Du feedback et des tâches diversifiées motivent le personnel policier
Enquête sur le stress à la police intégrée
BRUXELLES, 15/02/08.- Il ressort d’une enquête scientifique sur le stress au sein de la police intégrée que le bilan général est positif. Le personnel policier se sent bien surtout si ses tâches sont diversifiées et s’il reçoit un feedback. Les chiffres montrent que le personnel policier atteint un score moyen de 6,97 sur 10 en ce qui concerne la satisfaction au travail et de 7,72 pour la motivation.
Tout comme dans la plupart des professions, les principales causes de stress pour le personnel policier sont le manque de diversité dans le travail et l’absence ou le peu de feedback.
Une forte charge de travail et une charge émotionnelle lourde sont aussi ressenties par les policiers comme des causes importantes de sentiments de stress. La charge émotionnelle est plus lourde à la police que dans d’autres métiers et peut se comparer à la charge émotionnelle ressentie par les professions d’assistance.
L’enquête est menée sur demande de la police intégrée. Les enquêteurs policiers ont travaillé en étroite collaboration avec l’Université Catholique de Louvain. Grâce à cette enquête, les Polices Locale et Fédérale disposent à présent d’une liste de questions et de valeurs limites qu’ils peuvent utiliser pour mener leur propre enquête scientifique auprès de leur personnel ou pour élaborer tout de suite un plan d’action.
Les résultats de cette vaste étude sur le stress peuvent à présent être analysés plus avant. Au sein de la Police Fédérale, on étudie dès maintenant la mesure dans laquelle les plans d’action, par exemple en matière de lutte contre l’absentéisme pour raison médicale, doivent être adaptés.
Cette enquête nationale sur le stress a été menée en avril et mai 2006 auprès de près de 4000 membres du personnel de la police. L’étude était réalisée à l’initiative de la Police Fédérale et de la Commission Permanente de la Police Locale qui sont responsables du bien-être de leurs collaborateurs.
L’enquête a été dirigée par le docteur Dominique Van Ryckeghem, sociologue à la Police Fédérale en étroite collaboration avec le professeur Hans De Witte et les chercheuses Ine Debrabandere et Yasmin Handaja du Groupe d’enquête pour la Psychologie du Travail, de l’Organisation et du Personnel de l’Université Catholique de Louvain. Un groupe de coordination composé de représentants des Polices Locale et Fédérale ont accompagné les chercheurs.
Les buts de cette enquête sont :
- développer un questionnaire spécifique pour une enquête sur le stress au sein de la Police intégrée.
- sur base des résultats, déterminer des points de référence ou de comparaison pour chaque corps ou service qui souhaite mener sa propre enquête.
- donner à la police intégrée quelques recommandations et permettre de définir de priorités en matière de stress et de bien-être.
Motivation
Il ressort de l’enquête sur le stress au sein de la Police intégrée qu’environ 65% des policiers se sentent bien au travail.
Ils tirent principalement leur énergie et leur motivation de :
- une tâche variée et qui contient un défi à relever.
- une tache dans laquelle ils peuvent développer leurs qualités sur le lieu de travail.
- un feedback sur leurs prestations.
- une bonne entente avec les collègues et le chef direct.
De tous les participants à cette enquête, 36% ressentent du stress (15% régulièrement, 17% souvent et 4% toujours). De plus, 12% des personnes interrogées ont déclaré s’être déjà senti plusieurs fois harcelés au travail dans les six mois précédant l’enquête.
A peine 1% déclare avoir été victime d’un comportement sexuel indésirable au travail.
Si l’on souhaite faire une comparaison prudente entre l’enquête sur le stress au sein des services de police et « l’enquête de Santé, Belgique 2004 », l’on peut voir que le pourcentage de projets de suicides au sein de la police est un peu plus élevé que chez le Belge moyen mais que le nombre de tentatives de suicides (3%) est un peu plus bas.
Le stress des fonctionnaires de police est principalement causé par :
- le manque de diversité : un emploi monotone qui donne l’impression de ne pas pouvoir valoriser ses qualités cause du stress.
- le manque de feedback : si les dirigeants ou les collègues donnent rarement ou jamais un feedback sur le travail presté, cela a un impact sur le sentiment de bien-être du travailleur.
- la forte charge de travail : tout comme pour d’autres groupes professionnels, ce facteur de stress ou cette « exigence » pèse assez lourd sur le lieu de travail policier.
- la charge émotionnelle : les attentes du monde extérieur envers la police sont très élevées et le personnel policier se sent peu valorisé par ce monde extérieur. La police aurait, comme d’autres groupes professionnels qui ont une fonction d’assistance, une charge émotionnelle un peu plus importante. Les travailleurs policiers sont plus souvent confrontés à des situations qui les touchent personnellement telles que des accidents impliquant des enfants ou des cas de violence intrafamiliale et ressentent ce travail comme « émotionnellement lourd ».
- la charge mentale (beaucoup de concentration, exigence de précision, mémorisation, etc.). La forte charge mentale est en réalité une caractéristique que l’on ne retrouve pas seulement au sein de la police mais également dans tous les groupes de métiers.
La charge mentale n’est par ailleurs pas toujours négative. A un certain niveau, elle donne au membre du personnel un défi à relever et augmente sa motivation.
Si cette charge mentale devient trop lourde, il existe alors un risque de burnout ou d’épuisement mental.
- la charge physique au bureau (être dérangé, travailler assis, travailler dans une position inconfortable…) contribue aux sentiments de tension et de stress.
Fonctions à stress
Les enquêteurs ont également étudié quelles étaient les fonctions ou tâches policières dans lesquelles se retrouvaient davantage de facteurs de stress sur le lieu de travail que d’autres.
Les membres du service de recherche (enquêtes judiciaires) et du travail de quartier doivent faire face à des facteurs de stress relativement nombreux.
Les fonctionnaires de police qui travaillent au sein d’un quartier risquent des agressions, par exemple lors d’interventions pour une bagarre ou pour un cas de violence intrafamiliale et sont confrontés à une grande imprévisibilité dans leur travail.
Le service de recherche, quant à lui, doit faire face à une charge mentale et émotionnelle importante. Les enquêteurs dans des dossiers d’abus sexuels d’enfants ou de maltraitance de personnes âgées mettent longtemps à se détacher de ces images.
Le personnel policier du travail de quartier et les services de recherche dispose en revanche de nombreuses « ressources » qui les aident à faire face à leur stress. Celles-ci sont, par exemple, le feedback sur leurs prestations, l’autonomie, la valorisation externe et les possibilités de formation.
Ceci a pour résultat que les collaborateurs des services de recherche sont très contents de leur travail et ce groupe s’avère être le plus enthousiaste du personnel policier.
Les membres du personnel d’intervention, du maintien de l’ordre et du dispatching éprouvent plus de difficultés.
Les personnes qui sont chargées quasi quotidiennement du maintien de l’ordre et de l’intervention font face chaque jour à des facteurs de stress : la charge émotionnelle, l’imprévisibilité de leur travail, le risque d’agression, les incidents traumatiques et le mauvais état de leur matériel.
D’autre part, ils ne bénéficient pas d’autant de « ressources » que les membres de la recherche, par exemple. L’autonomie et le feedback sur leur travail mais aussi les possibilités de formation semblent moins présentes.
Les dispatchers et les call-takers constituent de façon évidente le groupe le plus vulnérable du paysage policier. Ils ont une grande responsabilité mais disposent de peu d’autonomie dans leur travail et reçoivent peu de feedback. De plus, ils obtiennent de résultats élevés en ce qui concerne les facteurs de stress tels que la charge de travail, la charge mentale, la charge physique au bureau et les attentes externes.
La conséquence de ces constatations est que les dispatchers et les call-takers montrent un plus grand risque de tension et de burnout que d’autres collaborateurs policiers.
Chefs et zones
Les enquêteurs ont constaté quelques différences entre les dirigeants et les non dirigeants. Les dirigeants subissent principalement une forte charge de travail et une forte charge mentale. Par contre, ils disposent de nombreuses ressources qui leur permettent de supporter une forte pression. Ces ressources sont, par exemple, l’autonomie et la responsabilité dans leur travail.
Les non-dirigeants subissent quant à eux de tout autres facteurs de stress sur le lieu de travail : le risque d’agression, l’incertitude de leur travail et le mauvais matériel. Pour lutter contre ces facteurs de stress, seul un nombre limité de ressources existe, telles que le feedback sur le travail, l’autonomie, les possibilités de formation et l’échange d’informations.
L’un des avantages de cette enquête apparaît immédiatement de façon claire : elle rappelle aux dirigeants au sein de la police qu’ils peuvent améliorer le bien-être de leur personnel notamment en leur donnant plus de feedback, d’autonomie et d’information.
Des différences apparaissent également selon le type de zone, le rang et le cadre.
Le personnel des petits corps de police locale se sent généralement un peu mieux dans sa peau que celui des grands corps car la disponibilité du matériel, la participation, les possibilités de formation et l’échange d’information obtiennent généralement de meilleurs résultats dans les petites zones que dans les plus grandes.
Les officiers se montrent certes motivés mais courent le risque de souffrir de burnout.
En ce qui concerne les membres du personnel civil, il faut remarquer qu’ils attachent, pour leur bien-être, beaucoup d’importance aux possibilités de formations. D’autre part, le manque de feedback est une des causes principales du sentiment de stress auprès des membres du personnel civil de niveau A (niveau universitaire).
Des collaborateurs enthousiastes
En résumé, les enquêteurs constatent que les services de polices disposeront de collaborateurs enthousiastes et relativement détendus s’ils veillent à :
- la diversité des tâches et la possibilité de valoriser les talents de chacun.
- des mécanismes de feedback.
- une certaine charge mentale (Un certain niveau de charge mentale donne au membre du personnel un défi à relever et le motive. Si cette charge mentale devient trop lourde, il existe alors un risque de burnout ou d’épuisement mental).
De plus les services de police doivent être attentifs à la charge émotionnelle du personnel tout comme au harcèlement qui doit être tué dans l’œuf. Se sentir harcelé peut mener à des absences pour cause de maladie et même à des projets suicidaires.
Grâce à cette enquête sur le stress, les Polices Locale et Fédérale disposent à présent d’un questionnaire spécifique qui peut être utilisée pour mener une enquête sur le stress dans des corps de Police Locale ou des services de la Police Fédérale. Dans ce but, l’enquête sur le stress a également fourni une liste de valeurs limites critiques et de référence. Si ces valeurs sont dépassées, on peut souligner les éléments à améliorer et autour desquels on peut démarrer un plan d’action.
Les résultats de cette enquête sont présentés ce vendredi 15 février 2008 après-midi aux chefs de corps de la Police Locale, aux directeurs de la Police Fédérale, aux syndicats et aux organes de contrôle par le docteur Dominique Van Ryckeghem et par le professeur Hans De Witte.