Troubles du comportement alimentaire : un programme de thérapie cognitivo-comportementale en ligne efficace en prévention
Etant donné que le déclenchement de ces troubles accuse un pic chez les jeunes femmes âgées de seize à vingt ans, à peu près au moment où nombre d'entre elles quittent le domicile familial pour entrer à l'université, ces chercheurs ont voulu évaluer l'efficacité d'un programme de prévention proposé à de jeunes étudiantes via Internet.
Leur étude a porté sur 480 jeunes étudiantes des régions de San Diego et de la baie de San Francisco se souciant beaucoup de leurs poids et de leur image corporelle et apparaissant donc de ce fait particulièrement susceptibles de développer des troubles du comportement alimentaire. Les jeunes participantes, âgées de 18 à 30 ans, présentaient un indice de masse corporelle (IMC, rapport du poids sur le carré de la taille) compris entre 18 et 32 (sachant qu'un IMC compris entre 18 et 25 reflète une situation "normale", un IMC compris entre 25 et 30 correspondant à un surpoids et un IMC supérieur à 30 à une obésité).
Ces jeunes femmes ont été réparties en deux groupes. Seule la moitié d'entre elles a donc participé au programme d'intervention, les autres constituant un groupe "contrôle". Baptisé "Student Bodies", ce protocole de prévention d'une durée de huit semaines applique les principes de la thérapie cognitivo-comportementale, en utilisant Internet comme support.
Les participantes ont notamment reçu des documents d'information chaque semaine, complété un "journal personnel" dans lequel elles ont pu consigner leur état d'esprit et participé à des forums de discussion en ligne animés par un psychologue. Objectif visé : réduire les insatisfactions des jeunes femmes à l'égard de leur image corporelle ainsi que leurs préoccupations au sujet de leur poids, leur apprendre à réguler ce dernier en adoptant de saines habitudes de vie (alimentation équilibrée et lutte contre la sédentarité), les aider à lutte contre les compulsions alimentaires et leur faire prendre conscience des problèmes de santé associés aux troubles du comportement alimentaire.
Toutes les participantes à cette étude, qu'elles aient ou non suivi le programme d'intervention, ont ensuite été suivies pendant trois ans, ce qui a permis aux auteurs de constater que la participation à cette initiative de prévention se montre efficace.
Ainsi, les résultats obtenus aux différents tests et échelles d'évaluation que toutes les jeunes femmes ont dû remplir ont permis aux auteurs de constater que celles ayant suivi ce programme de prévention se soucient ensuite moins de leur image, cette évolution s'avérant significativement plus importante que celle observée dans le groupe contrôle
Au bout de trois ans de suivi, 43 jeunes femmes au total ont développé un trouble de comportement alimentaire ou ont commencé à manifester une partie des symptômes caractéristiques de ce genre de troubles.
Si globalement la probabilité de survenue d'un trouble du comportement alimentaire est apparue comparable entre les jeunes femmes ayant participé à ce programme et celles du groupe contrôle, les effets préventifs du projet "Student bodies" ont permis de réduire significativement le risque d'apparition de tels troubles dans deux sous groupes : chez les participantes présentant un IMC élevé (dépassant 25) au moment du lancement de l'étude et chez celles avec un comportement de surconsommation alimentaire/compensation par le sport, le recours aux médicaments à visée amaigrissante ou aux laxatifs, ou encore les vomissements provoqués.
Dans la région de la baie de San Francisco, seuls 4% ayant participé à ce programme ont développé des troubles du comportement alimentaire un an après l'étude, cette proportion s'élevant à 14,4% au bout de deux ans, contre respectivement 16% et 30,4% pour les jeunes femmes du groupe contrôle. De plus, parmi celles présentant un IMC élevé au moment du lancement de l'étude, aucune ayant participé au programme en ligne n'a développé de trouble du comportement alimentaire, alors que 4,7% des jeunes filles n'ayant pas bénéficié d'un tel soutien ont développé de troubles dans l'année suivante et 11,9% au bout de deux ans.
Ces résultats suggèrent que pour les étudiantes se préoccupant trop de leur poids et de leur corpulence, une approche cognitivo-comportementale, sous la forme d'un programme de huit semaines proposé en ligne, permet de réduire significativement l'importance que ces jeunes filles accordent à leur image ainsi que le risque qu'elles développent des troubles du comportement alimentaire, du moins pour celles apparaissant les plus susceptibles d'y être confrontées, concluent les auteurs.
A leur connaissance, cette étude est la première à démontrer qu'il est possible de prévenir les troubles du comportement alimentaire et ses conclusions apparaissent d'autant plus encourageantes que le fait de proposer un programme de prévention via Internet permet d'atteindre des populations importantes pour un coût relativement faible.
(Archives of General Psychiatry, août 2006, vol. 63, n° 8, p. 881-888)