Nous souhaitons alerter tous les professionnels de l’enfance, chefs d’intersecteurs en pédo-psychiatrie et soignants, orthophonistes, psychomotriciens, inspecteurs de l’Éducation Nationale, directeurs d’écoles et formateurs en IUFM, professeurs des écoles, professionnels des RASED, maîtres référents, médecins scolaires, travailleurs sociaux, personnels des crèches, des PMI et des lieux d’accueil parents-enfants, ainsi que les familles et les associations de parents, sur les problèmes aigus que pose de plus en plus fréquemment la scolarisation de très nombreux enfants en grande difficulté à l’école, de par l’absence de moyens adéquats pour aménager et soutenir cette scolarisation.
Nous rencontrons tous ces enfants en grande difficulté : difficultés relationnelles, difficultés émotionnelles, difficultés d’apprentissage de la lecture, de l’écriture, des mathématiques. Les causes de ces difficultés sont multiples et variées : elles peuvent être liées à des situations sociales, familiales, culturelles, défavorables ou compliquées, ou exprimer des troubles psychiques ou des réactions à des traumas, ou trahir des « allergies » ou « phobies » à la « chose scolaire ». Nous constatons cependant régulièrement que ces moments d’inhibition des fonctions cognitives ou ces périodes de troubles relationnels peuvent être des phases du développement d’un enfant, ou des réactions normales, voire salutaires, aux divers aléas de sa vie en famille ou à l’école. Nous constatons chaque jour l’évolution et la réversibilité de tels symptômes, de sorte que nombre de ces enfants peuvent avec succès réintégrer l’école après un parcours de soins (hôpital de jour, psychothérapie, etc.).
La loi du 11 février 2005 définit, à juste titre, le handicap comme « une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions ». Ainsi, l’étiquetage des enfants qui rencontrent des difficultés dans leur parcours de vie ou leur parcours scolaire comme « handicapés » tend à blesser inutilement l’enfant et sa famille, à cristalliser des difficultés passagères et à rendre plus difficiles des évolutions positives. Loin d’apporter une aide, il peut marquer négativement à vie le destin d’un enfant, alors même qu’un tel étiquetage est souvent médicalement fragile ou injustifié. Nous refusons l’extension de la notion de handicap à l’ensemble des enfants suivis par les secteurs de pédo-psychiatrie. Ces enfants sont porteurs de symptômes qui ont un sens dans leur existence et qui ne peuvent être réduits à de présupposés « déficits » ou « troubles » neurologiques, même s’ils perturbent le cours « normal » de leurs apprentissages.
Les lois de 1975 puis de 2005 ont amélioré la prise en charge des enfants handicapés, assoupli les modalités de leur scolarisation et développé les moyens de l’accompagner. Cependant, les très nombreux élèves en difficulté qui ne relèvent pas ou ne devraient pas relever des logiques médicales et institutionnelles du handicap ne peuvent plus guère bénéficier que des moyens très limités des RASED. Pour presque tous les autres aménagements de la scolarisation, la famille doit s’adresser à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), donc faire étiqueter son enfant comme « handicapé ». Dans ces conditions, les familles, les enseignants et les soignants sont dans l’obligation soit de faire entrer l’enfant dans les logiques administratives du handicap, dont il ne devrait pourtant pas relever, pour obtenir ou tenter d’obtenir les aides nécessaires, soit de renoncer à des moyens indispensables à un accompagnement convenable de sa scolarisation.
Cette profonde inadaptation du cadre institutionnel actuel aux problématiques des élèves en grande difficulté à l’école aggrave leurs perturbations psychiques et comportementales, plonge leurs familles dans le désarroi et met à mal, parfois très violemment, les équipes pédagogiques des écoles qui doivent vivre au jour le jour avec ces enfants institutionnellement à l’abandon.
Par ailleurs, nous avons conscience d’autres problèmes dans le domaine des handicaps. Le choix de la scolarisation « ordinaire » tend également à restreindre considérablement les moyens de prise en charge adaptée des enfants et adolescents handicapés, en particulier de ceux dont les handicaps sont les plus pesants. Ils sont de plus en plus souvent amenés à se morfondre dans les classes, aux côtés des enfants en difficultés, dans le même abandonnisme institutionnel, malgré la bonne volonté des enseignants et des éventuels accompagnants.
C’est pourquoi il nous semble urgent de mettre ou de remettre à la disposition des élèves en grande difficulté et des équipes en charge de leur scolarisation les aides susceptibles de s’avérer indispensables, sans les contraindre à en passer par la MDPH. Il s’agit en particulier :
• de possibilités d’aménagement souple et évolutif des temps scolaires ;
• de moyens d’accompagnement individuel pour soutenir le maintien de l’élève en difficulté en classe ordinaire, du type des « auxiliaires de vie scolaire », mais dotés d’une formation certifiée et d’un emploi stable ;
• de classes à effectif réduit et à pratiques pédagogiques adaptées, à fonctionnement souple et ouvert, confiées à des enseignants spécialisés formés et reconnus ;
• de permettre l’orientation vers les Instituts Thérapeutiques, Éducatifs et Pédagogiques (ITEP) sans passer par le cadre du handicap.
Pour suivre ces élèves et organiser la mise en œuvre de ces aides, avec souplesse, continuité et professionnalisme, il nous semble également indispensable de créer ou de rétablir des structures de collaboration entre toutes les personnes concernées par l’éducation, le soin et la scolarisation des élèves en grande difficulté : familles, équipes pédagogiques, RASED, services de soins, autorités académiques et travailleurs sociaux.
Appel à l’initiative des premiers signataires suivants :
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