez qui va passer la nuit avec nous !
Il sortit de sa poche une petit boule de poils ébouriffés et aux babines
barbouillées de lait.
- Il avait si faim, le pauvre chaton, que j'ai partagé mon goûter avec
lui… enfin, disons qu'il m'en a laissé quelques gouttes ! Allez les rennes,
aux suivants.
Le petit chat garda les yeux écarquillés toute la nuit. Jamais il n'avait vu autant de belles choses, jamais il n'avait vu autant de couleurs scintillantes, jamais il n'avait vu autant de jouets, et jamais il n'avait crû que quelqu'un pouvait avoir autant de joie à déposer dans les maisons toutes ces merveilles.
A la fin de sa tournée, le Père Noël rentra dans une demeure où
brillait une lampe de chevet dans une chambre. Des pantoufles de grand-mère
attendaient près du lit.
- Tu vois, ici habite une gentille mamy qui m'a écrit pour me demander un
cadeau. Elle voudrait quelque chose qui puisse la distraire pendant ses longs
jours solitaires, et qui en même temps attirerait ses petits enfants pour
qu'elle les voit plus souvent. Alors j'ai pensé à toi. Tu seras heureux ici,
regarde comme tout est accueillant. Tu seras bien au chaud et je suis sûr que
tu te régaleras… les grand-mères savent si bien faire la cuisine ! Mais
chut… ne dis à personne que tu m'a accompagné cette nuit.
Il déposa doucement le petit chat dans une pantoufle, lui fit un gros bisou, et attendit qu'il s'endormit, le museau niché dans les pattes, le cœur à jamais étoilé de cette merveilleuse nuit de Noël.
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Je me souviens que cette année-là, il a plu durant toute la nuit de Noël. Une petite pluie fine qui n'a pas cessé un seul instant et qui transperçait mon manteau pourtant bien épais. Mon bonnet n'était pas mieux, il laissait dégouliner de grosses gouttes sur mon nez et ma barbe.
Il était 4 heures du matin quand j'arrivais devant une maison à l'écart du village. Les volets mal attachés battaient contre le mur, la pluie fouettait les vitres des fenêtres. A l'intérieur tout semblait endormi.
D'abord, je n'ai pas retrouvé la commande pour les enfants de cette maison
- ce qui ne m'arrive jamais ! Je ne retrouvais même plus ma grande liste !
Ensuite, j'ai glissé sur une flaque de boue et me suis étalé de tout mon
long par terre ! Mon beau costume rouge était dans un état !...
Et voilà que pour compléter, un chien errant m'a sauté dessus ! Avec cette
pluie qui tombait fort, il n'avait pas dû voir que j'étais le Père Noël et
le temps qu'il s'en rende compte, il m'avait déjà mordu en arrachant un
morceau de mon pantalon au derrière. Je ne vous dis pas le trou que ça
faisait !
Je n'avais plus qu'un espoir, c'était que les enfants ne me voient pas
dans cet état. Etant donné l'heure tardive, j'avais quand même de grandes
chances qu'ils dorment profondément.
Je suis donc entré dans la maison sans faire de bruit - je veux dire, encore
moins que d'habitude. Il n'y avait pas de lumière, le silence était complet,
on aurait pu entendre une mouche voler. Rassuré, j'ai pénétré dans le
salon.
C'est au moment où j'étais baissé pour déposer les jouets au pied du
sapin, que la lumière s'est allumée ! Aussitôt, des voix ont chanté derrière
moi :
- Bonjour Père Noël ! On t'a fait la surprise de t'attendre !
Ah qu'elle horreur ! J'ai eu beau me retourner vite, ce ne fut pas assez pour éviter qu'ils voient le trou au pantalon. Ils étaient sept à me regarder avec des yeux ronds. Sept à voir le célèbre Père Noël dans un état lamentable : dégoulinant de pluie, plein de boue, le bonnet aplati et une partie du derrière à l'air.
Les grands-parents étaient désolés, les parents se retenaient de rire,
et les enfants semblaient ne pas bien réaliser, intéressés plutôt par les
cadeaux.
C'est la grand-mère qui a repris ses esprits la première.
- Donnez donc une couverture au Père Noël, ainsi qu'une tasse de lait chaud
avec du miel et des biscuits le temps que je répare son costume !
Et elle se retourna vers moi avec un grand sourire :
- Finalement, notre idée de te faire une surprise est la bienvenue ! C'est un
Père Noël refait à neuf qui va pouvoir repartir pour continuer sa tournée.
C'est vrai que ce Noël là, la surprise avait été aussi bien pour moi
que pour eux. Je ne l'oublierai pas.
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Je me souviens d'une nuit de Noël et d'une petite fille aux grands yeux noirs débordant d'espoir. L'espoir de me voir...
Mais quel prix la pauvre enfant à payer pour cela !
Cette nuit était si claire qu'en haut, les étoiles brillaient comme des
millions de diamants mais qu'en bas, le froid glaçait la terre.
Je venais d'arrêter mon traîneau devant une maison où je devais traverser
un petit jardin avant d'entrer. Il faisait si froid que j'ai changé mes gants
contre une paire plus chaude (par expérience, je prend toujours mes précautions)
et que j'ai donné un tour de plus à mon écharpe.
En avançant dans le jardin, j'ai eu de suite le pressentiment que
quelqu'un était là, immobile dans le noir... quelqu'un qui me guettait. Ce
n'était pas une bête, je suis trop habitué à en rencontrer durant ma tournée
pour me tromper. Non, là, c'était une présence humaine.
Mes yeux étant habitués à voir dans la nuit, j'ai vite repéré une forme
insolite au pied d'un arbuste, comme un sac qui aurait été déposé là. A
ceci près que ça n'en était pas un... Ca respirait ! Un souffle léger,
rapide, qui dégageait des bulles de buée dans l'air glacé.
Je me suis approché doucement. Le souffle s'est suspendu.
D'abord je n'ai vu qu'une couverture recouvrant je ne sais quoi en dessous. Au
moment où j'allais la soulever, quelque chose a jailli d'en dessous pour se
jeter sur moi !
On a beau être le Père Noël, on est comme tout le monde, on a des frayeurs.
J'ai fait un écart en arrière qui m'a fait tomber à la renverse. Sur moi,
je sentais un paquet tout froid qui ne bougeait plus et deux bras qui me
serraient fort.
C'est en me relevant que je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'un enfant.
Une petite fille en pyjama, qui n'avait guère plus de 5 ans.
"Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Mais qu'est-ce que tu fais ici à
cette heure et dans ce froid ?".
Le petite fille ne m'a pas répondu ; elle ne pouvait pas, tremblante comme elle l'était. J'entendais ses dents claquer, je la sentais raidie par le froid intense, mais ses yeux parlaient pour elle. Ils brillaient sous la lune, noirs, profonds, intenses, dévorés par l'espoir.
Je l'ai vite enveloppée dans la couette et l'ai emmenée, serrée contre
moi, dans la maison. Elle ne bougeait toujours pas, à demi morte de froid.
Imprudente petite fille !
Combien te temps suis-je resté près d'elle pour la réchauffer et lui donner
du chocolat bien chaud à boire ? Je ne saurais le dire mais quand je l'ai
quittée, elle dormait enfin, chaude, heureuse dans ses draps roses.
Je suis repassé la voir à la fin de ma tournée. Elle dormait en souriant mais je l'ai réveillée pour qu'elle me promette de ne plus jamais recommencer une bêtise pareille. "Plus jamais" m'a-t-elle répondu. "Mais j'avais tellement envie de te voir, Papa Noël !"
J'ai appris quelque temps après, que cette petite fille disait à tous les
enfants qu'ils ne devaient surtout pas faire ce qu'elle avait fait. Un Père
Noël ça s'attend dans la maison, bien au chaud... et de préférence en
dormant pour ne pas le déranger dans son travail.
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C'était il y a bien longtemps. On ne connaissait encore pas les avions et j'avais tout l'espace pour moi seul pendant mes tournées de Noël. C'est pas comme maintenant où j'ai toujours peur d'aller m'écraser sur un de vos sacrés boeing qui sillonnent le ciel.
Bref, c'était le temps où mon traîneau filait en toute liberté dans le ciel. Mais la nuit de Noël dont je vais vous parler, était une nuit de pluie et d'orage, avec des nuages épais et d'un noir effrayant !
J'avais demandé à mes rennes de se frayer un chemin dans ce ciel chaotique en évitant justement les nuages trop noirs. Vous savez comment ils sont habiles - des vrais champions du slalom ! Donc tout allait bien... Jusqu'au moment où nous nous sommes engagés dans un nuage gris, pourtant ni plus ni moins méchant que ceux que nous traversions depuis quelques heures, mais là, les ennuis ont commencé !
J'étais en train de consulter le plan de la prochaine ville où nous
devions nous arrêter, quand le nuage m'a enveloppé. Je ne voyais même plus
mon plan, ni rien à l'entour. Pas même mes rennes devant. Pour un nuage qui
ne m'avait paru que gris clair, j'ai trouvé ça bizarre.
- Tchac-tchac les rennes, vous êtes là ?
Oui, je sais, c'est un peu idiot... comme s'ils avaient pu tout d'un coup
disparaître !
- On est là mais comme on ne voit plus rien, on garde le cap !
- Surtout pas, on doit descendre sur la ville !
- Alors on va y aller au pif !
Etant donné la grosseur du pif de mes rennes, je leur ai fait confiance. J'ai
senti le traîneau se mettre en oblique pour descendre ; avec un peu de
chance, ai-je pensé, on sortira vite de ce nuage.
Eh bien pas du tout ! On descendait dans une purée grise, on descendait,
on descendait... et en continuant comme ça, on allait heurter les maisons de
plein fouet.
- Redressez ! C'est devenu trop dangereux !
J'ai senti le traîneau se remettre à la verticale... puis un grand choc !
Tout s'est immobilisé.
- Holà les rennes ?
Le silence.
- Les rennes ?
Pas de réponse. Cette fois je devais aller voir.
J'ai fait de l'équilibre sur le bord avant du traîneau pour tenter de voir
mon équipage. C'est là que je me suis rendu compte que nous avions atterri
au sommet d'un sapin et que sous le choc, les rennes étaient KO.
Le temps d'arriver à eux au prix de mille acrobaties à me rompre le cou et
de les réanimer, le nuage avait épaissi.
- Ca bouge un nuage, me dit un renne. Il serait peut-être plus sage
d'attendre qu'il ait finit de passer avant de repartir.
- C'est évident ai-je répondu.
Eh bien pas du tout ! Car nous avons attendu longtemps et nous sommes quand même
restés dans la purée grise.
- Alors c'est qu'il est grand, dit le même renne.
- Oui mais le temps, lui, il est devenu court pour finir ma tournée !
Alors en route pour tenter de se dégager d'ici.
Je ne vous parlerai pas du temps qu'il nous a fallu pour se sortir du
sapin... et des manœuvres comme ci, et des manœuvres comme ça !... Je ne
vous parlerai pas non plus des montées, des redressements, des descentes en
douceur, en piqués, des virages à bâbord, des virages à tribord qui se
sont succédés pour tromper l'ennemi. Mais je vous parlerai de l'angoisse qui
commençait à nous saisir. Les rennes perdaient la tête et finissaient par
faire n'importe quoi malgré mes ordres.
- Si vous ne m'écoutez plus, ça n'arrangera pas la situation ! Et arrêtez
de croire que ce nuage est surnaturel. Gardons cette fois le cap, même si ça
doit durer, et vous verrez que nous finirons pas en sortir !
Eh bien pas du tout ! Le jour allait se lever que nous étions encore dans
ce nuage et qu'il me restait encore la moitié de ma livraison à faire.
Nous étions prisonniers !
Alors j'ai commencé à parlementer avec le nuage... au cas où,
effectivement, il serait enchanté comme disait les rennes.
- Voilà, tu dois savoir que je suis le Père Noël et que je n'ai pas que
ça à faire ! Qui es-tu ?
Pas de réponse. Nous étions seuls dans le grand silence du ciel.
- Je te propose de négocier notre libération, ai-je continué à tout
hasard.
Qu'est-ce que je croyais ? Qu'un nuage allait me répondre ?
Eh bien pas du tout ! La peur des rennes m'avait tordu l'esprit, voilà tout.
Pas trop fier de moi, j'ai regroupé mes idées pour les éclaircir et
j'ai annoncé :
- Allons-y les rennes, on descend parce qu'il n'y a plus une minute à
perdre.
- Mais on va s'écraser sur quelque chose qu'on n'aura pas vu.
Eh bien pas du tout, on ne s'est pas écrasé! Parce que les rennes ont fait
la descente en freinant, et parce qu'un Père Noël c'est un magicien et qu'il
peut, malgré tous les obstacles, se sortir des mauvaises situations... du
moins quand il garde l'esprit clair.
Le traîneau a atterri sur le toit d'une maison et comme à cette époque
il n'y avait ni antennes de télévision, ni satellites, tout s'est bien passé.
Ou presque... parce que c'est vrai qu'on a cassé quelques tuiles... mais
chut, ne le dites pas !
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6 heures du matin. L'étoile du berger pointait à l'horizon depuis déjà un bon moment.
Planning en main, Captain Père Noël exhortait son équipage d'une voix sévère.
- Tu t'endors Junior ! Ton C.V. mentionnait pourtant une bonne endurance aux nuits de veille, si je me souviens bien… Tu ne te serais pas un peu vanté ?
- Cool Papy, c'est la fin de la tournée !
- Oui mais mon planning n'est pas respecté. Nous devrions être sur le chemin du retour à cette heure-ci. Maman Noël va encore rouspéter.
- Appelle-la !
- Je fais que ça mais elle ne comprend pas.
Vieux Renne avançait la tête dans les épaules ; le frimas s'était
douloureusement congelé à ses naseaux. Quant à ses pattes, c'est bien
simple, une barre de fer n'aurait pas été plus raide ! Père Noël ne
l'épargna pas pour autant.
- Tu vas m'obliger à te remplacer l'an prochain, malgré tes années de bon
service.
- Oh tu n'auras pas de mal à trouver un Rambo pour ça ! Mais qu'il
supporte un blanc-bec pour coéquipier, je n'irais pas jusqu'à le jurer !...
Le blanc-bec s'en réveilla sous l'attaque, ce qui eut pour effet de
communiquer une vive impulsion au T3.
- Ben voilà ! déclara le Père Noël satisfait. Tâchons de conserver
cette allure jusqu'à notre dernière livraison. Après nous pourrons... Que
se passe-t-il ?
Il se passait que sous la trop grande vigueur de l'accélération, Vieux
Renne venait de s'étaler à plat ventre, une patte tressautant de douleur.
- Peut pas faire les choses plus en douceur, non ! marmonna-t-il à
l'adresse de Jeune Renne.
- Quoi ! Tu te relèves et tu remets le turbo en marche ! Père Noël
a raison, il est déjà 6 heures du mat !
... Et de claironner façon rap :
Six-heures-du-mat-j'ai-les-bonbons, qui-tirebouchonnent-dans-le-caleçon.
Speede-speede-pour-redémarrer, avant-que-le-jour-soit-complètement-levé...
Alors... t'attend le bouche à bouche ou quoi ?... Berk ! Compte pas
sur moi !
- Pousse-toi et pour une fois, arrête de glapir, ça changera ! dit le Père
Noël qui venait de se porter à hauteur du vieil équipier accidenté.
La respiration de Vieux Renne s'exhalait par à-coups, formant aux naseaux
des volutes de buées irrégulières.
- Ma patte, gémissait-il. Elle doit être cassée... Ca fait si mal !...
Je suggère d'y placer une attelle avec un...
- Pour une fois, tu ne vas rien suggérer du tout et laisser opérer ma magie.
Je suis le Père Noël, non ?
Junior, lui, en était à se demander comment Vieux Renne avait pu se casser un os pour si peu ! "S'il fallait qu'à chaque fois que je tombe, j'en fasse autant !”
- Pousse-toi Junior je t'ai dit, et ne bouge plus d'un poil pendant que je répare Vieux Renne !
C'est alors que le téléphone sonna dans la poche du Père Noël.
- C'est bien le moment ! Allo, ici le Père Noël... Oui c'est bien moi,
mais pour ce qui est des commandes de cette année, la souscription est terminée
vous pensez bien... Juge Perlex vous dites... Un moment, je vais consulter mon
listing...
D'abord il ne trouva pas ses lunettes, ensuite c'est le listing qu'il
chercha vainement.
- Allo ! Si vous m'assurez que votre fils a bien passé sa commande, je
pourrai peut-être faire un dépannage en fin de livraison, mais je ne peux
rien vous promettre. Comment ?... Veuillez répéter... Je garde des
jouets pour moi ? ... Ah je les détourne au profit d'une association
secrète !...
La barbe du vieux bonhomme se hérissa au-dessus du manteau rouge.
- Sachez Juge Alpex... Replex... Perlex si vous voulez... sachez que je n'ai
pas une seule seconde à perdre avec des accusions aussi stupides ! Au
revoir Juge, j'ai bien l'honneur.
Et Père Noël coupa sèchement la com. Ce n'était plus le froid qui
rougissait son visage, mais la colère.
- “Abus de biens sociaux” qu'il a dit ! Vous vous rendez compte !
Me prendre pour un homme politique, moi ! Tout ça parce que son fils n'a
pas encore été livré. Ca existe un retard, non ! Allez les rennes, en
avant !
- Ben et l'Ancien, tu l'oublies ?
- Qu'est-ce qu'il fait là couché ! Monsieur se prélasse pendant que je
me fais mettre en examen ? C'est ça un équipage au top niveau ?
C'est ça l'élite des rennes que je suis censé avoir ? Un petit frimeur
et un ex champion sur le retour d'âge !
Les mines de l'équipage en question étaient catastrophées.
- Quoi ?... ajouta le Père Noël. J'aurais dit quelque chose de faux
peut-être !
- C'est que... y a que...
- Y a que quoi ?
- La patte de l'Ancien est toujours cassée.
- Par ma hotte, c'est juste !... Il faut dire aussi qu'avec cette
foutaise d'appel... Par ma hotte ! Pousse-toi Junior, je t'avais déjà
demandé de te pousser me semble-t-il !
Et Père Noêl employa sa magie.
Junior eut beau rester sans bouger et avec les yeux écarquillés, une fois de
plus il ne comprit pas comment cette magie fonctionnait. Toujours est-il que
Vieux Renne, réparé, retourna à son poste.
Et le T3 démarra pour terminer la dernière livraison de ce Noël.
La galette du Père Noël
Le Père Noël adore la fête des Rois. Tous les
ans à la fin de l'année, il prépare trente et une galettes : une galette
pour chaque jour du mois de janvier.
Les rennes sont ravis, le Père Noël aussi !
Aujourd'hui, c'est justement la fête des Rois. Les rennes ont posé un tapis
doré sur leur dos ; le Père Noël a mis sa cape brodée de fils d'argent et
il appelle :
"Venez tous dans la salle à manger ! La fête des Rois va commencer !
Les rennes et le Père Noël s'élancent dans l'escalier... puis s'arrêtent
net : sur la table, il n'y a pas de galette !
Le Père Noël fronce les sourcils. Il regarde ses rennes, l'air soupçonneux
:
"Qui l'a volée ? Qui l'a croquée ? Qui l'a mangée ?
- Pas nous ! Pas nous !
- Pouvez-vous le jurer ? demande le Père Noël.
- On le jure ! On le jure ! promettent les rennes. On n'a rien touché !
"
Le Père Noël court jusqu'à la cuisine : la réserve est-elle encore à sa
place, dans le grand placard ?
Calamité ! Il n'y a plus une seule galette, plus la moindre petite miette !
"C'est impossible, gémit le Père Noël. Elles ne se sont pas envolées...
- Elles ne se sont pas envolées, répètent les rennes inquiets. Mais elles
jouent peut-être à cache-cache, en roulant roulant comme des roues ?"
Aussitôt, ils commencent à chercher partout, partout : dans chaque recoin,
dans chaque trou...
Rien ! Ils ne trouvent rien ! Il n'y a plus une seule galette, plus la moindre
petite miette !
Sans galette : plus de fête ! Les rennes et le Père Noël sont vraiment désolés
; ils s'assoient tristement sur les marches de l'escalier.
Tout à coup, des notes de musique s'élèvent à l'extérieur du palais. Un
roulement de tambour se fait entendre. Une trompette lance des POUET et des
POUET ! Quelle fanfare !
Le Père Noël jette un coup d'oeil par la fenêtre... Et que voit-il ? Un
spectacle incroyable ! Un défilé de chars dorés sur lesquels trônent des
souris ; des souris déguisées en rois, en reines et en princesses !
Soudain, le renne Cachou regarde les roues des chars et il s'écrie :
"Père Nono ! Père Noël ! Elles sont là ! Elles sont là !
- Je ne suis pas aveugle, ronchonne le Père Noël. Je les vois bien ces
souris...
- Pas les souris ! interrompt Cachou. Pas les souris, mais les galettes : ce
sont les roues ! "
Incroyable ! Phénoménal ! Le Père Noël écarquille les yeux : oui, ses
galettes, ses délicieuses galettes servent de roues pour des chars de défilé
!
Furieux, il file au rez-de-chaussée et s'élance hors de son palais, prêt
à gronder, rugir, tempêter.
Mais devant la porte, quelqu'un l'attend déjà :
"Bonjour Père Noël ! je suis Aurélie Dorémi, la vraie reine des
souris. Je voulais vous inviter, vous et vos rennes, à notre grand défilé."
Le Père Noël en reste bouche bée. Il ne sait plus quoi répondre...
Tonnerre de tonnerre ! Va-t-il se mettre en colère ?
Non, il répond avec le sourire :
"J'accepte reine Aurélie ! Mais avant, je vais aller chercher quelque
chose dans mon atelier."
Et sous le regard ahuri de ses rennes, le Père Noël monte au grenier du
palais, et il en rapporte de vraies roues en bois, des roues pour mettre à la
place de ses galettes !
Peu après, les chars sont prêts ; les galettes sont rangées dans le grand
placard de la cuisine... toutes sauf une, que le Père Noël et ses rennes
partagent avec les souris.
Et devinez qui a eu la fève ! Un bonhomme vêtu de rouge, portant sur le dos
une cape brodée de fils d'argent... Evidemment !
Aujourd'hui, le Père Noël se réveille en
sursaut et il s'écrie :
"Zut et triple flûte ! Ce soir, c'est Noël... et je ne suis pas tout à
fait prêt. "
Plouf ! Il plonge sous la douche. Zip ! Il s'habille à toute vitesse sans même
se sécher.
" Bizarre... s'étonne-t-il. Pourquoi mes chaussettes sont-elles mouillées
?"
Il enfile son pantalon à l'envers, il met ses boutons de chemise dans les
mauvaises boutonnières... Hop ! Il glisse le pied gauche dans une botte
rouge, et le pied droit dans une botte noire.
"Je suis en retard... terriblement en retard ! " ronchonne le Père
Noël qui entasse une montagne de paquets dans son traîneau. " Quel
boulot !"
Le soir venu, il secoue ses rennes profondément endormis :
"Debout paresseux ! C'est Noël ! Vous pouvez quand même travailler une
fois dans l'année !"
Les rennes entrouvrent les yeux et ils bâillent longuement :
"Noël, déjà ? Tu es sûr, Père Nono ?
- Evidemment !" s'énerve le Père Noël.
Ça y est : tout est prêt ! Le soleil se cache derrière l'horizon et le traîneau
d'argent s'envole au-dessus des arbres givrés.
Pendant toute la nuit, le Père Noël distribue des cadeaux et des paquets aux
quatre coins de la terre.
Au lever du jour, il se retrouve enfin chez lui, bien au chaud dans sa
cuisine. Ouf... Il va pouvoir se reposer.
Alors ses rennes se mettent à rire si fort qu'ils ne tiennent plus sur leurs
pattes, si fort qu'ils ne peuvent plus prononcer un mot.
Le Père Noël écarquille les yeux : seraient-ils devenus fous ?
"Qu'avez-vous ? grogne-t-il.
- Père Nono, tu es dans la la... s'amusent les rennes.
- Je suis dans lala ? Qu'est-ce que c'est que ce tralala ? s'étonne le Père
Noël.
- Tu es dans la la... Tu es dans la lune ! " gloussent les rennes.
Le Père Noël se regarde : il est dans la lune ? Oui, c'est vrai : il a mis
sa culotte à l'envers comme le roi Dagobert ! Oui, c'est vrai : ses boutons
ne sont pas dans les bonnes boutonnières ! Oui, c'est vrai : il s'est trompé
de bottes ! Et alors ? Il n'y a pas de quoi mourir de rire !
Le Père Noël tape du poing sur la table et il gronde d'une grosse voix :
"Taisez-vous, affreux voyous ! Ça arrive à tout le monde de se tromper.
- Hi hi ah ah ! Ce n'est pas pour ça qu'on rit, Père Nono ! s'amusent les
rennes. Oh non, ce n'est pas pour ça ! "
Et du bout du museau, les rennes montrent le calendrier pendu au-dessus de l'évier.
Le Père Noël se frotte les yeux quoi ? Qu'est-ce que c'est ? C'est
impossible... 25 novembre !
Mais si ! Il s'est trompé de date. Le 25 décembre, le jour de Noël : ce
n'est pas aujourd'hui, mais dans un mois exactement !
Et les cadeaux ! Il les a tous distribués ! Calamité ! Il va devoir tout
recommencer : les fabriquer, les empaqueter, les enrubanner, les étiqueter,
les transporter... Calamité de calamité !
Le Père Noël n'est pas content du tout... Mais dans le monde entier, quelle
surprise ce matin !
"Chic Le Père Noël s'est trompé de date s'écrient les enfants ravis.
Le Père Noël est dans la lune ! Chic ! Il y aura deux Noëls cette année
!"
Bon courage, Père Noël ! Bon courage ! Car d'ici le 24 décembre, tu n'auras
pas une minute de repos.
Le père Noël a disparu
Ce matin-là le soleil se leva mais rien ne se passa...
Ce matin-là le coq chanta mais rien n'arriva...
Dans la forêt il n'y avait aucun bruit.
Pas de traîneau qui glisse, pas de bottes qui crissent, pas de père Noël qui s'agite.
Rien !
Rien que le silence dans la forêt immense.
Alors on s'étonna...Ce furent d'abord les lutins, qui comme chaque matin sciaient, coupaient, rabotaient et triaient des bûches de bois qu'ils rangeaient bien droit. Ils s'arrêtèrent soudain et écoutèrent.
Mais rien !
Rien que le silence dans la forêt immense.Ce furent ensuite les farfadet qui fabriquaient les jouets. Pan ! un coup de marteau. Sriss ! un tour de vis. Schlac l'affaire est dans le sac !
Ils s'arrêtèrent également et écoutèrent.
Mais rien !
Rien que le silence dans la forêt immense.Ce furent enfin les fées qui de leurs doigts fuselés filaient, tissaient, découpaient et cousaient les habits des poupées.
Elles s'arrêtèrent à leur tour et écoutèrent.
Mais rien !
Rien que le silence dans la forêt immense.
Alors on s'inquiéta...
Qu'est-il arrivé au père Noël ?
Tous eurent brusquement peur qu'il lui soit arrivé un malheur. Un malheur si grand que plus rien ne serait comme avant
Chacun imagina le pire. L'un, qu'un ogre l'avait fait frire. Un autre, qu'une sorcière le faisait mijoter dans une soupière. Un autre encore, qu'un loup l'avait transformé en ragoût !
Ils se turent et écoutèrent.
Mais rien !
Rien que le silence dans la forêt immense.
Alors on trembla...
Malgré les frayeurs, lutins, farfadets et fées se mirent en route dans la forêt glacée. Car le lendemain c'était Noël et il fallait absolument retrouver le père Noël
En tête venaient les lutins, tenant haches et scies à la main. Les farfadets suivaient vaille que vaille brandissant marteaux et tenailles. Derrière eux, en rang serré, trottinaient les fées. Tous s'avançaient sans un bruit dans la forêt plus profonde que la nuit
Au détour d'un chemin, nichée au milieu des sapins, ils aperçurent la maison du père Noël. Ils s'en approchèrent tout doucement, sursautant au moindre souffle de vent.
Clac ! clac ! clac ! faisaient leurs dents.
Clic ! clic ! clic ! faisaient leurs genoux.
Bong ! bong ! bong ! faisaient leurs coeurs.
Ils allaient frapper à la porte, quand soudain retentit le plus terrible des cris :
- Le loup, c'est sûrement le loup ! s'écrièrent les fées en prenant leurs jambes à leur cou.
Puis ils entendirent un ricanement à vous glacer le sang :
Ha ! ha ! ha !
- La sorcière ! C'est sûrement la sorcière ! hurlèrent les farfadets en détalant ventre à terre.
Puis résonna un effroyable bruit de bottes à vous donner la fièvre et la tremblote :
Bomm ! boum ! boum !
- L'ôgre ! c'est sûrement l'ogre ! couinèrent les lutins en s'enfuyant comme des lapins.
Ne restait que Perlimpinpin, le plus petit des lutins. Il avait aussi peur que n'importe qui mais le père Noël était son meilleur ami. Alors il grimpa tout en haut de la cheminée et se glissa en tremblant dans le conduit plus noir que la nuit. Et savez-vous ce qu'il y trouva ?Le père Noël en pyjama...
Coincé dans la cheminée, la tête en bas, qui faisait des « hou ! hou ! » et des « ha ! ha ! » et essayait de se dégager de la hotte à grands coups de bottes.
- Mais Père Noël, que faites-vous là ? s'exclama Perlimpinpin, étonné, tout en essayant de le dégager.
Le père Noël répondit en rougissant :
- J'ai voulu m'entraîner pour cette nuit, mais je crois que j'ai un peu grossi...
Perlimpinpin le poussa tant et tant que, en deux temps trois mouvements, les voilà tous deux par terre, tout étourdis et noirs de suie.
Le père Noël remercia son ami et lui jura de ne manger que des salsifis jusqu'à la prochaine nuit. Perlimpinpin partit rassuré, le père Noël pourrait faire sa tournée !
C'est le 24 décembre.
Comme tous les ans, le père Noël enfile son costume rouge et il commence à remplir son traîneau de jouets pour les enfants. Il attrape un camion de pompiers et il le trouve si beau qu'il se dit :
- Je vais jouer avec lui cinq petites minutes. Pin-pon ! Pin-pon !
Le père Noël devient pompier. Puis c'est au tour des poupées. Il les recoiffe, leur met des bigoudis et des petits noeuds dans les cheveux.Maintenant, le père Noël sort une locomotive de sa boîte et il l'installe sur ses rails.
- Tchou ! tchou ! tchou !
La locomotive s'éloigne en sifflant. Elle bute contre une boule de neige. Bing ! c'est l'accident !
Le père Noël éclate de rire. Il ne s'est jamais autant amusé. Clignotant et Supertaxi, les deux rennes qui conduisent son traîneau, arrivent au galop. Ils ouvrent de grands yeux en découvrant le père Noël à quatre pattes dans la neige, au milieu des jouets en désordre.
Supertaxi bégaie :
- Pè-père Noël, dépêche-toi, nous allons être en retard!
Et Clignotant se fâche :
- Allez, Père Noël ! Il faut ranger tous les jouets !
Le père Noël devient rouge comme un coquelicot. Il empile les jouets dans son traîneau mais il ne peut s'empêcher de soupirer, en regardant le camion de pompiers :
- Ce n'est pas toujours drôle d'être le père Noël. Personne ne me fait jamais de cadeau !
Comme il a bon caractère, le père Noël retrouve le sourire. Toute la nuit, il distribue ses cadeaux aux enfants. Enfin, au matin, le père Noël rentre chez lui, épuisé.
Au moment de se coucher, il aperçoit sur son lit un gros paquet avec un mot écrit en lettres rouges :Joyeux Noël ! Père Noël.
Oh ! surprise ! Dans le paquet il y a justement le cadeau qui faisait envie au père Noël. Le père Noël s'endort, le camion de pompiers serré sur son coeur.
En ce jour du 24 décembre, Sylvie et Robin travaillaient avec leur père au plus profond d'une forêt de montagne.
Sur la fin de l'après-midi, deux longues oreilles pointèrent au bord de la clairière. Abandonnant la serpe, les enfants du bûcheron se lancèrent à la poursuite de l'animal. Le père les rappela :
- Robin ! Sylvie ! Où allez-vous ?
- On a vu un levraut des neiges, Papa ! On va l'attraper !
Hop ! Hop ! Les pattes du jeune lièvre se détendaient comme des ressorts tandis que les enfants couraient derrière en riant. Pris par le jeu, ils ne prêtèrent pas attention à la tempête de neige qui commençait. Le lièvre disparut dans des tourbillons de flocons ; le frère et la soeur s'inquiétèrent « De quel côté se diriger ? »
Main dans la main, ils appelèrent :
- Papa ! Papa !
Seul le vent leur répondait. Le lièvre blanc réapparut. Ses bonds sur place semblaient dire : « Suivez-moi ! Je sais où aller ! »
Robin et Sylvie grimpèrent sur ses traces vers les sommets, passèrent un col. La tempête s'arrêta, une vallée inconnue apparut. Près d'un torrent gelé, contre un sapin géant scintillant de guirlandes, se tenaient une petite maison et son immense cabane.Le levraut alla directement gratter à la porte. Grat ! Grat !
La porte s'ouvrit sur un bonhomme à la barbe blanche qui prit le levraut dans ses bras et s'exclama joyeusement :
- Ah, Carolus, te voilà ! Héldise te cherchait partout !
Une bonne femme au fichu rouge vint dire derrière lui :
- Nono, voyons, fais entrer ces enfants, il fait si froid dehors !Carolus fila s'installer comme un chat dans le panier à bûches près du feu. Devant un bol de lait chaud au miel, les enfants racontèrent comment ils s'étaient perdus, puis Robin demanda :
- Pourquoi il est décoré, votre sapin ?
Héloïse répondit :
- Parce qu'à minuit ce sera Noël, qui est aussi notre jour de fête, à Nono et à moi.
- Votre fête ? s'étonna Sylvie.
- Oui, écoutez bien !
Et elle articula lentement en avançant les lèvres :
- No-no-Hél... oïse ! No-Hel ! Noël, quoi !
Quelle grimace ! Cela fit rire Carolus et les deux enfants.
Nono dit alors :
- Il y a aussi une surprise pour ceux qui viennent chez nous ce soir. Venez voir !
Sylvie et Robin suivirent Héloïse et Nono dans l'immense cabane où attendaient des milliers, des millions de cadeaux !
- Vous pouvez en prendre plusieurs, dit le bonhomme Nono ; des cadeaux, nous en fabriquons toujours trop, car nous n'avons pas assez de visites !
Sylvie choisit un cerceau, une maison de poupée, puis réfléchit et dit :
- Est-ce que je peux prendre quelque chose pour mon ami Luc... et aussi pour François ?
Son frère, qui s'était décidé pour un petit établi de menuisier, continua :
- Et moi, pour Arthur, Violaine et la vieille Mathilde ?
Les deux enfants n'avaient pas assez de bras, ou leurs bras n'étaient pas assez grands pour contenir de quoi faire plaisir à tous leurs amis.
Héloïse alla siffler sur le pas de la porte.
Dans un bruit de grelots, un traîneau volant tiré par des rennes apparut. Nono dit alors :
- Il est temps, maintenant, de vous ramener chez vous.
Minuit sonnait quand le traîneau se posa sur la chaumière de Robin et Sylvie. Nono et Héloïse les embrassèrent, et Carolus agita les oreilles pour leur dire : « À bientôt, dans la forêt ! »Dans la chaumière, leur père tâchait de rassurer leur mère :
- On va les trouver, nos petits, ne t'inquiète pas...
Soudain, le feu faiblit. Les parents sursautèrent en entendant : « Bonsoir, Papa ! Bonsoir, Maman ! » Quelle surprise ! Quelle joie ! C'est par la cheminée que leurs enfants leur revenaient !
« Robin et Sylvie étaient retrouvés ! » : les gens du village défilèrent dans la chaumière quand ils surent la nouvelle.
À cette occasion, chacun reçut un cadeau que Robin et Sylvie choisissaient dans un gros tas.
Nono et Héloïse, sur le toit, en entendant les cris de plaisir, se dirent :
- Mais voilà comment fêter vraiment notre fête de Noël !
Puis, ils ajoutèrent :
- Bonne idée !
Et ils partirent immédiatement, de cheminée en cheminée, distribuer ce soir-là les cadeaux qui restaient.
Père Noël dans la lune !
Un matin, Père Noël ouvre ses volets et s'étonne
« Des flocons de neige Déjà l'hiver ? »
Il regarde le calendrier : 24 décembre ! La veille de Noël !
« Vite, lisons les listes des enfants avant de chercher les cadeaux dans l’Etoile
des Joujoux. »
Mais Père Noël est tellement dans la lune qu'il a perdu toutes les lettres !
Père Noël, si distrait, enfin les retrouve... au fond de son bonnet.
D'abord, il prend la commande de Potin, le petit garçon qui fait du chahut :
Mon Père Noël !
« Je voudrais des vraies bottes de cow-boy avec des fers dessous, pour faire
du potin ! Pas des chaussons de grand-mère pour aller au lit sans bruit,
comme l'année dernière ! »
Ensuite, Père Noël déchire l'enveloppe de papa :
« Monsieur Noël !
J'aimerais un vélo de course pour arriver enfin le premier avant Potin. Pas
un livre de cuisine, comme il y a un an!»
Puis il regarde la liste de maman :
« Cher Père Noël !
Je déserais cette année un joli chariot pour faire mon marché, pas une
panoplie d'infirmière comme avant ! »
« Je mélange toujours tout ! Quelle honte ! » grommelle Père Noël en
baissant le nez.
Alors , il fait un beau noeud à sa barbe pour ne plus se tromper, plus jamais
! A dos de renne, il plane jusqu'à l’Etoile des Joujoux, à gauche, au bout
du ciel...
Dans le magasin des joujoux, Père Noël se promène en chariot magique. Le
chariot sait lire tout seul les listes, sans avoir été à 1'école. De plus,
il connaît les bonbons préférés des enfants. Il les cache à l'intérieur
des cadeaux, en secret. Hélas, le chariot magique ne bouge pas.
« Où est ma liste ? Et pourquoi ai-je un noeud dans ma barbe ? » se demande
Père Noël, dans la lune. Il essaie de se souvenir... Il écrit une nouvelle
liste. Mais comme il est très étourdi , il fait de drôles de commandes :
pour Potin, un sac à dos pour faire le marché. Pour papa, une trompette pour
faire du potin. Pour maman, une planche à roulettes pour gagner à la course.
Et le chariot magique roule, remplit les cadeaux de bonbons surprises...
Heureux, Père Noël dans la lune sort de l’Etoile des Joujoux. Mais il est
si étourdi qu'il emporte même le chariot magique dans sa hotte. A
califourchon sur son renne , il descend vers les cheminées des enfants, en
bas du ciel, loin sous les flocons de neige...
Père Noël cherche partout le plan des cheminées pour y déposer les
cadeaux. Hélas, il est si distrait qu'il l'a oublié sous son oreiller...
Aussi écoute-t-il aux cheminées pour reconnaître les voix de Potin, maman,
papa. La joue appuyée au toit, il tend l'oreille :
« Pourvu que Père Noël m'apporte mon sac à dos ! Et moi, ma trompette ! Et
moi, ma planche à roulettes ! »
Père Noël galope de joie sur son renne « J'ai tout ça dans ma hotte !
Comme ils vont être contents ! »
Et il verse le contenu de son chariot magique le long de la cheminée en
chantant : Joyeux Noël, les enfants ! Puis il s'envole sur un autre
toit pour trouver la famille de Potin.
Soudain, Père Noël tend l'oreille. Trois petites voix chuchotent :
« Pourvu que j'aie mes bottes de cow-boy ! Et moi mon vélo de course ! Et
moi mon joli chariot ! »
« C'est là, c'est bien ici ! » rit Père Noël dans le noeud de sa barbe.
Mais il est si étourdi vraiment qu'il... n'a plus rien, plus rien dans sa
hotte.
« Que leur offrir ? J'ai déjà donné tous mes cadeaux à la cheminée
voisine ! Quel ennui d'être si distrait, si dans la lune aussi ! »
Père Noël aimerait tant que le Noël de cette maison qu'il aime tant soit réussi
! Tout à coup, il lui vient une idée. Il enlève ses bottes et les jette par
le trou de la cheminée.
« Joyeux Noël, Potin ! De la part du Père Noël »
Puis, en chaussettes, Père Noël escalade la gouttière. Il frappe à la fenêtre
et dit à papa :
« Voici mon renne ! Il gagne toutes les courses ! Et même il vole ! »
Par la porte, il entre dans la maison, et dépose au milieu du salon le
chariot magique.
Et toute la famille lève les bras au ciel « LE PÈRE NOËL ! ON A VU LE PÈRE
NOËL, ENFIN ! »
Alors, le Père Noël sursaute.
« Suis-je étourdi ! Suis-je dans la lune ! D'habitude, un Père Noël sérieux
ne rentre jamais dans une maison surtout en chaussettes ! Il fait juste sa
distribution de cadeaux en cachette, au-dessus des cheminées, pour faire de
vraies surprises ! »
Cependant, il oublia encore... de partir. Il resta longtemps, si longtemps
qu'il vit... Potin enfiler ses bottes. Elles étaient grandes, si larges
qu'elles faisaient un énorme « floc » à chaque pas. Il vit... papa
s'envoler à dos de renne jusqu'à l'Etoile des Joujoux, puis redescendre en
planant. Et jusqu'à l'année suivante, la maison déborda de bonbons
surprises grâce au chariot magique du Père Noël si étourdi, si dans la
lune qu'il oubliait tout, qu'il mélangeait tout, mais tout !
Au secours du Père Noël
Ecrit par Catherine de Lasa et illustré par Colette Camil
La nuit est noire comme un chat noir. Le Père Noël,
sur son traîneau, distribue des millions de cadeaux. Mais voilà que le traîneau
ralentit. Le Père Noël s'inquiète :
- Qu'est-ce qui ne va pas, les rennes ?
Renne Blanc se retourne et il répond :
- C'est Petit Renne qui ne va pas. Il pleure parce qu'il est fatigué.
Le Père Noël ordonne :
- Descendez tout de suite.
Les rennes obéissent et le traîneau se pose au pôle Nord, juste à côté
d'un igloo. Un enfant esquimau en sort. Il s'appelle Asiak.
Le Père Noël lui demande :
- Veux-tu garder Petit Renne jusqu'à mon retour ?
Asiak est d'accord. Il détache Petit Renne et il propose :
- Prenez mon chien de traîneau pour remplacer Petit Renne.
Le Père Noël n'a pas le temps de dire oui ou non, Asiak a déjà attelé son
chien et le traîneau s'est envolé dans le ciel.
Bientôt, il arrive au-dessus d'une ville. Le Père Noël saute sur les toits,
il descend dans les cheminées, il remonte, encore et encore. Ça y est ! Tout
est distribué dans cette ville. Le traîneau repart. Mais voilà qu'il
ralentit encore.
Le Père Noël demande :
- Qu'est-ce qui se passe, les rennes ?
Renne Bleu se retourne. Il répond :
- C'est moi. J'ai attrapé un rhume au pôle Nord, j'ai affreusement mal aux
oreilles.
Le Père Noël n'hésite pas :
- Il faut te mettre au chaud ! Allez ! on descend justement, on survole un désert.
Le Père Noël couvre Renne Bleu avec une couverture. Il lui donne un sirop et
il lui dit :
- Repose-toi bien et attends-nous.
Il remonte dans son traîneau quand Renne Blanc arrive et dit :
- J'ai discuté avec un chameau et je te présente son maître, Brahim.
Brahim dit :
- Père Noël, je vous prête mon chameau pour remplacer Renne Bleu.
Brahim attelle son chameau et le traîneau s'envole. Mais biiinng ! il se
cogne dans une cheminée ! Renne Brun hurle :
- Ouille, je me suis tordu la patte !
Les rennes décident :
- On descend ! On va te faire un bandage.
Le Père Noël grogne :
- Oh, quelle nuit ! On est de plus en plus en retard !
Le traîneau se pose dans une savane et les rennes bandent la patte de Renne
Brun. Au moment de repartir, Renne Roux dit :
- J'ai rencontré un zébu, et voici son maître, Kossi.
Kossi propose :
- Père Noël, voulez-vous mon zébu pour remplacer Renne Brun ?
Le Père Noël soupire :
- Merci, merci beaucoup. Je n'ai jamais vu une nuit de Noël pareille !
Et il remonte dans le traîneau qui s'élance dans le ciel. Maintenant, le traîneau
file à toute vitesse, de ville en village, d'immeuble en maison.
Ouf ! tous les jouets sont distribués.
Alors, le Père Noël raccompagne le zébu de Kossi, et il reprend Renne Brun,
puis le chameau de Brahim et il récupère Renne Bleu, et puis le chien d'Asiak,
et il retrouve Petit Renne.
Enfin tout le monde va se coucher. En s'endormant, le Père Noël se dit : «
Les enfants endormis, c'est joli, mais les enfants réveillés, qu'est-ce que
ça peut être gentil ! »
Drôle de sapin
Ecrit par Serge Kozlov et illustré par David Mc Phail
La neige tombait depuis des jours sur la forêt et ni Hérisson, ni Anon,
ni Ourson ne pouvaient mettre le nez dehors. Heureusement, le soir de Noël la
tempête se calme et les trois amis se réunissent dans la maison de Hérisson.
Ourson s'écrie :
- Nous n'avons pas de sapin !
Anon dit :
- Il faut aller en chercher un.
Hérisson soupire :
- Il fait trop noir maintenant, et avec toute cette neige !
Ourson décide :
- De toute façon il nous faut un sapin.
Et les trois amis sortent de la maison.
La nuit est très noire et le ciel est si rempli de nuages qu'on ne voit pas
une seule étoile.
Anon dit :
- La lune n'est pas là, on ne voit même pas les sapins.
Ourson dit :
- Essayons à tâtons.
Mais les grands sapins sont trop grands pour entrer dans la maison et les
petits sapins sont enfouis sous la neige jusqu'à la pointe. Anon, Ourson et Hérisson
rentrent dans la maison en faisant triste mine.
Ourson soupire :
- Quel Noël !
Anon ajoute :
- On ne peut pas se passer de sapin à Noël !
Hérisson prépare le thé. Il apporte un pot de miel pour Ourson et une
assiette de chardons pour Anon. Hérisson ne pense plus au sapin. Il a un
autre souci. Il pense à sa pendule qui est cassée et que Pic-Vert l'horloger
ne lui a pas encore réparée.
Il demande :
- Comment saurons-nous qu'il est minuit ?
Anon répond :
- Nous le sentirons !
Ourson s'étonne :
- Comment ?
Anon explique :
- C'est très simple. À minuit, cela fera exactement trois heures que nous
aurons envie de dormir.
Hérisson s'écrie :
- C'est vrai !
Puis il réfléchit et il ajoute :
- J'ai une idée pour le sapin ! On va mettre ce tabouret ici, je vais grimper
dessus et vous accrocherez les jouets, les boules et les guirlandes sur mes
piquants !
Et c'est ce qu'ils font.
Puis, Ourson et Anon s'assoient pour boire leur thé.
Ourson demande :
- Tu n'es pas trop fatigué, sapin ?
Anon s'endort à moitié.
Hérisson dit :
- Quelle heure est-il ?
Ourson répond :
- Minuit moins cinq. Dès qu'Anon sera endormi, il sera exactement minuit.
Soudain Anon bâille un grand coup et il crie :
- Minuit ! Il faut sonner l'heure.
Alors, Hérisson attrape délicatement une tasse à thé et il tape dessus
douze coups avec une petite cuillère. Ourson et Anon écoutent en retenant
leur respiration. Au douzième coup, les trois amis s'écrient :
- joyeux Noël !
Et puis Anon s'endort tout à fait. Ourson s'endort à son tour. Hérisson
reste tout seul, debout sur son tabouret.
Alors il se met à chanter tout bas tous les chants de Noël qu'il connaît.
Il chante jusqu'au matin pour ne pas s'endormir et casser les jouets.
La Halte du Père Noël
Texte de Cécile Gagnon.
Pour un Québécois, il faut que Noël soit blanc ! C'est-à-dire que, le 25 décembre, il faut que la neige ait déjà recouvert villes et campagnes sinon ce n'est pas un vrai Noël. Il va sans dire que les sapins, les guirlandes, les lumières sont omniprésents durant la période des fêtes. Il n'y a pas si longtemps, Noël était surtout une célébration religieuse et l'on festoyait en famille après la messe de minuit. Aujourd'hui le petit Jésus de la crèche n'en mène pas large. Le Père Noël occupe beaucoup de place dans l'imagerie, sa silhouette se retrouve partout et la folie de la consommation a gagné toute l'Amérique.
Mais on s'arrête parfois pour rêver, comme ce Père Noël qui fait une halte méritée dans la forêt québécoise.
Il fait nuit à Plumebois. Tous les animaux sont éveillés. Qui a envie de dormir la nuit de Noël ? Surtout à Plumebois où tous les habitants savent très bien qu'après minuit le Père Noël s'arrêtera chez eux.
Comment ? Tu ne le sais pas ? Bien sûr que non, j'oubliais. Puisque c'est un secret. Seuls les habitants de Plumebois le savent. Au village, à Plumetis, personne ne le sait.
Tous les ans, après sa tournée, le Père Noël vient se reposer à Plumebois.
Cette nuit, le ciel est clair et tout semé d'étoiles. La neige est fraîchement tombée de ce matin. Dans le chêne, on fait des paris.
- Je parie six noisettes que je le verrai le premier, dit l'écureuil roux.
- Et moi, je parie deux vers que je l'entendrai le premier, dit la mésange.
- Urk, merci pour tes vers, reprend l'écureuil dégoûté.
- Ne faites pas tant de bruit, espèces de bavards, leur
dit la chouette.
« Que c'est long d'attendre ! » pensent les lièvres.
Les lièvres pourtant ne savent pas très bien ce qu'ils attendent. L'an dernier, à la même date, ils n'étaient même pas nés.
- Soyez patients, leur dit leur maman.
Les perdrix sautillent, courent, s'agitent.
Que c'est long, que c'est long !
Pendant ce temps, à l'orée du bois, le cerf fait le guet.
Le coucou, perché sur la tête du cerf, transmet les
messages aux autres.
- Ne vois-tu donc rien encore ? demande le coucou.
- Non. Et toi, n'entends-tu rien encore ? demande le cerf.
- Rien, répond le coucou.
Autour du chêne, les écureuil entassent des branches de sapins.
Le raton laveur court au ruisseau. Il cassa la glace. Il remplit d'eau un cornet en écorce qu'a fabriqué le renard. Les lièvres n'en peuvent plus d'attendre. Ils sont si fatigués d'avoir gambadé dans la neige tout le jour.
- Si nous faisions une petite sieste, en attendant, propose le plus grand.
- La bonne idée, décident les trois frères.
Et chacun se fait un petit trou sous la neige et
s'endort.
Les écureuils n'arrêtent pas d'aller et venir dans les branches. L'écureuil
roux a sûrement oublié son pari. Le voici, le nez dans la neige, qui gratte
le sol pour retrouver ses noisettes. À ce moment, la mésange arrive à
tire-d'aile.
- J'entends la clochette, j'entends la clochette, crie-t-elle haletante.
Le coucou, distrait, n'a rien vu. La mésange, elle, a gagné son pari.
Le coucou s'envole très haut au-dessus des arbres. Il redescend très vite :
- Oui ! c'est lui, dit-il au cerf. Je l'ai vu.
Le coucou part vite avertir les animaux. Mais tout le monde sait déjà la nouvelle. Et tous les habitants attendent le cœur battant. C'est le Père Noël !
Le cerf, à l'orée du bois, ne voit toujours rien. Il tremble un peu, tout seul dans le noir. Il entend le bruit doux de quelque chose qui glisse sur la neige, et le faible tintement d'une clochette.
Le son de la clochette se rapproche. Mais on ne voit toujours rien dans le noir. Le cœur du cerf bat très fort. Tout à coup, voici qu'il voit avancer vers lui dans la nuit un drôle de cerf. Un cerf plus grand que lui, avec un panache étonnant dont il n'a jamais vu le pareil.
Le cerf en reste bouche bée.
- Qui est-ce ?
Lui qui devait accueillir le Père Noël, il est si surpris qu'il ne peut dire un mot. Heureusement que le coucou, voyant la mine étonnée du cerf, vient lui dire à l'oreille :
- C'est le caribou du Père Noël.
- Ah ! le caribou... et le cerf ouvre grand ses yeux.
Derrière le caribou vient le traîneau blanc. Dedans, le Père Noël est endormi. Il n'a pas besoin de tenir les rênes. Le caribou sait le chemin par cœur. Le gros sac dans la traîneau est tout aplati. Tous les cadeaux sont distribués, à Plumetis comme ailleurs. Arrivé près du chêne, le traîneau s'arrête.
Et le Père Noël s'éveille.
- Bonsoir, dit-il à tous, de sa bonne voix.
- Bonsoir, Père Noël, disent ensemble tous les animaux éblouis.
- Vite, vite les lièvres, réveillez-vous. Le Père Noël
est là , crie la chouette.
Le Père Noël descend du traîneau. Il retire ses bottes brillantes, sa tuque* et ses mitaines.
- Comme vous êtes gentils de m'avoir fait un bon lit, dit-il.
Les perdrix apportent un oreiller de mousse et de plumes qu'elles ont confectionné en secret.
- Je vais bien me reposer, dit le Père Noël. Mais avant, dit-il, je vais fumer une bonne pipe.
Ce disant, le Père Noël sort de sa poche un petit bâton blanc et une jolie pipe brune qu'il met dans sa bouche. Les petits lièvres qui sont toujours en retard arrivent en se frottant les yeux.
- C'est lui le Père Noël ? demandent-ils.
- Chut,chut, disent les écureuils.
Le Père Noël frotte le petit bâton sur le patin du traîneau et une flamme jaillit. Il allume sa pipe : une fumée bleue monte dans le ciel au-dessus de Plumebois. Mmmm ! comme ça sent bon !
- Ah ! qu'il fait bon à Plumebois, dit le Père Noël.
Raton laveur lui porte son cornet plein d'eau fraîche.
Le Père Noël le boit tout d'un trait.
- Merci, dit le Père Noël.
Tout en fumant sa pipe, Père Noël parle à chacun, fait la connaissance des nouveaux et raconte, comme chaque Noël, son voyage.
- Maintenant, voici mon cadeau à vous, habitants de Plumebois, dit le Père Noël.
Les animaux se rapprochent et écarquillent leurs yeux. Ils voient le Père Noël sortir de sa poche une ficelle et s'en va jusqu'au sapin vert. Là, il attache un des bouts à une branche et garnit tout le sapin. Les animaux se regardent, étonnés.
- Qu'est-ce que c'est ? demandent-ils tous à la fois.
- C'est un calendrier, explique le Père Noël. Un calendrier à manger.
Un calendrier ... qu'on mange ? Lièvres, écureuils, oiseaux, raton laveur, renard ne comprennent rien du tout.
- Ces boules de ficelles sont des fruits secs et des noisettes.
Vous les aimez bien, n 'est-ce pas ? dit le Père Noël.
- Oui, oui, répondent ensemble les habitants de Plumebois.
- Eh bien ! À partir de demain, allez au sapin et mangez un fruit de la guirlande. Mais n'en mangez qu'un seul par jour. Puis, quand il n'en restera plus, cela voudra dire que je reviendrai cette nuit-là chez vous, à Plumebois.
Les animaux de Plumebois sont en admiration devant le sapin-calendrier :
- Nous avons un calendrier, nous avons un calendrier ! se mettent-ils à chanter.
Et pensez donc s'il est heureux ce sapin. C'est le Père Noël lui-même qui l'a décoré !
- Combien y a-t-il de fruits ? demande le renard.
- Je vais les compter, propose un écureuil. Mais il y en a trop.
Le Père Noël, amusé, leur dit :
- Il y en a 364.
- Ah ! font ensemble les animaux émerveillés.
- Maintenant, je vais me reposer un peu, dit le Père Noël en se couchant sur le lit de branches. Mais veillez bien pendant que je dors : gardez bien votre secret. Il faut que personne ne me voie, sinon je ne pourrai plus faire halte à Plumebois. Aussitôt lièvres, écureuils, mésanges, coucous se postent aux quatre coins de Plumebois comme sentinelles.
Autour de Plumebois, on ne voit que les prés qui dorment sous la neige. Il y a aussi quelques chemins creux qui traversent les prés ou longent les champs, puis qui mènent au village de Plumetis.
À Plumetis, les maisons sont serrées les unes contre les autres, comme pour se tenir bien au chaud ensemble. Cette nuit, après toutes les festivités de Noël, le village s'est endormi. Il reste bien une lumière ici et là mais tout dort. C'est justement ce moment qu'attendent les cheminées. Toutes les nuits d'hiver, quand tout est endormi, les cheminées se parlent. Alors, elles lancent leurs longs rubans dans le ciel. Elles font des courses, des guirlandes et s'amusent à courir entre les étoiles. Jamais elles ne font de telles choses le jour ! Cette nuit, elles ont attendu longtemps, longtemps que tout soit endormi.
- Enfin ! se disent-elles quand tout s'est tu à Plumetis.
Chacune, en déroulant ses rubans de fumée, raconte le Noël de sa maison.
- On a grillé des guimauves chez moi.
- Chez moi, les enfants ont trouvé un petit chat dans leurs chaussons !
- Chez nous, les enfants ont reçu une grande traîne* sauvage du Père Noël.
- Chez moi, le papa est malade. Les enfants lui ont
chanté de jolies chansons, tout doucement, pour l'égayer.
Les cheminées se connaissent toutes. Elles sont à Plumetis depuis très longtemps, et tous les soirs d'automne et d'hiver elles bavardent. Mais ce soir de Noël une surprise les attend. Là-bas, au-dessus de Plumebois, s'élève une mince fumée bleue qu'elles n'ont jamais vue avant.
- Qui est-ce donc ?
- Y aurait-il une cheminée à Plumebois ?
- Depuis quand ?
- D'où sort-elle ?
- Allons voir !
Et les cheminées qui, en plus d'être bavardes, sont très, très curieuses, étirent leurs fumées bleues, blanches, grises. Excitées par l'idée de découvrir peut-être un secret à Plumebois, elles s'étirent, s'étirent, mais n'arrivent pas à rattraper la fine fumée bleue.
- Aidez-nous, les étoiles ! demandent-elles.
Mais les étoiles ne savent pas comment.
- Aidez-nous, monsieur le vent ! demandent-elles.
Monsieur le vent veut bien, pour cette nuit, leur donner
une petite poussée. Mais ce n'est pas assez, et déjà la fine fumée bleue
de Plumebois a disparu. Les cheminées de Plumetis sont fort déçues.
Toutefois, en plus d 'être bavardes et curieuses, elles sont aussi très étourdies.
Si bien qu'elles oublient vite leur tentative et reprennent leurs bavardages.
Ouf ! Le secret de Plumebois n'a pas été découvert. Les Lièvres qui, comme chacun sait, ne sont pas très patients, ont abandonné leur guet. Ils s'amusent avec raton laveur à essayer les grosses mitaines et la tuque* du Père Noël.
Les écureuils ont bien du mal à se retenir d'aller croquer des noisettes sur le sapin-calendrier.
Pendant que dort le Père Noël, son fidèle caribou se promène à travers les arbres comme il n'y en a pas dans son pays.
- Mon cousin, dit-il au cerf, viens me dire le nom de tes grands arbres.
Et Cerf lui présente les érables, les frênes, les chênes.
- Chez moi, je mange des lichens, dit le caribou, et toi ?
- Des lichens, qu'est-ce que c'est que ça ? demande le
cerf.
La chouette, postée en haut du chêne fait soudain hou-hou-hou-hou. Attention, attention, voici quelqu'un !
Quel affolement ! Tous les animaux se précipitent vers le traîneau. Ils hissent le gros sac vide hors du traîneau et le tirent sur le Père Noël pour le cacher. Le caribou et le cerf oublient vite leur conversation et arrivent en courant. Un oiseau blanc vient se poser sans bruit sur le panache du caribou.
Aussitôt Caribou rassure tout le monde :
- C'est Bruant, dit-il.
Mais « Bruant », ça ne veut rien dire aux habitants
de Plumebois.
Ce n'étaient pas des pas que la chouette avait entendus, mais le bruit de
deux ailes dans la nuit.
- Comme tu nous as fait peur, Bruant ! dit Caribou.
Bruant, c'est un petit oiseau tout blanc : Bruant des neiges est son vrai nom. Bruant des neiges accompagne toujours le Père Noël dans ses voyages. C'est lui qui détermine les trajets et qui sait quel chemin éviter s'il y a une tempête, quelle forêt traverser ...
Les animaux de Plumebois, revenus de leur frayeur, le saluent gentiment. Bruant avait quitté le Père Noël à l'orée de Plumebois, le sachant en sécurité, pour aller inspecter la route de la grande forêt.
- Il est l'heure de repartir, dit-il au Père Noël qui s'éveille.
Les petits lièvres sanglotent si fort qu'ils n'ont rien entendu.
- Père Noël ne viendra plus jamais, bou-hou, hou.
- Le secret est découvert, ou-ou.
- Oh ! ooohh.
Mais ils sèchent vite leurs larmes en voyant le Père Noël éclater de rire en les regardant. Si tu les voyais, toi aussi tu rirais !
L'un a la tuque* du Père Noël enfoncée sur les oreilles ; l'autre a mis les grosses mitaines dans ses pattes de derrière, et le troisième a sa longue écharpe enroulé autour du cou.
- Ne pleurez pas, petits lièvres. Bruant est mon ami. Il n'est pas un étranger.
- Ah ! soupirent les petits lièvres en remettant la tuque* , les mitaines et l'écharpe au Père Noël.
C'est donc l'heure du départ. Caribou reprend sa place devant le traîneau que le Père Noël attache solidement au harnais.
- Au revoir mon ami Cerf, dit le Caribou. À l'an prochain.
- À l'an prochain, répond Cerf, tout heureux de s'être fait un nouvel ami.
Père Noël, bien reposé et souriant, monte sur le traîneau blanc. Il salue tous les habitants de Plumebois et leur dit :
- Prenez bien soin de votre calendrier et surveillez les gourmands.
Tous promettent de respecter les règles et de ne manger qu'une « boule » par jour, même les gourmands.
- Bon voyage, disent tous les animaux.
Bruant ouvre la marche. La clochette tinte doucement tandis que le traîneau s'éloigne. Et le jour se lève sur Plumebois. La neige qui tombe recouvrira bientôt toutes les traces du traîneau. Tous les animaux soupirent de contentement.
Quelle belle nuit de Noël !
La Retraite du Père Noël
Texte de Marie-Andrée et Daniel Mativat.
Le père Noël a envie de repos. Il quitte la profession. Il faut lui trouver un remplaçant. Marie-Andrée et Daniel Mativat ont écrit à quatre mains plusieurs ouvrages pour les jeunes. Une de leurs spécialités est d’utiliser des faits vécus, tels que la vraie épopée d’un phoque échoué dans le port de Montréal ou celle d’un astronaute russe oublié en orbite autour de la Terre, pour les transformer en récits palpitants. Cette fois-ci, ils ont laissé voguer leur imagination.
Après avoir distribué ses cadeaux aux enfants du monde entier, le Père Noël rentre chez lui, au pôle Nord.
- Je suis épuisé ! soupire-t-il, en se laissant tomber dans son fauteuil. Décidément, je crois que je suis trop vieux pour ce métier. Les longues balades en traîneau au beau milieu de la nuit, les atterrissages sur les toits enneigés, les plongeons dans les cheminées mal ramonées, tout ça n’est plus de mon âge. Depuis le temps que je fais ce métier, j’ai bien gagné le droit de me reposer. Il serait peut-être temps que je songe à la retraite.
C’est ainsi qu’un jour de décembre, les journaux du monde entier publient cette petite annonce :
Opportunité exceptionnelle !
Fabrique de jouets de réputation internationale à vendre.
Personnel dynamique et fiable. Vaste clientèle.
Possibilités de voyager à travers le monde entier.
Conditions à discuter.
Écrivez à :
Monsieur Noël
Pôle Nord
Canada
Hoh hoh
L’avant-veille de Noël, un avion d’Air Inuit se pose au pôle Nord. Un homme d’affaires descend du petit appareil.
Le Père Noël l’accueille chaleureusement et l’invite à prendre une tasse de thé.
- Je ne suis pas venu ici pour prendre le thé, bougonne le nouveau venu. Pour moi, le temps c’est de l’argent. Je n’ai donc pas une minute à perdre ! Conduisez-moi tout de suite à la fabrique !
Rapidement, le Père Noël entraîne son visiteur dans l’atelier de menuiserie. La pièce embaume le bois fraîchement coupé.
Au milieu de la sciure et des copeaux, les lutins jouent du rabot et du pinceau.
- Les lutins menuisiers n’ont pas meilleur pareil pour fabriquer les skis et les traîneaux ! lance le Père Noël.
L’homme d’affaires fait la grimace :
- Je les remplacerai par des robots. Ils travaillent plus vite et sont plus beaux.
Le Père Noël a bien du mal à cacher sa déception.
À l’écurie, l’industriel fait la moue :
- Ce traîneau, c’est un gros zéro et ces animaux sont bons pour le zoo. Je ferai la tournée en motoneige volante. Ça file plus vite et ça vole plus haut !
Malgré ces remarques désagréables, le Père Noël s’efforce de garder son calme. Il prend une grande respiration et entraîne son visiteur dans la maison. Là, il lui tend fièrement son costume rouge et ses bottes fourrées :
- Cette veste et ce pantalon ont été taillés dans le meilleur lainage et vous tiendront bien au chaud !
Le bonhomme proteste aussitôt :
- Jamais je ne mettrai ces oripeaux sur mon dos. Ils sont démodés et ils me grossiraient trop.
Tout ce que le Père Noël lui présente, l’homme d’affaires le rejette avec dédain. Devant les milliers de lettres venues des quatre coins du monde, l’industriel laisse tomber :
- Dès que le contrat sera signé, je fermerai ce bureau de poste. Fini le temps gaspillé à lire toutes ces missives et à répondre à tout ce courrier. Terminé le service personnalisé. Peu importe s’ils espèrent une bicyclette, un ourson, un train électrique ou une poupée, désormais les enfants devront se contenter de ce que je leur offrirai.
Le Père Noël sent la moutarde lui monter au nez.
- En fin de compte, je crois que je vais tout démolir, ajoute l’homme d’affaires, en désignant la maison, l’écurie et l’atelier des joujoux. Je déménagerai à Montréal ou à Toronto.
En entendant cela, le Père Noël frémit. Autour de lui, ses lutins poussent des hauts cris. Sûr de lui, l’industriel tire un document de sa serviette.
- Signez-ici !
Le Père Noël repousse fermement contrat et stylo et fronce les sourcils.
- Et les enfants, demande-t-il, allez-vous au moins les prendre sur vos genoux ?
- Vous êtes fou ! s’indigne l’homme en complet gris. Je n’ai pas le temps... Et puis... je l’avoue, je déteste les enfants. À ces mots, le Père Noël devient plus rouge que sa tuque*. Il saisit le triste sire par le fond de son pantalon et le jette dehors sans ménagement.
- Bien fait ! Bravo ! applaudissent les lutins.
- Ouf ! Je me sens beaucoup mieux, déclare le Père Noël. Je dirais même que je suis en pleine forme. Qu’on m'enfile mes bottes ! qu’on attelle mes rennes ! Finalement, je crois que ce n’est pas encore cette année que je prendrai ma retraite.