21 Avril 2007 - Il serait faux de prétendre qu'une personne
"souffre" d'autisme. L'autiste ne souffre pas. Son cerveau fonctionne
différemment.
C'est ce qu'a précisé à La Voix Michèle Larue, psychoéducatrice au point de
service sorelois du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle
Montérégie-Est (CRDI).
L'autiste fait partie de ce qu'on appelle les troubles envahissants du
comportement (TED). Un autiste a des problèmes à traiter l'information
rapidement, il a de la difficulté à fixer son attention, à établir un contact
oculaire, il résiste aux caresses, et comprend difficilement les règles "non
dites" de la politesse et des émotions.
Mais il ne faudrait pas croire que l'autiste est une personne inintelligente, au
contraire. J'ai des clients qui sont beaucoup plus intelligents que moi !
précise Mme Larue. Selon elle, plusieurs d'entre eux sont capables de poursuivre
leurs études de façon régulière, il y en a qui sont des premiers de classe, et
certains ont même remporté des trophées Méritas à leur école. Et ce n'était pas
charité, mais bien grâce à leurs notes, a-t-elle spécifié.
L'autiste a surtout des problèmes de communication avec les gens qui
l'entourent. Il a besoin d'aide pour développer ses habiletés sociales.
En fait, l'autiste ne décode pas les informations qu'il reçoit de la même façon
que les autres. C'est un peu comme si l'autiste conduisait une automobile
manuelle, alors que nous conduisons une automatique, explique Mme Larue. Quand
nous conduisons, nous enregistrons inconsciemment une série d'informations sur
ce qui nous entoure. On fait des choses de façon automatique, sans se forcer.
Mais l'autiste, lui, doit traiter chaque information une à une, et la classer
dans son cerveau. Il ne peut pas traiter deux informations à la fois. C'est très
difficile pour lui, et ça devient aussi très épuisant. L'abstraction est pour
l'autiste un concept difficile. Par contre, il développe souvent une mémoire
phénoménale et conserve chaque information acquise jusqu'à la fin de sa vie, a
expliqué Mme Larue. Un autiste peut, par exemple, te dire ce qu'il a fait le 22
juillet 2004 en après-midi sans se tromper, et ce, même si c'est pour dire qu'il
est allé s'acheter un cornet de crème glacée !
Une particularité des autistes est qu'il y a presque toujours un de leur sens
qui ne fonctionne pas ou, au contraire, qui fonctionne trop.
Par exemple, un autiste qui a une audition très développée peut devenir exacerbé
par chaque son qu'il entend de façon distincte. Par exemple dans une classe : le
professeur qui parle, la personne qui tousse, les pas d'une personne dans le
corridor, les enfants dans la cour d'école, le chauffage, le tic-tac d'une
horloge, etc. Cela devient intolérable pour lui, soutient Mme Larue.
Même chose pour la vision. Les couleurs vives d'une garderie peuvent leur
"brûler" les yeux.
Quant au toucher, le simple fait d'effleurer le bras d'un autiste avec les
doigts peut être très douloureux pour lui.
Par ailleurs, la façon de décoder les messages par un autiste est très
différentes du monde en général, car il prend tout au pied de la lettre. Si un
parent dit à son enfant autiste de vider son assiette, ce dernier va avoir le
réflexe de faire exactement ce qui lui est demandé et de vider son assiette...
par terre, tout en sachant qu'il va se faire chicaner. Il faut donc faire très
attention à ce qu'on lui dit et comment on lui dit, car il ne comprend pas le
double sens, ni le 2e degré. Il faut donc éviter des expressions populaires
telles que "donner sa langue au chat" ou "il pleut des clous" !
Selon Mme Larue, l'autiste est aussi incapable de mentir. Il n'en comprend pas
l'utilité. Ça peut poser quelques problèmes, lors qu'il dit à son professeur que
sa cravate est laide !!! a-t-elle donné en exemple.
Mais Mme Larue estime qu'il y a même des bons côtés à "être TED". C'est une
personne fidèle qui possède une loyauté absolue envers quelqu'un. Il est donc
digne de confiance. Il n'a aucun préjugé envers qui que ce soit. Il n'est ni
raciste, ni sexiste, à moins que cela leur soit appris. Ils sont passionnés, et
leur façon d'appréhender la réalité est basée sur une logique. En fait, les
autistes pensent bien souvent que c'est nous qui sommes compliqués, avec notre
façon de mentir ou de donner des doubles ou triples sens à ce qu'on dit !
On pense également souvent que l'autiste n'a pas d'émotion ou pas d'empathie, ce
qui est faux, selon Mme Larue. En fait, chaque information qu'il a appris, il
pense que les autres la connaissent. Encore là, c'est une question de décodage.
Pour un autiste, "pleurer de joie" constitue une contradiction.
Mais peu à peu, on comprend en effet de plus en plus l'autisme, car des autistes
eux-mêmes ont réussi à expliquer ce qu'ils ressentaient. Il y a même des
autistes qui donnent des formations.
À Sorel-Tracy, les services offerts par le CRDI sont considérés comme
avant-gardistes, assure Mme Larue. Il existe notamment une classe spécialisée à
l'école Saint-Gabriel-Lalemant où le même programme qu'au régulier est enseigné,
mais adapté selon le rythme des enfants.
Nous favorisons l'intégration sociale le plus possible. Dans d'autres régions,
la "voie de garage est souvent prise plus rapidement qu'ici.
Chose préoccupante, le nombre d'autistes augmente de façon sensible depuis
quelques années. Nous avons une liste d'attente de près de deux ans. Partout au
Québec, il y a une explosion de cas, et on ne connaît pas encore la raison. Ici,
nous avons mis sur pied un groupe de parents pour ceux qui sont sur la liste
d'attente, afin de leur offrir des soirées d'information.
La clientèle change également, estime-t-elle. Auparavant, 75% des autistes
étaient aussi déficients intellectuels, alors que c'est l'inverse aujourd'hui.
Pour les parents, c'est un choc d'apprendre un tel diagnostic, admet Mme Larue.
Ils ont en tête l'image de l'acteur Dustin Hoffman dans le film Rainman,
fait-elle remarquer.
Mais nous avons vraiment des beaux jeunes, conclut-elle. Il suffit seulement de
trouver le bon "mode d'emploi".
Signalons enfin qu'avril a été consacré "mois de l'autisme". En Montérégie, on
estime à plus de 2 000 le nombre de personnes atteintes d'un TED, selon
l'Association régionale autisme et TED-Montérégie.