D'Italie à la Pologne, du Japon à l'Amérique du Sud! En autorisant depuis
le début de l'année, même sous conditions strictes, l'intervention d'Exit
dans ses murs, le CHUV de Lausanne a provoqué une véritable onde de choc,
qui a largement dépassé les frontières suisses. L'établissement
universitaire vaudois est ainsi devenu le premier hôpital en Europe à
adopter un règlement permettant la venue d'une association d'aide au
suicide.
«Nous avons accueilli de nombreux journalistes étrangers et reçu un abondant
courrier de Suisse et d'ailleurs», confirme Jean-Blaise Wasserfallen,
directeur médical adjoint du CHUV. Et le médecin de préciser d'emblée que
les conditions sont très strictes.
Seuls les patients qui, à cause de leur état de santé, sont dans
l'incapacité de quitter le CHUV peuvent demander à bénéficier d'une
assistance au suicide dans les locaux de l'établissement. Une aide qu'ils
pourraient obtenir à l'extérieur s'ils pouvaient sortir de l'hôpital.
«Notre décision se base sur un souci d'équité, ajoute Jean-Blaise
Wasserfallen. Il ne serait pas juste qu'un patient soit privé de ce choix,
seulement parce qu'il ne peut pas se déplacer.» Pour autant que le malade
remplisse tous les critères et après plusieurs évaluations.
Pour l'heure, une seule demande a été faite. Elle n'a pas abouti. Mais,
rappelle Jean-Blaise Wasserfallen, l'assistance au suicide, même si elle
suscite un important débat, ne concerne qu'un nombre limité de patients: «En
cinq ans, nous n'avons enregistré que trois cas de personnes ayant quitté le
CHUV pour en bénéficier.» Toute intervention future est cependant déjà
codifiée. Ainsi, le médicament léthal doit être fourni par l'extérieur
(médecin ou association comme Exit), et l'intervention se fait dans une
chambre normale - aucune salle n'étant réservée à cet usage. «Nous ne
voulons pas de mouroir», précise le médecin.
Autre précision importante, aucun membre du personnel du CHUV ne peut être
contraint de participer à une procédure. Car la décision de l'hôpital n'a
pas seulement suscité le débat à l'extérieur, elle a aussi déclenché de
nombreuses réactions à l'intérieur de ses murs. «Même si nous nous y étions
préparés, ce choix bouleverse mon équipe et provoque des tensions dans le
milieu des soignants, notamment au niveau éthique», reconnaît Claudia
Mazzocato, médecin-chef par intérim de la division des soins palliatifs.
«Mais que l'on soit en faveur ou non de l'assistance au suicide, il faut
arriver à dissocier ses propres valeurs et celles du patient. Même si ce
n'est pas facile.»
Au-delà des polémiques, Claudia Mazzocato reconnaît que la décision du CHUV
va forcer la discussion sur un thème qui va prendre de plus en plus
d'importance dans le futur. «Avec le vieillissement de la population, les
demandes augmentent.» Pour elle, le débat sur l'assistance au suicide doit
aussi permettre de poser la question de la place que la société veut
accorder aux personnes âgées et malades. «Le désir de mort d'un patient
n'est rarement dû qu'à des douleurs physiques, mais plutôt psychologiques.
On retrouve souvent de vieilles personnes seules, sans soutien, qui se
sentent exclues et inutiles.» Et de conclure: «On pose la question de mourir
dignement, mais il faut aussi pouvoir vivre dignement.»
Le patient doit accomplir le geste final
Le CHUV pose des critères très stricts pour l'évaluation de toute demande
d'assistance au suicide:
- Maladie incurable ou fin proche
- Capacité de discernement
- Soins palliatifs et soutien psychiatrique proposés et mis en oeuvre
- Persistance de la demande
- Geste final accompli par le patient
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