La formation continue, un atout négligé
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Un tiers seulement des employés a l'occasion de se perfectionner. Trop peu, selon Hugo Fasel, qui lance cette semaine une initiative parlementaire pour que trois jours de formation continue soient obligatoires
Seul un employé sur trois profite de la formation continue. Insuffisant, estime le syndicat Travail. Suisse. Son président, Hugo Fasel, lancera cette semaine au Conseil national une initiative parlementaire pour le droit à trois jours obligatoires
Ivan Radja - 16/06/2007
Le Matin Dimanche
L'école, désormais, c'est pour la vie. Impensable d'envisager son parcours professionnel sans de nécessaires et fréquentes remises à jour. Il ne s'agit plus seulement d'être bon, encore faut-il suivre le rythme. Technique, théorique ou pratique. Ne pas se laisser distancer Se former et s'informer.
Oui, mais quand? Mais comment? La formation continue dans le cadre professionnel est encore timide en Suisse. Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique sont éloquents: un employé sur trois en bénéficie; les hommes plus que les femmes, et les détenteurs de titres universitaires davantage que ceux qui n'ont pour tout bagage que l'école obligatoire. En d'autres termes, plus on est formé, plus on se forme.
Surtout si l'on travaille à 100%, le temps partiel n'étant pas le sésame idéal pour accéder aux modules de perfectionnement.
La Suisse peut - doit - mieux faire, s'accordent à dire l'ensemble des partenaires, Confédération, cantons et écoles.
Une profession de foi encouragée par le peuple, qui a accepté le 21 mai 2006 en votation fédérale par 85% les nouveaux articles sur la formation.
Pour le syndicat Travail.Suisse, il faut aller plus loin. Le 4 juin, il demandait que la future loi sur la formation professionnelle reconnaisse le droit à trois jours de formation obligatoire.
Son président, Hugo Fasel, également député chrétien-social à Berne, est décidé à faire évoluer les mentalités. Il déposera cette semaine au Conseil national une initiative parlementaire dans ce sens. Le principe ne serait donc pas acquis? «Il y a des réticences, notamment sur la notion d'«obligatoire», c'est pourquoi j'use de ce moyen», explique-t-il. Son souci: une offre de qualité. «Si l'on rend ces trois jours obligatoires, cela incitera les entreprises à s'investir sérieusement, à planifier ces plages de formation au même titre que les vacances, et, par-dessus tout, à veiller à ce que les modules suivis soient de qualité, car il s'agit pour elles d'un investissement dont elles veulent voir le bénéfice, même indirectement, même légèrement décalé dans le temps.»
Problème: l'Office fédéral de la formation continue et de la technologie (OFFT) ne «peut pas obliger une entreprise à faire quoi que ce soit, y compris donner trois jours de formation continue», tempère Serge Imboden. «C'est pourquoi dans ce cas précis nous envisageons une loi-cadre, qui obligerait les cantons à légiférer sur la formation continue.» Il s'agit aussi de déterminer qui paie quoi. «Les deux tiers des coûts sont assurés par les entreprises; pour que les pouvoirs publics subventionnent le solde, ils doivent être assurés d'y trouver leur intérêt, en termes d'intégration sociale, ou e baisse du chômage.» L'OFFT étudie d'autres moyens d'inciter les entreprises à s'investir davantage dans la formation continue, par le biais de chèques à la formation, comme en France, ou au Québec, à la pointe dans ce domaine, ou via un système de décharges fiscales au prorata des sommes investies.
Si les chemins divergent, le but reste le même: lever les obstacles qui trop souvent empêchent ou dissuadent les actifs à profiter des multiples cours, séminaires, et autres workshops proposés dans les écoles et centres de formation.
Quatre facteurs doivent être réunis, résume Bruno Weber, spécialiste du dossier chez Travail.Suisse: «L'argent, le temps, la coordination avec la famille, et la motivation; si l'employeur ne paie pas, tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir un cours, donc la motivation baisse; si le temps fait défaut, le projet tombe à l'eau, à moins de dégager du temps en soirée, mais le cadre privé risque de s'y opposer...»
En d'autres termes, souligne Hugo Fasel, il faut élargir l'offre des cours: «Trop de modules sont taillés sur mesure pour les cadres supérieurs, alors que les cours pour employés ou chefs de petites équipes sont rares. Le secteur du bâtiment l'a bien compris, qui a mis sur pied son Centre de formation continue de Sursee (LU), qui dispense des compléments aux CFC. Les employeurs qui y ont investi s'y retrouvent largement et assurent la qualité de ces stages de perfectionnement.»