De
plus en plus longs et nombreux, souvent non rémunérés, les stages
concernent aujourd’hui aussi bien étudiants que jeunes diplômés. Face à
cette situation, la charte de bonne conduite élaborée par le gouvernement
ne semble pas être suffisante pour calmer la révolte de ces « nouveaux
précaires ».
La galère des stages, Julien, 25 ans,
connaît. Au cours de ses études d’économie, il en a effectué sept, tous
facultatifs. Assistant marketing ou encore chargé de mission, il n’a jamais
été renuméré plus de 300 euros par mois. « Le comble , c’est qu’on doit
parfois payer soi-même pour faire un stage explique t-il. Pendant l’une de
mes missions je devais partir au Sénégal et régler personnellement le
billet d’avion et les frais de logement ». En septembre dernier, sur un
forum de Solidarité Internationale, il trouve un mail d’une certaine Cathy
appelant à la grève générale des stagiaires.
Mobilisation des stagiaires
Avec quelques autres compagnons d’infortune, ils fondent
le mouvement « Génération précaire », contribuant à médiatiser une réalité
longtemps restée méconnue auprès du grand public. A côté des chômeurs,
rmistes, intermittents, et autres intérimaires, on découvrait de nouveaux
précaires : les stagiaires… On estime leur nombre à 800 000 en France. Ils
sont jeunes (entre 18 et 30 ans, mais quelquefois plus), globalement d’un
niveau d’études et d’un milieu social élevé, mais parfois en galère.
Parfois, ils naviguent de stage en stage -parfois sans aucune contrepartie
financière- dans l’espoir que cela débouche un jour sur un « vrai
travail ».
Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que ces expériences sont
nécessaires, et peuvent constituer un véritable passeport vers l’emploi.
Les questions soulevées ne reposent donc pas sur le stage en lui-même, mais
bien sur l’abus peu scrupuleux qu’en font certaines entreprises, en
l’utilisant pour remplacer de véritables CDD et CDI.
Charte de bonne conduite
Face à la médiatisation croissante de cette situation,
le gouvernement a présenté la semaine dernière, une charte de bonne
conduite -inscrite dans la loi sur l’égalité des chances- censée, selon
lui, encadrer le secteur des stages. Signée par quatre organisations
patronales (le MEDEF, la CGPME, l’UPA et l’UNAPL) et trois syndicats
étudiants (l’UNI, la FAGE, et le PDE), elle a pour vocation selon le
ministre délégué à l’Emploi Gérard Larcher. « de renforcer l’équilibre
entre la nécessité de développer les stages, meilleure passerelle vers
l’emploi et le besoin de les sécuriser ». Trois dispositions figurent
principalement dans cette charte : une convention de stage unique et
obligatoire, une limitation de la durée des stages hors parcours
pédagogiques à six mois, et une gratification obligatoire pour les stages
de plus de trois mois.
Presque autant que la charte elle-même, c’est la manière dont elle a été
élaborée qui fait polémique. « Le gouvernement a lancé les négociations de
façon purement opportuniste pour tenter de démobiliser les étudiants
manifestants, nous avons donc refusé d’y participer » déclare Benjamin
Vetelé, vice-président de l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France).
Sans valeur contraignante
Quant aux propositions que présente la charte, elles sont loin de
satisfaire les membres de Génération Précaire. « Le document est inefficace
car il n’a aucune valeur juridique explique Julien. Tant que des
dispositions véritablement contraignantes ne seront pas prises, les
entreprises pourront continuer à exploiter en toute impunité. Prendre un
stagiaire pour six mois leur revient à environ 2 000 euros, alors que le
coût est de 10 000 euros pour un véritable salarié. Pour les entreprises,
le choix est vite fait. »
Parmi les revendications du collectif figurent une inscription du statut de
stagiaire dans le code du travail de la même manière que pour
l’apprentissage. Le mouvement propose également une rémunération
progressive en fonction du nombre de mois de stages effectué dans
l’entreprise.
Des idées que ne partage pas Olivier Vial, délégué général de l’UNI (Union
Nationale Interuniversitaire) « Il est impératif de rappeler que le stage à
une fonction pédagogique et ne peut être assimilé à un emploi. » déclare
t-il. « Tout ce qui consiste en du travail déguisé sous forme de stages
doit relever de la direction du travail. ». Le syndicat étudiant de droite
défend par ailleurs l’aspect volontariste mais non prohibitif de la charte.
« Une loi aurait crée une rigidité trop importante et les entreprises
auraient proposé moins de stages » souligne Olivier Vial. Même son de
cloche au Medef « Nous sommes conscients que certains employeurs abusent du
système des stages et nous condamnons fermement ces pratiques, mais le
Medef n’est pas là pour donner des coups de bâton aux entreprises. Si un
jeune a accepté un stage qui se révèle ensuite un emploi déguisé, c’est du
ressort de la loi et cela concerne les prud’hommes » déclarait Laurence
Danon, présidente de la commission Nouvelles générations en février
dernier.
Génération précaire maintient la pression
Toutes ces déclarations ne désarment pas Génération
précaire. Julien, lui, bénéficie désormais d’un CDD, mais n’a pas lâché le
mouvement pour autant. Lui et ses camarades comptent reprendre leurs
actions de dénonciation, et sont également présents du 4 au 7 mai au Forum
social européen à Athènes. Ils projettent également de soutenir par
l’intermédiaire de leurs députés respectifs, une proposition de loi UMP qui
vise à pénaliser les entreprises recrutant des stagiaires sans avoir
vérifié la réalité de leurs formations. « Il nous importe peu que les
réformes viennent de droite ou de gauche, rappelle Julien. Notre mouvement
n’est pas partisan, nous visons un objectif simple : la réforme des stages.
»
Basil BURLUMI
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