Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie - Bilan des données scientifiques
Une expertise collective de l’Inserm - dossier de presse du 16 février 2007
Mis en ligne le jeudi 1er mars 2007 - par INSERM - Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
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> Lire la synthèse de l’ouvrage (en .pdf - 132 pages - sur le site de l’INSERM)
La Caisse nationale des travailleurs indépendants (Canam), devenue en 2005 le Régime social des indépendants (RSI), a sollicité l’Inserm pour la réalisation d’une expertise collective portant sur la dyslexie et autres troubles spécifiques des apprentissages scolaires.
Les troubles spécifiques du langage ont donné lieu en 2001 à un Plan national interministériel d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage. La dyslexie, qui perturbe l’apprentissage de la lecture, est le trouble le plus connu et le mieux étudié. La dyscalculie (trouble d’apprentissage du calcul) ou la dysorthographie (trouble d’apprentissage de l’orthographe) ont fait l’objet de beaucoup moins de recherches. Les difficultés scolaires liées à ces handicaps peuvent conduire à la marginalisation, voire la stigmatisation des enfants et les échecs cumulés aboutir à des difficultés d’insertion sociale à l’âge adulte.
La Canam (RSI) a souhaité que l’Inserm réalise, à travers la procédure d’expertise collective, un bilan des connaissances scientifiques récentes permettant de mieux comprendre ces troubles spécifiques des apprentissages scolaires. L’impact que peuvent avoir les progrès des connaissances scientifiques sur la prise en charge de la dyslexie et des autres troubles spécifiques des apprentissages est une des principales questions de l’expertise. Pour répondre à cette demande, l’Inserm a réuni un groupe de 11 experts en psychologie cognitive, psychologie cognitive du développement, neuropsychologie de l’enfant, pédiatrie, neurosciences, neurologie, psycholinguistique, linguistique et épidémiologie.
Ces derniers ont référencé 1 500 articles publiés pour 40 % d’entre eux depuis les années 2000. Une telle compilation des travaux de recherche sur cette thématique a pour objectif de constituer une mise au point d’actualité à laquelle pourront se référer chercheurs, praticiens, ou usagers en quête d’informations fiables dans un champ en plein développement et aux multiples applications.
Les représentants des associations de patients et de parents, des professionnels du champ éducatif (enseignement général et spécialisé), médical (dont PMI et médecine de l’Education nationale) et paramédical (orthophonistes, neuropsychologues, psychologues...) ont partagé leur expérience et savoir-faire avec les experts et apporté leur contribution avant la rédaction finale. Des personnalités ont été choisies pour effectuer une analyse critique du rapport et exprimer leur point de vue sous forme de notes de lecture. L’Inserm confirme par ces démarches sa volonté d’élargir le débat au-delà du travail spécifique d’expertise collective.
Qui a réalisé cette expertise ?
Groupe d’experts
Pierre BARROUILLET, Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation, Université de Genève, Suisse
Catherine BILLARD, Centre de référence sur les troubles des apprentissages, neuropédiatrie, Hôpital Bicêtre, Le Kremlin Bicêtre
Maria DE AGOSTINI, Recherche en épidémiologie et biostatistique Inserm U780, CNRS, Villejuif
Jean-François DEMONET, Service de neurologie, Inserm U455, Hôpital de Purpan, Toulouse
Michel FAYOL, Laboratoire de psychologie sociale et cognitive, Université Blaise Pascal et CNRS, Clermond-Ferrand
Jean-Émile GOMBERT, Centre de recherche en psychologie, cognition et communication, CRPPC, Université Rennes 2, Rennes
Michel HABIB, Service de neurologie pédiatrique, Hôpital des enfants de la Timone, Marseille
Marie-Thérèse LE NORMAND, Physiologie et neurologie du développement, Inserm E9935, Hôpital Robert Debré, Paris
Franck RAMUS, Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique, UMR8554, EHESS, CNRS, ENS, Paris
Liliane SPRENGER-CHAROLLES, Laboratoire de psychologie de la perception, Université René Descartes et FRE 2929 CNRS, Paris
Sylviane VALDOIS, Laboratoire de psychologie et neurocognition, UMR5105, Université Pierre Mendès France et CNRS, Grenoble
Coordination scientifique
Centre d’expertise collective Inserm, Paris, sous la responsabilité de Jeanne ETIEMBLE - Cette expertise collective est publiée sous le titre : « Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie. Bilan des données scientifiques » Editions Inserm 2007, 860 pages, 65 euros. Diffusion-vente : Lavoisier et librairies
Pour tous renseignements editions@tolbiac.inserm.fr ou 01 44 23 60 78
Les troubles qui font l’objet de cette expertise sont ceux liés aux acquisitions scolaires : lecture (dyslexie), orthographe (dysorthographie) et calcul (dyscalculie) et qui ne peuvent être attribués ni à un retard intellectuel, ni à un handicap sensoriel, ni à un trouble psychiatrique avéré. Ces difficultés, inattendues compte tenu des autres aspects du développement de l’enfant, interfèrent avec les apprentissages scolaires et persistent souvent jusqu’à l’âge adulte.
N.B : Le trouble spécifique du développement du langage oral encore appelé « dysphasie » et le trouble de la coordination motrice ou « dyspraxie » ne sont pas abordés dans cette expertise mais ils peuvent néanmoins interférer avec les apprentissages scolaires. Les analyses effectuées par le groupe d’experts répondent uniquement au cahier des charges défini avec le commanditaire de l’expertise ; c’est pourquoi les sujets non développés dans le cadre de cette expertise ne doivent pas être considérés comme ayant moins d’importance. Certains mériteraient même un travail d’expertise à part entière car la littérature est abondante. Pour d’autres, ce sont les publications qui manquent et la recherche doit être développée.
Définition et prévalence
Dyslexie
Si la compréhension du message écrit est le but de l’apprentissage de la lecture, l’identification des mots est indispensable à cette compréhension. La dyslexie se manifeste chez un enfant, après le début de l’apprentissage de la lecture au CP, par l’absence de maîtrise des correspondances entre les graphèmes (lettres ou groupes de lettres) et les phonèmes (sons de la parole) chez un enfant sans déficit sensoriel ou intellectuel, sans pathologie psychiatrique ou neurologique avérée et qui a bénéficié de conditions pédagogiques normales. La distinction entre un simple retard d’apprentissage et une dyslexie ne peut pas être clairement établie à ce stade. Seule la persistance du trouble caractérise la dyslexie (ou permet la distinction entre le retard et la dyslexie). Cependant, des facteurs (probables mais non certains) tels qu’un trouble du langage oral ou des membres de la famille atteints de dyslexie peuvent laisser craindre une évolution ultérieure vers une dyslexie.
On ne dispose pas en France d’étude représentative de la population générale sur la prévalence de la dyslexie : il est donc important de mettre en place ce type d’étude. Différents travaux estiment toutefois cette prévalence de la dyslexie à un peu moins de 5 % des enfants de primaire. Ce chiffre est également celui proposé dans les rapports précédents ayant donné lieu au plan national d’action en 2001 [1]. Les enfants atteints de dyslexie représenteraient selon certains auteurs environ un quart des enfants présentant des difficultés en lecture.
Dysorthographie
La dysorthographie est aujourd’hui essentiellement étudiée chez les enfants atteints de dyslexie. Existe-t-il des dysorthographies qui ne seraient pas associées à un trouble spécifique de la lecture ? La littérature ne permet pas de répondre à cette question. Des études portant sur les mécanismes cognitifs et les déterminants de la dysorthographie isolée sont donc à promouvoir. Dans ce type d’étude, il faudrait évaluer en même temps les performances en orthographe et en lecture. On ne dispose pas par ailleurs d’estimations de sa prévalence.
Dyscalculie
Les enfants atteints de dyscalculie ont une mauvaise compréhension des principes qui régissent les activités de dénombrement, socle sur lequel se construisent toutes les habiletés arithmétiques ultérieures. Ils présentent également des difficultés atypiques de mémorisation et d’apprentissage des tables d’addition et de multiplication. Il semble que la dyscalculie se rencontre plus rarement que la dyslexie mais les données manquent également sur la prévalence.
- La dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie sont des troubles persistants au cours du primaire, dont les séquelles peuvent perdurer chez des élèves du collège et du lycée et à l’âge adulte malgré les rééducations prodiguées antérieurement. Il est important que les professeurs soient informés et formés pour favoriser la mise en place des adaptations indispensables au maintien des élèves dans l’enseignement scolaire ordinaire. L’association des trois troubles n’est pas rare. Ce constat a des conséquences en termes d’actions pédagogiques pour l’enseignant, de prise en charge pour le clinicien et de pistes d’études pour le chercheur.
=> Forte influence de l’acquisition du langage oral
Pour appréhender les troubles spécifiques des apprentissages scolaires, le groupe d’experts a jugé nécessaire d’établir avant tout un état des lieux de la chronologie d’acquisition du langage oral et des mécanismes qui président aux apprentissages de la lecture, de l’orthographe et du calcul chez l’enfant. Les connaissances les plus récentes sur les fonctions sollicitées pour l’apprentissage de la lecture, de l’orthographe et du calcul doivent être diffusées rapidement auprès des enseignants et les échanges se poursuivre entre enseignants et chercheurs.
L’acquisition de la parole et du langage a une forte influence sur le développement des apprentissages scolaires. Un trouble spécifique du langage oral est donc important à prendre en considération pour améliorer le langage oral lui-même mais également en grande section de maternelle pour préparer le langage écrit. La dyslexie fait en effet souvent suite à un trouble spécifique du langage oral.
Troubles associés
Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, ensemble ou isolément, peuvent être associées à des troubles de la coordination, des troubles du graphisme ou encore à des troubles développementaux de l’attention dits déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH).
Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie peuvent être également associées à des troubles émotionnels (troubles anxio-dépressifs) et comportementaux, conséquence des difficultés scolaires rencontrées ou s’imbriquant étroitement avec les difficultés d’apprentissage.
- Au plan pratique, pour le groupe d’experts, chaque trouble doit être traité spécifiquement, et l’enfant pris en charge dans sa globalité. L’analyse du développement psychique de l’enfant et de ses interactions avec son environnement fait naturellement partie de cette prise en charge qui combine approches pédagogiques (à l’école) et de soins (rééducatives et psychothérapiques).
Hypothèses explicatives des troubles
Les recherches sur les hypothèses explicatives des troubles concernent essentiellement la dyslexie. Une anomalie du développement d’aires cérébrales normalement impliquées dans la représentation et le traitement des sons de la parole (la phonologie) est la plus fréquemment rencontrée et constitue l’hypothèse majoritairement admise pour la dyslexie. Cependant, depuis le début des années 2000, de nombreuses publications ont proposé de nouvelles hypothèses pour rendre compte des associations entre dyslexie et autres troubles développementaux.
Le constat d’un caractère familial de la dyslexie suggère l’existence de facteurs génétiques. Les études de jumeaux menées au plan international ont notamment permis d’estimer que lorsqu’un jumeau monozygote (vrai jumeau) est atteint de dyslexie, la probabilité que l’autre jumeau le soit est forte. Considérée isolément, cette probabilité ne peut être interprétée comme la preuve d’une cause génétique directe de la dyslexie. Bien que récente, la recherche des gènes qui pourraient être impliqués apporte toutefois des résultats concordants : il s’agit de gènes impliqués dans certaines étapes précoces de la maturation du cortex cérébral.
- Il ne s’agit en aucun cas de « gènes de la dyslexie » mais de facteurs de risque de développer une dyslexie, qui interagissent avec de très nombreux autres facteurs environnementaux (autres facteurs biologiques, linguistiques, socio-éducatifs, psychologiques...).
Evoquer une cause exclusivement génétique n’a donc aucune justification. En revanche, la concordance d’arguments en faveur d’une participation génétique à certains troubles d’apprentissage constitue une avancée vers une meilleure compréhension de ces troubles.
- L’expression de la dyslexie chez l’enfant résulte à la fois des dysfonctionnements cérébraux et cognitifs (dont les causes peuvent être multiples) et de l’influence de nombreux facteurs environnementaux parmi lesquels l’environnement linguistique, la plus ou moins grande régularité du système orthographique, et probablement bien d’autres caractéristiques, non encore identifiées, de l’environnement de l’enfant au cours de son développement.
Repérage des difficultés d’apprentissage scolaire
Le repérage des élèves ayant des difficultés d’apprentissage scolaire est effectué par les enseignants au sein de la classe et par les parents. Mais la nature de ces difficultés (trouble spécifique ou non, trouble persistant ou retard transitoire) doit être évaluée précisément. Les enseignants, en particulier les « maîtres E », enseignants spécialisés du réseau d’aide et de soutien aux élèves en difficulté (RASED), ont émis le souhait de disposer d’informations et de formations sur les outils qu’ils pourraient utiliser.
Le dépistage systématique lors de l’examen obligatoire au cours de la sixième année, réalisé par les médecins et infirmières de l’Éducation nationale, ne peut pas concerner la dyslexie puisque l’apprentissage de la lecture n’a pas commencé. En revanche, il peut en détecter les facteurs prédisposants, par exemple en permettant d’identifier les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral (éventuellement déjà mis en évidence à l’examen de 4 ans).
Cet examen repère donc des enfants à risque, mais tous ne développeront pas ultérieurement des difficultés de lecture dans des conditions pédagogiques ordinaires. Des outils de dépistage ont été élaborés et plusieurs sont utilisés dans le cadre de ce dépistage systématique [2].
Prévention en milieu scolaire
Des études récentes et rigoureuses, principalement réalisées en langue anglaise, ont évalué les effets des entraînements pédagogiques comme réponse de première intention à l’école chez des enfants en difficulté d’apprentissage de la lecture. Cette prévention intervient en amont de tout diagnostic. Les experts estiment que des études expérimentales seraient utiles en France pour tester les avantages d’une telle stratégie préventive en milieu scolaire et les modalités de mise en oeuvre les plus efficaces.
- Des effets positifs sont obtenus à partir d’entraînements en milieu scolaire, ciblés sur les correspondances graphèmes-phonèmes. Ils doivent être répétés chaque jour, avec de petits groupes à besoins similaires. Les interventions dès les premières manifestations de difficultés de lecture sont les plus efficaces. Chez les enfants n’ayant pas manifesté d’amélioration, et pour lesquels une dyslexie est suspectée, une évaluation rigoureuse devra être mise en œuvre afin d’établir un diagnostic et déterminer une prise en charge individuelle.
Diagnostic d’un trouble spécifique
Après un repérage effectué à l’école par les enseignants spécialisés et les psychologues, un diagnostic individuel peut être réalisé au sein de l’école par les médecins de l’Education nationale ou par les professionnels spécialisés de ville (médecin de l’enfant, orthophoniste..). L’examen, qui consiste en une série de tests spécifiques, évalue notamment la sévérité du trouble et définit les bilans complémentaires nécessaires.
Les examens de langage oral et écrit sont du ressort de l’orthophoniste. Des évaluations complémentaires peuvent nécessiter les compétences de plusieurs professionnels réunis au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Dans les cas complexes, le recours aux centres de références créés au sein des centres hospitaliers est nécessaire (une quarantaine de centres de référence sont répartis sur le territoire national).
Prise en charge
Après le diagnostic d’une dyslexie, dysorthographie ou dyscalculie, une prise en charge individuelle est proposée. Effectuée par les orthophonistes, la rééducation doit comprendre un nombre variable de séances hebdomadaires en fonction de la sévérité des troubles. La rééducation concerne les déficits spécifiques identifiés lors du bilan et s’appuie sur les fonctions non déficitaires. Quelques études, dont certaines sont actuellement en cours en France, ont confirmé statistiquement l’utilité de ces rééducations et s’attachent à analyser l’effet d’interventions ciblées sur des processus bien précis.
- Les méthodes de rééducation les plus fréquentes (et celles dont l’efficacité est la plus reconnue) sont de type orthophonique. Elles portent sur un déficit précis, le plus souvent un déficit des capacités phonologiques. La rééducation a aussi pour objectif de permettre à l’enfant de développer des stratégies de compensation pour contourner son handicap. Il convient par ailleurs de recommander la plus grande prudence face à des méthodes apparemment innovantes et présentées de manière abusive comme efficaces alors même qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune évaluation objective.
La prise en charge rééducative doit être coordonnée à des mesures pédagogiques. Ces derniers offrent à l’enfant une pédagogie adaptée à ses difficultés ; il s’agit par exemple de lui lire les énoncés de mathématiques si ses compétences en lecture sont insuffisantes, afin qu’il ne soit pas handicapé dans ses acquisitions en calcul.
Si l’orthophoniste est au centre du dispositif de diagnostic et de la prise en charge, la participation d’autres spécialistes occupe une place de mieux en mieux reconnue dans le diagnostic et la prise en charge des troubles complexes : les neuropsychologues pour l’analyse des troubles cognitifs, les ORL et ophtalmologistes pour les troubles sensoriels, les psychomotriciens, ergothérapeutes et orthoptistes pour les troubles visuo-moteurs, les psychologues cliniciens et pédopsychiatres pour les troubles psycho-affectifs...
Lorsqu’il y a nécessité de plusieurs intervenants, le cadre d’un réseau formalisé apparaît la formule optimale. Dans tous les cas, les liens entre ces professionnels et ceux agissant au sein de l’école sont indispensables pour assurer la faisabilité du projet pour l’enfant et la cohérence de la prise en charge. Celle-ci concerne toujours l’enfant dans sa globalité. En pratique, plus le déficit est sévère et les difficultés invalidantes, plus sa prise en charge devra être pluridisciplinaire et nécessitera un lien fort entre l’équipe soignante et l’équipe éducative.
Aménagements et adaptations pédagogiques
Des aménagements pédagogiques pourront être décidés de la façon la plus appropriée à chaque cas, permettant à l’enfant de faire face au mieux à ses difficultés dans les domaines déficitaires et de poursuivre ses apprentissages dans les domaines préservés. Les effets de cette prise en charge doivent être régulièrement évalués et réajustés si besoin.
La reconnaissance de la place des troubles d’apprentissage dans le champ du handicap [3] a débouché sur la nécessité de mieux formaliser ces aménagements et adaptations pédagogiques. En particulier, le décret relatif aux aménagements des examens et concours de l’enseignement scolaire et supérieur [4] doit s’appliquer aux élèves atteints de troubles spécifiques sévères des apprentissages qui, en position de candidat à un concours, sont en situation de handicap.
Toutefois, la mise en application de ces textes, encore très inégale sur le territoire, nécessite une harmonisation nationale reposant sur la définition rigoureuse des critères d’application. Elle exige aussi une information et un accompagnement des familles qui pourraient être heurtées par le terme même de « handicap ». Dans tous les cas, la reconnaissance par l’école des difficultés spécifiques de ces enfants et la mise en place éventuelle de mesures facilitant leur intégration, doivent être la règle.
Conclusion
Si la dyslexie ne représente qu’une minorité des difficultés d’apprentissage du langage écrit, elle désigne les formes les plus sévères et persistantes. Il existe actuellement, au sein de la communauté scientifique, un consensus quasiment unanime sur la nature de ces troubles qui provoquent l’incapacité pour certains enfants d’acquérir certains apprentissages, en particulier celui de la lecture. On reconnaît notamment, dans la dyslexie, que ce sont essentiellement des déficits, probablement très précoces et en partie génétiques de certains processus langagiers (en particulier phonologiques) qui en sont à l’origine. Toutefois, d’autres facteurs, notamment environnementaux, peuvent intervenir dans l’expression ou la sévérité du trouble.
La diffusion la plus large possible des avancées scientifiques est importante auprès de tous les professionnels, médicaux, paramédicaux et scolaires, qui ont en charge les enfants présentant des troubles spécifiques d’apprentissage, afin d’assurer à la fois le dépistage le plus précoce des enfants en difficulté et permettre la mise en place, sans tarder, de mesures visant à réduire leur déficit et à minimiser ses conséquences sur leur devenir scolaire. A cet égard, la mise en œuvre du plan d’action interministériel de 2001, lui-même en partie motivé par l’évolution des idées sur la nature de ces troubles, a d’ores et déjà largement fait évoluer les mentalités et les pratiques, en particulier dans le sens d’une meilleure interaction entre les différentes professions impliquées, à l’extérieur comme à l’intérieur de l’école.
La recherche sur les mécanismes sous-jacents aux troubles observés a un impact croissant sur les pratiques en matière de dépistage et de diagnostic, débouchant ici encore sur une meilleure distribution des tâches entre les différents partenaires, et le perfectionnement continu des outils à disposition de chacun d’entre eux. L’avancée rapide des connaissances sur les mécanismes de la lecture, de l’orthographe, du calcul et de leurs dysfonctions respectives nécessite un effort permanent de formation initiale et continue de la part de tous les acteurs.
Les interventions de nature préventive et rééducative apparaissent de plus en plus intriquées et interactives. A cet égard, l’utilisation dans un premier temps de méthodes d’entraînement intensif, réalisées par petits groupes à l’école sur de courtes périodes mériteraient d’être développées et évaluées, d’autres dans un second temps nécessitant la relation duelle avec un thérapeute.
On dispose aujourd’hui de données partielles sur les conditions d’efficacité d’un certain nombre de méthodes de rééducation et d’entraînement spécifiques aux fonctions cognitives perturbées, mais une grande partie de ces méthodes doivent encore faire l’objet d’études de validation. Ceci incite à la plus grande vigilance de la part des prescripteurs comme des utilisateurs.
La mise en œuvre des mesures proposées nécessite d’être graduée en fonction de la sévérité des troubles et doit comporter impérativement une étape d’évaluation à l’aide d’outils validés et étalonnés pour l’âge de l’enfant. Des aménagements pédagogiques adaptés aux types de difficultés rencontrées par chacun de ces enfants doivent alors être systématiquement proposés. La coordination entre les différents partenaires (scolaires et extra-scolaires) apparaît comme indispensable ; elle doit permettre une réflexion adaptée à chaque cas, centrée sur l’enfant et expliquée à la famille.
Les troubles psycho-affectifs sont fréquents chez les enfants présentant des troubles spécifiques d’apprentissage. Leur présence peut conduire à s’interroger sur la priorité des prises en charge. Ces troubles peuvent apparaître comme la conséquence du trouble spécifique des apprentissages, ou comme un facteur associé qui va en aggraver les manifestations. Ils justifient une prise en charge psychothérapique en complément des rééducations spécifiques aux troubles des apprentissages.
Parmi les axes de recherche prioritaires, il s’agit d’évaluer d’une part la fréquence des différents types de troubles spécifiques des apprentissages à l’échelle de la population, ne serait-ce que pour mesurer, de manière plus précise qu’actuellement, leur impact en termes de santé publique. D’autre part, des études longitudinales permettant de suivre des enfants avant même l’apprentissage de la lecture sont nécessaires pour mieux comprendre l’origine des troubles.
Au cours de l’expertise, des rencontres avec les associations de patients et de parents, avec les professionnels du champ éducatif, médical et para-médical (orthophonistes, neuropsychologues, psychologues...) ont mis en lumière une volonté de partager et faire converger connaissances, expériences et savoir-faire sous une forme institutionnalisée d’échanges.
[1]
1 Ringard JC. A propos de l’enfant dysphasique et de l’enfant dyslexique.
Rapport au Ministre Délégué à l’enseignement scolaire, février 2000
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/36_dyslexie.htm
Veber F, Ringard JC. Plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble
spécifique du langage. Proposition remise aux Ministres de l’éducation
nationale, de la santé et au Secrétaire d’état aux personnes âgées et aux
personnes handicapées, mars 2001
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/troubles_langage/plandysl.pdf
[2]
Vallée L, Dellatolas G. Recommandations sur les outils de repérage, dépistage et
diagnostic pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage. Plan
d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage, Plan
triennal interministériel 2001-2004, Ministères chargés de l’éducation nationale
et de la santé, octobre 2005
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/troubles_langage/recommandations_tsl.pdf
[3] Circulaire DESCO et DGAS-3C 2004-157 du 29 mars 2004 relative à l’application, pour les personnes atteintes de troubles des apprentissages du langage oral ou écrit, du guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées, chapitre IV, section II
[4] Décret n°2005-1617 du 21 décembre 2005.