|
1.
Organisation
et fonctionnement de l'institution
Le
home d'enfants de la Bérallaz se trouve à Montheron, hameau faisant partie de
la commune de Lausanne, situé près du village de Cugy.
La
maison est grande et spacieuse. De nouvelles peintures et installations l'ont
rendue lumineuse et gaie: on s'y sent bien.
Cela fait 74 ans
que cette maison accueille des enfants: en 1925, la Ligue Vaudoise contre la
Tuberculose l'ouvre afin d'y recevoir des enfants dont les parents souffrent de
tuberculose.
En 1964, la Bérallaz
devient un home accueillant des enfants ayant des difficultés familiales. La
direction est depuis 1981 tenue par M. et Mme Viguet.
1.2
Type et financement
Le
home d'enfants est une association privée. Elle est gérée par un comité de 9
à 13 membres s'appuyant sur des statuts. Ce dernier se réunit 2 fois par année.
L'institution
est subventionnée à 100% par le Canton de Vaud et la Confédération.
1.3
Mandats de l'institution
Le
mandat principal est de tenter d'aider les jeunes qui leur sont confiés à dépasser
leurs problèmes, dans une vie normalisée, rythmée, afin de leur assurer, dans
la mesure du possible une évolution harmonieuse.
Selon
les statuts, l'association a pour mandat:
-
L'exploitation de la
maison de la Bérallaz destinée à accueillir des enfants des deux sexes, en âge
de scolarité, qui doivent être placés en raison de circonstances familiales
difficiles.
-
L'éducation de ces
enfants dans une atmosphère sécurisante et leur préparation à une vie
sociale et professionnelle normale.
Le
concept éducatif du home d'enfants de la Bérallaz précise aussi que « notre but est de reconnaître la réalité que
l'enfant vit. Notre point de départ est le constat de cette même réalité.
Nous acceptons et nous assumons cette réalité avec toute la souffrance qu'elle
contient ».
1.4
Organigramme de l'institution
COMITE
9
à 13 membres
DIRECTION
1,4
poste
EQUIPE EDUCATIVE
PERSONNEL D'INTENDANCE
5,3 postes
2,2 postes
L'équipe éducative
se compose de 5 éducateurs spécialisés et d'une éducatrice de la petite
enfance. Généralement, 2 stagiaires viennent la compléter. Le personnel
d'intendance se compose d'un cuisinier, d'une femme de ménage et d'une lingère.
1.5
L'approche jungienne
Les enfants de
la Bérallaz sont presque tous suivi par une psychologue jungienne. Elle
participe activement à des colloques et permet de donner des pistes de compréhension,
de réflexion et d'action à l'équipe éducative.
Bien que
l'institution n'impose pas la référence aux thèses de Jung – les compétences
des éducateurs, qu'ils aient suivi une formation systémique,
comportementaliste ou autres, sont toutes sollicitées – la prise en charge éducative
est malgré tout influencée par cette approche de l'être humain.
Pour C.-G. Jung,
ainsi que pour les psychologues qui suivent son approche, il ne s'agit pas
seulement de soigner, mais aussi de développer la personnalité par le
processus d'individuation.
Ce processus se
développe progressivement et signifie être réconcilié avec les aspects de la
personnalité qu'on avait négligés: il faut donc tendre à être au plus
proche de soi-même, à s'accepter comme formant, une totalité. La
personne qui recherche vraiment cette totalité ne peut se développer au prix
du refoulement de l'inconscient, ni vivre dans un état plus ou moins
inconscient. C'est un processus qui pousse donc l'individu à se construire.
Pour les éducateurs,
il est important, afin que les enfants se développent de façon satisfaisante,
de prendre en compte et de connaître ce processus, car il permet de les aider
à vivre les différentes étapes construisant leur vie.
C.-G. Jung dit
que le psyché de l'homme a une partie consciente et une partie inconsciente.
Dans l'inconscient de l'homme, il y a l'inconscient personnel (souvenirs, émotions,
désirs refoulés) qui contient toutes les expériences vécues et tout ce qui
est en train de se formuler avant de venir à la conscience. Il y a aussi une
autre couche, plus profonde, où le
psyché produit des images et des rêves correspondant aux thèmes qui se
trouvent dans la mythologie, dans les contes de fées ou dans les légendes et
qui sont communs à toute l'humanité: c'est l'inconscient collectif.
Jung a appelé
ces thèmes universels les archétypes. Dans le psyché de l'homme, les déclencheurs
de ces schémas archétypiques sont les instincts. Le fait que ces archétypes
traversent les Ages et le temps relie l'homme à son essence propre, cette dernière
restant de fait immuable.
La symbolique de
la psyché qui, au travers d'archétypes ou de
symboles, parlent au conscient de l'individu au travers des rêves et des
images (dessins, etc.) est donc importante et centrale dans l'approche jungienne.
La psychologue
qui travaille en collaboration avec l'équipe essaye donc, par des tests
d'associations[1], des dessins et des jeux
de comprendre la structure et la dynamique de l'enfant et de découvrir, par ces
moyens, à quel niveau se trouvent les blocages psychiques empêchant un développement
harmonieux. Ensuite, dès qu'une voie a été ouverte pour diriger la psyché de
l'enfant vers l'épanouissement, le processus de guérison peut commencer.
Jung a aussi démontré,
par les tests d'associations, combien la psychologie de l'enfant est intimement
liée à celle de ses parents. Une seule famille peut montrer de semblables réactions
et modes de fonctionnement « les enfants […] peuvent avoir des rêves
qui reflètent les problèmes des parents, et l'on peut souvent rapporter aux
difficultés parentales, soigneusement cachées à l'enfant, les perturbations
nerveuses ou la mauvaise conduite. Si les parents résolvaient leurs problèmes,
ou s'il amenaient quelquefois simplement leurs difficultés à la lumière du
jour et les partageaient franchement avec l'enfant (naturellement à un niveau
compréhensible pour lui), la nervosité de l'enfant ou son aspect réfractaire
disparaîtraient souvent comme par magie»[2]
Il est important
pour les éducateurs – et pour les autres intervenants – de vivre leur vie,
de l'accepter et d'être honnête avec eux-mêmes ainsi que d'approfondir au
maximum la connaissance de soi afin que les enfants se développent de façon
satisfaisante. Ce n'est qu'en étant authentique, en tentant d'être une
totalité que l'éducateur pourra réellement aider les enfants. «
Aucun sermon, aucun principe, aucune subtilité technique, aucune aide mécanique,
ne peut remplacer l'influence d'une personnalité bien développée […] afin
d'éviter de projeter leurs complexes sur les enfants dont ils ont la charge
[…] »[3].
2.
Procédure d'admission
Les demandes
pour un placement à la Bérallaz proviennent pour la plupart des assistants
sociaux du Service de la Protection de la Jeunesse (SPJ) à la suite d'une
intervention juridique ou d'un constat de mauvais traitement physique ou
psychologique. Les demandes peuvent aussi provenir de la part de parents démunis
face aux difficultés rencontrées avec leurs enfants.
L'enfant est
parfois déjà dans un foyer d'accueil en urgence ou à court terme et est en
attente d'un placement dans une institution pouvant l'accueillir à moyen ou à
long terme.
Les critères
d'admission de la Bérallaz sont:
-
ne pas présenter de
handicap physique;
-
pouvoir suivre une
scolarité normale (scolarité en milieu spécialisé exclue);
-
être en âge scolaire, de
4 à 12 ans (exceptions possibles pour les fratries);
-
être placé pour au moins
2 ans (durée considérée comme le minimum pour une prise en charge éducative).
Lorsqu'une
demande émane des assistants sociaux du SPJ, une procédure d'admission se met
en route:
1.
La direction entre en matière en fonction des places disponibles et des
enfants se trouvant déjà à la Bérallaz, ceci afin de respecter un équilibre
entre les garçons et les filles et entre les âges.
2.
Première rencontre avec l'assistant social pour une présentation de
l'enfant, son anamnèse, etc.
3.
La situation est présentée au colloque par la direction. Un éducateur
est ensuite nommé pour pouvoir accueillir et accompagner l'enfant lors des
visites qu'il effectuera ultérieurement.
4.
Deuxième rencontre avec l'assistant social, accompagné des parents. Au
cours de cet entretien, la direction essaie de connaître un peu l'histoire des
parents et de la famille, demande les raisons du placement ainsi que ce qu'ils
en attendent. Par la suite, la direction explique le fonctionnement et fait
visiter le foyer.
5.
L'enfant vient passer plusieurs après-midi à la Bérallaz pour partager
un moment avec les autres enfants et se familiariser avec la maison. Son entrée
définitive ayant lieu en principe au début de l'année scolaire, il commence
souvent par faire le camp d'été avec les autres enfants qui finit l'année
scolaire précédente (les deux premières semaines des vacances scolaires).
6.
Le colloque décide de façon définitive les références (généralement
un homme et une femme).
7.
Arrivée de l'enfant accompagné soit par ses parents, soit par
l'assistant social ou encore soit par un éducateur du précédent foyer.
3.
Fonctionnement
de l'équipe éducative
3.1
Les responsabilités et la
répartition des tâches
L'équipe
éducative doit assumer diverses responsabilités afin d'assurer le mandat qui
leur sont confiés, à savoir d'aider les jeunes à dépasser leurs problèmes
pour assurer, dans la mesure du possible, une évolution harmonieuse.
Un
cahier des charges détaillé et précis encadre donc les éducateurs dans leur
travail et délimite les responsabilités de chacun:
1.
L'éducateur et la
direction assurent à tour de rôle l'animation des colloques et la prise de
procès-verbaux. Il garde en mémoire les avis exprimés et préparent, si nécessaire,
un papier pour la réunion de synthèse.
2.
L'éducateur est chargé de transcrire les informations d'ordre général
dans le livre de bord. Il doit aussi autant que possible remplir des fiches
d'observation qui seraient mises en place.
3.
L'éducateur veille à transmettre les informations nécessaires aux
personnes concernées pour que le déroulement dans la maison se passe sans
anicroches. Il donne un compte rendu régulier des événements de la vie
quotidienne à la direction pour la décharge des responsabilités.
4.
L'éducateur gère l'argent de poche personnel des enfants, le compte
"vêtements" ainsi que le compte collectif des loisirs.
5.
L'éducateur est responsable de l'accompagnement éducatif des actes de
la vie quotidienne: le réveil des enfants, l'habillement, la santé, les repas,
le suivi des leçons, les temps de loisirs, l'ordre dans et de la maison, les
couchers, la nuit, les rendez-vous chez le dentiste, le docteur, la psychologue,
etc.
6.
L'éducateur accompagne les enfants sur le plan scolaire dans la mesure
de ses connaissances et de ses compétences. Il assure le suivi avec les
enseignants et en rend compte aux collègues et à la direction. Il est tenu de
participer aux réunions de parents.
7.
L'éducateurs assume individuellement, selon un tournus déterminé à
l'avance, une présence active pendant les week-ends lorsque des enfants sont
dans l'impossibilité de rentrer chez eux ou dans une famille d'accueil.
8.
L'éducateur est plus particulièrement attentif à l'évolution des
enfants dont il est référent, tant à la Bérallaz qu'à l'extérieur. Il
informe l'ensemble de l'équipe et la direction des entretiens effectués, des
changements et de la progression des objectifs fixés lors de l'admission ou
lors de synthèses, ceci jusqu'au départ du référé.
9.
Les éducateurs sont aussi attentifs au développement physique et
psychique des enfants.
10.
L'éducateur est en relation, suivant les situations, avec les
enseignants, les thérapeutes, les familles, le corps médical, les assistants
sociaux, l'orientation professionnelle, les communautés religieuses et les
institutions prenant en charge les enfants durant ou après leur placement à la
Bérallaz.
11.
Les éducateurs, après l'approbation de la direction, ont la
responsabilités complète de l'organisation et de la réalisation des camps d'été
et d'hiver: lieu, transport, activités, budget, repas, etc. Ils sont tenus de
faire un rapport à la direction à la fin du camp ou de la tenir informée
durant ces semaines si un événement particulier le justifie, pour la décharge
des responsabilités.
12.
Le praticien-formateur, délégué par la direction, suit le stagiaire.
Il est la référence vis-à-vis de ses collègues et de l'école que le
stagiaire fréquente. Il participe aux entretiens avec le formateur de l'école.
3.2
Le système de référence
Les référents
sont nommés suivant les disponibilités de chacun lors d'un colloque au début
de l'année scolaire.
Les enfants du
home ont tous deux référents: le premier est le principal et le deuxième
l'accompagne si sont collègue est absent ou s'il a besoin d'aide. Normalement
un enfant entrant à la Bérallaz garde les mêmes référents du début jusqu'à
la fin de son placement.
3.3
Les colloques
Deux colloques
ont lieu chaque semaine: l'un le mercredi matin et l'autre le vendredi après-midi.
La direction, l'équipe
éducative et, sur demande, la psychologue participe au colloque du mercredi
matin. Il est principalement centré sur les enfants de l'institution. Il permet
d'évaluer les différents objectifs fixés, discuter et débattre pour en fixer
de nouveaux. Chaque éducateur peut apporter une situation ou partager ses préoccupations
par rapport à un enfant.
Ce colloque
laisse de l'espace aux collaborateurs pour débattre du fonctionnement de l'équipe
et de la ligne pédagogique, de faire des synthèses en présence des assistants
sociaux ou encore d'inviter un intervenant extérieur pour parler d'un enfant ou
d'un sujet précis: ainsi, un psychiatre, un assistant social ou la psychologue
peuvent être présent durant toute ou une partie de la matinée.
C'est aussi
pendant ce colloque que les membres de l'équipe éducative effectuent les
retours d'entretiens effectués avec les parents, les assistants sociaux, les médecins
ou les enseignants. Ils informent aussi des décisions personnelles prises pour
un enfant dans le cadre du quotidien en les expliquant.
Ce colloque se déroule
et fonctionne d'une manière semblable à chaque réunion: à tour de rôle, les
éducateurs deviennent secrétaire puis animateur de la séance. Le rôle du
secrétaire consiste à dresser un procès-verbal de ce qui a été décidé ou,
le cas échéant, les différentes possibilités d'intervention. Par contre,
lors d'un point particulier ou d'une synthèse, c'est le référent, et non le
secrétaire, qui est responsable de recueillir les informations et de les
retranscrire dans le dossier de l'enfant.
La semaine
suivante, le secrétaire devient animateur du colloque: son travail est
d'organiser et de planifier les sujets à discuter en se référant à ce qui a
été inscrit dans l'agenda par ses collègues. Il fait en sorte que tous les
points prévus soient traités, que chacun ait eu l'occasion de s'exprimer et
que personne ne sorte ostensiblement du sujet. L'humour et le bonne humeur ne
sont bien sûr pas mises de côté!
L'animateur débute
le colloque en relisant le procès-verbal de la réunion de la semaine passée
afin d'avoir la confirmation du reste de l'équipe de la justesse des
informations recueillies.
Le couple
directeur participe aussi à ce tournus.
Le deuxième
colloque, celui du vendredi après-midi, permet aux collaborateurs de parler de
l'organisation de la maison: on se met au courant des rendez-vous de la semaine
qui suit, de savoir qui part ou reste à la Bérallaz durant le week-end, de qui
va amener cet enfant chez le dentiste, etc.
On planifie
aussi les activités pour le mercredi suivant, ainsi que les activités
particulières propre à chaque enfant (certains font du sport, d'autres sont
invités chez des copains, etc.). Normalement, sauf s'il y a une situation
d'urgence, on ne parle pas des enfants.
Toute l'équipe
éducative, y compris la direction, participe à ce colloque.
3.4
Les prises de décision
Les décisions
concernant les enfants se prennent généralement durant le colloque du mercredi
matin dans un esprit de collégialité. Il arrive aussi qu'un éducateur prenne
une décision dans l'immédiat lorsque la situation l'exige: il informera le
reste de l'équipe lors du colloque précité.
3.5
La collaboration inter-professionnelle (interne à l'institution)
Toutes les
personnes travaillant dans le home d'enfants de la Bérallaz essaient du mieux
qu'ils peuvent de collaborer et de s'informer réciproquement: la sécurité et
le bien-être des enfants dépendent aussi de la bonne coordination des différents
intervenants.
-
Entre la direction et
les éducateurs:
Le couple directeur a suivi la même formation de base que l'équipe éducative:
cet élément facilite la communication et la prise de décisions adéquates
entre professionnels.
-
Entre les éducateurs
spécialisés et de la petite enfance:
Depuis la création du groupe des petits (de 4 à 6 ans), une éducatrice
de la petite enfance a été engagée. Sa présence sensibilise le reste de l'équipe
aux besoins spécifiques des petits enfants
-
Entre l'équipe éducative
et le personnel de maison:
La collaboration avec le personnel de maison est uniquement d'ordre
pratique: les éducateurs peuvent demander, par exemple, au cuisinier de faire
des repas particuliers pour un enfant qui devrait suivre un régime spécifique,
etc. Chacun est à l'écoute des demandes ou remarques émises soit par les éducateurs
ou soit par le personnel de maison pour qu' une certaine routine facilite un
minimum le travail de tous.
-
Entre l'équipe éducative
et la psychologue:
Une grande partie des enfants suivent une psychothérapie chez une
psychologue d'approche jungienne. Cette dernière vient, sur demande de la
direction et/ou de l'équipe éducative, pendant le colloque du mercredi matin:
il s'agit généralement de faire un bilan de la situation avec un enfant pour
pouvoir aider l'équipe à trouver des pistes d'action dans la pratique.
La psychologue rencontre l'enfant dans son cabinet une fois par semaine,
la séance durant 45 minutes. Elle participe
parfois à certains entretiens avec la famille d'un enfant.
4.
Objectifs
éducatifs
Différents
objectifs sont mis en place, suivant l'enfant, son âge et sa problématique.
Des objectifs de groupe et des objectifs individuels sont ainsi fixés par le référent
et le reste de l'équipe éducative.
4.1
Objectifs éducatifs de groupe
Quatre groupes
ont été définis par tranche d'âge, chacun ayant un objectif propre.
-
Le groupe des petits:
Cinq enfants, de 4 à 6 ans composent ce groupe. Ils disposent d'un
espace protégé propre à eux dans la maison, contenant deux chambres, un
salon-salle de jeux, une salle de bain, un WC, une cuisine et une salle à
manger. Un des objectifs est de leur offrir un cadre et un rythme de vie adapté
à leur âge. Une éducatrice de la petite enfance les encadre afin de répondre
et de leur offrir une éducation correspondante à leur développement, à
savoir respecter certaines limites, les aider à acquérir un peu d'autonomie,
les laisser faire leurs expériences de vie tout en étant présent d'une
manière rassurante, etc.
Actuellement, deux enfants de 6 ans n'ont plus leur chambre dans cet
espace, mais ils ont toujours
l'occasion d'y jouer et d'y manger en toute tranquillité.
-
Le groupe des moyens:
Huit enfants, de 7 à 12 ans, font partie de ce groupe dynamique. Des
activités peuvent être mises en place spécifiquement pour eux, ou selon leur
demande.
-
Le groupe des grands:
Deux enfants, âgé tous deux de 14 ans, sont dans ce groupe. L'année
scolaire précédente, trois adolescents ayant fini leur placement à la Bérallaz
pour pouvoir aller dans une structure correspondante plus adaptée à leur âge
et à leur orientation ou ayant tout simplement fini leur scolarité obligatoire
ont donc quitté l'internat.
Des activités sont proposées, telles que regarder un film, faire un
jeu, un billard ou une sortie, etc. Ces moments passés à l'extérieur ou à
l'intérieur de l'institution leur permettent d'apprendre à accepter le regard
de l'autre, à respecter des avis divergents et à devenir actifs ou moteur
d'une activité.
Une fois par semaine, ils peuvent demander une soirée de libre (jusqu'à
21h30) et planifier eux-même une activité.
Les différents
groupes ne constituent pas de barrières rigides, où chaque enfant ne ferait
que les activités prévues spécifiquement pour le groupe auquel il fait
partie, mais sont simplement une hiérarchie tenant compte des âges et des intérêts
s'y attachant ainsi que de leur possibilités. Actuellement, un grand nombre
d'enfant se trouve dans le groupe des primaires. Leur composition dépend
beaucoup de l'arrivée de nouveaux et du départ d'autres enfants: cela peut
donc varier d'une année à une autre d'une façon assez significative.
Des activités
sont donc aussi proposées à tous les enfants du home, sans distinction aucune.
4.2
Objectifs éducatifs individuels
Les enfants de
la Bérallaz y sont placés parce qu'ils vivent des difficultés familiales et
qu'ils sont, de fait, dans l'impossibilité d'y retourner de manière définitive
ou momentanée. Chaque enfant exprime sa souffrance par divers symptômes, tels
que par de la violence, des difficultés à entrer en relation et à
communiquer, à s'intégrer dans un groupe, de la dépression ou par des
manifestations physiques, etc.
L'équipe éducative
a créé un schéma pour identifier les différentes étapes pour amener
l'enfant à dépasser la crise et à vivre. Dès le début du placement, les éducateurs
sont le plus clair possible dans les objectifs pour permettre à l'enfant de
savoir où il va, et de ne pas laisser un flou qui serait dommageable pour ce
dernier.
Schéma:
|
Objectifs |
Moyens |
|
|
|
1. Réparation |
Offrir à
l'enfant de la sécurité, de la compréhension, une structure et surtout
un aperçu de sens. |
De l'attention, de la présence, un miroir et un environnement
apaisant. |
2. Développement |
Redonner
à l'enfant sa place dans son âge en fonction de ses moyens et de son
rythme. |
Notre authenticité, utilisation des ressources de l'enfant. |
3.
Consolidation |
Evaluer et
réadapter les projets de l'enfant. |
Des synthèses, constat des progrès, miroir. |
4.
Epanouissement |
Intégration
du miroir, développer la place de l'enfant dans le groupe, la famille et
la société. |
Accompagner, lâcher prise, faire confiance. |
5. Créativité |
Permettre
l'émergence de la personnalité consolidée et que l'enfant puisse
continuer à se construire même après le départ de la Bérallaz. |
Préparation et passage. |
Les objectifs éducatifs
individuels sont discutés en colloque, avec les parents si cela est possible et
avec l'enfant pour qu'il sache où il en est. Le référent doit être garant du
bon déroulement des objectifs et suivre l'enfant. Il fera par la suite des
bilans qu'il communiquera à ses collègues.
Des évaluations
intermédiaires sont faites; elles doivent devancer les crises éventuelles, et
non pas être la conséquence d'une de ces crises.
5.
Collaboration
avec l'extérieur
5.1
Les parents
Les éducateurs
et la direction essaient toujours de rencontrer de façon régulière les
parents, car ils font partie de la vie des enfants et que sans une collaboration
minimale, il est difficile de faire évoluer la situation. Cette collaboration
est aussi très importante pour tendre vers un retour de l'enfant dans son
milieu familial, si cela s'avère possible. Les rencontres se déroulent généralement
sous la forme d'entretien à la Bérallaz. Elles sont régulièrement agendées
entre les parents ou les représentants légaux, la direction, le premier référent
de l'enfant et, si cela est nécessaire, l'enfant et/ou son assistant social.
Ces moments
servent à:
-
s'informer mutuellement de
l'évolution de l'enfant;
-
amener les parents à se
remettre en question, les responsabiliser face à leurs problèmes et leur
donner des pistes pour les amener à les régler;
-
permettre à chacun de
s'exprimer sur comment il voit la situation;
-
suivre l'évolution
familiale, créer et/ou maintenir une relation entre famille, enfants,
assistants sociaux et institution pour construire ensemble un projet cohérent
et réfléchi;
-
mettre sur pieds des
objectifs communs concernant l'enfant, la famille et l'institution.
5.2
Les services sociaux et médicaux
Les assistants
sociaux suivant les enfants placés sont les personnes avec lesquelles les éducateurs
ont le plus de contacts. Des contacts avec d'autres institutions, le Tuteur général,
etc. sont aussi entretenu suivant les besoins et la situation des enfants.
Différentes
collaborations entre les médecins, les spécialistes (ostéopathes, physiothérapeutes,
ergothérapeutes, psychiatres, etc.) et l'équipe éducative existent aussi.
5.3
L'école
Autant que
possible, les éducateurs essaient d'avoir une bonne collaboration avec le corps
enseignant. Des retours et des échanges d'informations concernant
l'apprentissage scolaire sont communiqués entre la Bérallaz et l'école.
Les enseignants
sont en outre conviés à la rentrée scolaire à un apéritif permettant de
faire connaissance; cette rencontre se déroule toujours avec succès.
5.4
Autres intervenants
Les enfants sont
encouragés d'avoir des contacts avec l'extérieur, à faire partie de clubs de
football, de judo, etc.; ceci crée autant de collaborations possibles.
6.
Ethique
Les éducateurs
du home d'enfants de la Bérallaz suivent et appliquent dans leurs actes ce que
le code de déontologie à l'usage des assistants sociaux et des éducateurs spécialisés
détaille et précise.
Des discussions
ont lieu pendant l'un des deux colloques de la semaine, ou d'une manière plus
informelle, sur des situations soulevant un problème d'éthique; un débat
s'ensuit entre les différents membres de l'équipe éducative.
De nombreuses et
longues interventions ont eu lieu alors qu'un des éducateurs a été accusé,
par des parents d'enfants placés dans le home, d'avoir procédé à des
attouchements sexuels. Mis à part la mobilisation, au quelle
beaucoup de temps a été consacré par la direction et les autres éducateurs
– qui ont tous rejeté en bloc ces accusations – des discussions à propos
des gestes permis ou pas, de savoir comment être et jusqu'où aller dans telle
ou telle situation, etc. ont eu lieu.
La venue de deux
enfants abusés a aussi engendré ce genre de discussion.
Une remise en
question constructive de ses actes permet à chaque fois de se resituer par
rapport aux enfants, aux parents, etc. et d'adopter une attitude éthiquement adéquate.
1.
A
travers des connaissances théoriques
Tout les enfants
présents dans le home ont dû être retiré de leur famille, laquelle est
perturbée par des problèmes aussi divers que ceux en rapport avec
l'alcoolisme, la maltraitance physique, la toxicomanie ou ceux relevant de la
psychiatrie.
Afin de me
renseigner et de comprendre ces situations problématiques, j'ai dû aller
chercher des outils de compréhension: livres, articles et cours m'ont aidé à
mieux les cerner.
-
Le cours d'analyse systémique
m'a fait comprendre l'importance de l'environnement familial de l'enfant et le
fait qu'il n'est que le composant d'un système complexe. Le cours de méthodologie
d'intervention systémique, qui s'est déroulé pendant les retours de stage,
m'a fait découvrir les thèses de Virginia Satir. Sa façon de penser et
de percevoir comment les gens sont en relation et les différents modèles de réponse
qu'ils utilisent afin de circonscrire la menace de rejet m'a intéressé et m'a
beaucoup aidé lorsque j'ai dû construire une problématique d'un enfant.
-
La Bérallaz ayant une
psychologue jungienne, je me suis documenté sur les théories que C.-G. Jung a
développé. La vision de l'être humain qu'il propose ne m'a pas laissé indifférent
et m'a permis de comprendre plus profondément ce qui peut déclencher ou
induire certains comportements ou manière d'être, notamment que la psychologie
de l'enfant est intimement liée à celle de ses parents.
-
J'ai pu constater, grâce
en partie au cours à propos du développement de l'enfant, les différentes étapes
de ce dernier et les manques ou les troubles
lorsque les problèmes touchent la vie affective: chez certains enfants,
des troubles de la cognition ou du langage étaient assez flagrants.
-
Je me suis aussi intéressé,
pour les besoins de l'activité "jeux" que j'ai menée, au développement
de l'enfant au travers des jeux et aux différents stades par lesquels il passe
pour pouvoir devenir plus tard un être capable de vivre en société. Je me
suis basé sur les théories de J. Piaget et ces dernières m'ont permis de déceler
et de savoir à quel niveau se trouvaient les enfants avec qui je jouais.
2.
A
travers des connaissances de mes collègues
Il
a été agréable de travailler dans une institution où les éducateurs font
preuve de sérieux, de motivations et de compétences.
Il
est essentiel, afin que ces enfants puissent un jour se réaliser pleinement en
tant qu'adulte de leur offrir de la sécurité, de la compréhension, une
structure claire et un aperçu de sens. Un cadre apaisant, leur offrant une sécurité
affective (et matérielle), une présence et une attention peut faire beaucoup.
Il s'agit aussi d'être le plus clair possible, sans laisser d'ambiguïtés ou
du flou: l'enfant a, par exemple, le besoin de savoir pourquoi il se trouve à
la Bérallaz, il veut connaître les motifs de son placement. Ces différentes
attitudes contribuent à une meilleur évolution et empêche que l'incompréhension,
le flou et le doute viennent entraver ce processus.
Il
faut aussi essayer d'entretenir de bonnes relations et éventuellement
rechercher une coopération avec les parents. Certaines situations, où les
parents se sont rendus coupables d'actes pour le moins répréhensibles du point
de vue de la morale et de la loi, demande du self-contrôle, de la retenue et de
la diplomatie. Une maman ou papa reste – et le restera – quoiqu'il ai fait,
une maman et un papa au yeux de l'enfant. C'est pourquoi il est important de ne
pas les rabaisser, du moins ouvertement devant l'enfant, ou de les exclure de
leur vie.
Il
faut aussi que l'éducateur fasse attention à ne pas montrer ostensiblement (à
démontrer) aux parents comment lui arrive à éduquer et à prendre en charge
leurs enfants (ce qu'eux n'ont pas réussi à faire): une mise de côté et, en
quelque sorte, une annulation de fait de leur rôle de parents peut être très
dommageable pour la vie que l'enfant mène dans l'internat et peut empoisonner
ou paralyser l'action éducative. Il est bien clair que parfois des parents
affichent une certaine désinvolture vis-à-vis de leur progéniture et qu'il
sont content que d'autres personnes fassent à leur place ce qu'ils devraient
faire; mais ceci n'enlève pas le fait qu'une exclusion puissent être
ressentie.
Il
est bien plus agréable, et efficace, lorsque les parents prennent une partie
active à la prise en charge de l'enfant et que toutes les personnes qui gravite
autour de lui tirent à la même corde dans le même sens.
Mon
praticien-formateur, par l'entremise de nombreux entretiens et d'outils de
travail (cf. objectifs de stage: M.I.E), m'a permis de découvrir et de réfléchir
comment avoir un regard le plus objectif possible, pouvant se baser sur des
observations valables et rigoureuses et non pas sur des pressentiments ou de
vagues "ressentis" peu efficaces. Il est important, d'autant
qu'aujourd'hui on demande de plus en plus aux professionnels de l'éducation de
rendre des comptes, d'avoir des moyens afin
de s'y appuyer pour pouvoir justifier et expliquer l'action éducative
entreprise: la crédibilité du métier d'éducateur est à ce prix.
3.
A
travers ma rencontre avec les usagers
Ayant passé la
plus grande partie de mon enfance dans le village voisin du home d'enfants de la
Bérallaz, j'ai eu quelques camarades de classe et d'autres connaissances qui y
provenaient. Souvent, ces enfants étaient plus ou moins mal considérés par
les autres: soit ils embêtaient, étaient presque à chaque fois dans de drôles
d'histoires ou avaient des comportements qui tranchaient par rapport à ceux des
autres: mouvements de colère débordants, de jalousie intense ou, au contraire,
de repli sur soi assez marqués.
Ils étaient, et
le sont sûrement toujours en partie, l'objet d'étiquettes peu flatteuses: délinquants,
voyous, voleurs, casseurs de figure, etc.
Je me suis
toujours intéressé à ces enfants et certains d'entre eux ont été de bons
amis. Mais je ne savais, ou ne le soupçonnait pas réellement, le pourquoi de
certains comportements qui détonnaient un peu lorsque j'étais un enfant.
Après environ 5
mois de stage, il m'est possible de répondre à mes questionnements d'alors:
Tout les enfants de la Bérallaz souffrent, d'une manière ou d'une autre. Ils
l'exprime différemment, suivant leur parcours, leur manière d'être et leur
problématique, mais la plupart, si ce n'est tous, l'exprime en grande partie
par une grande insécurité et une image de soi gravement perturbée. La
violence, les difficultés scolaires, les difficultés à entrer en relation et
à communiquer, etc. ne sont que des manifestations de cette souffrance.
Ils leur est
souvent difficile de verbaliser ce mal-être, d'y mettre des mots dessus: ces
comportements et d'autres signes corporels le font à la place de leur langue.
L'importance de ses messages non verbaux n'est donc surtout pas à négliger.
C'est, au contraire, à nous de les remettre dans leur contexte et de les
interpréter afin de comprendre ce qui se passe.
J'ai trouvé, du
fait des contraintes de la vie d'internat, qu'on demandait rapidement à ces
enfants de se responsabiliser. On leur demande parfois des choses qu'à leur âge
on ne me demandait pas (faire le lit par exemple, etc.).
Outre cette précocité
dans l'apprentissage de la responsabilité, je trouve aussi, en sachant que leur
estime de soi est souvent mauvaise, qu'on leur demande de faire un effort
vraiment important: on leur demande de rebondir dans la vie alors qu'ils sont
dans des situations complexes et extrêmement difficiles. Lorsqu'on se rend
compte des problèmes qu'ils ont à surmonter, cela relativise les nôtres, sans
pour autant les nier et les dénigrer.
L'éducateur
concentre en lui beaucoup de pouvoir: il est parfois incroyable de constater
combien est grande la fragilité de ces enfants et de voir avec qu'elle intensité
ils nous écoutent. Peu de chose suffirait à les détruire psychologiquement de
manière durable et à les enfoncer encore plus au fond du trou. Mais
heureusement l'éducateur a le pouvoir – et le devoir – de faire en sorte,
en tenant compte de l'histoire des enfants, à ce qu'ils se développent le plus
harmonieusement possible: il doit être bienveillant, ferme, stimulant, compréhensif
et doit "gouverner" à partir d'une position de réalité plutôt qu'à
partir d'une position de pouvoir.
1.
Participation
aux colloques
-
Dire mon avis, exprimer ce
que je pense
Ma
participation aux colloques e été contrastée, suivant ce que j'avais à dire
ou suivant le sujet de discussion. J'ai toujours beaucoup de peine à exprimer
ce que je pense, à me "lancer" dans la discussion et à y prendre
part de manière active, notamment lorsqu'elle demande un investissement
personnel de ma part. Je suis quelqu'un de très prudent, préférant ne pas
prendre de risques lors de mes interventions. La peur d'être mal jugé, ou du
jugement tout court, par les autres me fait adopter cette attitude défensive.
Mes interventions se sont donc souvent limitées à dire des informations, des
observations ou des commentaires ne m'impliquant pas personnellement.
Malgré
le fait que l'équipe éducative de la Bérallaz fait beaucoup pour mettre à
l'aise et en confiance les stagiaires, j'ai besoin d'un certain temps pour être
"libéré" de cette crainte d'être jugé. C'est arrivé à la fin du
stage que cette peur commençait à se dissiper. Mais je me rends bien compte
que de toute façon on n'échappe pas aux jugements des autres, qu'on dise
quelque chose ou qu'on se taise: ce sera surtout le fait de développer une plus
grande confiance en moi-même et en mes capacités qui me permettra de surmonter
cette difficulté avec plus d'aisance.
2.
Collaboration
avec les membres de l'équipe éducative
-
Dire ce que je fais, ce
que j'aimerais faire et me sentir bien lorsque je travaille avec quelqu'un
d'autre.
Cet
objectif rejoint de beaucoup le premier: une certaine crainte d'être jugé par
autrui me "bloque" parfois dans mes actes et mes paroles. Mis à part
cela, je me suis quand même senti plus vite à l'aise avec les éducateurs du
home d'enfants de la Bérallaz qu'avec ceux de la Fondation Delafontaine, où
j'ai effectué mon stage probatoire. Je ne pense pas que se soit qu'une affaire
de personnes, mais, qu'après l'expérience du stage probatoire – on en
revient – j'ai gagné un peu plus de confiance en moi-même.
3.
Savoir
poser de manière claire et précise des limites
-
Ne pas me laisser envahir
par les enfants
-
Savoir jusqu'où je peux
aller et accepter du point de vue professionnel
Mis
à part avec un enfant en particulier, je n'ai pas eu autrement beaucoup de
peine à me faire respecter et à faire respecter les limites et les règles.
Bien sûr, il y a eu quelques accrochages sans grande importance, mais ils sont
normaux et resteront toujours présents, quelque soit le lieu de travail: on
cherche et on teste tous les limites de son prochain.
J'ai
eu un problème, comme je l'ai écrit quelques lignes plus haut, avec un garçon
de 7 ans, Laurent.
Dès
le premier jour (et même pendant les deux après-midis d'essai) de mon stage,
Laurent s'est "collé" à moi, me suivant partout et sollicitant ma présence.
Il me demandait beaucoup de gestes affectueux et réclamait, en fin de compte,
une sorte d'exclusivité de ma personne auprès de lui-même.
Il
est vrai que j'ai été particulièrement touché par Laurent et que j'ai
ressenti beaucoup de compassion. Pour moi, partager la souffrance de quelqu'un
d'autre ce n'est pas l'approuver ni partager ses raisons, bonnes ou mauvaises de
souffrir: c'est refuser de considérer une souffrance, quelle qu'elle soit,
comme un fait indifférent et une personne comme une chose.
Il
est aussi vrai que je ressemble beaucoup à Laurent en ce qui concerne la manière
d'être en relation avec les autres. Je me suis donc, à maintes reprises, vu en
lui; ce qui, du moins en partie, a favorisé le fait que j'ai été touché plus
par lui que par un autre enfant (sans minimiser – je ne me le permettrai en
aucun cas – la souffrance des autres enfants). Il est dès lors plus
difficile, en tant qu'éducateur, lorsque on est touché par un enfant en
particulier, de pouvoir établir et fixer une distance juste. L'éducateur ne
peut jamais être neutre, il est l'être humain qu'il est, avec ses sentiments,
ses émotions et son vécu. Sachant cela, il lui faut réfléchir à ce qu'il
induit chez l'enfant et, processus en découlant, se remettre en question.
La
conduite de Laurent et mes propres sentiments ont induit une relation forte
entre nous, mais en tout cas pas adaptée à mon rôle d'éducateur responsable
et soucieux du mieux-être de l'enfant: des risques de dépendance de la part de
Laurent par rapport à moi ont tout à fait été envisageables. Or, le propre même
de l'éducation est de s'annuler, de faire en sorte qu'elle ne soit plus nécessaire:
l'enfant, devenu adulte, doit pouvoir être autonome.
Lorsque
je me trouve confronté avec quelqu'un qui souffre, que se soit un enfant ou un
adulte, je peux difficilement ne rien faire, mais, bien qu'investit de toute la
volonté possible, je constate que je ne peux pas toujours tout faire comme je
l'aimerais, cela est impossible. On n'est pas des super-éducateurs pouvant régler
des problèmes en claquant les bouts des doigts ou en appliquant je ne sais
quelle méthode miracle, on est simplement des êtres humains, avec nos limites
et nos possibilités, réagissant de manière différente les uns par rapport
aux autres.
4.
La
méthodologie d'intervention éducative (M.I.E)
4.1
Présentation
Un des objectifs
proposé par mon praticien-formateur a été de construire, à l'aide de la
M.I.E. un projet éducatif. Cette méthode est composée de quatre étapes
successives:
Information |
Compréhension |
Projet
éducatif |
Evaluation |
Bilan
général Anamnèse Elaboration
et énoncé de la problématique |
Observations
spécifiques Analyse
des observations Compréhension de la situation et de la relation |
Objectifs Programme Moyens Moyens
d'évaluation Stratégies |
Outils
d'évaluation Réajustement
de l'action Nouveaux
objectifs |
Chaque étape a
été développée suivant un canevas précis, comportant toutes les rubriques nécessaires.
Afin de respecter l'anonymat des enfants et des personnes présentent dans cette
M.I.E, les noms ont tous été changés.
4.6
Remarques et commentaires
Ce travail m'a beaucoup apporté sur le plan
professionnel, me donnant ainsi un outil supplémentaire faisant un lien entre
la théorie et la pratique. J'ai eu du plaisir et énormément d'intérêt à
observer, à construire une problématique et à élaborer un projet éducatif.
Le principal critère pour savoir sur quel enfant j'allais faire cette M.I.E était
d'en choisir un avec qui une relation plus particulière s'était tissée, d'où
le choix de Laurent. Durant mon stage, j'ai appris, grâce à ce travail, à le
connaître de manière beaucoup plus approfondie que si j'avais simplement
effectué un stage d'observation: des réponses concrètes sont apparues et
m'ont aidé à cerner de façon plus clair pourquoi, autant Laurent que moi, on
s'est mutuellement apprécié.
5.
Activité:
jeux
5.1
Cadre de l'activité
Cette activité
se déroulait plusieurs fois par semaine. Le temps libre des enfants (mercredi
après-midi, avant et après le souper, etc.) offrait l'opportunité de mettre
en route un moment de loisirs et de jeux. Aucune obligation de participer ou une
inscription préalable de la part des enfants n'était demandée, seul le
plaisir et l'envie d'y participer comptait.
Lorsque la météo
le permettait, des jeux extérieurs étaient mis en place, généralement du
football (jeu d'équipe) ou du badminton (jeu individuel). Sinon, des jeux de
société de groupe ou individuels étaient organisés à l'intérieur.
Ces jeux, et les
observations attenantes, ont été faites afin de montrer le développement de
l'enfant et les différents stades par lesquels il passe, principalement ceux en
rapport avec la règle. Plusieurs enfants, de 4 à 12 ans, ont joué ensemble ou
avec moi.
5.2
Piaget et le développement de l'enfant à travers les jeux
5.2.1
L'apparition de la règle dans le jeu
C'est de manière
progressive que l'enfant se montre capable de se soumettre à quelque ordre posé
comme supérieur à lui, de faire en sorte que puissent se poursuivre des
activités collectives, qu'il se révèle apte à dégager des lois communes et
générales qui régissent ces activités. C'est ainsi qu'il arrivera à définir
le cadre "légal" grâce auquel les initiatives individuelles ne
risqueront pas d'entraîner l'éclatement du groupe.
Jean Piaget, a
noté quatre stades successifs dans l'apparition de la règle:
-
1er stade
(jusqu'à 2 ans): l'enfant manipule les objets du jeu (pions, dés, cartes,
etc.) en fonction de ses propres désirs et de ses habitudes motrices: il s'établit
des régularités et des schèmes plus ou moins ritualisés. Le jeu restant
individuel, on ne peut encore parler que de règles motrices et non de règles
proprement collectives. Il reste donc soumis à la fantaisie du moment.
-
2ème stade
(vers 2-3 ans): l'enfant joue pour lui (égocentrisme). Ce stade commence au
moment où il reçoit de l'extérieur l'exemple de règles codifiées. Mais,
tout en imitant ces exemples, l'enfant joue, soit tout seul sans s'occuper des
autres participants, soit avec d'autres, mais sans essayer de l'emporter sur eux
ni par conséquent d'uniformiser les différentes manières de jouer. L'enfant
ne songe donc qu'à utiliser ses acquisitions pour lui, son plaisir ne
consistant encore simplement qu'à développer son adresse et à réussir les
coups qu'il se propose; il n'a pas le souci de codification des règles. C'est
ce double caractère d'imitation d'autrui et d'utilisation individuelle des
exemples reçus que Piaget désigne sous le nom d'égocentrisme.
-
3ème stade
(vers 7-8 ans): le critère d'apparition de ce stade est le moment où l'enfant
désigne par le mot "gagner" le fait de l'emporter sur les autres, d'où
apparition du souci de contrôle mutuel et d'unification des règles afin de
lutter à "armes égales". Un jeu, à ce stade, devrait normalement
aboutir grâce à des règles communes à une conclusion reconnue par tous.
L'enfant est maintenant en mesure de définir le tricheur ou le mauvais joueur:
c'est celui qui cesse d'observer le code établi. Cependant, un certain
flottement règne en ce qui concerne les règles générales du jeu: les enfants
qui jouent ensemble, donnent, lorsqu'on les interroge séparément, des
renseignements très disparates et parfois contradictoires sur ces règles. Ils
sont donc dans l'impossibilité de légiférer sur l'ensemble des cas possible
puisque chacun a sur les règles une opinion encore toute personnelle.
-
4ème stade
(vers 11-12 ans): Piaget observe qu'à ce stade non seulement les enfants
cherchent à coopérer, mais encore qu'ils paraissent éprouver un plaisir
particulier à prévoir tous les cas possibles et à les codifier. L'intérêt
dominant paraît donc s'adresser à la règle comme telle, d'autant plus que le
code à suivre est maintenant connu de tous. Les enfants de cet âge donnent,
lorsqu'on les interroge sur les règles d'un jeu et leurs variations possibles,
des renseignements concordants.
On
peut remarquer que si l'acquisition de la règle est progressive, c'est qu'elle
comporte divers aspects que l'enfant ne découvre pas en même temps et auxquels
il n'accorde pas le même intérêt.
5.2.2
La conscience de la règle dans le jeu
L'idée que
l'enfant se fait de la règle fait apparaître cette découverte progressive de
l'adoption d'un code commun approuvé mutuellement.
Jean Piaget a
identifié trois stades à propos de la prise de conscience de la règle:
-
1er stade:
Dès le plus jeune âge, tout fait pression sur l'enfant pour lui imposer la
notion de régularité, que se soit des événements physiques (alternance
jour-nuit) ou des obligations de la part des parents (repas, propreté, etc.).
Il est donc «
baigné dès les premiers mois
dans une atmosphère de règles, et il devient dès lors extrêmement difficile
de discerner ce qui vient de lui-même, dans les rituels qu'il respecte, et ce
qui résulte de la pression des choses ou de la contrainte de l'entourage social
»[4].
L'enfant prend donc plaisir à toute répétition et se donne à lui-même des
schèmes d'action, mais rien dans cette conduite n'implique encore la conscience
d'une règle obligatoire.
-
2ème stade:
l'enfant accepte et pratique volontiers à peu près tous les aspects de la règle:
il peut très bien admettre n'importe quel changement dans l'usage établi, bien
qu'il insiste aussi sur le fait que les règles ont toujours été identiques à
ce qu'elles sont maintenant et qu'elles sont dues à une autorité adulte. En
imitant des règles pratiquées par les plus grands, il a l'impression de se
soumettre à une loi immuable et sacrée.
-
3ème stade:
La règle apparaît comme le résultat d'une libre décision et comme valable
dans la mesure où elle est mutuellement consentie. Une enfant de 11 ans déclare
dans le livre de Piaget «
pour ne pas se chicaner, il faut prendre des règles et puis il faut jouer comme
il faut (il faut s'y tenir) »[5]:
la règle n'est plus contraignante, ni extérieure: elle peut être modifiée et
adaptée aux tendances du groupe. Elle ne constitue plus une vérité révélée
et sacrée mais est une
construction progressive et autonome.
5.3
Observations
Mes
observations ont été effectuée sur plusieurs enfants du home âgés de 4 à
12 ans. Pour des raisons pratiques, je décrirais ici seulement quatre
observations.
Elles
se sont centrées sur l'attitude et le souci du respect face aux règles, tout
en les mettant en relation avec les thèses de Piaget.
Dimitri,
4 ans:
J'ai
trouvé que c'était un enfant très représentatif du stade égocentrique: lors
des différents jeux auxquels il a participé, il ne jouait, après un petit
moment, que pour lui, sans véritable coordination et sans attacher beaucoup
d'attention aux autres. Par exemple, à un jeu où on devait lancer des dés
pour avancer son pion et finir le premier après un parcours donné, il a
commencé à jouer à son tour et à faire ce que les autres faisaient. Puis il
s'est distancé du jeu, allant à l'écart mais faisant la même chose que précédemment
(lancer des dés, etc.); il était très concentré à faire juste et était
pris par son jeu. En d'autres occasions, il s'est comporté de la même façon.
On
voit bien qu'il a éprouvé le besoin d'imiter ses camarades. Il faut aussi préciser
que Dimitri est le plus petit et que ses partenaires de jeu sont donc tous plus
âgés que lui, d'où ce besoin de faire comme les autres, plus grands, qui
savent comment correctement jouer. Dimitri, persuadé que son jeu est
"conforme" n'a songé qu'à utiliser ses nouvelles acquisitions pour
lui, son plaisir consistant à développer son adresse et à réussir ce qu'il
s'est proposé; ce plaisir est donc essentiellement moteur. Finalement, il joue
plus avec «
un aîné idéal et abstrait,
qu'il s'efforce intérieurement d'imiter et qui totalise l'ensemble des exemples
reçus jusqu'à ce jour »[6]
qu'avec un partenaire physique.
Il
est aussi amusant de remarquer que Dimitri garde son attitude égocentrique dans
ses conversations; c'est ce qui m'a particulièrement frappé chez lui au début
de mon stage. C'est un enfant curieux et il pose beaucoup de questions. Lorsque
j'y répond, il me reprend et me répond que ce que je lui ai dit est faux; il
m'explique par la suite ce qui lui paraît juste (sa vision de la réalité).
En
effet, on observe chez les enfants de son âge, une sorte de «
pseudo-conversations ou de monologue collectifs »[7],
au cours desquels les enfants ne parlent que pour eux tout en éprouvant du
plaisir avec un interlocuteur lui servant d'excitant.
Afin
de savoir où se situait sa conscience de la règle dans les jeux, je me suis
aidé, tout comme Piaget, de trois questions: peut-on changer les règles,
ont-elles toujours été ce qu'elles sont aujourd'hui, et comment ont-elles
commencé?
Ses
réponses sont données par rapport au jeu décrit précédemment. Elles ont été
les suivantes:
A
la première question, il m'a répondu: « oui, on peut tu sais ». Puis, j'ai
rajouté: «Pourrait-on faire passer le petit bonhomme (le pion) sur des objets
qui sont sur le tapis? (de gros stylos et des petites voitures se trouvaient près
de lui sur le sol et faisaient office d'obstacles à son pion) ». Il m'a répondu
que c'était en effet possible.
Aux
deux dernières questions, il m'a dit oui, que « c'était toujours comme ça »,
que c'était les adultes qui jouaient avant et qui ont dit comment il
fallait jouer.
Dimitri
se rapproche, au niveau de la conscience de la règle, au 2ème
stade: il accepte des changements dans les règles (et est d'accord avec une
variante possible). Pourtant, d'après lui, les règles ont toujours été comme
cela et elles n'ont jamais changé: elles restent intangibles et sacrées.
D'après
Piaget, les enfants de 4 et 5 ans semblent en effet considérer les règles avec
une certaine désinvolture, mais ils restent, malgré tout, toujours
conservateurs dans ce domaine: s'ils acceptent les innovations qu'on leur
propose, c'est qu'ils ne se rendent pas compte qu'il y a innovation.
Le
fait qu'il me réponde que c'étaient les adultes qui ont montré la manière de
jouer lorsque je lui ai posé la question de savoir comment les règles ont
commencé, renforce l'impression qu'en imitant des règles pratiquées par une
autorité supérieure, il se soumet
à une loi immuable.
Jean,
8 ans et demi:
Pendant
les parties de football, Jean s'est efforcé de jouer de manière collective,
faisant des passes à ses camarades lorsque cela était possible ou lorsque la
situation ne permettait aucun autre choix afin de "sauver" et de
garder le ballon dans son équipe.
Il
lui était important de gagner et de démontrer une certaine aisance sur le
terrain vis-à-vis des autres, qui, par ailleurs, le considérait comme étant
un bon joueur et le voulait, lors de la formation des équipes, dans la leur. Même
si ses adversaires marquaient un but contre son équipe, il gardait le sourire
et ne le prenait pas de manière sérieuse: c'était, comme on le dit, un
"bon perdant".
Chacun
des enfants de son âge qui jouaient avaient une base, un ensemble de règles
communes partagées et acceptées par tous. Souvent, lorsqu'une situation
particulière se présentait, un « stop-jeu! » était dit par un des joueurs
pour laisser du temps aux participants afin qu'ils décident comment et quoi
faire dans ce cas précis. Jean utilisait et sollicitait assez souvent ce moyen
de légiférer de nouvelles règles.
Jean,
comme Dimitri l'a été à son niveau, est représentatif des enfants étant au
3ème stade en ce qui concerne l'apparition de la règle: son intérêt
principal est un intérêt social. Marquer un goal ne constitue plus en but en
soi, même si cela garde une certaine importance: il s'agit non seulement de
jouer avec ses camarades, mais aussi et surtout de régler la partie au moyen
d'un ensemble de lois assurant une réciprocité dans les moyens employés.
C'est donc seulement qu'à partir de ce stade qu'une coopération réelle
commence à s'établir entre les joueurs; son jeu d'équipe en atteste
d'ailleurs entièrement.
A
l'instar de Dimitri, je lui ai aussi posé les trois questions qui permettent de
savoir où se situe sa conscience de la règle: peut-on changer les règles,
ont-elles toujours été ce qu'elles sont aujourd'hui, et comment ont-elles
commencé?
Il
m'a répondu qu'on pouvait changer ou inventer de nouvelles règles, pour autant
que tous les autres joueurs acceptent aussi ce changement. Après un petit
moment, il a ajouté que ces nouvelles règles ne seraient pas vraiment de
vraies règles puisqu'elles ont été inventées par des enfants; or se sont les
adultes et les grands qui savent les vraies règles. Il admet que de nouvelles règles
ont pu être inventées ou changées au cours des années « par les vrais
footballeurs ». Mais il a aussi dit que, grosso modo, les règles n'ont pas
vraiment évolué. Pour Jean, les règles ont commencé « par les grandes
personnes qui voulaient jouer juste (équitablement) ».
Ses
réponses à propos de la conscience de la règle sont assez ambiguës,
notamment par rapport à sa pratique du football. Selon lui, les règles
proviennent, des adultes: ce sont eux qui savent et qui possèdent la vérité
absolue de la règle. Pourtant, grâce à la coopération et au fameux «
stop-jeu », il peut inventer de nouvelles règles qui correspondes à une
situation donnée: les enfants peuvent donc aussi en changer et en varier
certaines et, en d'autres occasions, décider si elles le reste définitivement
ou non. Ainsi, Jean se trouve à la limite du 2ème et du 3ème
stade en ce qui concerne la conscience de la règle. Piaget considère cette
attitude, où une sorte de mysticisme de la règle subsiste, comme une
survivance des caractères dus à la contrainte: pour lui, il est parfaitement
normal que la coopération naissante sur le plan de l'action n'efface pas tout
de suite cet état de fait. « La pensée est, en effet, toujours en retard sur
l'action et la coopération doit être longtemps pratiquée avant que ses conséquences
puissent être mises en pleine lumière par la réflexion »[8].
Laurent,
7 ans:
Cet
enfant a été le sujet de la méthodologie d'intervention éducative présentée
précédemment. Mes observations, par rapport aux deux précédentes, ont donc
été prises avec un but légèrement différent: j'ai essayé d'inscrire les
différents comportements que j'ai observé durant les jeux comme faisant partie
d'une globalité et ai tenté d'y donner un sens.
J'ai
donc émis l'hypothèse que Laurent réagit – et agit – comme pour confirmer
qu'il n'est pas digne d'être aimé et qu'il se fait rejeter.
Contrairement
à Jean, Laurent n'est pas encore capable de jouer solidairement au football, en
faisant des passes et en collaborant (exceptions faites lorsqu'un adulte
intervient): il se met dans des situations où il se retrouve seul face à
l'adversaire, et, malgré les cris de ses coéquipiers afin qu'il fasse des
passes pour sauver le ballon, il est bloqué et finalement perd ce dernier.
Les
autres joueurs réagissent généralement négativement à cette attitude et –
le fait que Laurent n'accepte pas ou mal les critiques (et ne réadapte pas son
jeu en conséquence) – ils le rejette et ne veulent plus jouer avec lui.
Lorsqu'il
gagne, que se soit dans un jeu collectif ou individuel, il le fait bien savoir
aux autres, créant un sentiment d'agacement chez eux (Laurent se retrouve seul
contre tous). Il est alors très scrupuleux au niveau des règles. Lorsqu'il
perd, ou lorsqu'il est en train de perdre, tous les moyens sont bon pour essayer
de gagner: les contestations et transformations de règles sont
courantes (mais une fois les règles réaffirmées par l'adulte, peu de
contestations se manifestent).
La
tricherie est un autre moyen que Laurent utilise très souvent, notamment
pendant les jeux de société. Il le fait sans se cacher et d'une manière éhontée:
les autres joueurs réagissent vivement, et, même après plusieurs
avertissements et diverses tentatives afin qu'il ne triche plus, il se fait
expulser.
Il
ressent fortement ces rejets comme des injustices et met la faute de cet état
de fait sur les autres joueurs: ces derniers sont responsables parce qu'ils ne
l'aiment pas et trouvent un moyen de le rejeter (un prétexte) et confirment
ainsi qu'il n'a pas de pouvoir et qu'il n'a pas de valeurs, d'autant plus qu'après
l'avoir mis de côté, on continue à jouer en ayant du plaisir.
Lorsque
Laurent se trouve dans une relation où il y a un enjeu affectif, il fait
parfois, notamment lorsqu'il est seul avec cette personne, tout pour amener
celle-ci à lui faire des remarques ou à le réprimander: il se fait aussi, en
quelques sortes, rejeter et reconfirme ainsi qu'il n'est pas une personne
valable.
5.4
Remarques et commentaires
Cette
activité m'a permis de découvrir certains aspects essentiels du développement
des enfants: c'est, aux travers des règles et de la conscience qu'ils en ont,
que l'apprentissage de la vie en groupe ou en société se fait en grande
partie. Les jeux sont d'excellents moyens et des outils précieux à cet
apprentissage et permettent à l'enfant de se construire et de se développer
afin de devenir un adulte sociable.
J'ai
aussi remarqué que les enfants acceptent plus volontiers les règles de jeux et
les conséquences qui en découlent que les règles imposées par l'adulte, même
si la finalité recherchée par celui-ci est la même. Un exemple assez parlant
est lorsqu'un enfant doit débarrasser la table après un repas: soit tous les
enfants assis à cette table font un jeu afin de déterminer celui qui débarrasse
(par exemple: l'éducateur choisit dans sa tête un nombre entre un et vingt;
chaque enfant en dit un autre, et celui qui cite le chiffre le plus éloigné de
celui de l'éducateur perd: il doit donc débarrasser), soit l'éducateur
choisit lui-même un enfant. Et bien, il y a beaucoup moins de résistance et de
mauvaise volonté de la part de l'enfant lorsque le jeu l'a désigné que
lorsque l'éducateur le lui impose.
J'ai
eu aussi tout simplement beaucoup de plaisir à jouer, à rire et à partager
des moments fort agréables et précieux avec les enfants.
6.
Conclusion
générale
Durant ce stage,
j'ai pu constater combien l'éducation que j'ai reçue, avec les tolérances et
les intransigeances qu'elle induit par rapport à des situations, était une
composante à prendre grandement en compte lorsque j'intervenais.
J'ai effectué
un important travail sur moi-même, me remettant en question constamment, en réfléchissant
sur ma façon d'être avec les enfants et sur ce que j'induisais. Ma rencontre
avec Laurent y a été pour beaucoup. J'ai trouvé des pistes et certaines réponses
à mes questionnements afin de progresser positivement et d'acquérir, lors du
prochain stage, une plus grande aisance dans ma gestion des distances
relationnelles ainsi que de pouvoir garder le contrôle de la situation et
d'avoir une attitude professionnellement plus adéquate dès le départ.
La cinquième réponse
possible proposée par V. Satir, celle qui est au bon niveau où
tous les composants du message vont dans la même direction m'a spécialement
interpellé et m'a été d'une aide utile lorsque j'étais en relation avec un
enfant: être cohérent et authentique avec soi-même est la seule manière de
pouvoir aider efficacement son prochain, car on est conscient de ce qu'on est en
train de faire.
Je laisserais
beaucoup de bons souvenirs, autant avec les enfants qu'avec les membres de l'équipe
éducative, et je les remercie de m'avoir chaleureusement accueilli en tant que
stagiaire dans leur institution.
7.
Bibliographie
PIAGET, J.
(1995), Le jugement moral chez l'enfant. Paris: Presses Universitaires de
France.
CHATEAU, J.
(1000), Le jeu de l'enfant. Paris: Coin-coin.
WINNICOTT, D.W.
(1975), Jeu et réalité, l'espace potentiel. Paris: Gallimard.
SATIR, V.
(1000), La thérapie familiale. Paris: Coin-coin.
FORDHAM, F.
(1988), Introduction à la psychologie de Jung. Paris: Imago.
[1]
«Tests d'associations: […] l'expérimentateur
prononce un mot auquel le sujet doit répondre immédiatement, aussi vite
que possible, par un mot qui s'y associe. On mesure la durée de la réaction.
[…] L'allongement du temps de réaction apparaît le plus souvent lorsque
le mot stimulus touche un contenu à forte teinte affective. Ces contenus
affectivement teintés concernent généralement des faits que le sujet préférerait
garder ignorés d'autrui. Il s'agit le plus souvent des événements pénibles
que l'on a refoulés pour cette raison […] »
FORDHAM, F. (1988), Introduction à la psychologie de Jung. Paris:
Imago, p.27
[2]
FORDHAM, F. (1988), Op. cit., p.121
[3]
FORDHAM, F. (1988), Op. cit., p.125-126
[4]
PIAGET, J. (1995), Le jugement moral chez l'enfant. Paris: Presses
Universitaires de France, p.33
[5]
PIAGET, J. (1995). Op. cit., p.64
[6]
PIAGET, J. (1995). Op. cit., p.24
[7]
PIAGET, J. (1995). Op. cit., p.24
[8]
PIAGET, J. (1995). Op. cit., p.43