Nos ados ont du coeur
J'ai 12 ans et j'aimerais être utile à ceux qui en ont besoin. «Avec mes amis, on aimerait faire quelque chose pour les enfants défavorisés, mais on ne sait pas comment s'y prendre.». Chaque jour, le Secours populaire reçoit des dizaines de lettres comme celles-là. Des messages pris très au sérieux. «Les enfants ont besoin de passer à l'action, explique Seynabou Dia, responsable de la jeunesse au Secours populaire. Ils ne supportent pas de subir, sans rien pouvoir y faire, la dureté du monde qui les entoure, une fois qu'ils en ont pris conscience, vers 10/12 ans. » Des enfants souvent sensibilisés par leurs parents bénévoles ou bénéficiaires de l'aide apportée par le Secours populaire. «La plupart des enfants solidaires sont issus de familles défavorisées. S'engager pour les autres les aide à dépasser leurs propres difficultés.»
C'est pour répondre à cette envie d'agir que l'association a créé, en 1992, le mouvement d'enfants solidaires, Copain du monde. Depuis, les actions concrètes de solidarité initiées et menées à leur terme par les quelque 6 000 enfants du réseau, répartis dans toute la France, se comptent par milliers. En collectant du matériel scolaire qu'ils enverront au Burkina Faso, en créant un journal d'enfants pour inviter leur cité à prendre la parole, en organisant le recyclage des déchets dans leur collège, en fabriquant des masques vendus au profit des SDF, les enfants savent bien qu'ils ne vont pas changer la rotation de la Terre. Mais ils sont aussi persuadés qu'il vaut mieux apporter sa petite pierre, taillée à leur mesure, à l'édifice solidaire, plutôt que de fermer les yeux.
De leur côté, les animateurs du SPF, sont là, à leur demande, pour leur offrir les outils, la logistique, et le cadre nécessaires à la réalisation de leurs projets ; mais jamais pour leur souffler la bonne idée et encore moins pour leur apporter une aide financière. «Contrairement aux adultes qui imaginent qu'aucune action n'est possible sans soutien matériel, les enfants sont capables de faire beaucoup avec rien, confirme Seynabou Dia. C'est parce qu'il n'y a pas d'argent qu'ils ont de bonnes idées.»
«Aide-moi à faire seul», aurait traduit Françoise Dolto. Un encadrement indispensable. « Quand un enfant s'engage, il se met en danger. Il prend le risque d'échouer, de se trouver en déséquilibre», explique en effet Michel Cassé, délégué national du mouvement d'éducation populaire des Francas.
Sans pouvoir chiffrer précisément le nombre d'enfants citoyens, le ministère de l'Education, celui de la Jeunesse et des Sports, les ONG et les mouvements d'éducation populaire constatent toutefois une croissance marquée de l'engagement juvénile. L'organisation non gouvernementale Action contre la faim a ainsi recensé 70 000 collégiens et lycéens participant à son opération «Courir contre la faim» en 2005 (voir portrait ci-contre) et 85 000 en 2006, alors qu'ils n'étaient «que» 34 000 lors de la première édition en 2003. Michel Cassé relève lui aussi cette tendance à la participation au sein de son mouvement qui touche un million et demi d'enfants : «On le voit à travers la mise en place des conseils municipaux d'enfants, des Juniors associations ou des Atec - Associations temporaires d'enfants citoyens - qui connaissent un énorme succès.»
Autre certitude : l'engagement est majoritairement une affaire de filles. «Nous comptons cinq filles pour deux garçons, constate Seynabou Dia.Je crois qu'elles sont plus sensibles, plus tournées vers les autres et surtout plus demandeuses de réflexion. Elles posent beaucoup de questions avant de se lancer dans une action. Leur engagement s'inscrit dans la durée, tandis que les garçons veulent agir tout de suite et passer à autre chose.»
Un constat que confirme Olivier Tronel, professeur d'histoire-géo et animateur du club Unesco du collège Victor-Hugo à Aulnay-sous-Bois (93) : «Les filles sont plus mûres. Elles sont en quête d'une reconnaissance des adultes et de l'institution, contrairement aux garçons qui seraient plus enclins à s'y opposer. Elles trouvent dans le club une valorisation en se mettant au service des autres, alors qu'en classe, les garçons leur font de l'ombre en étant trop présents, trop bavards, trop envahissants.»
Si les actions de solidarité ont depuis longtemps et de façon informelle droit de cité à l'école ou dans les centres de loisirs (ventes de timbres pour les lépreux ou de broches en forme de cannes blanches en faveur des aveugles), l'humanitaire a officiellement fait son entrée dans les établissements scolaires il y a une quinzaine d'années. En 1990, précisément, lorsque la convention relative aux droits de l'enfant adoptée par les pays membres de l'ONU et signée par la France a donné aux jeunes citoyens, entre autres droits, celui de s'exprimer dans le cadre de l'école et de la vie publique et celui de s'associer. Immédiatement et massivement, les enseignants ont encouragé cette prise de parole en facilitant la représentation des ONG au sein des établissements ou en montant eux-mêmes des associations et des actions de solidarité. L'objectif : former de futurs citoyens, l'une des missions premières de l'école.
«L'engagement n'est pas une solution, c'est un outil, confirme Olivier Tronel. Il apprend aux jeunes à se mobiliser quand ils sont face à un problème, à réaliser qu'ils ne sont pas toujours dans l'impuissance face aux difficultés. Le jour où ces jeunes auront des responsabilités de citoyen, de chef d'entreprise ou de travailleur, on peut espérer que toutes les actions qu'ils auront menées au cours de leur enfance porteront des fruits.»
Mais cet engagement a-t-il une influence positive plus immédiate sur leur comportement ? La réponse du délégué général des clubs Unesco, Bruno Granozio, est mesurée : «Le ministère de l'Education nationale, qui est notre principal partenaire, nous demande régulièrement de prouver que la participation d'un élève à un club Unesco permet d'augmenter ses résultats scolaires, disciplinaires et de diminuer la violence exprimée à l'école. Mais nous ne pouvons pas l'affirmer. Le club n'est pas un îlot. Ses membres retrouvent leur environnement à la sortie. L'acte éducatif n'est pas mesurable, quantifiable. En revanche, ce qui est sûr, c'est que l'engagement dans une action de solidarité augmente l'estime que les jeunes ont d'eux-mêmes. C'est déjà beaucoup.»
Mais les enseignants, les éducateurs et les représentants de mouvements d'éducation populaire sont unanimes à estimer que cet impact est surtout dû au caractère volontaire de tels engagements. Ils rejettent l'idée d'une quelconque obligation : «Je verrais avec inquiétude des élèves qui viendraient chercher leur bonne note de vie scolaire au club Unesco, s'alarme Olivier Tronel. Cela casserait notre dynamique. Le dispositif ne fonctionne que parce que la démarche des élèves est désintéressée.»
Si les pouvoirs publics tiennent malgré tout à interférer dans la mécanique solidaire, ils pourraient cependant le faire en valorisant davantage l'engagement des jeunes citoyens. «Le livret de l'engagement initié par le ministère de la Jeunesse et des Sports est à ce titre intéressant, remarque Michel Cassé. Car les compétences scolaires ne font pas tout. Valider les compétences sociales serait reconnaître leur valeur ajoutée pour les jeunes qui s'impliquent, ainsi que leur aptitude à s'insérer dans la société.»
A lire : guide Ensemble, initiatives solidaires en France, d'Anne Legrand et Bruno Manuel (éditions Autrement)/Les Clés du citoyen 2006 (éditions Milan).
Adresses utiles :
- Fédération nationale des Francas (01.44.64.21.00 ; www.francas.asso.fr).
- Fédération française des clubs Unesco (01.42.58.68.06 ; www.clubs-unesco.org).
- Copain du monde - Secours populaire (01.44.78.21.90 ; www.copaindumonde.org).
- Action contre la faim (01.43.35.88.88 ; www.actioncontrelafaim.org).
J'ai 12 ans et j'aimerais être utile à ceux qui en ont besoin. «Avec mes amis, on aimerait faire quelque chose pour les enfants défavorisés, mais on ne sait pas comment s'y prendre.». Chaque jour, le Secours populaire reçoit des dizaines de lettres comme celles-là. Des messages pris très au sérieux. «Les enfants ont besoin de passer à l'action, explique Seynabou Dia, responsable de la jeunesse au Secours populaire. Ils ne supportent pas de subir, sans rien pouvoir y faire, la dureté du monde qui les entoure, une fois qu'ils en ont pris conscience, vers 10/12 ans. » Des enfants souvent sensibilisés par leurs parents bénévoles ou bénéficiaires de l'aide apportée par le Secours populaire. «La plupart des enfants solidaires sont issus de familles défavorisées. S'engager pour les autres les aide à dépasser leurs propres difficultés.»
C'est pour répondre à cette envie d'agir que l'association a créé, en 1992, le mouvement d'enfants solidaires, Copain du monde. Depuis, les actions concrètes de solidarité initiées et menées à leur terme par les quelque 6 000 enfants du réseau, répartis dans toute la France, se comptent par milliers. En collectant du matériel scolaire qu'ils enverront au Burkina Faso, en créant un journal d'enfants pour inviter leur cité à prendre la parole, en organisant le recyclage des déchets dans leur collège, en fabriquant des masques vendus au profit des SDF, les enfants savent bien qu'ils ne vont pas changer la rotation de la Terre. Mais ils sont aussi persuadés qu'il vaut mieux apporter sa petite pierre, taillée à leur mesure, à l'édifice solidaire, plutôt que de fermer