Des chercheurs identifient une faiblesse à la grippe aviaire
La Presse
Des chercheurs néerlandais et japonais ont découvert pourquoi
la grippe aviaire n'est pas transmissible d'un humain à l'autre. Leurs
recherches, publiées dans les revues Nature et Science,
permettront peut-être de prédire quand la grippe aviaire se transformera en
pandémie humaine.
La grippe aviaire H5N1 a rendu malades des millions de volailles en Asie depuis
1997, et a forcé l'abattage préventif de 200 millions de poulets. Le virus est
aussi virulent chez l'homme, mais il ne se transmet pas d'une personne à
l'autre. Des 184 personnes ayant officiellement contracté la grippe aviaire
depuis 2004, 103 en sont mortes.
Les biologistes des Universités de Tokyo et de Rotterdam ont constaté que le
virus de la grippe aviaire préfère les cellules humaines situées dans le fond
des alvéoles des poumons. Le virus humain, lui, préfère les cellules situées
dans le haut des voies respiratoires, par exemple dans la trachée.
Les autopsies des victimes humaines de la grippe aviaire
montrent justement des dommages importants aux alvéoles pulmonaires, des sacs
délicats où l'oxygène est transféré au sang.
Or, un virus doit être situé dans le haut des voies respiratoires pour bien se
transmettre entre humains. Il se loge dans les sécrétions buccales et nasales et
est transféré aux mains lors d'une toux ou d'un éternuement. Ensuite, le virus
passe sur les mains d'une autre personne à l'occasion d'une poignée de main ou
par l'intermédiaire de surfaces comme le robinet d'une salle de bains ou une
rampe d'escalier.
Selon Karl Weiss, microbiologiste à l'Université de Montréal, l'étude constitue
une pièce importante du casse-tête de la grippe. «C'est un papier très
intéressant sur les mécanismes d'attachement du virus, dit le Dr Weiss. Cela
pourra aussi amener une certaine recherche sur des molécules capables d'inhiber
cette zone d'attachement.»
L'étude pourrait aussi permettre de détecter rapidement l'éclosion d'une
pandémie humaine. Dans l'hebdomadaire britannique New Scientist, l'un des
coauteurs, le Néerlandais Thijs Kuiden de l'Université de Rotterdam, annonce que
son équipe cherchera à modéliser quelles mutations permettraient au virus de la
grippe aviaire de se fixer dans les voies respiratoires supérieures de l'homme.
Les équipes de l'Organisation mondiale de la santé pourraient ainsi savoir
quelles mutations surveiller.
Fait intéressant, le sous-type de virus qui a sévi en 1997 à Hong Kong semblait
plus apte à infecter les voies respiratoires supérieures humaines, selon
l'équipe japonaise. À l'époque, les autorités sanitaires hongkongaises avaient
abattu rapidement tous les poulets du territoire, soit 1,3 million d'oiseaux. La
grippe aviaire avait mis six ans à refaire surface, ailleurs en Asie. Plusieurs
spécialistes pensent que la grippe aviaire avait alors failli causer une
pandémie humaine, notamment parce qu'elle provoquait chez les humains des
pneumonies, comme la grippe espagnole de 1918. Normalement, les pneumonies sont
causées par des infections secondaires, pas directement par la grippe.
Mais il faut d'abord confirmer les résultats, prévient Carl Gagnon, virologiste
à l'École vétérinaire de l'Université de Montréal. «Pour le moment, ça reste une
hypothèse. Il faut vérifier qu'il y a bel et bien moins de virus de la grippe
aviaire dans les sécrétions humaines.»
L'équipe japonaise, qui a travaillé avec l'Université du Wisconsin, a utilisé
des modèles animaux des grippes aviaire et humaine. L'équipe néerlandaise a
travaillé sur des tissus humains.
Explosion des ventes de Tamiflu
Les ventes canadiennes de l'antiviral Tamiflu, qui atténue la transmission et la
gravité de la grippe, ont explosé l'an dernier, selon la firme IMS Health. Elles
sont passées de 6 à 75 millions de dollars entre 2004 et 2005. Le gros de
l'augmentation s'est produit dans les hôpitaux, qui ont acheté pour 65 millions
de dollars de Tamiflu en 2005, pour l'essentiel au printemps dernier, quand le
gouvernement canadien a décidé de stocker le médicament en cas de pandémie de
grippe. Mais les ventes en pharmacie ont aussi grandement augmenté, signe que
certains constituent des stocks individuels: en octobre dernier, les pharmacies
ont vendu du Tamiflu à hauteur de 4,4 millions, contre 60 000 $ en octobre 2004.
Ces ventes sont significatives parce qu'elles sont survenues bien avant la
saison de la grippe ordinaire. La compagnie Roche, qui fabrique le Tamiflu, a
sévèrement restreint les ventes en pharmacie entre la fin octobre et le début
mars, pour décourager le stockage individuel.
Quiproquo
Rares sont les experts en santé publique qui recommandent le stockage personnel de Tamiflu. Mais sur le site de la compagnie Canadien Drug Delivery, une pharmacie Internet établie dans l'île de Vancouver, on peut lire que «Michael Osburn, spécialiste en santé publique du Centre de contrôle des maladies infectieuses du Canada», recommande que les individus stockent du Tamiflu. Seul problème: cet organisme n'existe pas, et ce spécialiste non plus. L'erreur provient d'un reportage d'une station de la CBC à Winnipeg, qui a couvert une conférence sur la grippe aviaire à l'Université du Manitoba au printemps dernier. Un épidémiologiste du Centre de contrôle des maladies du gouvernement américain, Michael Osterholm, participait à la conférence. Or, M. Osterholm est aussi directeur du Centre de recherche et de politique publique des maladies infectieuses de l'Université du Minnesota. Dans le reportage de la CBC, M. Osterholm est devenu «un spécialiste en santé publique du Centre de recherche et de politique publique des maladies infectieuses de Winnipeg». Le site de Canadian Drug Delivery a ajouté une erreur à son nom (Osterholm est devenu Osburn), et une deuxième erreur au nom de son organisme.