Quand la science prend les rêves pour des réalités
L’UNIGE centre la Semaine du cerveau sur les perceptions. Comment notre cerveau construit t'il notre matrix. Notre modèle du monde, une représentation stable et pourtant unique. Découvrez les conférences de la semaine prochaine à Genève
C’est autour du thème Cerveau et réalités que l’Université de Genève (UNIGE) organise l’édition 2008 de la Semaine internationale du cerveau. Du 10 au 16 mars prochains, une dizaine d’événements permettront ainsi d’aborder les divers procédés selon lesquels le cerveau traite et perçoit le réel. En direct tous les soirs, professeurs, chercheurs et professionnels de la santé livreront les résultats de leurs dernières découvertes et une synthèse des connaissances les plus actuelles sur l’organe qui préside au système nerveux central. Des tables rondes, des conférences et des animations sont proposées, toutes de haut niveau, mais qui n’oublient pas, cependant, de rester accessibles au grand public. Cinq siècles de travaux, de controverses et de technologies séparent le philosophe René Descartes, qui constatait «je sais que je suis une chose qui pense», des dernières approches thérapeutiques de la schizophrénie. Au carrefour de ces questionnements croisés, comme un noyau dur, le processus cérébral de la perception du monde extérieur rechigne à se laisser comprendre dans une théorie unique. Au contraire, au fil du temps et de l’histoire, il multiplie ses facettes, défiant penseurs et scientifiques. Le Centre interfacultaire de neuroscience de l’UNIGE propose d’en examiner trois, tout au long de la semaine: les perceptions sollicitées pour l’élaboration des représenta-tions, celles qu’il faut désormais rattacher aux réalités virtuelles et celles que génèrent les états de conscience improbables. La fabrication du réel Paradoxale réalité Aux frontières du réel Partout, les attentes des neuroscientifiques sont nombreuses, eu égard à certaines pathologies psychiatriques, dont on pense qu’elles sont liées aux mécanismes perceptifs. Ainsi, jeudi 13 mars, Nicolas Franck (Université Claude Bernard Lyon-II) définira la schizophrénie comme la marque d’une altération de la réalité, tandis qu’Isabelle Arnulf (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) remontera la piste de la détérioration des rêves, vendredi 14 mars. Art et dialogue citoyen Les avancées rapides des recherches en neurosciences, où la France se place dans les toutes premières places mondiales, donnent un relief particulier à la "semaine du cerveau" qui se déroulera du 10 au 16 mars sur toute la planète. "Vous saurez tout sur le cerveau !", affirme un des slogans de la semaine. Du moins vous saurez ce que l'on sait à ce jour sur cet organe de 1400 cm3 contenant quelque cent milliards de neurones, qui coordonne l'ensemble de notre vie. La semaine du cerveau, 8e du genre, née à l'initiative de l'association américaine "Dana alliance for the brain" dans le but de sensibiliser le grand public à la recherche, concerne cette année pas moins de 65 pays qui organiseront des conférences, spectacles-débats, ateliers, cafés de discussion, ou interventions dans les établissements scolaires. En France, la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC), qui rassemble plusieurs associations spécialisées dans des maladies du système nerveux central -Alzheimer, épilepsie, Parkinson, sclérose en plaques...- organise en parallèle la campagne du neurodon, pour financer la recherche sur ce qu'elle surnomme "l'ordinateur le plus précieux au monde". "La France se situe dans le top 3 de la recherche en neurosciences", souligne le Dr Etienne Hirsch, président du conseil scientifique de la fédération, qui regrette "la faible médiatisation" du sujet. Parmi les découvertes les plus notables, les chercheurs citent celle du professeur Mohamed Jaber, du CNRS, dont l'équipe vient de mettre en évidence la possibilité de restaurer les voies motrices grâce à des greffes de cellules embryonnaires, qui repoussent après transplantation. Autre exemple, une équipe lyonnaise menée par le Dr Angela Sirigu, directrice de recherches au CNRS, a trouvé le moyen -avec l'utilisation d'un simple miroir- d'alléger la souffrance que provoquent les membres dits "fantômes", comme une jambe ou un bras coupé. Selon la FRC, qui dit représenter "plus d'un million et demi de malades", la campagne neurodon 2007 a permis de recueillir près de 1,8 million d'euros, un chiffre chaque année en progression. Les sommes ont été distribuées entre 25 projets. Le thème principal choisi cette année pour la campagne est la stimulation cérébrale, soit par environnement du cerveau, soit par électrodes fichées dans l'organe. Stimulation par l'environnement d'abord, c'est à dire adaptation du cerveau sous l'effet de son milieu, parce que, comme le dit le Dr Etienne Hirsch, président de la société des neurosciences, "le cerveau est doué d'une grande plasticité". Une plasticité qui lui permet d'évoluer au cours de son développement, et qu'il faut entretenir sans relâche, mais aussi une plasticité compensatoire, qui perdure avec l'âge et peut lui permettre de compenser les effets d'une lésion cérébrale. En effet, il faut raisonner en termes non de "sites" cérébraux correspondant à une fonction, mais de "réseaux de neurones". Ce qui implique, explique le Dr Hirsch, que si l'on perd des fonctions pour cause d'accident vasculaire cérébral, "des zones adjacentes peuvent les reprendre". On parlera aussi de stimulation cérébrale profonde par le biais d'électrodes implantées dans le cerveau et visant des zones très ciblées, pour pallier des dysfonctionnements. Une thérapie très délicate, inventée par le Professeur Alim Louis Benabib à Grenoble, qui s'est montrée particulièrement efficace pour certains patients atteints de la maladie de Parkinson, mais pourrait concerner d'autres affections.http://www.unige.ch/evenements/cerveau/2008/
Lundi 10 mars, un historien de la philosophie rencontrera deux neurobiologistes. Autour de la table, Bernard Baertschi, Thierry Steimer et Mario Raggenbass échangeront leurs vues: le cerveau d’un mammifère en train de chasser ou d’allaiter s’inscrit-il dans un système ? Quelle est la part de la vision oculaire dans l’élaboration des images mentales ? Quels sont les mécanismes cérébraux garants de nos perceptions contre les illusions sensorielles ? Quelles que soient les réponses apportées, tous partent du constat que le réel trouve sa forme «dans la tête».
Mardi 11 mars, une psychologue, un psychiatre et un informaticien scruteront les métamorphoses de la réalité et leurs impacts sur le cerveau. Si le terme «réalité», en son sens le plus courant, désigne le monde concret, avec les nouvelles technologies informatiques, des réalités dites virtuelles influencent les modes de perception. Modélisations en trois dimensions, simulations, jeux en ligne sur Internet, ces univers qui agitent les écrans des ordinateurs font l’objet des nouvelles explorations du laboratoire de Daniel Thalmann (EPFL), des nouvelles méthodes d’apprentissage développées par l’équipe de Mireille Bétrancourt ou des nouveaux soins de la consultation dirigée par Djamel Benguettat.
Quand psychiatres et médecins neurologues abordent ce qui se produit dans le cerveau entre conscience et inconscience, de très anciens brouillards se déchirent et laissent entrevoir des perspectives de compréhension de phénomènes encore mystérieux. Mercredi 12 mars, Stefano Colombo, Stephen Perrig et Armin Schnider parleront respectivement d’hypnose, de sommeil et de coma, ainsi que des «faux souvenirs».
Pour les artistes, la multiplicité du réel n’a jamais constitué un frein: les Hôpitaux universitaires de Genève offrent au public trois exemples de ce voyage entre les mondes que permettent la musique, la peinture et la photographie, avec un concert et deux expositions. Dans un souci constant de mêler sérieux des connaissances et plaisir du jeu, La Passerelle de l’UNIGE organise, quant à elle, un café et un goûter scientifiques, pour emmener adultes et enfants dans les coulisses du songe.Une semaine pour tout savoir sur le cerveau