L'Origine du microcrédit [modifier]
On peut trouver des origines anciennes dans les mutuelles de crédit agricole créées en Europe à la fin du XIXe siècle. Le système a été repris, adapté puis développé par le professeur d'économie Muhammad Yunus au cours des 30 dernières années.
Après des études aux États-Unis (université Vanderbilt), Yunus donne des cours d'économie à Chittagong au Bangladesh, sa ville d'origine. Lors d'une séance de travaux pratiques d'un cours d'investissement, il propose à ses étudiants d'interroger les fabricants de tabourets en bambou des plus proches villages. Les 42 femmes artisans ont besoin de 27 dollars au total pour développer leur activité. Or toutes les banques refusent de financer ce trop faible montant à des clients a priori insolvables. Yunus déclare avoir eu honte de cette situation et prête la somme de sa propre poche. En permettant aux producteurs d'acheter d'avance le bambou sans subir les variations importantes de prix, ils réussissent à créer des emplois et à rembourser intégralement Yunus.
Depuis 1999, la méthodologie de crédit adoptée par les institutions de microfinance prend de manière croissante la forme d'un produit individuel flexible, ressemblant plus aux produits bancaires classiques. La forme choisie à l'origine était basée sur la méthodologie de crédit collectif, utilisant les mécanismes d'épargne locale et de caution solidaire et la supervision des pairs pour couvrir le risque de crédit. Se sont rapidement ajoutés des financements extérieurs reposant sur un système de titrisation des portefeuilles de crédit.
Les institutions [modifier]
La Banque mondiale a recensé 10 000 institutions de microfinance dans 85 pays, au service de 16 millions de pauvres. En novembre 2002, a eu lieu un sommet à New York sur ce sujet qui a rassemblé 2000 délégués de plus de 100 pays.
En 1976, le Pr. Yunus crée la Grameen Bank, organisme qui propose des prêts aux plus pauvres du Bangladesh. La Grameen Bank a accordé environ 3 milliards d'euros de crédits à plus de 2,4 millions d'emprunteurs. Il a reçu le prix Nobel de la paix 2006.
Créée en 1998, PlaNet Finance est l'une des principales Organisation Internationale de développement du secteur de la microfinance. Elle propose des services d'assistance technique, de notation et de financement à l'ensemble des acteurs de la microfinance.
En France, le principal opérateur est l'Association pour le droit à l'initiative économique. Elle délivre 6 à 7000 prêts par an à des chômeurs ou Rmistes créateurs de leur propre emploi. L'association compte plus de 130 agences sur toute la France. En Belgique, deux institutions dominent cette sphère, le Fonds de participation et la coopérative CREDAL.
Caractéristiques du microcrédit [modifier]
Un système reconnu à l'échelon mondial [modifier]
Le microcrédit est considéré par l'Organisation des Nations unies comme un outil majeur du développement[1]. L'organisation a déclaré 2005 Année internationale du microcrédit, dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Le 24 janvier 2005, un rapport de la Banque mondiale a dressé un bilan positif. Le nombre de bénéficiaires y est estimé à 500 millions (sur les 3 milliards de personnes pauvres). L'Asie et le Pacifique totalisent 83% des comptes ouverts dans les pays en développement, ce qui représente 17 comptes pour 100 habitants. Au Cambodge, cela concerne 400 000 personnes, et 18 000 nouveaux comptes sont ouverts chaque année au Kenya. Toutefois c'est en Amérique latine et en particulier en Bolivie que le système connaît un essor formidable, ce pays apparaît comme un des pays les plus avancés et les plus compétitifs de la microfinance.
Le 13 octobre 2006, le prix Nobel de la paix a été conjointement attribué à Muhammad Yunus et à la Grameen Bank. "Une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu'une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté", a déclaré Ole Danbolt Mjoes, le président du comité Nobel. France : Maria Nowak, présidente de l’Adie et du Réseau européen de microfinance salue l’attribution du prix Nobel de la Paix à Muhammad Yunus et se réjouit ainsi de la reconnaissance portée au microcrédit.
Une finalité orientée vers le développement local [modifier]
L'activité de microcrédit encourage les microprojets au niveau local. Cela permet d'induire des mutations "à la base". Celles-ci sont souvent plus efficaces et ont un plus grand effet d'entraînement - en créant un maillage économique dans le pays - que certaines infrastructures ou certains gros projets industriels qui bénéficient rarement aux plus pauvres. Cet effet de levier permet d'agir efficacement auprès de ceux qui prennent des initiatives en s'engageant personnellement, c'est-à-dire les entrepreneurs ou les artisans.
Mais au-delà du simple aspect financier, les programmes de microcrédit ont aussi un impact sur le développement local. En effet, ils touchent des secteurs aussi divers que l'agriculture (groupements villageois, coopératives paysannes, organisations professionnelles agricoles), l'artisanat (groupements d'artisans, associations artisanales féminines), le financement de l'économie sociale (mutuelles d'épargne et de crédit, banques villageoises), la protection sociale (mutuelles de santé, caisses de santé primaire). Ainsi, ils contribuent à l'amélioration de l'accès aux services sociaux de base, aux soins de santé, aux services de planification familiale et à l'eau potable.
Des bénéficiaires souvent féminins [modifier]
De plus, touchant des secteurs faiblement capitalisés employant souvent une main d'œuvre féminine, on peut considérer le microcredit également comme un levier de revalorisation de la femme dans les pays en voie de développement, d'amélioration directe de leur sort (et de celui de leur famille) et comme un facteur d'évolution profonde des sociétés par le rééquilibrage qu'il induit entre les sexes (cf. l'argumentaire en ce sens sur le site www.planetfinance.org : [1]).
Une autre caractéristique de ce mouvement est qu'il s'appuie sur des réseaux d'assurance et de solidarité traditionnelle relativement efficaces qui favorisent le remboursement régulier des prêts. La mise en place de ces programmes offre également l'opportunité de conduire des actions de formation, notamment en matière de développement communautaire et de gestion d'entreprise.
Des taux d'intérêts plus élevés que le secteur bancaire traditionnel [modifier]
Les adversaires du microcrédit lui opposent souvent les taux élevés de certains prêts (environ 20%). Ils regrettent aussi que ce mécanisme détourne les actions des autres programmes comme la santé, l'éducation ou l'eau. Une étude réalisée en 2004 estime que le microcrédit favorise des activités peu rentables et devrait s'accompagner de programmes sociaux. Certains acteurs du microcrédit dénoncent des organisations non gouvernementales qui utiliseraient le microcrédit comme source de financement[2].
Réponse à cette critique : les actifs qui font appel au microcrédit n'ont pas d'autre accès au crédit. En général, leurs seuls recours sont les usuriers qui appliquent des taux approchant les 1% par jour ! Avec des taux compris en général entre 10 et 30% par an, les organismes de microcrédit offrent un accès à des crédits maîtrisables aux entrepreneurs actifs des pays en voie de développement. Dans les institutions bien gérées, les taux de remboursement de ces crédits avoisinent 95%, preuve que les taux ne sont pas du tout insurmontables. Les taux élevés sont attribuables selon les cas aux coûts de la main d'œuvre importante (nécessaire pour la sélection et le suivi de clients vivant dans des zones parfois éloignées) et par le coût de refinancement des institutions, renforcés par des taux d'inflation importants. Enfin, les besoins en matériel informatique et autres biens (matériel de bureau, véhicules), souvent importés, gonflent les coûts de fonctionnement. Les prêts consentis sont assortis d'un accompagnement psychologique, social et technique dont les frais sont comptabilisés dans la rubrique du fonctionnement.
Une solution parmi d'autres pour permettre le développement [modifier]
D'autre part, les actions de microcrédit ne détournent pas les autres programmes humanitaires qui répondent à des actions d'urgence ou de développement sous forme de dons. Les actions de microcrédit sont financées par l'épargne solidaire et ne « concurrencent » donc pas directement les autres types d'actions de développement durable. Il est souvent plus souhaitable de lier le microcrédit à d'autres mécanismes d'aides au développement, les deux outils étant davantage complémentaires que substituables.
Le microcrédit améliore peut-être la situation des plus pauvres. Toutefois, la mesure de l'impact demeure très difficile à effectuer. Aucune étude économétrique n'a encore suscité un large consensus. Si les exemples de réussites individuelles dues à la microfinance sont légions, il est difficile de généraliser l'efficacité de la microfinance pour plusieurs raisons: comment savoir si le bénéficiaire n'aurait pas pu avoir accès au marché du crédit localement sans l'aide d'une IMF? (biais de sélection) Si tel est le cas, le succès n'est pas du à la microfinance. Comment savoir si l'argent est investi dans des projets à valeur ajoutée? Comment savoir s'il n'aurait pas eu lieu de toute façon via une épargne informelle? (fongibilité de l'aide). Enfin, certains pensent que le microcrédit est plutôt un moyen d'épargne et d'assurance et pas une source d'investissement. Les ménages se constitueraient une cagnote, un matelas de protection financière, lisseraient ainsi leurs revenus, et n'investiraient pas dans une activité génératrice de revenu. Cela n'enlève rien à l'utilité du microcrédit et à la microfinance , mais diminue sans doute le potentiel de création d'emplois et les effets collatéraux/"side effects" tant attendus par les partisans du microcrédit.