Relation FamilleS-école : entre Tensions ou
Illusions – du conflit à
la coéducation fusionnelle
Les relations qu’entretiennent les écoles et les
familles aujourd’hui
sont au cœur de beaucoup d’enjeux théoriques, sociaux et plus
particulièrement
politiques. La finalisation du projet de loi sur l’enseignement
obligatoire (
projet LEO en cours de validation au grand conseil vaudois et qui sera
soumis à
votation auprès du peuple vaudois cet automne) prouve encore s'il le
faut l’importance
de trouver des moyens de réguler les tensions ressenties ou perçues par
les
partenaires sociaux de l’instruction publique. Les parents sont tour à
tour vus
comme trop impliqué quand ils questionnent les modèles théoriques qui
sont à la
source des pédagogies scolaires. Et d’un autre côté comme
démissionnaire quand
il ne recherchent pas
le contact ou ne
participent pas aux réunions dans le cadre des écoles. Étonnamment, les
professionnels du milieu scolaire parleront de favoriser l’entrée dans
l’école
des parents, mais on craindra le fait que des organisations de parent
d’élève
s’immiscent trop dans l’établissement ou les groupes de consultations
internes
à l’école.
Ces contradictions visibles entre le discours et
les actions menées
en direction des familles ne s’explique-t-elle pas plus simplement par
le fait
qu’elle révèle de phénomènes plus discrets ou même parfois tabous de
nos
sociétés (kherroubi, 2008). Kherroubi
se
demande si ces résistances ne sont pas plus a relié à des réalités
d’ordre
sociologique, comme les classes sociales. C’est en effet, ce que
mettent en
évidence les recherches, qu’elle a conduites dans ce domaine. Les
enseignants
parlent plus facilement avec un parent de la même classe sociale
qu’eux, ils
éprouvent plus de difficulté à échanger avec une famille d’un autre
milieu
social qu’il soit supérieur ou inférieur pour ce qui est du capital
social. Les
enseignants s’entendent bien avec les
parents qui leur ressemblent ou proviennent du même milieu ou du même
environnement social qu’eux. Dans
la
manière d’aborder les familles Kharroubi relève que « Les parents »
sont loin
d’être un groupe homogène, qu’il serait possible de classer simplement
dans la catégorie
» Les Parents ». Voir à ce sujet les recherches de l’équipe de Martine Kherroubi résumé dans son ouvrage « Des parents dans l’école »
(Kherroubi, 2008).
Quant aux aux familles démissionnaires,
telle qu’elles sont décrites
dans les différents pays Européen. On retrouve toujours les mêmes
caractéristiques. Les familles perçues comme déficientes dans
l’encadrement de
leurs enfants proviennent principalement des milieux de l’immigration
et de ce
que l’on se permet de nommer les classes populaires et défavorisées.
On
retient les caractéristiques de
ces familles considérées comme déficientes ou démissionnaires :
-
Elle
maîtrise avec difficulté le langage oral de
la région de scolarisation ( allophone).
-
Elles
ont un moins bon niveau de formation.
-
Un
statut socio-économique défavorisé
-
Des
emplois physiquement fatigants
-
De
moins bons réseaux sociaux
-
Une
expérience négative de l’école
-
Des
conceptions différentes de l’éducation et de
l’école que le milieu scolaire de leurs enfants.
La régulation familles-école est un
autre aspect important relevé
par les participants aux colloques, c’est que si l’enseignant et les
parents ne
régulent pas leurs relations. C’est alors, l’enfant qui devient le
porteur des
processus de médiations entre les deux mondes. Le fait que les parents
et les
enseignants assument leur contradiction de manière explicite, par un
échange et
un mode de communication formel permet de soulager l’enfant de cette
tâche qui
lui est imposée par l’absence de dispositif concret de régulation
Familles –
Ecole.
Quant aux dispositifs de régulation, il
n’y a pas une manière ou un
modèle définitif pour construire le dispositif concertation
école-famille. Il se
dégage des recherches qu’il peut y avoir plusieurs niveaux de
collaborations possibles.
De la simple information aux parents a la coéducation tel que pratiquée
dans
les écoles d’inspiration anthroposophique. C’est Kherroubi qui
distingue les modèles
de collaboration possible du parent citoyen, du parent partenaire ou du
parent
coproducteur suivant les modèles proposés dans différentes écoles (
Kherroubi,
2008). Paola Milani
souligne qu’il n’y a
pas de géographie plus complexe et délicate que celle qui décrit
l’espace entre
l’école et la famille, en faisant référence aux écrits de Lawrence
lightfoot
« A territorial
warfare a clash of
cultures between the two primary arenas of acculturation in our
society »
( LL. 2003).
La coéducation émerge comme nouveau
concept pédagogique. Une
pédagogie impliquant pour les enseignants
d’ouvrir les écoles aux familles et aux communautés externes. Une
pédagogie qui
se centre sur les processus de développement et les démarche
d’apprentissage et
qui ne se centre pas simplement sur les problèmes comme point de départ
des
interactions Familles-école. Milani souligne que pour travailler sur la
relation
entre l’école et la famille, il s’agit premièrement de travailler sur
les zones
de rencontre, de croisement, d’accueil, de communication. Ce sont les
zones
frontières entre la vie scolaire et la vie familiale qui permettent de
faire
émerger des leviers utiles pour le changement et une meilleure
régulation des
relations FamilleS-école. Elle souligne aussi l’importance d’accueillir
les
familles dans leur diversité. Un regard diversifié sur les familles
doit inviter
les établissements à construire des réponses différentes suivant les
familles
et à ne pas chercher à rassembler les parents comme s’il représentait
un groupe
homogène.
Les
modalités ou techniques
employée par Milani pour développer les compétences parentales et celle
des
équipes pédagogiques est la mobilisation des outils d’enregistrement
vidéo et
l’auto confrontation croisée en vue de faire émerger les
interprétations et
dimensions psychologiques distinctes entre les professionnels et les
parents sur
une même situation.
Elle propose aussi quelques
questions en vue
d’éclairer le partenariat mis en place avec les familles.
Quelques questions pour construire le Partenariat
Familles - école
-
Que
faire pour valoriser les compétences
parentales et la capacité de décision des parents ?
-
Les
savoirs des parents sont–ils reconnus comme
complémentaires et égaux à ceux des enseignants ?
-
As –
t’on fournis aux parents les moyens
nécessaires pour être partenaires et si ou lesquels ?
-
Les
parents connaissent l’agenda de l’école et
la manière dont sont organisées l’année pour les enseignants, les
étapes,
délais importants ?
-
Autant
les parents que les enseignants ont-ils clarifié
leurs craintes, leurs attentes, se sentent il confiant et compétent ?
Quelles craintes ou réserves à clarifier ?
Clarifier
les peurs et les craintes des parents envers le savoir et les
compétences des enseignants. |
Clarifier
les peurs et les craintes des enseignants envers le savoir et les
compétences des parents. |
-
Peur
de l’intrusion dans la famille. -
Peur
d’entrer en conflit. -
Peur
d’être mis à l’écart. -
Peur
de ne pas être à la hauteur. -
Peur
de montrer leur mauvais côté de parents. -
Peur
de pointer des choses difficiles à entendre. -
Peur
de la vérité. -
Peur
d’être ignoré -
Peur
d’être ignoré dans son savoir-faire -
Peur
de se faire cacher la vérité. -
Peur
de trop parle. -
Etc.
|
-
Peur
de ne plus être reconnue dans une compétence professionnelle. -
Peur
de se faire embarquer par le savoir des parents. -
Peur
de dire nos limites. -
Peur
de perdre le pouvoir. -
Peur
de provoquer un conflit dans la famille. -
Peur
de la souffrance des parents. -
Peur
de l’espoir des parents. -
Peur
des émotions des parents. -
….
|
La posture
de l’intervenant
externe dans les processus de régulation des relations
familles-école présente elle deux
biais auquel il
faut prêter la plus grande attention :
1
La tendance à penser que les
difficultés rencontrées par les parents sont d’ordre individuel et
relèvent
principalement de facteur interne à l’individu ( psychologie). Et donc
à une
minimisation des facteurs externes ( statut social, finance,
environnement
social).
2
La tendance après avoir dépassé
le stade de la disqualification du parent de passer à une
disqualification des
enseignants. Le plus délicat est de conserver une attitude neutre en
vue de ne
pas changer simplement de bouc émissaire.
En conclusion, je dirais à la suite de ce
colloque qu’ il n’est pas
possible de trancher simplement par une liste de bonne pratique qui
permettrait
de savoir comment résoudre un conflit historique et général entre
l’instruction
publique et l’éducation familiale. Ce conflit impose un niveau de
complexité et
surtout une approche dynamique spécifique à chaque établissement et
envers chaque
famille. Il s’agit certainement dans un premier de s’arrêter aux
procédures
d’accueil, de communication et de régulation déjà existant dans
l'établissement
avant de vouloir extrapoler où lancer de nouvelles actions innovantes
qui n'auront
pour but que de jeter de la poudre aux yeux au partenaires politiques
ou
sociaux. D’ailleurs ces dispositifs reposants souvent uniquement sur
des efforts
consentis uniquement par
les enseignants
eux-mêmes, sans remise en cause des niveaux structurels et
organisationnels. Il
s’agit donc à mons avis de travailler établissement par établissement
sur la
question de « que
faisons-nous déjà et
que peut – on améliorer en prenant en compte des enjeux réels des
relation Familles
école. C’est donc à un travail d’artisan sur le métier qu’il est utile
de
s’adonner, modestement, simplement, cordialement.
Il
faut que tant l’enseignant,
que le parent se sentent non pas simplement l’instrument d’une
politique
fluctuante. Mais plutôt les partenaires dans un travail de régulation
d’un
conflit irréductible. Dans un partenariat du mieux-vivre ensemble qui
doit
avoir pour but final les processus d’apprentissage et de développement
de
l’enfant. Quant à l’idéologie de l’homogénéité sociale, du tout le
monde s’aime
dans le meilleur des mondes, elle devrait à mon avis être clairement
dénoncée.
En effet, la tension entre les structures scolaires et familiales a
aussi son
utilité en vue de l’émergence progressive d’un autre pouvoir de
questionnement,
celui de l’enfant lui-même, le futur citoyen d’une société
démocratique. Si par
malheur l’école et les parents se mettaient à jouer de concert et sans
fausse
note. L’enfant serait alors confronter à un environnement sans
aspérité, sans
confrontation d’idée et de valeur. Le futur citoyen apprendrait
d’autant plus
difficilement le questionnement, l’art du débat, de la dialectique, de
la
critique, de la remise en question qui sont les forces vives du
développement et
de l’évolution des sociétés démocratiques. Au fond, le conflit latent
familles
– écoles peut être considéré comme utile à l’émergence d’un individu
acteur et
qui finalement aura
appris à faire des
choix entre des positions contradictoire, oui, mais surtout explicite.
15
mai 2011, Orbe
Pierre-Alain
Luthi
Kherroubi, M. ( 2008). Des
parents dans l’école. Paris : Erès
Les
relations Familles / Ecole sont au cœur des débats actuels sur
l'éducation. Si
tout le monde s'accorde sur la nécessité de renforcer la coopération
entre les
parents et les enseignants, aucune étude systématique n'avait été
conduite sur
la diversité des pratiques mises en œuvre dans les écoles. La Fondation
de
France a demandé à des chercheurs d'observer et d'analyser les
modalités
concrètes de ces coopérations dans dix-huit établissements primaires
retenus
pour leurs nombreuses actions destinées à favoriser l'entrée des
parents dans
l'école. La richesse des analyses tient au croisement des points de vue
des
parents et des professionnels. On y découvre la façon dont s'organise
quotidiennement cette relation dans des écoles aux caractéristiques
contrastées, les enjeux et les facteurs de cette coopération et ses
conséquences sur la scolarité des enfants. Aux prises avec les réalités
scolaires et familiales d'aujourd'hui, Des parents dans l'école ouvre
aux
lecteurs enseignants, parents, acteurs des collectivités locales, des
pistes de
réflexion et d'actions.
Description de l’ouvrage
Amazon
Lawrence – Lightfoot, S.
(2003) The essential Conversation :
What parents and Teachers Can Learn from Each Other Random USA : Random House
Milani P., Orlando D., L’école
comme lieu de formation des parents, in E. Palacio-Quintin, J.-M.
Bouchard et
B. Terrisse (sous la dir. de), (2004), Questions d'éducation familiale,
Montréal, Les Éditions Logiques, pp. 331-347, chapitre 16.