La pensée et l’action...
éthiques !
Voir le nouveau programme de formation améthyste sur le site améthyste http://www.amethyste-perf.ch/
Régulièrement nous avons à réfléchir au sujet du sens de la formation continue car « le syndrome du nez dans le guidon », terme cher à Jacques Dekoninck, guette autant les formateurs que les praticiens.
En ce début d'année 2008 nous prenons un moment pour penser avec vous. A quel besoin répond la formation continue ? Un temps, un lieu pour penser, pour panser ? Une des caractéristiques du travail des professionnels de l'accompagnement c'est d'exiger des réponses quasi immédiates dans des situations compliquées, complexes, le plus souvent graves et lourdes sur le plan émotionnel.
Hannah Arendt nous rappelle à plusieurs reprises dans ces ouvrages « le devoir de penser ». Les travailleurs sociaux ne sont de loin pas des penseurs de cabinet. La pensée est chez eux intimement liée à l'action. Ils entraînent leur esprit critique et leur capacité de jugement pour décider et agir. La pensée nous entraîne à l'intérieur de nous même, vers notre être profond, et soutient une action réfléchie la plus autonome possible.
La formation continue pourrait susciter des réponses aux trois questions de Kant :
1. Que puis-je savoir ? - Je peux apprendre, mais ma connaissance de la science est limitée.
2. Que dois-je faire ? - Dans chaque situation concrète, me référer à « l'impératif catégorique » constitutif du caractère moral absolu de mon action.
3. Que m'est-il permis d'espérer ? - Il m'est permis d'espérer un sens, cette espérance est une croyance.
Ces trois questions, je les considère comme un viatique sur le chemin de la pensée ; connaître et savoir ne suffisent pas ; il faut qu'un agir découle d'eux, et que cet agir soit constamment passé au crible d'une réflexion éthique.
Je souhaite que les professionnels trouvent ici ou là — à Améthyste, dans leurs institutions, ailleurs encore —, cet espace indispensable pour penser, en ces temps traversés par des crises institutionnelles, des restructurations importantes, des licenciements difficiles à accepter.
En 2008 nous avancerons dans quatre directions : comprendre et accompagner les personnes en situation de handicap physique, psychique, mentaux et sociaux ; réfléchir et agir en s'appuyant sur des bases philosophiques et éthiques ; approfondir le coaching de façon très spécifique dans le domaine de l'éducation, de la pédagogie, des soins et du management ; développer des compétences et des attitudes humanistes sur le plan professionnel et personnel.
Les collaborations se poursuivent avec Espace Compétences, avec Pro Senectute, avec l'Espérance à Étoy, et le Home Atelier la Colline à Ursy pour le nouveau projet Grand âge, Job Service pour ses vingt ans d'existence.
J’espère vous retrouver en 2009, où ce sera au tour d'Améthyste de fêter ses vingt années d’existence... En attendant bonne route pour cette nouvelle année, dans un équilibre toujours à retrouver entre la pensée, l'action ...et les sentiments.
Christiane Besson
Confidences ...et secret...
La question des confidences et du secret, celle de savoir ce qu'il en advient et ce qu’on peut en faire, prend rapidement des couleurs passionnées; elle est ressentie comme lourde, pénible. Elle provoque des doutes, des interrogations complexes, des jugements, des rancœurs, de la culpabilité (ou une recherche des coupables), parfois des reproches vis-à-vis des collègues, de la hiérarchie, de l'organisation, des services ou des institutions.
La nécessité du travail en commun, de la collaboration de professionnels issus de métiers et de cultures différents, compte tenu de l'organisation actuelle du travail pédagogique, éducatif et social et de l'augmentation des problèmes et des difficultés, donc au besoin de spécialistes dans leur domaine (interdisciplinarité), tendrait à démontrer l'intérêt et même la nécessité du partage des informations.
On parle en effet souvent d’un « droit à l’information ». Mais de quoi s’agit-il ? d’un droit de l’individu ? de l’équipe ? de la hiérarchie ? Est-ce un droit de savoir, ou d’être informé ? Un droit de ne rien dire ? Quelles sont aussi les obligations légales et les devoirs professionnels ?
Le point central tourne autour de la tension entre deux « obligations » légales:
- le secret professionnel ou secret de fonction, qui implique l'obligation de se taire, de ne pas divulguer;
- l'obligation de signaler, voire de dénoncer (nouvelle LAJ).
On peut en conclure que le secret ne peut plus désormais être garanti, dans la mesure où le professionnel doit « collaborer », et parfois dénoncer.
De là découle une certaine gradation entre deux niveaux de transmission des informations, en fonction de la nature de la relation qui s’établit:
- la communication privilégiée, qui prend forme de confidence (j’ai confiance - je me fie à toi - et tu ne feras pas mauvais usage de l’information que nous partageons) ;
- le secret (registre de l’interdit).
Qu’en est-il alors de cette question du secret?
Le secret
Je pense à la boutade bien vaudoise : « un secret est quelque chose que je ne révèle à pas plus de trois personnes à la fois… ». Il y a là davantage qu’un simple paradoxe provocateur.
En effet, les systémiciens se sont beaucoup intéressés au secret. Voici la définition qu'en donne Jacques-Antoine Malarewicz (2000) : « Un secret est constitué par une information dont l'existence est connue, mais doit être ignorée. Autrement dit un secret dont l'existence n'est pas connue n'est pas un secret, il n'a aucune fonction communicationnelle. Il faut ainsi établir une distinction entre le contenu du secret, l'information en elle-même, qui n'est pas accessible à l'ensemble des intéressés, et la " forme " du secret, c'est-à-dire l'utilisation qui en est faite et qui est connue de tous. Le porteur du secret exerce sur les autres un pouvoir important, au sens où je viens de le définir, dans la mesure où il définit le contexte des autres. Il le fait avec d'autant plus de force que la dimension émotionnelle du secret, ou celle qui lui est attribuée est elle-même puissante. Il n'y a pas de liens plus efficaces en terme de dépendance, que ceux qui s'ordonnent autour du secret et de ses conséquences. La plupart des secrets sont ce qu'on appelle des " secrets de polichinelle ". Cela signifie que non seulement certaines personnes doivent faire semblant d'ignorer l'existence du secret mais également son contenu. Ce contenu est d'ailleurs souvent de nature assez banale…» Jacques Derrida, lui aussi, nous met en garde contre « les abus du secret ».
On peut en déduire que, dans nos situations de travail, les secrets sont des informations particulières dont la circulation (ou la non-circulation) peut produire des conséquences plus ou moins importantes.
Christiane Besson
(à suivre)
Médiations... (suite et fin)
A l'origine de l'histoire de la médiation et de son développement, nous trouvons les Quakers, et la Société des Amis, mouvements religieux basés sur des valeurs chrétiennes et en particulier pacifistes, engagés dans la recherche de la résolution non-violente des conflits. L'un des leurs, Wil Warren, s'engage comme « médiateur » à 65 ans dans un contexte difficile de Derry en Irlande du Nord . En 1701 déjà, William Penn, accompagné de Quakers et de Mennonites, fondait ce qui deviendra la Pennsylvanie et signait un traité d'amitié et de coopération avec les Indiens d'Amérique du Nord. Dans d'autres cultures certaines études relèvent l'existence de procédures de résolution non-violente des conflits, par exemple en Inde, et au Zaïre (Bailly et al.1993).
C'est cependant vers 1970 que la Société des Amis a formalisé les premiers programmes de médiation scolaire, visant à apprendre aux enfants à résoudre les conflits de manière non violente. Dans les années 1980 le thème a été repris avec l’idée d'en élargir l'implication et de l'emmener dans la rue : la médiation de voisinage était née, avec les premières médiations « communautaires » (Pingeon et al., 2007).
Relevons certaines particularités de la médiation qui peuvent intéresser les travailleurs sociaux. Elle se situe à la croisée de l'humanitaire, de l'éthique et du politique ; les actes qu’elles préconise sont posés en vue d'un bien commun, le travail se fait dans la communauté et avec les personnes concernées, des liens sociaux peuvent se tisser.
Pour qu'une médiation puisse avoir lieu, l'accord des personnes en conflit est nécessaire, peut-être même davantage, leur envie de trouver une solution au niveau le plus proche et le plus simple où la question se pose. Il s'agit d'un processus, d'un chemin qui repose sur la construction d'une confiance réciproque, sur la possibilité de se mettre à la place de l'autre, de devenir créatif ensemble et de continuer la relation, la collaboration, sans trop d'arrière-pensées et sur de nouvelles bases.
Il s'agit d'identifier où chacun se trouve, et comment il définit la difficulté.
La communication non-violente (Marshall B. Rosenberg, 1999) nous aide beaucoup en centrant les personnes sur leurs émotions et leurs besoins spécifiques pour les transformer en demandes, sans rester dans le registre de la plainte et du reproche. Peut intervenir parfois la question de la réparation, ou/et du pardon de chacune des parties…
.
Christiane Besson
Christiane Besson
INTERVENANTS
Jean BÉDARD, écrivain, philosophe et travailleur social, professeur associé à l’Université de Rimouski (Québec).
Christiane BESSON, éducatrice et assistante sociale, M.A. en philosophie, psychopédagogue, formatrice, responsable d’Améthyste (Granges-près-Marnand).
Daniel BOISVERT, directeur du Laboratoire départemental de recherches en communication et intégration sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (Québec).
Roger CEVEY, éthicien et formateur d’adultes (Lausanne).
Dr Pierre CORBAZ, médecin-généraliste et président de l’ALSMAD à Lausanne.
Jacques DEKONINCK, philosophe, psycho-sociologue et analyste transactionnel TSTA, fondateur de l’Académie belge de coaching (Bruxelles).
Dr Paul-André DESPLAND, professeur honoraire du Service de neurologie, CHUV, Lausanne.
Marie-Flore ERNOUX, Service de soins palliatifs, Châtel-St-Denis.
Jocelyne HUGUET MANOUKIAN, ethnologue et psychologue, chargée de cours à l’Université Lumière (Lyon).
Dr Laurent JUNIER, médecin adjoint au DMCP de Lausanne, médecin responsable de La Cassagne.
Jean-Luc LAMBERT, professeur à l’Institut de pédagogie curative de Fribourg.
Jean-François MALHERBE, philosophe et éthicien, professeur d’éthique clinique (Université de Sherbrooke Québec) et de philosophie morale (Université de Trento Italie).
Alain MULARD, consultant, formateur et socio-économiste (Béarn, France).
Françoise de RIEDMATTEN, diététicienne diplômée, Sion.
Dr Jean-Jacques TSCHUMI, médecin-dentiste, Vevey.
Stefan VANISTENDAEL, sociologue et démographe, chargé de recherche et développement du BICE (Genève).
Patricia VUICHARD, Service de soins palliatifs, Châtel-St-Denis.
Alexandre WAEBER, directeur de la Fondation glânoise en faveur des personnes handicapées (Fribourg).
Christine WYSS, assistante sociale, formatrice d’adultes (Neuchâtel).